Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2886/2024

ATAS/533/2025 du 30.06.2025 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2886/2024 ATAS/533/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 juin 2025

Chambre 3

 

En la cause

A______

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : le bénéficiaire) bénéficie des prestations complémentaires depuis plusieurs années.

b. Par décisions du 27 juillet 2023, le Service des prestations complémentaires a recalculé le droit aux prestations de l’intéressé pour la période du 1er janvier 2018 au 31 juillet 2023 en mettant sa situation à jour et en tenant compte, notamment, des montants versés à titre rétroactif par l’assurance-invalidité (AI), d’une part, par la prévoyance professionnelle (Caisse de prévoyance de l'Etat de Genève [CPEG]), d’autre part.

A l’issue de ces nouveaux calculs, le SPC est parvenu à la conclusion que CHF 71'255.10 (CHF 69'501.- de prestations complémentaires + CHF 1'754.10 de subsides d’assurance-maladie) avaient été versés à tort au bénéficiaire durant cette période, montant dont il a réclamé la restitution.

c. Le 3 octobre 2023, le bénéficiaire a sollicité la remise de l’obligation de restituer cette somme, soit en totalité, soit partiellement.

Il a fait remarquer qu’il avait toujours tenu le SPC informé de l’évolution des ressources de la famille et que le calcul rétroactif se fondait sur des prestations elles-mêmes allouées de manière rétroactive, si bien que sa bonne foi ne pouvait être mise en doute.

Pour le surplus, il alléguait que le montant versé à titre rétroactif par la CPEG en mars 2023, soit CHF 67'715.20, avait été en grande partie utilisé pour solder le débit de leurs cartes de crédit (à hauteur de CHF 13'940.-), réparer le véhicule du couple (CHF 8’343.-) et subvenir à l’entretien de leur enfant, notamment en payant ses primes d’assurance-maladie (CHF 5'101.60). Il soutenait que, bien qu’il restât un reliquat sur le montant versé par la CPEG, le remboursement de la somme réclamée les mettrait dans une situation financière difficile.

d. Avant de statuer sur la demande de remise, le SPC a sollicité de son bénéficiaire la production des relevés détaillés – pour la période du 1er mars au 30 septembre 2023 - du compte bancaire sur lequel les arriérés de rentes de la prévoyance professionnelle avaient été versés à son épouse, les justificatifs des remboursements effectués sur les comptes de cartes de crédits pour la même période, ainsi que les preuves de paiement des divers frais engagés.

e. Le bénéficiaire s’est exécuté en date du 23 janvier 2024.

f. Par décision du 6 mai 2024, le SPC a accordé au bénéficiaire la remise de l’obligation de restituer un montant de CHF 17'703.85, réduisant ainsi la somme à rembourser à CHF 53'551.25.

Le SPC a constaté que la demande de remboursement n’étant pas liée à une violation de l’obligation de renseigner, la condition relative à la bonne foi était remplie.

S’agissant de celle relative à la situation financière difficile dans laquelle un remboursement mettrait le bénéficiaire, le SPC a constaté :

-          que le 1er mars 2023, le solde du compte bancaire de l’épouse du bénéficiaire affichait un solde de CHF 0.- ;

-          que le 29 mars 2023, y avait été crédité un montant de CHF 68'622.- en provenance de la CPEG (CHF 67'715.20 d’arriérés de rente de la prévoyance professionnelle + CHF 906.90 de rente courante) ;

-          qu’en date du 30 septembre 2023 – date à laquelle la décision de restitution était devenue exécutoire -, le solde de ce compte ne s’élevait plus qu’à CHF 36'879.70 ;

-          que la diminution de fortune était donc de CHF 30'835.50 (CHF 67'715.20 – CHF 36'879.70) ;

