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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1815/2024

ATAS/587/2025 du 13.08.2025 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

ErÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1815/2024 ATAS/587/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 août 2025

Chambre 4

 

En la cause

 

A______ 

Représentée par Me Diana ZEHNDER LETTIERI, avocate

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante) est née le ______ 1968, mariée et mère de deux enfants, B______, née le ______ 1999, et C______, né le ______ 2002. Elle a travaillé comme secrétaire à 100% aux Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après : HUG) dès le 1er mai 1994. Elle est au bénéfice d’un CFC d’employée de commerce et d’une formation d’aide-soignante.

b. En août 2018, elle a eu une perte soudaine d’audition avec des vertiges et des acouphènes.

B. a. Elle a demandé les prestations de l’assurance-invalidité pour ce motif le 29 octobre 2019.

b. Le 2 décembre 2019, l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI ou l’intimé) a pris en charge un forfait pour un appareil acoustique binaural pour l’assurée.

c. Le 7 juin 2021, l’assurée a formé une nouvelle demande de prestations de l’assurance-invalidité indiquant être en incapacité de travail à 100% dès le 12 décembre 2020 en raison d’un épuisement physique et d’un burnout, notamment.

d. Dans un rapport établi le 24 juin 2021, le docteur D______, du service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale des HUG, a indiqué que l’assurée présentait une surdité profonde à droite et légère à gauche. Il retenait l’indication à une implantation cochléaire à droite.

e. Dans un rapport du 24 juillet 2021, la docteure E______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, a indiqué que l’assurée souffrait d’un trouble de l’adaptation chronique avec anxiété et humeur dépressive (F43.24), d’un problème professionnel (Z56.7), d’un vertige de Ménière, d’une surdité, d’acouphènes et de HTA. L’assurée et ses collègues dénonçaient un problème de cahier des charges depuis environ quatre ans à leurs supérieurs hiérarchiques, sans effet. Au cours des deux dernières années, un syndrome de Ménière s’était développé de manière insidieuse chez l’assurée ainsi qu’une surdité, des vertiges, des acouphènes et des céphalées avec une surcompensation professionnelle et le sentiment d’avoir été instrumentalisée par sa hiérarchie. Elle était incapable de lire et de faire ses activités quotidiennes, et devait se reposer après le moindre effort. Sa capacité de travail était de 0%.

f. Selon un compte rendu opératoire du 30 septembre 2021, l’assurée a fait l’objet d’une implantation cochléaire à droite.

g. Dans un rapport établi le 11 novembre 2021, la docteure F______, spécialiste en médecine interne, a indiqué que le diagnostic ayant une incidence sur la capacité de travail de l’assurée était un déficit vestibulaire avec une surdité brusque ayant nécessité un implant cochléaire en septembre 2021. Elle avait recommencé à conduire récemment, les vertiges et l’hypoacousie l’en empêchant auparavant. Le pronostic était plutôt bon dans une activité adaptée.

h. Dans un rapport de clôture IP (intervention précoce) du 16 mai 2022, il est indiqué qu’une reprise thérapeutique à l’accueil des soins intensifs des HUG avait pu être mise en place pour l’assurée dès le 19 avril 2022 avec un horaire de départ de 6 heures par semaine. Le mandat IP était clôturé et réattribué en MOP (mesures d’ordre professionnelle) pour permettre la mise en place d’une mesure de réinsertion selon l’art. 14a de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20) avec un taux d’activité de 20% quand une place adaptée aurait été trouvée.

i. Dans un rapport établi le 30 mai 2022, le Dr D______ a indiqué que l’implant cochléaire redonnait une audition à l’assurée avec les limites dues à la technologie. À partir de 2 à 3 m, la parole était moins bien entendue et en cas de bruit environnant, elle était brouillée par les bruits de fond. Pour assurer la reprise professionnelle, l’assurée avait besoin de travailler dans un environnement le plus calme possible avec le minimum de bruit, que ce soit de conversations de collègues, de téléphones, de photocopieuse ou de passage de personnes, par exemple. Elle pouvait comprendre une conversation au téléphone et un patient en face à face, pour autant que l’ambiance sonore autour d’elle soit calme.

j. L’assurée a commencé un nouveau stage au service ORL des HUG à 20% dès le 28 juin 2022.

