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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2887/2024

ATAS/550/2025 du 14.07.2025 ( LAA )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2887/2024 ATAS/550/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 14 juillet 2025

Chambre 10

 

En la cause

 

A______

recourant

 

contre

 

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1981, travaille en qualité de déménageur pour le compte de B______, société située à Meyrin, dont il est l'associé-gérant. À ce titre, il est assuré contre les accidents professionnels et non-professionnels auprès de la CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS (ci-après : SUVA).

b. Le 6 septembre 2021, l’assuré a trébuché sur un trottoir et s’est blessé à la cheville gauche.

c. Une radiographie de la cheville gauche effectuée le 7 septembre 2021 a révélé une fracture non déplacée de type Weber A de la malléole externe.

d. Les 16 septembre et 1er octobre 2021, l’assuré s’est soumis à de nouvelles radiographies, qui ont montré que la fracture Weber A du péroné distal était en voie de consolidation sans déplacement secondaire.

e. La SUVA a pris en charge les suites du sinistre, notamment l’incapacité de travail jusqu’à la reprise d’activité le 21 décembre 2021.

f. Une imagerie par résonnance magnétique (ci-après : IRM) du pied et de la cheville gauche, réalisée le 13 juin 2022, a mis en évidence des séquelles d’entorse partielle du ligament talo-fibulaire antérieur, avec quelques fibres résiduelles persistantes inférieures.

g. Le 16 juin 2022, l’assuré, en arrêt de travail à partir du 10 juin 2022, a annoncé une rechute de l’accident.

h. Par décision du 7 novembre 2022, la SUVA a refusé de prendre en charge la rechute, au motif que le lien de causalité entre l’événement du 6 septembre 2021 et les troubles présentés à compter du 10 juin 2022 faisait défaut.

Cette décision n'a pas été contestée.

B. a. Le 16 janvier 2023, l’assuré est tombé dans les escaliers alors qu’il transportait un meuble.

b. Le 17 janvier 2023, il s’est présenté au service de médecine de premier recours des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG). Dans son rapport établi le 6 mars 2023, le docteur C______, médecin chef de clinique dudit service, a fait état d’une entorse simple à la suite d’une torsion de type inversion de la cheville gauche survenue la veille. Il a indiqué avoir constaté une légère tuméfaction de la malléole externe, un petit hématome sous-astragalien et des douleurs à la palpation, à la marche et au repos. À titre d’antécédents, il a signalé une fracture de la cheville gauche traitée conservativement en 2021 et une entorse avec déchirure ligamentaire de la cheville gauche en 2022.

c. Une radiographie de la cheville gauche réalisée le 17 janvier 2023 a notamment mis en exergue un fragment osseux intra-articulaire en regard du versant antérieur de l’articulation tibio-talienne d’allure séquellaire, des stigmates d’ancienne fracture de la malléole externe, des remaniements de la malléole interne avec apposition osseuse au niveau de son versant articulaire et la présence d’un trait radioclair au niveau de sa pointe dont les bords semblaient corticalisés sans infiltration des parties molles, d’allure séquellaire également.

d. Une IRM de la cheville gauche du 13 février 2023 a montré la consolidation de la fracture de la malléole externe, une lésion cartilagineuse focale au niveau de la partie antérieure du tibia (grade 4) s’étendant sur 3 mm avec un discret remaniement œdémateux en regard associé à un minime pincement de l’interligne articulaire tibio-astragalienne dans sa partie antérieure.

e. Le 2 mai 2023, le docteur D______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, a adressé l’assuré à la consultation spécialisée en chirurgie du pied aux HUG. Il a précisé que le patient avait continué à présenter des douleurs sur la partie antérieure de la cheville suite à sa fracture de la malléole de 2021 et que l’IRM de 2022 avait montré une lésion du ligament talo-fibulaire antérieur. La dernière IRM avait mis en évidence une guérison des ligaments, mais également un pincement articulaire antérieur avec une petite lésion ostéochondrale et un œdème osseux sous-jacent. Une prise en charge chirurgicale était conseillée, au vu de l’échec du traitement conservateur, étant précisé que les infiltrations n’avaient amené qu’une amélioration provisoire.

f. Le 9 mai 2023, le Dr D______ a diagnostiqué un status
post entorse de la cheville gauche datant de plus d’un an avec des lésions cartilagineuses du dôme astragalien. Le traitement consistait en des séances de physiothérapie, des infiltrations et un arrêt de travail.

g. Une IRM comparative réalisée le 11 juillet 2023 a objectivé un examen superposable à celui de février 2023, dont les conclusions ont été reprises.

h. Une radiographie de la cheville gauche du 11 juillet 2023 a mis en évidence un pincement de l’interligne articulaire tibio-astragalien dans sa partie antérieure avec un discret remaniement kystique sous-chondral sur le versant tibial.

i. Le 12 juillet 2023, un bilan Saltzman des pieds a conclu à un remaniement ostéophytique du tibia antérieur prédominant à gauche, évocateur d’un conflit tibio-talien antérieur.

j. Par rapport du 3 août 2023, le docteur E______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, médecin adjoint au département de chirurgie des HUG, a diagnostiqué un probable conflit antérieur de la cheville gauche avec une lésion ostéochondrale antérieure du tibia distal d’origine post-traumatique (12 juillet 2023). À l’anamnèse, il a noté deux traumatismes antérieurs, en 2021 avec une fracture Weber B et en 2022 avec une lésion ligamentaire externe de la cheville. Suite à un troisième épisode survenu en janvier 2023, une lésion ostéochondrale du tibia distal avait été retrouvée, avec un bon signe de guérison de la lésion ligamentaire.

k. Le 15 août 2023, une scintigraphie osseuse s’est révélée dans les limites de la norme.

l. L’assuré a été opéré par arthroscopie le 3 octobre 2023 par le Dr E______. Le rapport d’intervention établi le lendemain fait état, à titre de diagnostic, d’un conflit antérieur de la cheville avec lésion ostéochondrale antérieure du tibia distal d’origine post-traumatique. L’intervention avait consisté en une levée du conflit antérieur de la cheville, l’excision d’un ostéophyte avec une fraise shaver et l’excision d’un fragment ostéochondral.

m. Dans un avis du 18 décembre 2023, le docteur F_____, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur,
médecin-conseil de la SUVA, a retenu, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l'accident du 16 janvier 2023 n'avait pas causé « d’autres lésions structurelles objectivables », que le dommage sur lequel avait porté l’opération du 3 octobre 2023 n’était pas imputable à cet accident, dont les séquelles ne jouaient plus aucun rôle au niveau du tableau clinique après
30 jours en l’absence de lésion modificatrice de l’état antérieur.

