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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1362/2025

ATAS/611/2025 du 11.08.2025 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1362/2025 ATAS/611/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 11 août 2025

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

 

recourant

contre

 

SVA ZÜRICH

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en 1981, a épousé B______ en décembre 2007. Le couple a deux enfants, nés en octobre 2016 et octobre 2019.

b. En novembre 2022, l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé).

c. Par jugement du 4 avril 2023 (JTPI/4194/2023), le Tribunal de première instance du canton de Genève (TPI) a autorisé l’assuré et son épouse à vivre séparés et a statué sur l’obligation d’entretien de celui-ci à l’égard de ses enfants et de son épouse.

Sur appel, la chambre civile de la cour de céans, par arrêt du 28 août 2023 (ACJC/1097/2023), a partiellement annulé le jugement du TPI et a condamné l’assuré à verser en mains de son épouse des contributions d’entretien mensuelles pour ses enfants, allocations familiales non comprises, soit pour sa fille CHF 430.- du 1er août au 30 septembre 2022, CHF 475.- du 1er octobre 2022 au 31 août 2024 et CHF 510.- dès le 1er septembre 2024, sous déduction du montant de CHF 3'330.- déjà versé à ce titre du 1er août 2022 au 30 avril 2023, et pour son fils CHF 575.- du 1er au 31 août 2022, CHF 660.- du 1er au 30 septembre 2022, CHF 720.- du 1er octobre 2022 au 31 août 2024 et CHF 480.- dès le 1er septembre 2024, sous déduction du montant de CHF 5'422.- déjà versé à ce titre du 1er août 2022 au 30 avril 2023.

d. Le 28 juillet 2023, l’épouse de l’assuré a mandaté le service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires de Genève (ci-après : SCARPA) pour le recouvrement des pensions alimentaires et a signé un ordre de paiement afin que les rentes d’invalidité de l’assuré destinées à ses enfants soient versées à ce service.

e. Le 4 mars 2024, l’assuré a signé un ordre de paiement des indemnités journalières de l’assurance-invalidité en faveur de l’Hospice général (ci-après : l’Hospice), qui lui a versé des prestations d’aide sociale dès avril 2024.

f. Le 15 mai 2024, l’OAI a adressé à l’assuré un projet de décision lui reconnaissant le droit à une demi-rente d’invalidité dès le 1er avril 2024, compte tenu d’une incapacité de travail de 50% dans toute activité dès cette date.

g. Par demande du 20 décembre 2024 à la caisse de compensation du canton de Zurich SVA (ci-après : la caisse), l’Hospice a requis la compensation pour la période du 1er avril 2024 au 31 janvier 2025 des rentes dues à l’assuré avec les avances qu’il avait consenties à celui-ci, à hauteur de CHF 17'305.25 en 2024 et de CHF 207.90 en 2025. Par courriel du 10 janvier 2025 à la caisse, l’Hospice a encore précisé que la rente d’invalidité pouvait être versée directement à l’assuré dès février 2025.

h. Par décision du 13 janvier 2025, rendue en langue allemande, l’OAI a fixé le montant des rentes complémentaires pour les enfants de l’assuré dès le 1er avril 2024 à CHF 303.- par enfant en 2024 et à CHF 311.- par enfant en 2025. Le montant des arriérés de rentes s’élevait à CHF 6'076.-. En cas de demande de compensation, un décompte séparé serait établi. Copie de cette décision a été adressée à l’Hospice et au SCARPA.

Par décision séparée, également rendue en langue allemande à la même date, l’OAI a octroyé une demi-rente à l’assuré dès le 1er avril 2024, qui s’élevait à CHF 756.- par mois en 2024 et CHF 778.- par mois en 2025. Les arriérés, s’élevant à CHF 7'582.- pour la période d’avril 2024 à janvier 2025, étaient versés à l’Hospice.

i. Par courriel du 23 janvier 2025, le SCARPA a informé la caisse du fait que les enfants de l’assuré vivaient avec l’épouse de celui-ci. Il a produit une attestation de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) selon laquelle les enfants étaient domiciliés avec leur mère, à une adresse différente de celle de l’assuré.

j. Par courrier en langue allemande du 31 janvier 2025, la caisse a sollicité de l’assuré certaines informations afin de déterminer à qui seraient versées les rentes pour enfants.

k. Par courriel du 3 février 2025, le SCARPA a confirmé à la caisse avoir versé des avances à l’épouse de l’assuré dès juin 2023. Les époux vivaient séparés depuis le 4 avril 2023.