k. Selon une note de travail de l’OAI le 25 juillet 2022, l’assurée avait été hospitalisée en urgence pour enlever un calcul suite à une infection urinaire, ce qui n’avait pu être fait. Elle devrait être à nouveau hospitalisée et réopérée à fin août avec un arrêt de travail d’une semaine ou deux. Le stage en ORL se passait très bien et elle pourrait augmenter son taux à 40% au 12 août 2022. Elle allait essayer de faire deux journées complètes pour voir comment allait sa concentration. L’environnement était idéal, car elle était dans un bureau avec une seule autre personne.

l. Selon une note de travail MOP du 30 août 2022, la mise en place d’une mesure de réinsertion avec indemnités journalières était proposée dès que l’assurée pourrait recommencer à travailler au service ORL. La durée du stage, initialement prévue jusqu’au 30 septembre 2022, pouvait être prolongée.

m. L’opération de l’assurée a été reportée au 23 septembre 2022.

n. Dans une note de travail MOP du 17 octobre 2022, l’assurée disait avoir bien récupéré physiquement. En revanche, elle n’avait pas du tout le moral, se sentant abandonnée par les HUG, car son stage en ORL n’avait pas été prolongé. Il lui avait été dit qu’elle avait toujours sa place dans son ancien service, à la gestion des lits, en neurologie, mais ses collègues étaient cinq dans un open space et elle ne se voyait pas du tout dans un tel environnement avec beaucoup de téléphones et de passage. Une place était cherchée pour elle dans un autre service.

o. Selon un rapport MOP du 17 novembre 2022, il était proposé d’octroyer à l’assurée une mesure de réinsertion selon l’art. 14a LAI, sous la forme d’un entrainement progressif auprès de son employeur afin de lui permettre de récupérer une capacité de travail et de déterminer jusqu’à quel taux et dans quel type d’activité.

p. Elle a commencé un stage au secrétariat du foie, au sein du département de la femme, de l’enfant et de l’adolescent (ci-après : DFEA) des HUG, à 40% dès le 7 novembre 2022.

q. Par communication du 1er décembre 2022, l’OAI a informé l’assurée qu’il prenait en charge les coûts d’un entrainement progressif auprès des HUG du 17 novembre 2022 au 31 janvier 2023 par le biais des indemnités journalières.

r. Selon un courriel du 21 décembre 2022, tout se passait bien pour l’assurée qui avait pu augmenter son activité à 50% (stage en pédiatrie). Si la fatigabilité était toujours bien présente, elle faisait en sorte de s’organiser afin de traiter en début de journée les tâches qui lui demandaient le plus de concentration. En procédant de la sorte, elle envisageait une augmentation du taux d’activité à 60% dès janvier 2023.

s. Le 30 janvier 2023, l’OAI a informé l’assurée qu’il prenait en charge les coûts d’un entrainement au travail du 1er février au 30 avril 2023.

t. Selon une note de travail MOP du 28 février 2023, l’assurée se plaisait toujours beaucoup en pédiatrie tant à la gestion des dossiers que du secrétariat. Elle avait débuté un 70% depuis deux semaines. En fin de semaine, elle ressentait davantage de fatigue. Elle allait prendre une semaine de vacances au début du mois d’avril. Elle n’était pas sûre de pouvoir tenir le 70% sur le long terme, car vers 14h-15h, elle ressentait une forte baisse de concentration et d’attention. Elle disait être épuisée le soir quand elle rentrait à la maison.

u. Dans un rapport établi le 4 avril 2023, la Dre F______ a estimé que la capacité de travail de l’assurée dans une activité adaptée était au maximum de 60%.

v. Selon un rapport de surveillance MOP du 17 avril 2023, la mesure de l’assurée était prolongée jusqu’à fin juin 2023. Au 15 février 2023, elle avait essayé d’augmenter son taux à 70% tenant jusqu’à fin mars 2023, puis elle était repassée à 60%

w. Dans un rapport établi le 30 avril 2023, la Dre E______ a indiqué que l’assurée était capable de travailler à 60% et que le 70% avait été un échec.

x. Dans un avis du 26 mai 2023, le SMR a retenu que dans un activité adaptée, l’assurée avait retrouvé une capacité de travail de 20% dès le 28 juin 2022, 40% dès le 12 août 2022, 50% dès le 22 novembre 2022, 60% dès le 2 janvier 2023, 70% dès le 15 février 2023 et 60% dès le 1er avril 2023 en raison d’une fatigabilité.

y. Un rapport final MOP du 5 juin 2023 conclut qu’au terme des mesures de réadaptation, l’assurée avait pu retrouver une capacité de travail de 60% en qualité de secrétaire chez le même employeur dans un environnement adapté à ses limitations fonctionnelles. Compte tenu de son statut de fonctionnaire et du fait qu’elle demeurait chez son employeur dans la même classe de fonction, son salaire demeurait identique, au prorata de son taux d’activité, et la perte de gain se confondait ainsi avec le taux d’incapacité de travail, soit 40%, ce qui correspondait au taux d’invalidité.