-          que l’assuré avait produit divers justificatifs pour expliquer cette diminution de fortune, pris en compte par le SPC comme suit :

date

créancier

montant

03.04.2023

Cembra Money Bank SA

4'920.--

21.04.2023

Viseca Payment Services SA

3'400.--

02.05.2023

Garage Marton

1'125.80

11.05.2023

Cembra Money Bank SA

300.--

23.05.2023

Viseca Payment Services SA

450.--

26.06.2023

Viseca Payment Services SA

550.--

31.07.2023

Viseca Payment Services SA

800.--

22.08.2023

Viseca Payment Services SA

1’500.--

14.09.2023

Garage Marton

1'018.15

23.09.2023

Viseca Payment Services SA

100.--

Total

 

14'163.95

-          que ne pouvaient en revanche être prises en considération les dépenses effectuées en dehors de la période du 29 mars au 30 septembre 2023, celles pour lesquelles aucune preuve de paiement n’avait été produite, pas plus que celles engagées pour l’enfant majeur du couple, envers lequel il n’y avait plus d’obligation d’entretien  ;

-          que la fortune dessaisie s’établissait ainsi à CHF 16'671.55 (CHF 30'835.50 – CHF 14'163.95), ce qui, ajouté à la fortune effective de CHF 36'879.70, donnait un total de CHF 53'551.25 ;

-          que dès lors, la condition relative à la situation financière difficile n’était réalisée que pour le montant de CHF 17'703.85 (CHF 71'255.10 - CHF 53'551.25).

g. Le 6 juin 2024, le bénéficiaire s’est opposé à cette décision.

Le bénéficiaire a produit des factures de garage supplémentaires.

Pour le surplus, il a fait valoir que, bien que son fils ait atteint la majorité, il avait continué à vivre sous son toit et n’avait bénéficié d’aucun revenu jusqu’à ce qu’il puisse émarger à l’assurance-chômage, en juillet 2023. Il estimait donc de son devoir moral de continuer à participer à son entretien, notamment par le paiement de ses primes d’assurance-maladie.

Le bénéficiaire s’est étonné que le montant réclamé initialement soit fixé à CHF 71'225.10 et non à CHF 67'715.20 (montant reçu par son épouse de la CPEG), alléguant qu’il ne pouvait se trouver enrichi d’une somme supérieure à celle reçue.

Il a soutenu que le montant alloué par la CPEG avait servi à l’entretien de la famille.

Enfin, il a argué que le remboursement d’une somme supérieure à CHF 15'000.- placerait la famille dans une situation difficile.

h. Par décision du 3 juillet 2024, le SPC a partiellement admis l’opposition, en ce sens qu’il a accepté la remise de l’obligation de restituer le montant de CHF 23'903.15, réduisant ainsi la somme à rembourser à CHF 47'351.95.

Le SPC a expliqué au bénéficiaire que le montant des prestations versées à tort s’établissait bien à CHF 71'255.10 et ne correspondait pas au montant des arriérés de rente de la prévoyance professionnelle. Il portait en effet sur la période comprise entre le 1er janvier 2018 et le 31 juillet 2023. Les arriérés de rente LPP avaient été versés le 29 mars 2023 ; or, l’assuré avait continué à bénéficier de prestations du 1er avril au 31 juillet 2023, ce qui expliquait que le montant versé à tort soit supérieur à celui de l’arriéré des prestations LPP.

Le SPC a accepté de tenir compte des factures de garagiste nouvellement produites par le bénéficiaire, dont il a admis qu’elles avaient été acquittées en avril 2023, de sorte le décompte des dépenses justifiées a été rectifié comme suit :

date

créancier

montant

03.03.2023

Garage Marton

4'987.30

13.03.2023

Garage Marton

488.30

27.03.2023

Garage Marton

723.70

03.04.2023

Cembra Money Bank SA

4'920.--

21.04.2023

Viseca Payment Services SA

3'400.--

02.05.2023

Garage Marton

1'125.80

11.05.2023

Cembra Money Bank SA

300.--

23.05.2023

Viseca Payment Services SA

450.--

26.06.2023

Viseca Payment Services SA

550.--

31.07.2023

Viseca Payment Services SA

800.--

22.08.2023

Viseca Payment Services SA

1’500.--

14.09.2023

Garage Marton

1'018.15

23.09.2023

Viseca Payment Services SA

100.--

Total

 

20'363.25

En revanche, le paiement des primes d’assurance-maladie du fils majeur du bénéficiaire ne pouvait être pris en considération, dès lors qu’il n’avait plus aucune obligation d’entretien à son égard. Il eût été loisible au fils de l’intéressé de s’adresser à l’Hospice général.