C. a. Par décision du 28 décembre 2023, la SUVA a mis fin aux prestations d'assurance dès le jour même, au motif que son médecin-conseil considérait que les troubles persistants n’avaient plus aucun lien avec l’accident et que l’état de santé tel qu’il aurait été sans l’événement du 16 janvier 2023 pouvait être considéré comme atteint à 30 jours du sinistre.

b. Dans un rapport du 19 janvier 2024, le Dr E______ a indiqué que le patient marchait avec des cannes et faisait de la physiothérapie. L’évolution était lentement favorable avec des douleurs résiduelles.

c. En date du 22 janvier 2024, l’assuré a contesté la décision de la SUVA. Les
Drs D______ et E______ étaient d'avis que ses troubles étaient en lien avec l'accident du 16 janvier 2023. Il a relevé que les soins post-opératoires n’étaient pas terminés et que son assureur-maladie ne les prenait pas en charge, tous les rapports étant rédigés en « accident ».

d. Le 15 février 2024, la SUVA a communiqué sa décision du 28 décembre 2023 à l’assureur-maladie de l’intéressé.

e. Dans un rapport du 11 mars 2024, le Dr E______ a noté que l’évolution demeurait défavorable, avec la persistance de douleurs constantes dans le compartiment antérieur de la cheville. Il a rappelé la fracture de type Weber de la malléole externe, depuis laquelle le patient avait gardé des douleurs au niveau du compartiment antérieur de la cheville avec une IRM en 2022, qui avait mis en évidence une fracture-impaction ostéochondrale du bord antérieur du plafond tibial. Cette lésion n’avait pas fait l’objet d’une prise en charge spécifique, car elle n’avait pas été identifiée à l’examen radiologique. Le 17 janvier 2023, le patient avait subi une entorse de la cheville avec une flexion dorsale forcée qui avait réveillé les douleurs. La fracture cartilagineuse touchant le bord antérieur du plafond tibial, provoquée par l’impact du talus contre le tibia lors des traumatismes en rotation et supination avec flexion de la cheville, pouvait difficilement être expliquée comme une atteinte dégénérative.

f. Le 14 mars 2024, l’assuré a complété son opposition, relevant que puisque la SUVA avait déjà estimé que ses troubles résultaient d’un accident précédent, son cas relevait d’une rechute.

g. Dans un rapport du 7 juin 2024, le docteur G______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie, a indiqué que l’assuré avait subi une entorse de la cheville gauche en septembre 2021 avec la persistance des douleurs latérales de cette articulation. Il avait organisé l’IRM de juin 2022 qui avait conclu à des séquelles d'entorse partielle du ligament talo-fibulaire antérieur avec quelques fibres résiduelles inférieures. L’évolution était restée stationnaire. Il avait revu le patient le 25 octobre 2022 et sa cheville présentait une laxité latérale avec des douleurs du ligament talo-fibulaire antérieur posant l’indication opératoire à une stabilisation latérale.

h. Dans une nouvelle appréciation, datée du 28 juin 2024, le Dr F_____ a résumé les pièces en sa possession concernant les deux sinistres enregistrés et rappelé qu’il avait déjà procédé à un examen médical de l'assuré pour une problématique de sa cheville gauche le 29 août 2022 et rendu deux appréciations, aux termes desquelles il avait conclu que les anomalies présentées n’étaient pas suffisamment importantes pour être à l’origine d’une incapacité de travail. Le médecin-conseil a ensuite exposé que les différentes IRM, et en particulier celle du 13 février 2023, ne montraient pas d'anomalie en dehors d'un pincement modéré à l'interligne articulaire tibio-astragalien dans sa partie antérieure et qu’une lésion cartilagineuse avait été observée par les radiologues. Au bloc opératoire, le Dr E_____ avait trouvé des ostéophytes. Il ne pouvait pas préciser la date de ces anomalies, mais elles étaient en tout cas antérieures au premier sinistre de septembre 2021, car les ostéophytes avaient besoin de plusieurs années pour se développer. Les images de la radiographie de septembre 2021 apportaient des arguments pour cette analyse, étant relevé la présence d’un ostéophyte du tibia distal, ancien. Ainsi, le sinistre de 2021 était responsable d'une fracture sur un état antérieur. Les médecins des HUG avaient évoqué, dans le rapport du
11 mars 2024, une « fracture cartilagineuse », mais ils avaient de la difficulté à accepter une fracture cartilagineuse récente en janvier 2023 alors que le bilan IRM de février 2023 ne montrait pas d'épanchement articulaire et d'anomalies osseuses, et que les images étaient identiques en juillet 2023. Ceci n'était pas concordant avec une fracture cartilagineuse récente. Les médecins des HUG ne faisaient aucune allusion à la présence des ostéophytes et leur origine. L'évaluation faite en 2022 avait permis de constater les antécédents de fracture avec une guérison complète. Il pouvait accepter que l'accident ait aggravé temporairement les troubles préexistants, avec ostéophytes de l'articulation
tibio-tarsienne gauche pendant une durée de douze semaines à partir de la date du sinistre, au plus tard. La déstabilisation par ce sinistre n'était pas déterminante. Interrogé sur les troubles qui avaient été, au degré de la vraisemblance prépondérante, causés ou aggravés de manière déterminante par l'accident du
16 janvier 2023, le Dr F_____ a répondu que le radiologue avait constaté, lors de l'IRM de février 2023, une lésion cartilagineuse focale au niveau de la partie antérieure du tibia (grade 4), qui s'étendait sur 3 mm avec un discret remaniement œdémateux en regard associé à un minime pincement de l'interligne articulaire tibio-astragalienne dans sa partie antérieure. Il ne retrouvait pas d'argument pour une lésion ostéochondrale au niveau du dôme astragalien, ni signe pour une nécrose de l'astragale en juillet 2023. Les différentes structures tendineuses, les ligaments talo-fibulaire antérieur et calcanéo-fibulaire, la syndesmose
tibio-fibulaire antéro-inférieure et les structures musculaires n'avaient pas d'anomalie de signal ni de lésion focale décelée. Il fallait donc retenir une anomalie de petite taille, soit 3 mm de la partie antérieure du tibia distal. Cette lésion cartilagineuse observée à l'IRM n'avait été ni confirmée ni traitée par l'arthroscopie, ce qui confirmait sa banalité, cohérente avec une taille de seulement 3 mm. Il fallait aussi rappeler que la scintigraphie préopératoire en
août 2023 montrait une bonne captation du radiotraceur au niveau du squelette examiné sans hyperfixation pathologique au niveau des pieds et chevilles. Le lien de causalité entre le sinistre du 16 janvier 2023 et les ostéophytes observés lors de la chirurgie et les anomalies de la partie antérieure du tibia distale de 3 mm à l'IRM n’était pas probable, car le développement d'ostéophytes nécessitait plusieurs années et le sinistre datait de seulement neuf mois. Contrairement à l'affirmation des médecins des HUG, il n'y avait pas de fracture articulaire en janvier 2023, mais plutôt une décompensation de la lésion ostéophytaire de la cheville gauche, antérieure au sinistre de septembre 2021. La santé de l’assuré était, au degré de la vraisemblance prépondérante, déjà altérée avant l'accident du 16 janvier 2023. En effet, la lésion cartilagineuse de 3 mm n'était pas modifiée sur les deux examens radiologiques par IRM en février 2023 et octobre 2023. Elle était préalable au sinistre annoncé en janvier 2023, car une lésion récente aurait été évolutive, avec la disparition de l'anomalie radiologique ou la modification significative par cicatrisation fibreuse de la lésion articulaire tibiale distale à l'IRM faite plus de six mois après. L’accident n’avait pas temporairement aggravé les troubles préexistants, car il n'y avait pas de modification significative de la lésion tibiale observée à l'IRM de février 2023. Les troubles causés par ledit accident pouvaient être considérés comme guéris au plus tard trois mois après le sinistre, en l'absence de lésion évolutive ou d'aggravation soudaine. La période de trois mois était le temps nécessaire pour la disparition de phénomènes inflammatoires après une contusion. Le cas était donc stabilisé trois mois après le sinistre. Le courrier du Dr G______ ne modifiait pas sa position et un examen médical à l'agence ne lui paraissait pas justifié, car le sinistre était trop ancien et une évaluation médicale n'apporterait pas d'éléments sur l'historique de ce sinistre.