C. a. Par projet de décision du 21 août 2023, l’OAI a informé l’assurée qu’elle avait droit à une rente entière dès le 1er décembre 2021 sur la base d’un degré d’invalidité de 100%, puis d’un degré d’invalidité de 80% jusqu’au 31 août 2022. Elle avait ensuite droit à un 60% d’une rente entière jusqu’au 30 novembre 2022, puis un 50% d’une rente entière jusqu’au 31 décembre 2022, puis un 25% d’une rente entière, compte tenu d’un degré d’invalidité de 40%, dès le 1er janvier 2023.

b. Le 24 août 2023, l’assurée a informé l’OAI avoir eu à nouveau des crises de vertige et souffrir d’une immense fatigue. Son médecin avait diminué son taux de travail à 40% depuis le 28 août 2023, au lieu de 60%. Elle avait des angoisses par rapport à son futur.

c. Le 29 août 2023, l’assurée a formé opposition au projet de décision de l’OAI. Son état de santé s’était significativement détérioré ces derniers temps, en grande partie à cause de l’accumulation d’une fatigue extrême résultant des efforts fournis dans son activité professionnelle. Elle était actuellement capable de travailler à 40%. Elle trouvait difficilement envisageable de continuer à travailler à un taux supérieur. Elle demandait le réexamen de son droit à la rente.

d. Dans un rapport établi le 5 septembre 2023, la Dre F______ a informé l’OAI qu’elle avait dû prendre la décision de diminuer le taux de travail de l’assurée à 40%, le 23 août 2023, vu l’évolution insatisfaisante de son état de santé. Du 1er janvier à fin août 2023, celle-ci avait réussi à fonctionner à 60%, en prenant régulièrement des jours de vacances. Depuis quelques semaines, elle signalait une asthénie marquée associée à une recrudescence de vertiges invalidants particulièrement après des journées entières de travail. Cette fatigue intense se répercutait directement sur sa capacité à assumer les tâches de la vie quotidienne, puisqu’elle n’était même plus capable de prendre un repas en famille après une journée de travail. Ces éléments avaient eu un impact direct négatif sur sa thymie et elle présentait une recrudescence de troubles du sommeil et de l’anxiété. Elle avait augmenté la cadence des consultations avec sa psychiatre et son traitement psychotrope avait dû être adapté. La Dre F______ appuyait l’opposition de l’assurée.

e. Le 5 octobre 2023, la Dre E______ a indiqué que l’assurée avait pris cinq semaines de vacances entre avril et juillet 2023, ce qui avait faussé l’appréciation de sa capacité d’adaptation à 60%. Alors qu’elle était euthymique de longue date, elle avait développé un état anxio-dépressif aigu dès le 1er août 2023 et elle avait été mise en arrêt de travail par son médecin traitant deux jours après sa reprise de travail à mi-août. Elle présentait, le 13 août 2023, une importante bradypsychie avec un ralentissement psychomoteur, une fatigabilité intellectuelle importante, un langage très ralenti, des céphalées et des vertiges non rotatoires, des palpitations et des angoisses dès 4 heures de travail, et elle ne répondait que partiellement au repos. Une tentative de changement antidépresseur, par l’introduction progressive du Trittico, avait été soldée par un échec avec une aggravation de l’asthénie et un développement d’œdèmes et une prise de 4 kg en une semaine. Il y avait toutefois eu un effet positif sur le sommeil et l’anxiété. Le Brintellix avait été réintroduit puis augmenté à 10 mg par jour. L’assurée avait repris le travail à 20%, deux fois 4 heures par semaine, depuis le 29 septembre 2023. Elle présentait le même status que le 13 août après 4 heures de travail. Elle ne pourrait plus travailler à 60%. Le taux de travail serait augmenté progressivement dans l’activité adaptée jusqu’à 40% maximum. L’adaptation à l’implant cochléaire ainsi que toute activité nécessitant une importante concentration chez cette femme de 53 ans épuisaient rapidement ses fonctions exécutives et engendraient une importante bradypsychie avec un ralentissement du langage et des céphalées affectant tous les aspects de sa vie, dont l’activité adaptée. Un état dépressif léger réactionnel à l’échec de l’activité à 60% était également présent, car l’assurée était très volontaire et avait tout fait pour pouvoir travailler à 60%.