l. Par formulaire adressé à la caisse le 5 février 2025, l’épouse a requis le versement en ses mains des rentes relatives à ses enfants, confirmant que ceux-ci vivaient avec elle et qu’elle était détentrice de l’autorité parentale.

m. En réponse à une demande de renseignements de la caisse, l’assuré a contesté par courrier du 7 février 2025 toute retenue en faveur du SCARPA sur les rentes destinées à ses enfants, affirmant que celles-ci étaient insaisissables.

n. L’OAI a rendu une nouvelle décision le 21 février 2025, également établie en langue allemande et remplaçant la décision du 13 janvier précédent, qui prévoyait le versement, dès le 1er mars 2025, des rentes pour enfants à l’épouse de l’assuré. Il était précisé qu’une décision serait prochainement rendue sur le paiement des arriérés de rentes destinées aux enfants. Cette décision indiquait qu’un recours était possible à son encontre auprès de la chambre de céans.

o. Par courrier du 10 mars 2025 à l’OAI, l’assuré a déclaré s’opposer à la décision du 21 février 2025 portant sur les rentes relatives à ses enfants, soutenant derechef que celles-ci étaient insaisissables et devaient lui être versées. Il a requis que la décision lui soit adressée en langue française.

p. Le 17 mars 2025, l’OAI a informé l’assuré qu’il avait transmis son courrier du 10 mars 2025 à la caisse, compétente pour la gestion de son dossier, et l’a invité à contacter celle-ci pour toute information. Une contestation devait être formulée par recours auprès de la chambre de céans.

B. a. Par écriture du 15 avril 2025 adressée à la chambre de céans, l’assuré a déclaré interjeter recours « contre la saisie initiée par le SCARPA et « une demande de révision » auprès de la caisse concernant les rentes relatives à ses enfants. Il a conclu au versement de la totalité des arriérés de rentes, soit un montant de CHF 28'568.-, intérêts à 5% en sus, qu’il a chiffrés à CHF 8'570.-, soit au total CHF 37'138.50. Il a contesté toute saisie relative à des créances alimentaires, au motif qu'aucun accord de remboursement n'avait été établi. Toute procédure de saisie devait ainsi être suspendue. Il a soutenu que son revenu mensuel brut de CHF 1'350.- devait être pris en considération dans le calcul de la rente, qui devait également intégrer les indemnités journalières pour perte de gain et ses cotisations et droits relevant de la prévoyance professionnelle. Les décisions le concernant devaient en outre être rendues en langue française, et les détails des versements devaient faire l’objet d’un décompte clair. Le recourant a également soulevé plusieurs griefs au sujet de son revenu avec invalidité, lequel devait être établi en tenant compte de sa capacité de travail résiduelle de 25%.

b. Dans une écriture de réponse rédigée en langue allemande du 8 mai 2025, la caisse a conclu au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité. Elle s’est interrogée sur la tardiveté du recours du 15 avril 2025. Sur le fond, le droit au versement des arriérés de rentes ne faisait pas l’objet de la décision attaquée. La caisse a pour le surplus confirmé l’exactitude du calcul de la rente, soulignant que le revenu réalisé par le recourant ne devait pas être pris en compte dans ce cadre. Dès lors que les enfants vivaient avec leur mère, c’était à juste titre que les rentes étaient versées à celle-ci. La caisse a encore ajouté que l’allemand était une langue officielle en Suisse.

c. Dans sa réplique du 13 mai 2025, le recourant s’est référé à un « décompte de prestations cantonales du 20 juillet 2022 » mentionnant un gain assuré de CHF 4'272.-, soit 21 indemnités journalières de CHF 145.20, ajoutant que son gain assuré ne pouvait être plafonné à hauteur de ces montants, qui étaient inexacts. Sa rente n’avait jamais été versée malgré l’ouverture du droit au 1er avril 2024. Il a soutenu que sa rente mensuelle s’élevait à CHF 2'520.-, ce qui représentait un montant de CHF 63'000.- depuis avril 2023. Les rentes pour enfants s’élevaient à 25 mensualités de CHF 1'512.-, soit en tout CHF 37'800.-. Il a conclu à l’annulation de la décision et des montants mentionnés comme gains assurés, à « imputer la Fondation institution supplétive LPP [à calculer] l'indemnité journalière au moment de l'atteinte à la santé soit gain assurance journalière comme sur le décompte PCM [prétendument annexé] plus MMT - extrait des données de délai-cadre du 11.11.2020 au 10.02.2023 », à dire qu’il avait droit à une demi-rente d’invalidité depuis le 1er avril 2023, au versement en sa faveur d’un montant de CHF 100'800.- avec intérêts à 5% l'an dès le 1er avril 2023, et à ce que la caisse soit condamnée à établir sans délai les décomptes de rente et à rédiger tout courrier en langue française.