i. Par décision sur opposition du 9 juillet 2024, distribuée le 11 juillet 2024, la SUVA a confirmé sa décision du 28 décembre 2023. Elle a rappelé que la décision du 7 novembre 2022 mettant fin au versement des prestations pour l'accident du 6 septembre 2021 n'avait pas été contestée et était donc entrée en force, de sorte que les troubles dont souffrait l’assuré ne pouvaient être pris en charge à ce titre. En outre l'entorse de 2022 évoquée par le Dr E______ ne lui avait jamais été annoncée, ce qui impliquait que les troubles ne pouvaient pas non plus être pris en charge à ce titre. Selon les explications convaincantes de son médecin d'assurance, dont les conclusions n’étaient pas mises en doute par les autres pièces au dossier, l'évènement litigieux avait cessé de déployer ses effets dans les 30 jours après sa survenance et les troubles qui persistaient après cette date n'étaient plus d’origine accidentelle, mais dégénérative. La décision, en tant qu’elle cessait le versement des prestations au 28 décembre 2023, pouvait dès lors être confirmée, quand bien même elle s'écartait du statu quo strictement médical. L'origine probablement traumatique des troubles dont souffrait l'assuré n'était pas contestée par le médecin d'assurance. En revanche, celui-ci avait expliqué de manière convaincante pourquoi ces troubles ne pouvaient être rattachés à l'accident du 16 janvier 2023, mais à une entorse bien plus ancienne, même antérieure à l'accident du 6 septembre 2021. Dans ces conditions, elle devait « passer la main » à un autre assureur dans la gestion et la prise en charge de ce cas, et adressait copie de sa décision à l'assureur-maladie compétent.

D. a. Par acte du 9 septembre 2024, l’assuré a interjeté recours contre cette décision sur opposition par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant à la poursuite du versement des indemnités journalières, principalement en lien avec son accident du 19 janvier 2023, subsidiairement à titre de rechute de son accident du 6 septembre 2021. Il a expliqué qu’il avait certes repris le travail après son accident de 2021, mais que ses fortes douleurs avaient persisté, l’obligeant à prendre des médicaments, que son pied gonflait au moindre effort et présentait une faiblesse, qui avait causé sa chute dans les escaliers le 19 janvier 2023. Il a contesté les conclusions du Dr F_____, qui ne l’avait vu que dix minutes en 2022 et même pas examiné suite à son accident de 2023. Ce médecin n’avait pas non plus contacté le spécialiste qui l’avait opéré. L’intimée avait considéré que son cas n’était plus en relation de causalité avec l’accident du 19 janvier 2023, alors qu’il était encore en convalescence suite à son intervention et portait un plâtre. Aucun autre médecin n’avait relevé à l’examen de l’IRM des séquelles antérieures à l’accident de septembre 2021 et ce point n’avait pas été mentionné dans la décision de 2022. Selon lui, ces séquelles étaient celles de l’accident de 2021, étant précisé qu’il n’avait jamais souffert de la cheville ou du pied auparavant. Il n’avait pas fait opposition à la décision du
7 novembre 2022, faute de moyens et d’aide, et était retourné travailler pour subvenir aux besoins de sa famille. Il n’avait pas subi de nouvelle entorse en 2022, mais avait indiqué au Dr E______ qu’il avait consulté le Dr G______ en juin 2022 pour une éventuelle rechute au vu des douleurs persistantes.

Le recourant a produit un rapport du 30 octobre 2024 du Dr E______, aux termes duquel le patient avait présenté, suite à l'accident du 6 septembre 2021, une entorse de la cheville gauche accompagnée d'une fracture de la malléole externe de type Weber B, traitée de façon conservatrice. Les radiographies réalisées ce même jour avaient confirmé la fracture, sans révéler de signe d'atteinte osseuse dans le compartiment antérieur de la cheville. Aucune IRM n'avait été pratiquée pour évaluer l'état ligamentaire et cartilagineux, ce qui rendait impossible l'exclusion formelle d'une atteinte cartilagineuse. Le 10 juin 2022, un nouveau traumatisme de la cheville gauche avait eu lieu, suivi d'une IRM le 13 juin 2022, qui avait mis en évidence des séquelles de rupture partielle du ligament talo-fibulaire antérieur et des traces de la fracture de la malléole externe. Bien que le rapport du radiologue ne le mentionnait pas explicitement, les images montraient une atteinte du plafond tibial antérieur, avec un amincissement cartilagineux, un discret œdème sous-chondral et des fragments osseux en avant du bord tibial antérieur. Ces lésions n'étaient associées ni à un œdème osseux sévère ni à un épanchement intra-articulaire, excluant ainsi une atteinte aiguë liée à l'accident de juin 2022. En revanche, elles pouvaient être reliées à l'accident du 6 septembre 2021, car le mécanisme de la fracture de la malléole externe pouvait être à l'origine d'un impact du talus contre le tibia, entraînant une atteinte cartilagineuse localisée. Cette évolution lésionnelle était rapide et ne nécessitait pas plusieurs années pour se développer contrairement aux lésions dégénératives ostéophytaires. En l'absence d'IRM immédiatement après l'accident de 2021, il était impossible d'écarter ces lésions et de conclure qu’elles étaient antérieures à l'accident de septembre 2021 contrairement à l’appréciation du Dr F_____. De plus, la radiographie de la cheville gauche du 9 septembre 2022 montrait l'apparition de fragments osseux au bord antérieur du tibia, absents dans la radiographie de 2021, ce qui suggérait que cette lésion s'était développée après l'accident de 2021. Depuis lors, le patient souffrait de douleurs persistantes dans le compartiment antérieur de la cheville gauche. Le 16 janvier 2023, une nouvelle chute avait entraîné une entorse de la même cheville. À l'IRM du 13 février 2023, le radiologue avait décrit un pincement modéré de l'interligne articulaire tibio-astragalienne antérieure, accompagné d'un discret remaniement œdémateux sous-chondral et d'une lésion cartilagineuse de mm au niveau du tibia, qui correspondait aux anomalies observées dans l'IRM du 13 juin 2022. Lors d'une nouvelle IRM, le 11 juillet 2023, une autre radiologue avait confirmé la présence des mêmes lésions que celles de l'IRM du 13 février 2023. La stabilité de ces lésions montrait qu'elles n'étaient ni aiguës ni évolutives. Par ailleurs, l'IRM de 2022 montrait déjà des images similaires, excluant ainsi un lien avec l'accident du 16 janvier 2023. En conclusion, les douleurs actuelles de l’intéressé, localisées dans le compartiment antérieur de la cheville gauche, s'expliquaient par une lésion cartilagineuse du plafond tibial antérieur et un pincement modéré de l'interligne articulaire tibio-astragalienne. Ce type de lésion était souvent provoqué par un traumatisme impliquant un impact du talus contre le tibia comme lors d'entorses sévères ou de fractures de la cheville. Une lésion ostéochondrale du plafond tibial antérieur était rarement attribuable à un processus dégénératif, qui touchait plutôt le talus et s'accompagnait d'autres signes dégénératifs comme des kystes sous-chondraux, absents sur les IRM. Il validait l'évaluation du Dr F_____, excluant un lien entre les douleurs actuelles et l'accident du 16 janvier 2023. Cependant, après analyse des événements et des examens radiologiques disponibles, il concluait à un lien probable entre les douleurs actuelles et l'accident de septembre 2021, le mécanisme de ce sinistre correspondaient aux lésions observées lors de l'IRM de juin 2022. Par ailleurs, la radiographie de septembre 2022 montrait clairement des fragments osseux au bord antérieur du tibia, absents dans la radiographie initiale de 2021, ce qui indiquait un développement postérieur à cet accident.