f. Dans un rapport d’examen neuropsychologique du 2 novembre 2023, G______, psychologue FSP et neuropsychologue spécialiste ASNP, a conclu que l’examen neuropsychologique ne montrait aucun déficit cognitif relevant chez l’assurée. Le questionnaire HAD mettait par contre en évidence une composante thymique significative. Celle-ci, associée à un mauvais sommeil et à une surcompensation due à la perte auditive, était très certainement à l’origine de la plainte cognitive de l’assurée.

g. Selon une note de travail de l’OAI du 31 janvier 2024 faisant suite à une séance aux HUG du 30 janvier 2024, en fin de prestation depuis le 29 décembre 2022, la capacité de travail de l’assurée était évaluée entre 30 et 40% en tant que secrétaire. Il lui était impossible d’augmenter son taux de travail en raison de son état de santé.

h. Dans un avis du 23 février 2024, le SMR a relevé que l’instruction avait été complétée pour connaitre l’évolution de l’état de santé de l’assurée depuis août 2023.

Du point de vue ORL, les spécialistes notaient une amélioration du déficit vestibulaire droit par mécanisme compensatoire sans aggravation du déficit auditif. Aucune aggravation n’était donc rendue plausible.

D’un point de vue psychiatrique, l’investigation des plaintes cognitives par un bilan neuropsychologique n’avait pas objectivé de troubles relevants. La psychiatre de l’assurée notait une fatigue multifactorielle fluctuante et un épisode dépressif moyen associé à des facteurs contextuels défavorables. Elle estimait sa capacité de travail à 30% au 30 novembre 2023 et à 40% au 12 janvier 2024. Les limitations fonctionnelles apparaissaient cependant superposables à celles qui prévalaient précédemment et qui avaient été jugées compatibles avec l’exercice de l’activité de secrétaire à 60%. Ainsi, la psychiatre semblait faire une appréciation différente d’un même état de fait tenant compte notamment des facteurs de stress professionnel. Au vu de ces éléments, les conclusions du SMR du 26 mai 2023 restaient valables.

i. Le 3 avril 2024, la responsable de l’équipe de réadaptation de l’OAI a considéré que l’assurée était toujours en reprise à 60% sans arrêt ou interruption. Il s’agissait d’un poste dans le domaine administratif adapté aux limitations fonctionnelles. Les conclusions du service de réadaptation étaient toujours d’actualité, à savoir qu’au terme des mesures de réadaptation, l’assurée avait pu retrouver une capacité de travail de 60% en qualité de secrétaire chez le même employeur dans un environnement adapté à ses limitations fonctionnelles.

j. Par décisions du 24 avril 2024, l’OAI a confirmé son projet de décision et informé l’assurée du montant des rentes auxquelles elle avait droit.

D. a. Le 24 mai 2024, l’assurée, assistée d’un conseil, a formé recours contre les décisions de l’intimé précitées, concluant à l’annulation de celles-ci et à ce qu’il soit dit qu’elle devait être mise au bénéfice d’une rente d’invalidité de 60% basée sur un degré d’invalidité de 60% dès le 1er janvier 2023.

b. Par réponse du 8 juillet 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours et proposé la jonction des causes. Seul était contesté par la recourante son degré d’invalidité de 40% dès le 1er janvier 2023 retenu par l’intimé. Au terme des mesures de réadaptation, la recourante avait pu retrouver une capacité de travail de 60% en qualité de secrétaire chez le même employeur dans un environnement adapté à ses limitations fonctionnelles. Les éléments médicaux apportés en procédure de recours n’apportaient pas d’élément parlant en faveur d’une aggravation objective de l’état de santé somatique ou psychiatrique de la recourante. Il n’y avait donc pas d’indication à une expertise pluridisciplinaire et les précédentes conclusions du SMR restaient valables.