b. La chambre de céans a transmis copie de cette écriture à la caisse le 15 mai 2025.

c. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable. En effet, la décision dont est recours est celle du 21 février 2025, et le recourant a déclaré s’y opposer par courrier du 10 mars 2025 à l’OAI, soit dans le délai de 30 jours après sa notification, prévu à l’art. 60 al. 1 LPGA. Cette décision n’était certes pas sujette à opposition, mais à recours. L’écriture du recourant aurait ainsi dû être adressée à la chambre de céans et non à l’OAI, conformément à la voie de droit figurant dans la décision. C’est dès lors à tort que l’OAI a transmis cette écriture à la caisse plutôt qu’à la chambre de céans, compétente pour connaître des contestations à l’encontre de ses décisions. Cela étant, aux termes de l’art. 39 al. 2 LPGA, lorsqu’une partie s’adresse en temps utile à un assureur incompétent, le délai est réputé observé. Cette disposition est également applicable à un recours adressé non pas à un tribunal mais à un assureur, par renvoi de l’art. 60 al. 2 LPGA.

2.             En ce qui concerne la qualité de partie intimée, la chambre de céans relève ce qui suit. 

2.1 Aux termes de l’art. 60 al. 1 LAI, les attributions des caisses de compensation sont notamment les suivantes: collaborer à l’examen des conditions générales d’assurance (let. a) ; calculer le montant des rentes, des indemnités journalières et des allocations pour frais de garde et d’assistance (let. b) ; verser les rentes, les indemnités journalières et les allocations pour frais de garde et d’assistance et verser les allocations pour impotent des assurés majeurs (let. c). 

Selon l’art. 57 al. 1 let. j LAI, rendre les décisions relatives aux prestations de l’assurance-invalidité fait partie des attributions de l’office d’assurance-invalidité. L’art. 41 al. 1 let. d du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité (RAI - RS 831.201) précise que l’office d’assurance-invalidité a notamment pour tâche de notifier les communications, les préavis et les décisions, ainsi que la correspondance y relative. Eu égard à ces dispositions, c’est à l’office d’assurance-invalidité et non à la caisse de compensation qu’appartient la qualité de partie en première instance, quand bien même le litige porte sur les bases de calcul de la rente (ATF 127 V 213 consid. 1c/bb).  

La notion de versement des rentes au sens de l’art. 60 al. 1 let. c LAI englobe également la compensation des prestations de l’assurance-invalidité avec celles d’autres assureurs, ainsi que le remboursement à des tiers qui ont consenti des avances, et les demandes de restitution. Dans ce cadre également, la décision est du ressort de l’office d’assurance-invalidité, quand bien même la caisse de compensation prépare et traite les différents dossiers (Urs MÜLLER, Das Verwaltungsverfahren in der Invalidenversicherung, 2010, n. 2075). À titre d’exemple, le Tribunal fédéral a souligné qu’en matière de restitution de prestations d’invalidité versées par la caisse de compensation, c’est bien l’assurance-invalidité qui est créancière du montant à restituer, même si la caisse de compensation intervient dans la procédure de restitution (arrêt du Tribunal fédéral I 721/05 du 12 mai 2006 consid. 3.2).  

2.2 En l’espèce, bien que la caisse ait été désignée comme partie intimée dans la présente procédure, c’est l’OAI – dont émane d’ailleurs formellement la décision litigieuse – qui a la qualité de partie. Celui-ci ne s’est pas prononcé devant la chambre de céans au sujet du recours contre sa décision. Au vu du sort du litige, il n’est toutefois pas utile de solliciter des observations de sa part, a fortiori dès lors qu’il est usuel que l’OAI se contente de se rallier aux déterminations de la caisse de compensation lorsqu’un litige porte sur un point faisant partie des attributions de celle-ci, tel que les modalités de versement des prestations.

3.             Dans la procédure juridictionnelle administrative, seuls peuvent en principe être examinés et jugés les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement d'une manière qui la lie, sous la forme d'une décision, en règle générale sur opposition. Dans cette mesure, la décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice par voie de recours (ATF 131 V 164 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral I 12/01 du 9 juillet 2001 consid. 1). 