b. Dans sa réponse du 14 novembre 2024, l’intimée a conclu au rejet du recours. Le Dr E______ avait validé l’évaluation du Dr F_____, excluant un lien entre les douleurs actuelles et l’accident du 16 janvier 2023, de sorte que le médecin traitant avait considéré que la décision litigieuse était correcte. Certes, celui-ci avait évoqué un rapport de causalité entre les troubles présentés depuis le 10 juin 2022 et l’accident du 6 septembre 2021. Toutefois, la décision du 7 novembre 2022 n’avait pas été contestée et avait force de chose décidée, mettant fin aux prestations d’assurances en lien avec ce sinistre.

c. Par réplique du 2 décembre 2024, le recourant a maintenu ses conclusions. Il a rappelé avoir sollicité l’ouverture d’un dossier pour rechute, ce qui lui avait été refusé le 7 novembre 2023. Le Dr E______ avait clairement relevé des fragments osseux à la radiographie de septembre 2022, absents lors de celle de 2021, et retenu un développement postérieur à l’accident. Le Dr F_____ avait complètement changé de position, puisqu’il affirmait désormais que ses douleurs étaient antérieures à l’accident de septembre 2021. S’il avait été correctement pris en charge en 2022, son accident de 2023 ne se serait probablement pas produit, puisque le fragment osseux avait fragilisé son pied et l’avait rendu instable. Il était suivi aux HUG pour ses douleurs chroniques, qui pouvaient être causées par des nerfs déchirés, puisqu’il était resté avec des fragments osseux au bord antérieur du tibia durant sept mois.

Il a joint à son écriture un courrier de l’intimée du 10 août 2022 niant le rapport de causalité entre l’événement du 6 septembre 2021 et les troubles au-delà du
10 juin 2022, ainsi que la décision du 7 novembre 2022 reprenant les conclusions du courrier du 10 août 2022.

d. Le 13 décembre 2024, l’intimée a maintenu ses conclusions, renonçant à déposer formellement une duplique.

e. Par courrier du 26 mars 2025, le recourant a transmis à la chambre de céans une attestation du Dr E______ datée du 22 mars 2025, faisant état de ses limitations fonctionnelles.

f. La chambre de céans a demandé au Dr F_____ de se déterminer sur le rapport du 30 octobre 2024 du Dr E______. Dans son appréciation du 14 avril 2025, le médecin-conseil a rappelé que son examen clinique du 30 août 2022 était symétrique entre la droite et la gauche, et que l’examen radiologique, qui n’apportait pas d’information complémentaire, étant relevé l’absence de différence significative lors de l’évaluation radiologique dynamique TELOS qui permettait de faire le diagnostic de gravité des lésions ligamentaires. L’incapacité de travail de 2022 ne pouvait pas être mise en relation avec l’événement de septembre 2021, car l’examen radiologique initial ne montrait pas d’anomalie susceptible d’être mise à l’origine de lésions ligamentaires car la fracture était décrite et traitée selon les critères Weber A qui n’était pas associée aux troubles ligamentaires. Le recourant avait subi une fracture Weber A, et non B comme affirmé par le Dr E______. Or, la classification de la fracture avait une importance dans les lésions associées aux fractures Weber A et B. Les premières se localisaient plus bas que le ligament syndesmotique, alors que les secondes traversaient ce dernier. Les fractures de type Weber A n’étaient pas associées aux lésions ligamentaires et avaient de bons pronostics, sans nécessiter de chirurgie, contrairement au type Weber B. Après un nouvel examen de la radiographie du 16 septembre 2021, il confirmait l’existence d’ostéophytes antérieurs et de géodes au niveau de la malléole interne. Il existait donc effectivement au moment du traumatisme du 6 septembre 2021 des anomalies qui faisaient évoquer des lésions dégénératives débutantes avec des ostéophytes à la partie antérieure de la cheville gauche et une diminution de l’espace articulaire. Ce dernier élément était indispensable pour le diagnostic d’arthrose débutante associé avec des lésions dégénératives et la présence d’ostéophytes et de géodes. Ainsi, le bilan radiographique réalisé dix jours après l’accident confirmait bien qu’il existait des ostéophytes et des géodes dans un contexte de fracture bénigne Weber A, rarement associée à des lésions ligamentaires. Ces lésions d’arthrose débutante étaient observées à dix jours du sinistre et en conséquence étaient préexistantes au traumatisme du 6 septembre 2021. Il partageait l’avis du Dr E______ quant à la stabilité des lésions après comparaison des IRM des 13 février et 11 juillet 2023, et la comparaison avec les images de 2022 confirmait aussi que ces lésions étaient anciennes. Il concluait, comme le Dr E______, qu’il n’y avait pas de lien selon la vraisemblance prépondérante entre l’accident du 16 janvier 2023 et les lésions observées aux IRM de 2023, qui n’étaient ni aigues, ni évolutives. En revanche, il ne partageait pas son avis sur un probable lien entre les troubles qui avaient déclenché l’incapacité de travail à partir du juin 2022 et l’accident de septembre 2021, ni son affirmation selon laquelle les deux premières radiographies de septembre 2021 ne montraient pas de lésion du bord antérieur du tibia. Pour lui, les images étaient assez claires et confirmaient la présence d’anomalies osseuses un ostéophyte et des diminutions de l’espace articulaire entre le tibia et le talus sur le bord antérieur du tibia, qui étaient anciennes et ne pouvaient pas se développer en deux jours. Il maintenait donc ses précédentes conclusions. Il existait au mois de septembre 2021 des anomalies de type dégénératif avec la présence de géodes au niveau de la malléole interne de la cheville et un ostéophyte localisé au niveau de son tibia antérieur qui avait été évalué et confirmé par arthroscopie par le Dr E______. L’état antérieur pathologique de cette cheville gauche, non décompensé par le traumatisme de septembre 2021, était exposé dans un contexte de fracture de Weber A, bénigne. Ce type de fracture avait une réputation tellement bénigne que l’algorithme des HUG proposait une prise en charge par le médecin traitant sans avis de chirurgien des HUG. Ces fractures ne s’accompagnaient pas de lésions ligamentaires et les ruptures de ligaments constatées à partir de 2022 devaient être considérées comme anciennes, et un rapport avec un accident ayant eu lieu avant le sinistre annoncé en 2021, selon la vraisemblance prépondérante. Partant, la rupture du ligament talo-fibulaire antérieur observée lors de l’IRM du 13 juin n2022 et la chirurgie réalisée par le Dr E______ n’étaient pas en lien avec le sinistre de septembre 2021.