c. Par ordonnance du 30 juillet 2024, la chambre de céans a ordonné la jonction des causes qui se rapportaient à une situation identique.

d. Le 9 septembre 2024, la recourante a fait valoir que compte tenu de la divergence d’appréciation entre sa psychiatre et le SMR, une expertise multidisciplinaire, psychiatrique, ORL, neurologique et de médecine générale était nécessaire. La recourante a émis plusieurs critiques sur le rapport du SMR et conclu que celui-ci n’était pas probant.

e. Par réponse du 1er octobre 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours.

f. La recourante a été entendue par la chambre de céans le 12 février 2025.

g. Le 3 mars 2025, l’intimé a informé la chambre de céans avoir pris contact avec le service des ressources humaines des HUG, qui lui avait précisé que la recourante travaillait à 40% et qu’elle était en arrêt à 60%. Depuis le 19 décembre 2022, elle était payée uniquement pour sa capacité de travail à 40%. L’avis du 3 avril 2024 du service de réadaptation comportait ainsi une confusion entre les termes de capacité et d’incapacité de travail. Cet élément ne remettait toutefois pas en question les conclusions de l’intimé. En effet, la mesure dans laquelle une activité lucrative pouvait encore être raisonnablement exigée d’une personne dépendait de critères objectifs, en particulier des limitations dues à son handicap. La possibilité de gain était déterminée en premier lieu par la capacité de travail résiduelle, c’est-à-dire la capacité d’exercer une activité donnée dans des limites déterminées. Peu importait, pour l’évaluation du revenu avec invalidité, que l’assuré exerce effectivement l’activité que l’on pouvait raisonnablement exiger de lui. Il ne pouvait pas prétendre à une rente si, obéissant à des considérations purement personnelles, il n’utilisait pas pleinement sa capacité de travail.

h. Le 24 mars 2025, la recourante a persisté dans ses conclusions.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité de 60% d’une rente entière dès le 1er janvier 2023.

3.              

3.1 Selon la jurisprudence, une décision par laquelle l'assurance-invalidité accorde une rente d'invalidité avec effet rétroactif et, en même temps, prévoit l'augmentation, la réduction ou la suppression de cette rente, correspond à une décision de révision au sens de l’art. 17 LPGA, applicable par analogie (ATF 148 V 321 consid. 7.3.1 ; 145 V 209 consid. 5.3 et les références ; 125 V 413 consid. 2d et les références).

Dans le cadre du développement continu de l’AI, la LAI, le règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité (RAI - RS 831.201) et l'art. 17 LPGA notamment ont été modifiés avec effet au 1er janvier 2022 (modifications des 19 juin 2020 et 3 novembre 2021 ; RO 2021 705 et RO 2021 706).

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

Dans les cas de révision selon l'art. 17 LPGA, conformément aux principes généraux du droit intertemporel (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), il convient d’évaluer, selon la situation juridique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si une modification déterminante pour le droit à la rente est intervenue jusqu’à cette date. Si tel est le cas, les dispositions de la LAI et celles du RAI dans leur version valable jusqu'au 31 décembre 2021 sont applicables. Si la modification déterminante est intervenue après cette date, les dispositions de la LAI et du RAI dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2022 sont applicables. La date de la modification se détermine selon l'art. 88a RAI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2 ; 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).

En l’occurrence, il n’est pas contesté que le droit à la rente de la recourante est né antérieurement au 1er janvier 2022. Toutefois, la question litigieuse est de savoir si un motif de révision est survenu, selon l’art. 88a RAI, à compter de cette date, de sorte que les dispositions applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.

Lorsqu’un droit à la rente a pris naissance antérieurement au 1er janvier 2022, un éventuel passage au nouveau système de rentes linéaire s'effectue, pour les bénéficiaires de rente qui n’avaient pas encore 55 ans à cette date, comme c’est le cas de la recourante, conformément à la let. b des dispositions transitoires de la LAI relatives à la modification du 19 juin 2020 (ci-après : dispositions transitoires de la LAI).