S’agissant des extraits de compte bancaire de l’épouse du bénéficiaire concernant la période comprise entre avril et juillet 2023, le SPC a constaté que les débits correspondaient à des retraits d’argent dont rien n’indiquait à quoi il avait été affecté, étant rappelé que l’entretien courant du bénéficiaire était alors couvert par les prestations complémentaires.

Au vu des rectifications accordées, la fortune dessaisie s’établissait ainsi à CHF 10'475.25 (recte : 10'472.25 [CHF 30'835.50 – CHF 20'363.25]), ce qui, ajouté à la fortune effective de CHF 36'879.70, donnait un total de CHF 47'351.95.

Dès lors, la condition de la situation difficile n’était réalisée que pour le montant de CHF 23'903.15 (CHF 71'255.10 – CHF 47'351.95), pour lequel la remise de l’obligation de restituer était admise, rejetée pour le surplus.

Cette décision a été notifiée au bénéficiaire le 10 juillet 2024.

B. a. Par écriture du 9 septembre 2024, le bénéficiaire a interjeté recours contre cette décision.

Il conclut à ce que la remise de l’obligation de restituer lui soit accordée à tout le moins à concurrence de la fortune effective encore disponible au moment de l’entrée en force de la décision du 27 juillet 2023 (soit le 30 septembre 2023), soit CHF 36'879.80 (recte : 36'879.70).

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 7 octobre 2024, a conclu au rejet du recours.

c. Les autres faits seront repris - en tant que de besoin - dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

 

 

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30).

1.2 Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

2.2 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA).

2.3 Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA ; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance‑invalidité [LPFC - J 4 20] ; art. 43 LPCC).

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de refus de remise de l’obligation de restituer la somme de CHF 47'351.95.

4.              

4.1 S'agissant des prestations complémentaires fédérales, l'art. 25 al. 1 1ère phrase LPGA, en relation avec l'art. 2 al. 1 let. a de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA ; RS 830.11), dispose que les prestations indûment touchées doivent être restituées par le bénéficiaire ou par ses héritiers.

La restitution ne peut être exigée lorsque l’intéressé était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile.

L’art. 4 al. 2 OPGA précise qu’est déterminant, pour apprécier s’il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire.

Il y a situation financière difficile lorsque les dépenses reconnues par la LPC et les dépenses supplémentaires au sens de l’art. 5 al. 4 OPGA sont supérieures aux revenus déterminants selon la LPC (art. 5 al. 1 OPGA).

Selon l’art. 5 al. 2 OPGA, sont pris en considération pour effectuer le calcul des dépenses reconnues :

a. pour les personnes vivant à domicile : comme loyer, le montant maximal respectif au sens de l’art. 10 al. 1 let. b, LPC ;

b. pour les personnes vivant dans un home ou dans un hôpital : un montant de CHF 4800.- par an pour les dépenses personnelles ;

c. pour toutes les personnes, comme montant forfaitaire pour l’assurance obligatoire des soins : la prime la plus élevée pour la catégorie de personnes en cause, conformément à la version en vigueur de l’ordonnance du Département fédéral de l’intérieur (DFI) relative aux primes moyennes cantonales et régionales de l’assurance obligatoire des soins pour le calcul des prestations complémentaires.

Conformément à l’art. 5 al. 4 OPGA, sont prises en considération les dépenses supplémentaires suivantes :

a. CHF 8000.- pour les personnes seules ;

b. CHF 12'000.- pour les couples ;

c. CHF 4000.- pour les enfants ayant droit à une rente d’orphelin ou donnant droit à une rente pour enfant de l’AVS ou de l’AI.