g. Le 14 mai 2025, l’intimée a informé la chambre de céans que la nouvelle appréciation du Dr F_____ n’appelait pas de commentaire de sa part.

h. Par courrier du 27 mai 2025, le recourant a persisté dans ses conclusions, relevant qu’il ne comprenait pas les termes du Dr F_____ et que le Dr E______ refusait de refaire un courrier, estimant qu’il avait déjà tout précisé dans son rapport, qu’il maintenait. Il était en incapacité de travail depuis décembre 2023 et ne percevait aucune indemnité. Sa franchise élevée en assurance-maladie ne lui permettait pas d’accéder aux soins. Il avait repris le travail prématurément en 2021, malgré les très fortes douleurs, qui l’avaient incité à consulter à nouveau en 2022. Depuis l’opération, il souffrait toujours de douleurs chroniques, ne pouvait toujours pas travailler ni avoir une vie normale, et son entreprise était au bord de la faillite.

Il a produit des photographies de ses chevilles et un courriel de la secrétaire du Dr E______, relevant que son courrier du 30 octobre 2024 comprenait toutes les informations et qu’il fallait qu’il sollicite une expertise judiciaire s’il n’était pas d’accord avec la décision de l’intimée.

i. Le 13 juin 2025, la chambre de céans a informé les parties qu'elle entendait confier une mission d'expertise judiciaire à la docteure H______, spécialiste en chirurgie du pied et de la cheville, et au docteur I______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, et leur a communiqué les questions qu’elle soumettrait aux experts.

j. Le 27 juin 2025, l’intimée a contesté la nécessité de diligenter une expertise, au vu des avis convergents des Drs F_____ et E______, qui avaient tous deux exclu un lien de causalité entre les troubles actuels et l’accident du
16 janvier 2023, et compte tenu du fait que le droit à une rechute des suites de l’accident du 6 septembre 2021 n’avait fait l’objet d’aucune décision susceptible de recours et sortait donc de l’objet de la contestation. S’agissant de l’identité des experts, elle n’avait aucun motif de récusation à l’encontre de la
Dre H______. En revanche, le Dr I______ exerçait en qualité de médecin consultant au service de chirurgie orthopédique et traumatologie des HUG, en collaboration directe avec les médecins traitants du recourant, ce qui constituait une circonstance susceptible de soulever un doute objectif quant à son impartialité. En outre, les deux experts proposés n’étaient pas des spécialistes SIM, de sorte qu’il n’était pas garanti que leur analyse soit conforme aux exigences légales et procédurales. Elle a donc préconisé que l’expertise soit, cas échéant, confiée à des médecins titulaires d’une certification SIM.

k. Le recourant n’a fait valoir aucune observation dans le délai imparti.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du
6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur
l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

1.3 Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). L’art. 38 LPGA prévoit que si le délai, compté par jours ou par mois, doit être communiqué aux parties, il commence à courir le lendemain de la communication (al. 1). Les délais en jours ou en mois fixés par la loi ou par l’autorité ne courent pas du
15 juillet au 15 août inclusivement (al. 4 let. b).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours du 9 septembre 2024 contre la décision sur opposition du 9 juillet, notifiée le 11 juillet 2024, est recevable.

2.              

2.1 L’objet du litige dans la procédure administrative subséquente est le rapport juridique qui constitue, d'après les conclusions du recours, l'objet de la décision effectivement attaqué (ATF 131 V 164 consid. 2.1 ; 125 V 413 consid. 1b et 2). Dans la procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement d'une manière qui la lie, sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déférée en justice par voie de recours. En revanche, dans la mesure où aucune décision n'a été rendue, la contestation n'a pas d'objet, et un jugement sur le fond ne peut pas être prononcé (ATF 131 V 164 consid. 2.1 ; 125 V 414 consid. 1A ; 119 Ib 36 consid. 1b et les références citées).

2.2 En l’espèce, le litige porte sur le bien-fondé de la décision sur opposition du
9 juillet 2024. Dans cette dernière, l’intimée a non seulement mis un terme aux prestations d'assurance dès le 28 décembre 2023 pour les suites de l'accident du
16 janvier 2023, mais elle a également conclu que les troubles encore présentés par le recourant ne pouvaient pas être pris en charge au titre du sinistre du
6 septembre 2021, au motif que sa décision du 7 novembre 2022 mettant fin aux prestations pour les suites de ce premier événement était entrée en force, et que l’entorse de 2022 évoquée par le médecin traitant ne lui avait jamais été annoncée.

La position de l’intimée, qui soutient que le droit à une rechute n’a fait l’objet d’aucune décision susceptible de recours, ne saurait donc être suivie. Le recourant a expressément sollicité la prise en charge de son cas en invoquant une rechute dans le cadre de son opposition à la décision du 28 décembre 2024 (cf. courriel du 14 mars 2024), et l’intimée a nié un tel droit en invoquant l’autorité de la force de chose jugée.

3.             Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.

Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA ;
ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 ; 129 V 402 consid. 2.1).