La décision du 21 février 2025 faisant l’objet du présent recours porte sur le droit aux rentes complémentaires pour enfant dès le 1er février 2025, en particulier sur leurs modalités de versement. Cela étant, dans le cadre de la présente procédure, le recourant a également critiqué la capacité de travail et le revenu d’invalide retenus, alléguant n’être apte à travailler qu’à 25%, ainsi que la date de début du droit aux prestations. Dans cette mesure, il conteste également l’étendue temporelle du droit à la rente et son degré d’invalidité, et partant la quotité de la rente qui lui est due. Or, celle-ci a également une incidence sur le droit aux rentes complémentaires pour ses enfants, qui sont fixées à 40% de la rente d’invalidité (art. 38 al. 1 LAI).

Certes, la décision du 13 janvier 2025 portant sur le droit à la rente principale destinée au recourant n’a pas formellement fait l’objet d’un recours. Dans un tel cas, une décision entre en principe en force à l’expiration du délai de recours. Toutefois, une décision qui n’est pas rendue dans la langue officielle suisse dans laquelle s’exprime l’assuré relève d’une notification irrégulière (René WIEDERKEHR, ATSG-Kommentar, 5e éd. 2024, n. 57 ad art. 49 LPGA ; pour un exemple dans lequel une décision a été annulée en raison d’une notification irrégulière car adressée en langue française à une assurée italophone vivant en Italie, SVR 2002 AHV n° 12 consid. 4b). Or, l’art. 49 al. 3 LPGA, à teneur duquel la notification irrégulière d'une décision ne doit entraîner aucun préjudice pour l'intéressé, consacre un principe général du droit qui concrétise la protection constitutionnelle de la bonne foi et les garanties conférées par l'art. 29 al. 1 et 2 de la Constitution fédérale (Cst. - RS 101) (arrêt du Tribunal fédéral 8C_349/2024 du 19 décembre 2024 consid. 3.2.2). La jurisprudence n'attache pas nécessairement la nullité à l'existence de vices dans la notification ; la protection des parties est suffisamment garantie lorsque la notification irrégulière atteint son but malgré cette irrégularité. Il y a lieu d'examiner, d'après les circonstances du cas concret, si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l'irrégularité de la notification et a, de ce fait, subi un préjudice. Il convient à cet égard de s'en tenir aux règles de la bonne foi qui imposent une limite à l'invocation du vice de forme. Ainsi l'intéressé doit agir dans un délai raisonnable dès qu'il a connaissance, de quelque manière que ce soit, de la décision qu'il entend contester. Cela signifie notamment qu'une décision, fût-elle notifiée de manière irrégulière, peut entrer en force si elle n'est pas déférée au juge dans un délai raisonnable (arrêt du Tribunal fédéral 8C_664/2015 du 13 juin 2016 consid. 3.1). En l’espèce, le recourant a bien agi dans un délai raisonnable après réception des décisions de l’intimé, puisqu’il s’est adressé le 10 mars 2025 à l’intimé avant de saisir la chambre de céans le 15 avril 2025 et a requis une nouvelle notification des décisions en langue française.

Compte tenu de ce qui précède, la décision du 13 janvier 2025 portant sur la quotité de la rente d’invalidité du recourant ne saurait être considérée comme entrée en force, et bien qu’elle ne soit pas formellement l’objet du recours, il convient d’étendre l’objet du litige à ce point.

En revanche, le versement des arriérés de prestations au SCARPA et à l’Hospice n’a pas encore été tranché – la caisse ayant indiqué que des décisions séparées seraient rendues sur ce point –, si bien qu’il ne fait pas partie de la présente procédure.

Les conclusions du recourant tendant à ce que la caisse de pension soit invitée à calculer son droit aux prestations sont quant à elles exorbitantes à la présente procédure, qui ne porte que sur le droit aux prestations de l’assurance-invalidité. Elles sont partant irrecevables.

4.             Le droit d’être entendu est une garantie constitutionnelle ancrée à l’art. 29 al. 2 Cst.

4.1 Cette garantie confère notamment au justiciable le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, d'avoir accès au dossier, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, dans la mesure où il l'estime nécessaire (arrêt du Tribunal fédéral 5D_119/2017 du 20 juillet 2017 consid. 2.1 et les références).  