Cela étant, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en cas de paiement rétroactif de rente, la jurisprudence concernant les limites de revenu applicable ne vaut plus. Il s'agit alors uniquement d'examiner si, au moment où la restitution doit avoir lieu, il existe des éléments de fortune versés rétroactivement (le débiteur se trouve enrichi), de telle sorte que l'on peut raisonnablement exiger de l'assuré qu'il s'acquitte de son obligation de restituer, ce qui conduit à nier l'existence d'une charge trop lourde. En effet, le Tribunal fédéral a considéré qu'il n'était pas satisfaisant qu’un assuré puisse bénéficier deux fois d'un complément à sa rente, avec pour conséquence vraisemblable une surindemnisation. Afin d'éviter qu’il ne s'enrichisse par le biais des prestations complémentaires - dont le but constitutionnel est la couverture des besoins vitaux - il a opté pour une solution permettant d'arriver à un résultat analogue à celui qu'on obtient au moyen de l'avance dont les modalités sont prévues à l'art. 85bis RAI (cf. ATF 122 V 134).

En d’autres termes, dans l'hypothèse où le capital obtenu grâce au paiement de la rente arriérée est encore disponible au moment de l'entrée en force de la décision de restitution, la situation difficile doit être niée. En cas de diminution du patrimoine avant l'entrée en force de la décision de restitution, il faut en examiner les raisons. S'il s'avère que l'assuré a renoncé à des éléments de fortune sans obligation juridique ou sans avoir reçu, en échange, une contre-prestation équivalente (sur ces notions, ATF 146 V 306 consid. 2.3.1; arrêts 9C_787/2020 et 9C_22/2021 du 14 avril 2021 consid. 4.2 et les références), le patrimoine dont il s'est dessaisi devra être traité comme s'il en avait encore la maîtrise effective, en appliquant par analogie les règles sur le dessaisissement de fortune au sens des art. 11 al. 1 let. g aLPC et 17a aOPC-AVS/Al (arrêts 9C_246/2022 du 6 décembre 2022 consid. 3.3 ; 8C_954/2008 du 29 mai 2009 consid. 7.2 et les références; 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.2; C 93/05 du 20 janvier 2007 consid. 5.3.4).  

Dans le régime des prestations complémentaires, l'assuré qui n'est pas en mesure de prouver avec une vraisemblance prépondérante que ses dépenses ont été effectuées moyennant contre-prestation adéquate ne peut pas se prévaloir d'une diminution (supérieure à la moyenne) correspondante de sa fortune, mais doit accepter que l'on s'enquière des motifs de cette diminution et, en l'absence de la preuve requise, que l'on tienne compte d'une fortune hypothétique (arrêt 9C_246/2022 du 6 décembre 2022 consid. 3.4 ; ATF 146 V 306 consid. 2.3.2; arrêts P 65/04 du 29 août 2005 consid. 5.3.2; 9C_377/2021 du 22 octobre 2021 consid. 3.3 et les références).  

4.2 Au plan cantonal, l'art. 24 al. 1 1ère phrase LPCC prévoit que les prestations indûment touchées doivent être restituées.

Conformément à l’art. 43A LPCC, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si le bénéficiaire ou le service découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits avant (al. 1).

Le SPC peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (al. 2).

Le droit cantonal prévoit également le principe de la remise de l’obligation de restituer (cf. art. 24 al. 1 LPCC, art. 15 et 16 RPCC-AVS/AI).

4.3 De même, conformément à l’art. 33 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal – J 3 05), les subsides indûment touchés doivent être restitués en appliquant par analogie l'art. 25 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (al. 1). Lorsque des subsides ont été indûment touchés par un bénéficiaire des prestations du service, ce service peut en demander la restitution au nom et pour le compte du service de l'assurance-maladie (al. 2).