La notion d'accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable, le caractère soudain de l'atteinte, le caractère involontaire de l'atteinte, le facteur extérieur de l'atteinte et, enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur ; il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 ; 129 V 402 consid. 2.1 et les références).

3.1 L’art. 6 al. 2 LAA prévoit que l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu’elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie : les lésions de ligaments (let. g).

Selon la jurisprudence, lorsque l'assureur-accidents a admis l'existence d'un accident au sens de l'art. 4 LPGA et que l'assuré souffrait d'une lésion corporelle au sens de l'art. 6 al. 2 LAA, l'assureur-accidents doit prendre en charge les suites de la lésion en cause sur la base de l'art. 6 al. 1 LAA. En revanche, en l'absence d'un accident au sens juridique, le cas doit être examiné sous l'angle de l'art. 6
al. 2 LAA (ATF 146 V 51 consid. 9.1 ; arrêt 8 du Tribunal fédéral 8C_445/2021 du 14 janvier 2022 consid. 3.1 et les références).

3.2 La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

La condition relative au lien de causalité naturelle est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière (ATF 148 V 356 consid. 3 ; 148 V 138 consid. 5.1.1). Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte
(ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n. U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.

Selon la jurisprudence, l'utilisation par un médecin du terme « post-traumatique » ne suffit pas, à elle seule, à reconnaître un lien de causalité entre un accident et des troubles. En effet, on peut entendre par une affection « post-traumatique » des troubles qui ne sont pas causés par l'accident mais qui ne sont apparus qu'après l'accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_493/2023 du 6 février 2024 consid. 4.2 et la référence).

3.3 En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident.

Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il s'est manifesté à l'occasion de l'accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). En principe, on examinera si l'atteinte à la santé est encore imputable à l'accident ou ne l'est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1), étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (ATF 146 V 51 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_331/2024 du
29 novembre 2024 consid. 4.2).

À cet égard, le Tribunal fédéral a rappelé dans un arrêt récent qu'à supposer l'implication chez l'assuré de troubles dégénératifs préexistants, si leur origine exclusivement maladive n'a pas été établie, même s'il existait un état maladif antérieur, l'assureur-accidents est tenu de prendre en charge les suites de l'accident aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli (arrêt 8C_461/2023 du 8 février 2024 consid. 4.3.1.1).

En principe, on examinera si l'atteinte à la santé est encore imputable à l'accident ou ne l'est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1 et les références).

Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations d'assurance sociales, le fardeau de la preuve incombe en principe à l'assureur-accidents (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). Cette règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit entre seulement en considération s'il n'est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l'accident. Il est encore moins question d'exiger de l'assureur-accidents la preuve négative, qu'aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.3). À cet égard, est seul décisif le point de savoir si, au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 146 V 271 consid. 4.4), les causes accidentelles d'une atteinte à la santé ne jouent plus aucun rôle, ne serait-ce même que partiel
(ATF 142 V 435 consid. 1), et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_343/2022 du 11 octobre 2022 consid. 3.2 et les références).

Selon la jurisprudence, fixer le délai du retour au statu quo sine en se référant à l'évolution prévisible de l'atteinte à la santé d'une manière abstraite et théorique ne suffit pas pour établir, au degré de la vraisemblance prépondérante, l'extinction du lien de causalité avec l'accident en cause (arrêts du Tribunal fédéral 8C_481/2019 du 7 mai 2020 consid. 3.4 ; 8C_97/2019 du 5 août 2019 consid. 4.3.1 et 4.3.2 ; 8C_473/2017 du 21 février 2018 consid. 5).

3.4 Le droit à des prestations de l'assurance-accidents suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et l'atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 148 V 356 consid. 3 ; 143 II 661 consid. 5.1.2 ; 139 V 156 consid. 8.4.2). En présence d'une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose toutefois guère, car l'assureur-accidents répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l'expérience médicale (ATF 118 V 286 consid. 3a ;
117 V 359 consid. 5d/bb ; arrêt du Tribunal fédéral U 351/04 du 14 février 2006 consid. 3.2).

3.5 L’art. 11 de l’ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982
(OLAA ; RS 832.202) prévoit que les prestations d'assurance sont également allouées en cas de rechutes et de séquelles tardives.

Selon la jurisprudence, les rechutes et les séquelles tardives ont ceci en commun qu'elles sont attribuables à une atteinte à la santé qui, en apparence seulement, mais non dans les faits, était considérée comme guérie. Il y a rechute lorsque c'est la même atteinte qui se manifeste à nouveau. On parle de séquelles tardives lorsqu'une atteinte apparemment guérie produit, au cours d'un laps de temps prolongé, des modifications organiques ou psychiques qui conduisent souvent à un état pathologique différent (ATF 123 V 137 consid. 3a ; 118 V 293 consid. 2c et les références).

Les rechutes et suites tardives se rattachent donc par définition à un événement accidentel effectif. Corrélativement, elles ne peuvent faire naître une obligation de l'assureur-accidents (initial) de verser des prestations que s'il existe un lien de causalité naturelle et adéquate entre les nouvelles plaintes de l'intéressé et l'atteinte à la santé causée à l'époque par l'accident assuré (ATF 118 V 296
consid. 2c et les références ; RAMA 2006 n. U 570 p. 74 consid. 1.5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral U 80/05 du 18 novembre 2005 consid.1.1).

Lorsque le cas d'un assuré a été liquidé par une décision de refus de prestations entrée en force, celui-ci peut toujours invoquer la survenance d'une modification dans les circonstances de fait à l'origine de sa demande de prestations (RAMA 1994 n. U 189 p. 138). Alors que dans le domaine de l'assurance-invalidité, cette situation est réglée par le biais de la nouvelle demande de prestations,
l'assurance-accidents prévoit la possibilité pour l'assuré d'annoncer en tout temps une rechute ou des suites tardives d'un accident assuré (arrêts du Tribunal fédéral 8C_501/2014 consid. 4.3 et 8C_207/2014 du 13 mars 2015 consid. 5.1). Dans cette hypothèse, un nouvel examen illimité ne peut pas être effectué. Il faut bien plutôt partir de la décision entrée en force et l'admission d'une rechute ou de séquelles tardives qui suppose une modification de l'état de fait déterminant sous l'angle du droit à la prestation (arrêts du Tribunal fédéral 8C_148/2018 du
6 juillet 2018 consid. 6.2 ; U 55/07 du 13 novembre 2007 consid. 4.1).

4.             La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450
consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères: s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ;
142 V 58 consid. 5.1 et les références ; 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon
l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du
4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

5.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

Il incombe à l’assuré d’établir, au degré de vraisemblance prépondérante, l’existence d'un rapport de causalité naturelle entre l’état pathologique qui se manifeste à nouveau et l’accident (REAS 2002 p. 307). En l’absence de preuve, la décision sera défavorable à l’assuré (ATF 117 V 261 consid. 3b et les références ; RAMA 1994 n. U 206 p. 327 consid. 1 et les références). Plus le temps écoulé entre l’accident et la manifestation de l'affection est long, plus les exigences quant à la preuve, au degré de la vraisemblance prépondérante du rapport de causalité naturelle doivent être sévères (SVR 2016 n. UV p. 55 consid. 2.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 17 du 3 mai 2018 consid. 4.2).

