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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3480/2024

ATAS/506/2025 du 30.06.2025 ( AVS ) , REJETE

En fait
En droit

érÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3480/2024 ATAS/506/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 juin 2025

Chambre 16

 

En la cause

A______

et

B______

tous deux représentés par Me Christian FISCHER, avocat

recourants

 

contre

 

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FEDERATION DES ENTREPRISES ROMANDES –
FER-CIAM 106.13

 

intimée


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1974 à Téhéran (Iran), de nationalité française, est domicilié à C______, dans le canton de Vaud.

b. En 2015, l’assuré et la société D______ (ci-après : D______) ont créé la société d’exercice libéral de médecins à responsabilité limitée B______ (ci‑après : E______), dont l'assuré est gérant unique et actionnaire majoritaire.

c. L’assuré a travaillé, en tant que salarié ou indépendant, pour le compte de plusieurs sociétés sises en Suisse et en France.

Ainsi, dès le 1er janvier 2012, il a travaillé en tant qu’indépendant en Suisse tout en étant co-gérant de la E______, sise à F______ (département de l’Ain, France). Pour ces deux activités, il était soumis à la législation suisse en matière de sécurité sociale.

Du 22 mai 2014 au 31 décembre 2020, il a travaillé en Suisse en tant qu’indépendant tout en étant co-gérant de la E______. Pour ces deux activités, l’assuré était également soumis à la législation suisse en matière de sécurité sociale.

Pour l’ensemble des activités précitées, l’assuré était affilié auprès de la caisse interprofessionnelle AVS de la fédération des entreprises romandes – FER-CIAM 106.13 (ci-après : la caisse) en tant qu’indépendant.

B. a. Par appel et courriel du 31 janvier 2022, l’assuré, par l’intermédiaire de sa fiduciaire, a informé la caisse que depuis le 1er janvier 2021, il était en Suisse salarié de la société G______ SA et non plus indépendant. En revanche, il continuait ses activités auprès de la E______ et percevait pour cela un revenu de dirigeant d’entreprise.

b. Par décisions des 22 mars et 29 septembre 2023, la caisse a requalifié, en activité salariée, avec effet au 1er janvier 2021, l’activité que l’assuré exerçait auprès de la E______.

c. Le 27 octobre 2023, sous la plume de son conseil, l’assuré s’est opposé à la décision du 29 septembre 2023, concluant à ce qu’il soit retenu qu’il exerçait une activité indépendante pour le compte de la E______ et à ce que cette dernière ne soit pas affiliée auprès de la caisse, qu’elle ne soit pas astreinte à le considérer comme un salarié pour ses activités passées, présentes et futures et qu’elle n’ait pas à soumettre sa rémunération à des charges sociales.

d. Au 25 mars 2024, l’assuré était débiteur d’un montant de CHF 93'472.70 pour lequel la caisse a introduit plusieurs poursuites.

e. Par décision sur opposition du 19 septembre 2024, la caisse a confirmé sa décision du 29 septembre 2023, persistant à considérer que l’assuré exerçait une activité salariée pour le compte de la E______. Elle a également précisé qu’elle aurait déjà dû requalifier l’activité de l’assuré dès son affiliation en Suisse en date du 22 mai 2015, ce qu’elle n’avait pas fait. C’était pour des mesures de simplification qu’elle avait requalifié ladite activité à compter du 1er janvier 2021 seulement, à savoir depuis le début de la nouvelle activité auprès de G______, sise à C______.

La caisse a également constaté que dans la mesure où le conseil de l’assuré ne justifiait pas de pouvoirs au nom de la E______, il ne pouvait prendre des conclusions en lien avec cette société.

C. a. Le 21 octobre 2024, sous la plume de leur conseil, l’assuré et la E______ ont interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre la décision du 29 septembre 2023 et la décision sur opposition du 19 septembre 2024, concluant, sous suite de frais et dépens, à leur réformation en ce sens que l’assuré devait être maintenu dans son statut d’indépendant pour l’activité professionnelle de médecin qu’il exerçait en France et de gérant de la E______, à ce que la caisse intimée soit astreinte à mettre fin à toute poursuite en recouvrement des cotisations patronales et à lui restituer les montants perçus à ce titre ainsi que les frais d’administration, à l’annulation, avec effet rétroactif au 1er janvier 2021, de l’affiliation de la E______ à la caisse intimée et à la constatation qu’elle n’était redevable d’aucune cotisation AVS.

Le statut de l’assuré devait être examiné selon le droit suisse. Au regard des divers critères, c’est un statut d’indépendant qui devait être retenu.

b. Par réponse du 19 novembre 2024, la caisse a persisté dans les termes de la décision sur opposition querellée.