Pour ces assurés, l’ancien système de rente est maintenu jusqu’au moment où, lors d’une révision, le taux d’invalidité subit une modification d’au moins 5 points de pourcentage (cf. art. 17 al. 1 LPGA) et que cette modification comporte soit une augmentation du taux d’invalidité qui a pour effet une augmentation de la quotité de la rente, soit une diminution du taux d’invalidité qui a pour effet une diminution de la quotité de la rente (cf. let. b al. 1 et 2 dispositions transitoires de la LAI). Dans ce cas, la fraction de la rente est adaptée aux nouvelles dispositions et transférée dans le nouveau système de rentes linéaire.

3.2 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3).

Les constatations médicales peuvent être complétées par des renseignements d’ordre professionnel, par exemple au terme d'un stage dans un centre d'observation professionnel de l'assurance-invalidité, en vue d'établir concrètement dans quelle mesure l'assuré est à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du travail. Il appartient alors au médecin de décrire les activités que l'on peut encore raisonnablement attendre de l'assuré compte tenu de ses atteintes à la santé (influence de ces atteintes sur sa capacité à travailler en position debout et à se déplacer ; nécessité d'aménager des pauses ou de réduire le temps de travail en raison d'une moindre résistance à la fatigue, par exemple), en exposant les motifs qui le conduisent à retenir telle ou telle limitation de la capacité de travail. En revanche, il revient au conseiller en réadaptation, non au médecin, d'indiquer quelles sont les activités professionnelles concrètes entrant en considération sur la base des renseignements médicaux et compte tenu des aptitudes résiduelles de l'assuré. Dans ce contexte, l'expert médical et le conseiller en matière professionnelle sont tenus d'exercer leurs tâches de manière complémentaire, en collaboration étroite et réciproque (ATF 107 V 17 consid. 2b ; SVR 2006 IV n. 10 p. 39).

3.3 En vertu de l’art. 28b LAI, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2) ; pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). Pour les taux d’invalidité compris entre 40 et 49%, la quotité de la rente s’échelonne de 25 à 47.5% (al. 4).

La quotité de la rente est déterminée en fonction de l’incapacité de gain au moment où le droit à la rente prend naissance (cf. art. 28 al. 1 let. c LAI). Le droit à la rente naît au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré à fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18e anniversaire de l’assuré (art. 29 al. 1 LAI).

Pour évaluer le taux d'invalidité d’un assuré exerçant une activité lucrative, le revenu qu’il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré. Le Conseil fédéral fixe les revenus déterminants pour l’évaluation du taux d’invalidité ainsi que les facteurs de correction applicables (art. 16 LPGA et 28a al. 1 LAI).

Selon l’art. 24septies RAI, le statut d’un assuré est déterminé en fonction de la situation professionnelle dans laquelle il se trouverait s’il n’était pas atteint dans sa santé (al. 1). L’assuré est réputé exercer une activité lucrative au sens de l’art. 28a al. 1 LAI dès lors qu’en bonne santé, il exercerait une activité lucrative à un taux d’occupation de 100% ou plus (al. 2 let. a).

L’art. 25 al. 1 RAI, est réputé revenu au sens de l’art. 16 LPGA le revenu annuel présumable sur lequel les cotisations seraient perçues en vertu de la LAVS, à l’exclusion toutefois : des prestations accordées par l’employeur pour compenser des pertes de salaire par suite d’accident ou de maladie entraînant une incapacité de travail dûment prouvée (let. a) ; des indemnités de chômage, des allocations pour perte de gain au sens de la LAPG et des indemnités journalières de l’assurance-invalidité (let. b).

Les revenus déterminants au sens de l’art. 16 LPGA sont établis sur la base de la même période et au regard du marché du travail suisse (art. 25 al. 2 RAI).

Selon la jurisprudence, il est possible de fixer la perte de gain d'un assuré directement sur la base de son incapacité de travail en faisant une comparaison en pourcent. Cette méthode constitue une variante admissible de la comparaison des revenus basée sur des données statistiques : le revenu hypothétique réalisable sans invalidité équivaut alors à 100%, tandis que le revenu d'invalide est estimé à un pourcentage plus bas, la différence en pour-cent entre les deux valeurs exprimant le taux d'invalidité (comparaison en pour-cent ; ATF 119 V 475 consid. 2b ; 114 V 313 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_312/2016 du 13 mars 2017 consid. 5.4.1). L'application de cette méthode se justifie lorsque les salaires avant et/ou après invalidité ne peuvent pas être déterminés, lorsque l'activité exercée précédemment est encore possible (en raison par exemple du contrat de travail qui n'a pas été résilié), ou encore lorsque cette activité offre de meilleures possibilités de réintégration professionnelle, en raison, par exemple, d'un salaire sans invalidité supérieur à celui avec invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_237/2016 du 24 août 2016 consid. 2.2 et les références).