Le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4).

6.             En l’espèce, dans sa décision sur opposition du 9 juillet 2024, l’intimée a confirmé sa décision du 28 décembre 2023 et mis fin à ses prestations dès cette date, en se fondant sur l’appréciation du 28 juin 2024 du Dr F_____. Elle a notamment retenu que l’accident du 16 janvier 2023 avait tout au plus occasionné une décompensation passagère de l’état préexistant durant trois mois, que les troubles actuels ne pouvaient pas être pris en charge au titre de l’accident du
6 septembre 2021, au motif que sa décision du 7 novembre 2022 mettant fin aux prestations pour les suites de ce premier sinistre était entrée en force, et que l’entorse de 2022 évoquée par le médecin traitant ne lui avait jamais été annoncée.

6.1 La chambre de céans constate tout d’abord que, contrairement à ce que retient l’intimée, l’entrée en force de sa décision du 7 novembre 2022 ne lui permet pas d’écarter l’existence d’une rechute ou de séquelles tardives.

En effet, l’intimée avait alors exclu un lien de causalité vraisemblable entre l’événement du 6 septembre 2021 et les troubles déclarés dès le 10 juin 2022, à savoir les séquelles d’entorse partielle du ligament talo-fibulaire antérieur avec quelques fibres résiduelles persistantes partielles (cf. rapport d’IRM du
13 juin 2022).

En revanche, de nombreuses atteintes n’avaient alors pas été mises en exergue, dont le fragment osseux intra-articulaire en regard du versant antérieur de l’articulation tibio-talienne (cf. rapport de radiographie du 17 janvier 2023), la lésion cartilagineuse focale au niveau de la partie antérieure du tibia, le remaniement œdémateux (cf. rapport de radiographie du 17 janvier 2023), le pincement de l’interligne articulaire tibio-astragalienne (cf. rapports de radiographie des 17 janvier et 11 juillet 2023), le remaniement ostéophytique du tibia antérieur (cf. bilan Saltzman du 12 juillet 2023), la lésion ostéochondrale antérieure du tibia distal (cf. rapport du 3 août 2023 du Dr E______).

Si l’intimée considérait que ces différentes pathologies ne pouvaient pas avoir été causées par l’accident du 16 janvier 2023, elle aurait alors dû les prendre en compte dans l’examen d’une rechute ou de séquelles tardives, comme d’ailleurs clairement demandé par le recourant (cf. courriel du 14 mars 2024), dès lors que la situation s’était modifiée depuis sa décision du 7 novembre 2022.

6.2 La chambre de céans rappelle ensuite que le recourant a expressément réfuté tout nouvel incident survenu en 2022, contrairement à ce qui ressort des rapports des Drs E______ et C______. Il a expliqué qu’il avait consulté en 2022 le Dr G______ en raison de la persistance des douleurs, et non pas suite à un nouvel accident. Ces allégations sont cohérentes et confirmées par l’indication mentionnée dans le rapport d’IRM du 13 juin 2022, qui fait état des « séquelles d’entorse » sans la moindre référence à un nouveau traumatisme. De même, le
Dr G______, consulté en 2022, n’a pas évoqué un nouvel accident, mais a rappelé que le recourant avait subi une entorse de la cheville gauche en
septembre 2021 avec la persistance des douleurs latérales de sa cheville
(cf. rapport du 7 juin 2024). En outre, la date du 10 juin 2022 mentionnée par le Dr E______ correspond au début de la nouvelle incapacité de travail du recourant, après sa reprise professionnelle à temps complet le 21 décembre 2021. Si l’intéressé avait été victime d’un deuxième accident, nul doute qu’il l’aurait annoncé, en lieu et place de la rechute signalée le 16 juin 2022.

6.3 Enfin, la chambre de céans observe que les Drs E______ et F_____ ont émis des avis médicaux contradictoires, détaillés et argumentés, quant à un éventuel lien de causalité entre l’accident survenu le 6 septembre 2021 et les troubles mis en évidence dans les suites de l’accident du 16 janvier 2023.

En l’absence de connaissances médicales spécialisées, la chambre de céans n’est pas en mesure de départager ces prises de position, de sorte qu’une expertise orthopédique se révèle nécessaire.

7.             L’intimée a indiqué récuser le Dr I______, au motif qu’il exerce en qualité de médecin consultant au service de chirurgie orthopédique et traumatologie des HUG, en collaboration directe avec les médecins traitants du recourant, ce qui constituerait une circonstance susceptible de douter de son impartialité. Elle relève également que les deux experts proposés ne sont pas titulaires d’une certification SIM ni médecin chef de servie d’un hôpital universitaire.

7.1 L’art. 36 al. 1 LPGA dispose que les personnes appelées à rendre ou à préparer des décisions sur des droits ou des obligations doivent se récuser si elles ont un intérêt personnel dans l’affaire ou si, pour d’autres raisons, elles semblent prévenues.

Les motifs visés à l’art. 36 al. 1 LPGA sont de nature formelle parce qu'ils sont propres à éveiller la méfiance à l'égard de l'impartialité de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_180/2013 du 31 décembre 2013 consid. 2.3).

Les principes relatifs à la récusation en vertu de l’art. 10 al. 1 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021) sont également applicables en matière de récusation au sens de l’art. 36 LPGA
(Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, 2020, n. 6 ad art. 36 LPGA).

L’art. 10 al. 1 PA prévoit la récusation des personnes appelées à rendre ou à préparer la décision doivent se récuser si elles ont un intérêt personnel dans l’affaire (let. a) ; si elles sont le conjoint ou le partenaire enregistré d’une partie ou mènent de fait une vie de couple avec elle (let. b) ; si elles sont parentes ou alliées d’une partie en ligne directe, ou jusqu’au troisième degré en ligne collatérale
(let. c) ; si elles représentent une partie ou ont agi dans la même affaire pour une partie (let. d) ; si, pour d’autres raisons, elles pourraient avoir une opinion préconçue dans l’affaire (let. e).

Un expert passe pour prévenu lorsqu'il existe des circonstances propres à faire naître un doute sur son impartialité. La récusation d'un expert n'est pas limitée aux cas dans lesquels une prévention effective est établie, car une disposition interne de l'expert ne peut guère être prouvée ; il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération
(ATF 139 III 433 consid. 2.1.2 et les références) ; les impressions individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 127 I 196 consid. 2b ;
120 V 357 consid. 3a).

Les parties à une procédure ont le droit d'exiger la récusation d'un expert dont la situation ou le comportement sont de nature à faire naître un doute sur son impartialité. Cette garantie tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective est établie, car une disposition interne de l'expert ne peut guère être prouvée ; il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération ; les impressions individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 134 I 20 consid. 4.2 et les arrêts cités).