5.             En l’espèce, lorsque l’intimé a calculé le droit aux prestations du bénéficiaire, elle ignorait que l’épouse de celui-ci bénéficierait d’arriérés de rente LPP en mars 2023. Dès lors qu'il s'agit indéniablement d'un fait important de nature à modifier le calcul du droit aux prestations, on est en présence d'un motif de révision procédurale. Afin d'éviter que l’intéressé ne soit doublement indemnisé pour la période allant du 1er janvier 2018 au 31 juillet 2023 (prestations complémentaires et rente de la prévoyance professionnelle), l'administration doit recalculer le revenu déterminant. Ce nouveau calcul déploiera des effets ex tunc, comme c'est le cas dans la révision procédurale, avec comme conséquence pour le bénéficiaire l’obligation de restituer les prestations complémentaires indûment touchées.

Dans ces circonstances, l'obligation de restituer les prestations complémentaires indûment touchées et son étendue dans le temps ne sont pas liées à une violation de l'obligation de renseigner. Il s'agit simplement de rétablir l'ordre légal, après la découverte du fait nouveau. C'est dire que, comme cela ressort du texte de l'ordonnance, les lettres c et d de l'art. 25 al. 2 OPC-AVS/AI ne s'appliquent pas en pareille hypothèse (cf. ATF 119 V 193 consid. 2c). Dans le cas particulier, il s'agit de l'existence d'un élément de revenu inconnu au moment de la décision, mais qui aurait dû être pris en compte parce qu'il existait déjà - du moins sous forme de créance ou de prétention -, une hypothèse qui n'est pas envisagée par cette disposition.

Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que la rente d'invalidité servie à l'épouse du bénéficiaire par la CPEG a été prise en considération dans l'établissement du revenu déterminant, ce que le recourant ne conteste au demeurant pas.

La bonne foi du recourant n’est pas non plus contestée.

Seule se pose la question de la condition relative à la situation financière difficile.

L’intimé a tout d'abord constaté que l’épouse du recourant avait reçu en date du 29 mars 2023 sur son compte bancaire – dont le solde était précédemment de CHF 0.- - la somme de CHF 67'715.20, correspondant aux arriérés de rente de la prévoyance professionnelle.

Il a également constaté qu’en date du 30 septembre 2023 – date à laquelle la décision de restitution était devenue exécutoire -, le solde du compte de l’épouse du bénéficiaire ne s’élevait plus qu’à CHF 36'879.70, accusant ainsi une diminution de fortune de CHF 30'835.50 (CHF 67'715.20 – CHF 36'879.70).

Après avoir répertorié les dépenses justifiées permettant d’expliquer cette diminution, l’intimé a conclu que le montant de la fortune dont le couple s’était dessaisie s’établissait à CHF 10'472.25 (CHF 30'835.50 – CHF 20'363.25), ce qui, ajouté à la fortune effective de CHF 36'879.70, donnait un total de CHF 47'351.95. Dès lors, la condition de la situation difficile n’était réalisée que pour le montant de CHF 23'903.15 (CHF 71'255.10 – CHF 47'351.95), pour lequel l’intimé a accepté la remise de l’obligation de restituer.

Le recourant reproche à l’intimé de ne pas avoir pris en compte le relevé de compte bancaire de son épouse. Il argue à cet égard que les retraits qui ont été opérés sur celui-ci ont servi à subvenir à l’entretien de la famille. Cela étant, comme le fait remarquer l’intimé, durant cette période, le recourant bénéficiait des prestations complémentaires. Dès lors, on peut en tirer la conclusion que l’entretien courant a été assuré par celles-ci, à défaut de preuve du contraire apportée par l’intéressé.

Le recourant allègue par ailleurs n’avoir jamais disposé d’une fortune de CHF 71'255.10, mais seulement de CHF 67'715.20. La différence entre ces deux montants résulte des prestations que le SPC lui a allouées mensuellement et ce, alors même qu’il l’avait informé du versement du rétroactif. Certes, mais, comme déjà indiqué plus haut, il n’est pas contesté que ces prestations ont été versées à tort. Il est vrai que le recourant a satisfait à son obligation de renseigner. Cela étant, il s’agit en l’occurrence de rétablir l’ordre légal en restituant les prestations qui n’auraient pas dû être allouées. Le recourant ne saurait décemment reprocher à l’intimé d’avoir tardé à agir et en tirer argument, puisque la décision en restitution a été rendue à peine trois mois après que l’intimé a été informé de la situation.