Une simple comparaison de pourcentage peut suffire lorsque l’assuré dispose d’une capacité résiduelle de travail dans son activité habituelle et qu’aucune autre activité n’est mieux adaptée à ses limitations fonctionnelles. Le taux d’invalidité est alors identique au taux d’incapacité de travail (cf. ATF 114 V 310 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_562/2022 du 12 septembre 2023 consid. 6 et les références).

4.             En l’occurrence, le SMR a retenu le 23 février 2024, sur la base du dossier de la recourante, qu’aucune aggravation n’avait été rendue plausible sur le plan ORL et que bien que sa psychiatre retenait une fatigue multifactorielle fluctuante et un épisode dépressif moyen associé à des facteurs contextuels défavorables, avec une capacité de travail de 30% au 30 novembre 2023 et de 40% au 12 janvier 2024, il fallait retenir que la recourante était capable de travailler comme secrétaire à 60%, car les limitations fonctionnelles apparaissaient superposables à celles qui prévalaient précédemment et qui avaient été jugées compatibles avec l’exercice de l’activité de secrétaire à 60%. Ainsi, la psychiatre semblait faire une appréciation différente d’un même état de fait tenant compte notamment des facteurs de stress professionnel. Au vu de ces éléments, les conclusions du SMR du 26 mai 2023 restaient valables.

Cet avis du SMR ne permet pas de retenir comme établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’état de santé de la recourante ne s’est pas aggravé en août 2023 ni qu’elle était capable de travailler à 60%. Il est en effet sérieusement remis en cause par les rapports médicaux motivés des médecins traitants de la recourante, soit ceux établis le 5 septembre 2023 par la Dre F______ et le 5 octobre 2023 par la Dre E______.

Il ressort également de ces rapports que la capacité de travail de la recourante pourrait avoir déjà été de moins de 60% depuis janvier 2023, car elle pourrait avoir effectué ce taux en surcharge et en prenant des congés permettant de le gérer (cinq semaines de vacances entre avril et juillet 2023).

Par ailleurs, dans la mesure où le rapport final MOP du 5 juin 2023 retenait, par erreur, une capacité de travail de 60%, au lieu d’un 40%, en qualité de secrétaire aux HUG, dans un environnement adapté à ses limitations fonctionnelles, il se justifie de lui soumettre à nouveau le cas, afin qu’il se prononce à nouveau sur la capacité de travail de la recourante en tenant compte des rapports médicaux des médecins traitants de la recourante ainsi que des constats faits par son employeur. Il convient de rappeler à cet égard que selon une note de travail de l’OAI du 31 janvier 2024, suite à une séance aux HUG du 30 janvier 2024, en fin de prestation depuis le 29 décembre 2022, la capacité de travail de la recourante était évaluée entre 30 et 40% en tant que secrétaire et il semblait impossible d’augmenter son taux de travail en raison de son état de santé. Dans le cas où le service de réadaptation confirmerait une capacité de travail de 60% dans une activité adaptée, il serait alors nécessaire de faire procéder à une expertise indépendante (ORL et psychiatrique) de la recourante.

5.             Le recours est ainsi partiellement fondé. La décision querellée sera annulée en tant qu’elle concerne le droit à la rente de la recourante dès le 1er janvier 2023 et la cause sera renvoyée à l’intimé pour instruction complémentaire pour la période courant dès le 1er janvier 2023. La décision sera confirmée pour les périodes précédentes.

La recourante obtenant gain de cause et étant assistée d’un conseil, elle a droit à des dépens qui seront fixés à CHF 2'500.- et mis à la charge de l’intimé (art. 61 let. g LPGA).

Un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge de l’intimé (art. 69 al. 1bis LAI).


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimé du 24 avril 2024, en ce qu’elle concerne le droit à une rente d’invalidité de la recourante dès le 1er janvier 2023.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire au sens des considérants pour la période courant dès le 1er janvier 2023.

5.        Confirme la décision du 24 avril 2024 pour le surplus.

6.        Alloue CHF 2’500.- à la recourante à titre de dépens, à la charge de l’intimé.

7.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le