Le droit d’être entendu en vertu de l’art. 29 al. 2 Cst. a également pour corollaire l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et exercer son droit de recours à bon escient, et l'autorité de recours, exercer son contrôle. Pour satisfaire à ces exigences, il suffit de mentionner, au moins brièvement, les motifs qui ont guidé l’administration ou le juge et sur lesquels la décision est fondée ; ceux-ci ne devant pas se prononcer sur tous les moyens des parties, mais pouvant au contraire se limiter à ceux qui apparaissent pertinents (arrêt du Tribunal fédéral 5A_143/2024 du 11 septembre 2024 consid. 4.1 et les références).

4.2 La violation du droit d'être entendu, de caractère formel, doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond. Selon la jurisprudence, sa violation peut cependant être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_263/2024 du 27 novembre 2024 consid. 4.1.2). Toutefois, une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte qui n'est pas particulièrement grave aux droits procéduraux de la partie lésée. Cela étant, une réparation de la violation du droit d'être entendu peut également se justifier, même en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (arrêt du Tribunal fédéral 2D_34/2021 du 22 décembre 2021 consid. 3.2).

5.             Dès lors que la procédure d’instruction quant aux modalités de versement des rentes a eu lieu en langue allemande, et que les décisions sur le droit aux prestations ont été rendues en cette langue malgré les requêtes du recourant, la chambre de céans rappelle ce qui suit. 

5.1 Selon l'art. 70 al. 2 Cst., les cantons déterminent leurs langues officielles. Afin de préserver l'harmonie entre les communautés linguistiques, ils veillent à la répartition territoriale traditionnelle des langues et prennent en considération les minorités linguistiques autochtones. Cette disposition consacre le principe de la territorialité des langues, qui ne constitue pas un droit constitutionnel individuel, mais représente une restriction à la liberté de la langue dans la mesure où il permet aux cantons de prendre des mesures pour maintenir l'homogénéité et les limites traditionnelles des régions linguistiques (ATF 136 I 149 consid. 4.2). L’art. 5 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (CstGE - A 2 00) prévoit que la langue officielle est le français.

Le Tribunal fédéral a précisé que les organismes de droit public ou de droit privé qui agissent en leur propre nom mais pour le compte de la Confédération dans l'accomplissement d'une tâche de celle-ci, par exemple, dans le domaine des assurances sociales, doivent utiliser celle des trois langues officielles de la Suisse dans laquelle s’exprime le destinataire de la décision (ATF 108 V 208 consid. 1). Les autorités cantonales de dernière instance notifient leurs décisions dans la langue officielle prescrite par le droit cantonal (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2e éd. 2015, p. 374). Il est par ailleurs indiscutable qu’une autorité cantonale peut exiger, en vertu du principe de territorialité qui prévaut en matière de droit des langues, que les écritures lui soient adressées dans la langue officielle du canton (ATF 109 V 224 consid. 2), sous réserve d’une disposition de droit international contraire (cf. pour un exemple arrêt du Tribunal fédéral 8C_248/2022 du 30 août 2022 consid. 2.2.1). En outre, selon le chiffre 6016 de la circulaire sur la procédure dans l’assurance-invalidité (CPAI) dans sa version en vigueur dès le 1er janvier 2025, les prononcés et les autres documents destinés à être portés à la connaissance de l’assuré sont rédigés dans la langue de ce dernier, pour autant qu’il s’agisse de l’une des langues officielles admises par le canton.

5.2 Le Tribunal fédéral a précisé à plusieurs reprises les aspects linguistiques du droit d’être entendu. Sa jurisprudence à ce sujet peut être résumée de la manière suivante : les échanges entre l’assureur social et l’assuré doivent avoir lieu dans la langue officielle que parle ce dernier. En application du principe de la territorialité, s’il s’agit d’un organisme cantonal, c’est la langue officielle du canton qui doit être utilisée. L’assureur social a le droit de rédiger certaines pièces du dossier, en particulier des notes internes, dans une autre langue que celle de la procédure, qui est la langue utilisée dans les rapports avec l’assuré. Ce dernier ne peut alors en exiger la traduction dans la langue de la procédure, pas plus qu’il ne peut, en vertu du droit d’être entendu, exiger la traduction du dossier ou de certains éléments du dossier dans sa langue maternelle (Anne-Sylvie DUPONT in Commentaire romand LPGA, 2018, n. 7 ad art. 48 LPGA et les références).   