En troisième lieu, le recourant reproche à l’intimé de ne pas avoir tenu compte du montant de CHF 5'101.60 versé à leur fils Vedran à titre de paiement de ses primes d’assurance-maladie. Il fait valoir qu’entre septembre 2022 et juin 2023, leur fils a été entièrement à leur charge, puisqu’il n’a disposé d’aucun revenu jusqu’à ce qu’il bénéficie des indemnités de l’assurance-chômage. Le recourant ne saurait être suivi sur ce point.

Aux termes de l'art. 328 al. 1 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), chacun, pour autant qu'il vive dans l'aisance, est tenu de fournir des aliments à ses parents en ligne directe ascendante et descendante, lorsque, à défaut de cette assistance, ils tomberaient dans le besoin. Selon l'art. 329 al. 1 CC, l'action alimentaire (...) tend aux prestations nécessaires à l'entretien du demandeur et compatibles avec les ressources de l'autre partie.  Le prétendant a droit à la couverture de ce qui est nécessaire pour vivre, après que ses propres moyens aient été épuisés. Seuls les besoins élémentaires sont couverts par l'art. 328 al. 1 CC, à savoir la nourriture, l'habillement, le logement, les soins médicaux de base, l'assurance-maladie obligatoire, les médicaments, les frais d'hospitalisation et le traitement en institution (ATF 136 III 1 consid. 4; 133 III 507 consid. 5.1, JdT 2007 I 130; 132 III 97 consid. 2.2; 121 V 204 consid. 5a; ANTOINE EIGENMANN, Commentaire romand, CC I, 2e éd. 2024, n° 11 ad art. 328/329 CC). Quant au débiteur, il n'est tenu de fournir des aliments que s'il vit dans l'aisance. Pour déterminer sa situation financière, il est non seulement enu compte de ses revenus, mais également de sa fortune. Toutefois le débiteur ne sera pas tenu d'entamer sa fortune lorsque celle-ci doit demeurer intacte afin d'assurer à long terme ses moyens d'existence (ATF 132 III 97 consid. 3). 

En l’occurrence, si l’on admet l’existence du devoir moral invoqué par le recourant envers son fils majeur, quoi qu’il en soit, cela ne permet pas d'exclure un dessaisissement puisque le recourant est lui-même titulaire d’une rente de l'assurance-invalidité ne couvrant pas ses propres besoins. Dans de telles circonstances, le fait d'assurer le soutien d'un proche, au-delà des limites financières prescrites par les art. 328ss CC pour les parents en ligne ascendante et descendante directe, entraîne un état d'indigence chez celui qui en assume la charge et constitue un dessaisissement (cf. également arrêt 8C_463/2024 du 27 mai 2025 consid. 9.s ; arrêt P 76/01 du 9 janvier 2003 consid. 3.1 et la référence, ainsi que le Message du Conseil fédéral du 16 septembre 2016 relatif à la modification de la loi sur les prestations complémentaires [Réforme PC], FF 2016 7322).  

Il ressort de ce qui précède qu’en vertu des règles sur le dessaisissement applicables par analogie, il faut considérer qu'en septembre 2023 (soit au moment où la décision de restitution est devenue exécutoire, le recourant avait encore la maîtrise du montant de CHF 47'351.95. Par conséquent, la condition de la situation difficile au sens de l'art. 25 al. 1 LPGA n'est que partiellement remplie en l'espèce.

Il résulte de ce qui précède que la décision de l’intimé de n’accepter la remise de l’obligation de restituer qu’à hauteur du montant de CHF 23'903.15, réduisant ainsi la somme à rembourser à CHF 47'351.95, est bien fondée.

Eu égard aux considérations qui précèdent, le recours est rejeté.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Pascale HUGI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le