Le Tribunal fédéral a jugé que l'appartenance à un même centre d'expertise, qui n'implique normalement pas une présence régulière dans les mêmes locaux, n'est pas de nature à favoriser des liens plus étroits que ceux pouvant exister entre des spécialistes qui se croisent à l'occasion hors de leur lieu de travail habituel. Il en va en revanche différemment de deux médecins qui travaillent tous les jours dans les mêmes locaux au sein d'un petit cabinet de groupe dont ils partagent les frais. De tels contacts quotidiens doublés d'une communauté d'intérêts économiques à travers le partage des frais constituent des éléments objectifs suffisants - au vu des exigences élevées posées à l'impartialité des experts médicaux - pour faire naître à tout le moins une apparence de prévention lorsque l'un des associés est désigné comme expert par un assureur-accidents alors que son associé a déjà émis un avis médical sur le cas en tant que médecin-conseil dudit assureur (ATF 148 V 225 consid. 5.3).

7.2 En l’occurrence, aucun élément de la procédure ne laisse penser que les médecins traitants du recourant pourraient interférer dans l’appréciation du
Dr I______. Que ce dernier intervienne comme médecin consultant au service de chirurgie orthopédique et traumatologie des HUG, où le recourant est suivi, ne saurait suffire à donner l’apparence d’une prévention, ni à faire redouter une activité partiale de l’expert.

La certification SIM imposée dorénavant à certains experts mandatés par les assureurs (art. 44 LPGA et 7m de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 [OPGA - RS 830.11]) n’apparaît pas pertinente dans le cadre d’une expertise judiciaire, ce d’autant qu’un délai de
5 ans est prévu pour son exigibilité selon les dispositions transitoires de la modification du 3 novembre 2021.

Il n’y a ainsi pas de motif justifiant un changement d’expert.

8.             Partant, l’expertise judiciaire orthopédique est confiée à la Dre H______ et au Dr I______.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

Préparatoirement :

I. Ordonne une expertise médicale du recourant.

II. La confie à la docteure H______, spécialiste en chirurgie du pied et de la cheville, et au docteur I______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur.

III. Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

A.  Prendre connaissance du dossier de la cause.

B. Si nécessaire, compléter le dossier médical et prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité de l’expertisé, notamment le Dr E______.

C. Examiner l’expertisé et, en cas de besoin, ordonner d'autres examens.

D. Établir un rapport comprenant les éléments et les réponses aux questions suivants :

1. Anamnèse détaillée

2. Plaintes de la personne expertisée

3. Status et constatations objectives

4. Diagnostics

4.1 Avec répercussion sur la capacité de travail

4.1.1 Dates d'apparition

4.2 Sans répercussion sur la capacité de travail

4.2.2 Dates d'apparition

4.3 L’état de santé de la personne expertisée est-il stabilisé ?

4.3.1 Si oui, depuis quelle date ?

4.4. Les atteintes et les plaintes de la personne expertisée
correspondent-elles à un substrat organique objectivable ?

5. Causalité

5.1 Les atteintes constatées sont-elles dans un rapport de causalité avec l’accident du 6 septembre 2021, respectivement du 16 janvier 2023? Plus précisément ce lien de causalité est-il seulement possible (probabilité de moins de 50%), probable (probabilité de plus de 50%) ou certain (probabilité de 100%) ?

5.1.1 Veuillez motiver votre réponse pour chaque diagnostic posé.

5.1.2 Le statu quo ante a-t-il été atteint (moment où l’état de santé de la personne expertisée est similaire à celui qui existait immédiatement avant l’accident) ? Si oui, à partir de quel moment ?

5.1.3 Veuillez indiquer la date du statu quo ante pour chaque diagnostic posé.

5.2 L’accident a-t-il décompensé un état maladif préexistant ?

5.2.1 Si oui, à partir de quel moment le statu quo sine a-t-il été atteint (moment où l’état de santé de la personne expertisée est similaire à celui qui serait survenu tôt ou tard, même sans l’accident par suite d’un développement ordinaire) ?

6. Limitations fonctionnelles

6.1. Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic.

6.1.1 Dates d'apparition

7. Capacité de travail

7.1 Quelle est la capacité de travail de la personne expertisée dans son activité habituelle, compte tenu des seules atteintes en rapport de causalité (au moins probable - probabilité de plus de 50%) avec l’accident et comment cette capacité de travail a-t-elle évolué depuis l’accident ? Faut-il compter avec une diminution de rendement ? Si oui, de quel taux et quelle est finalement la capacité de travail exigible ?

7.1.1 Si la capacité de travail est seulement partielle, quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ? Depuis quelle date sont-elles présentes ?

7.2 Quelle est la capacité de travail de la personne expertisée dans une activité adaptée, compte tenu des seules atteintes en rapport de causalité (au moins probable - probabilité de plus de 50%) avec l’accident ? Faut-il compter avec une diminution de rendement ? Si oui, de quel taux et quelle est finalement la capacité de travail exigible ?

7.2.1 Si cette capacité de travail est seulement partielle, quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ? Depuis quelle date sont-elles présentes ?

8. Traitement

8.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.

8.2 Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée.

8.3 Peut-on attendre de la poursuite du traitement médical une notable amélioration de l’état de santé de la personne expertisée ?

8.4 Si non, à partir de quel moment ne peut-on plus attendre de la continuation du traitement médical une notable amélioration de l’état de santé de la personne expertisée (état final atteint) ?

9. Atteinte à l’intégrité

9.1 La personne expertisée présente-t-elle une atteinte à l’intégrité définitive, en lien avec les atteintes en rapport de causalité au moins probable (probabilité de plus de 50%) avec l’accident ?

9.2 Si oui, quel est le taux applicable selon les tables de la SUVA ?

9.3 Si une aggravation de l’intégrité physique est prévisible, veuillez en tenir compte dans l’évaluation de l’atteinte à l’intégrité et l’expliquer en détaillant le pourcentage dû à cette aggravation, étant précisé que seules les atteintes à la santé en lien probable (probabilité de plus de 50%) avec l’accident doivent être incluses dans le calcul du taux de l’indemnité.

10.    Appréciation d'avis médicaux du dossier

10.1 Êtes-vous d'accord avec les rapports du Dr E______ des
11 mars et 30 octobre 2024 ? Pour quels motifs ?

10.2 Êtes-vous d'accord avec les rapports du Dr F_____ des
18 décembre 2023, 28 juin 2024 et 14 avril 2025 ? Pour quels motifs ?

11.    Quel est le pronostic ?

12.    Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.

E. Invite les experts à déposer leur rapport en trois exemplaires dans les meilleurs délais auprès de la chambre de céans.

F. Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

 

La greffière

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

Joanna JODRY

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le