En matière d’instruction médicale sous forme d’expertise, le Tribunal fédéral a considéré, eu égard à la garantie constitutionnelle de la non-discrimination du fait notamment de la langue (art. 8 al. 2 Cst.) et de la liberté de la langue (art. 18 Cst.), qu’il y a en principe lieu de désigner des experts s’exprimant dans une langue officielle qu’un assuré maîtrise, et que celui-ci a à défaut le droit non seulement d'être assisté par un interprète lors des examens médicaux, mais encore d'obtenir gratuitement une traduction du rapport d'expertise (ATF 127 V 219 consid. 2). 

5.3 En l’espèce, il n’est pas contesté que l’OAI du canton de Genève est compétent. En effet, l’art. 55 al. 1 1ère phrase LAI dispose que l’office d’assurance-invalidité compétent est, en règle générale, celui du canton dans lequel l’assuré est domicilié au moment où il exerce son droit aux prestations.

6.             Compte tenu de ce qui précède, la procédure aurait dû être menée en langue française et les décisions auraient dû être rendues en cette langue. La caisse ne l’ignorait pas, et elle a du reste annoté le courrier du 23 janvier 2025 du SCARPA comme suit : « Verfügungen müssen auf französisch sein » et « [x] sucht die französischen Vorlagen Verfügungen und schickt sie mir », soit « Les décisions doivent être en français » et « [x] recherche les modèles de décisions en français et me les envoie ».    

Ainsi, le fait pour l’intimé de statuer en langue allemande sur le droit aux prestations du recourant et sur les modalités de versement des rentes n’est pas conforme au droit.  

Sur le fond, la caisse et l’intimé ne se prononcent nullement sur les griefs du recourant en lien avec son incapacité de travail et le degré d’invalidité qui en résulte, dont l’admission aurait comme on l’a vu une incidence sur le montant des rentes complémentaires d’invalidité destinées à ses enfants. La caisse semble du reste s’être méprise sur la portée de ces griefs – qui ne sont certes pas formulés de manière très claire. En effet, le recourant ne paraît pas contester le calcul de la rente en tant que tel, mais bien plutôt le calcul du degré d’invalidité, eu égard à ses arguments quant au revenu d’invalide réalisé et à sa capacité de travail résiduelle.

On soulignera par surabondance que l’intimé n’a donné aucune indication sur les motifs de révocation de sa décision du 13 janvier 2025 dans sa décision du 21 février 2025, ce qui paraît également douteux du point de vue des exigences de motivation.

Au vu de son défaut de motivation et de son établissement en langue allemande, la décision du 21 février 2025 viole le droit d’être entendu du recourant. Si la chambre de céans dispose d’une pleine cognition en fait et en droit, on ne se trouve pas dans le cas d’espèce dans une situation dans laquelle une telle violation pourrait être considérée comme réparée, notamment dès lors que ni l’intimé ni la caisse ne se sont déterminés sur les arguments du recourant quant à son degré d’invalidité d’une manière permettant d’en analyser le bien-fondé. Dans ces conditions, il n’appartient pas à la chambre de céans de pallier les lacunes de l’intimé dans l’instruction et le traitement des objections du recourant. Elle n’est du reste pas en mesure de le faire, puisque la caisse n’a produit qu’un extrait du dossier constitué par l’intimé – on soulignera notamment que le bordereau transmis à l’appui de sa réponse ne contenait même pas le formulaire rempli par l’épouse du recourant le 5 février 2025 sollicitant le versement des rentes complémentaires pour enfants en ses mains, qui a été produit par celui-ci.

Dans ces circonstances, la décision de l’intimé du 21 février 2025 est annulée.

Il convient de renvoyer la cause à l’intimé, qui devra statuer une nouvelle fois par des décisions en français sur les modalités de versement des rentes destinées aux enfants du recourant dès le 1er mars 2025 et sur le droit à la rente de celui-ci.

7.             Compte tenu de l’annulation de la décision, la chambre de céans renoncera à appeler en cause l’épouse du recourant.

8.             Le recours est partiellement admis.

Le litige n’étant pas limité aux simples modalités de paiement de la rente mais relevant d’une contestation sur le droit aux prestations, la procédure n’est pas gratuite (art. 69 al. 1bis LAI a contrario). Partant, l’intimé supporte l’émolument de procédure de CHF 200.-.

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

Au fond :

1.        Admet partiellement le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

2.        Annule la décision de l’intimé du 21 février 2025.

3.        Renvoie la cause à l’intimé pour nouvelles décisions au sens des considérants.

4.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le