Le recourant agissait comme médecin ophtalmologue pour le compte de la recourante et il en était également l’administrateur. En droit suisse, une telle activité était qualifiée de salariée dans le contexte d’une société de capitaux.

c. Dans leur réplique du 7 janvier 2025, les recourants ont notamment considéré qu’au vu des particularités de la société, qui était une E______, le gérant et ses associés devaient nécessairement pratiquer leur profession libérale en respectant les règles professionnelles françaises. Aussi, les directives suisses ne sauraient leur imposer, que ce soit en France ou dans n’importe quel autre pays, une position de subordonnés exerçant un travail dépendant qui constituerait une violation de ces règles. La situation d’associé et gérant d’une E______ de droit français était nullement comparable à celle d’un membre du conseil d’administration d’une société anonyme (ci-après : SA) ou d’associé-gérant d’une Sàrl de droit suisse.

d. Par duplique du 31 janvier 2025, la caisse intimée a encore relevé que la requalification du statut étranger déployait ses effets en Suisse uniquement en matière d’assujettissement aux assurances. Il ne s’agissait aucunement de requalifier la relation contractuelle entre les recourants au regard du droit du travail, de sorte que cela n’empiétait nullement sur les règles professionnelles des gérants et associés d’une E______ en France et n’entraînait aucune violation d’autres règles de droit français.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.             1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAVS, les dispositions de la LPGA s'appliquent aux art. 1 à 97 LAVS, à moins que la loi n'y déroge expressément. Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable en tant qu’il est dirigé contre la décision sur opposition du 19 septembre 2024.

Il est toutefois irrecevable en tant que les recourants concluent également à l’annulation de la décision du 29 septembre 2023, celle-ci ayant en réalité été remplacée par la décision sur opposition précitée.

2.             2.1 Le litige porte sur le statut du recourant dans le cadre de son activité pour la recourante, singulièrement sur l’exercice d’une activité salariée ou indépendante.

2.2 Sur ce point, il sera relevé que le litige ne porte pas en tant que tel sur le calcul des cotisations dues par le recourant, de sorte que les factures et relevés des cotisations AVS/AI concernant son activité en France à partir du 1er janvier 2021 ainsi que tous les relevés de paiements y relatifs, dont le recourant demande la production, ne sont pas pertinents pour le présent litige. Il ne sera par conséquent pas donné suite à cette demande, formulée par le recourant dans son acte de recours.

3.             Le recourant, de nationalité française, exerce une activité salariée en Suisse et une activité indépendante en France au regard du droit français.

3.1 Selon l’art. 8 de l’accord entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681), les parties règlent, conformément à l’annexe II, la coordination des systèmes de sécurité sociale dans le but d’assurer notamment l’égalité de traitement (let. a), la détermination de la législation applicable (let. b), ou encore le paiement des prestations aux personnes résidant sur le territoire des parties contractantes (let. d).

Aux termes de l'art. 1 § 1 de l'annexe II à l'ALCP, en relation avec la section A de cette annexe, les parties contractantes appliquent entre elles en particulier le règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, modifié par le règlement (CE) no 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 (RS 0.831.109.268.1 ; ci-après : règlement no 883/2004).

Le règlement no 883/2004 s’applique aux ressortissants de l’un des États membres, aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un État membre qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres, ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants (art. 2). Il s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent notamment les prestations d'invalidité, les prestations de vieillesse et les prestations de survivant (art. 3 §. 1 let. c, d et e).

Selon l'art. 11 du règlement no 883/2004, les personnes auxquelles le règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément au titre II (§ 1). Sous réserve des art. 12 à 16 la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre (let. a § 3).

L’art. 13 du règlement n° 883/2004 régit les situations dans lesquelles la personne exerce des activités dans deux ou plusieurs État membres. Ainsi, la personne qui exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres est notamment soumise à la législation de l'État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre ou si elle dépend de plusieurs entreprises ou de plusieurs employeurs ayant leur siège social ou leur siège d'exploitation dans différents États membres (§1 let. a). La personne qui exerce normalement une activité non salariée dans deux ou plusieurs États membres est notamment soumise à la législation de l'État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre (§2 let. a). La personne qui exerce normalement une activité salariée et une activité non salariée dans différents États membres est soumise à la législation de l'État membre dans lequel elle exerce une activité salariée ou, si elle exerce une telle activité dans deux ou plusieurs États membres, à la législation déterminée conformément au paragraphe 1 (§3).

3.2 Les directives de l'OFAS sur l’assujettissement aux assurances AVS et AI (DAA) précisent, à leur ch. 2013, la procédure en cas d’activité dans plusieurs États (n. 2013).

Ainsi, l’assujettissement des personnes travaillant dans plusieurs États a lieu en deux étapes :

-        pour la détermination de la législation applicable, sont déterminants les statuts (salarié ou indépendant) établis sur la base du droit national de l’État dans lequel chaque activité lucrative concernée est exercée (ATF 139 V 297) ;

-        dans le cas où l’étape précédente a permis d’établir un assujettissement à la législation suisse, la caisse de compensation doit considérer les activités exercées à l’étranger comme si elles étaient exercées en Suisse (cf. art. 13 § 5 du règlement 883/2004). De ce fait, elle doit établir si, au regard des critères de délimitation du droit suisse, l’activité exercée dans un État de l’UE/AELE doit être requalifiée (indépendante en salariée ou inversement).

Le n. 2014 DAA donne l’exemple suivant. Un ressortissant allemand qui vit en Suisse est membre du conseil de surveillance d’une société anonyme en Allemagne et membre du conseil d’administration d’une société anonyme en Suisse.

-        1re étape : selon le droit allemand, l’activité au sein d’un conseil de surveillance est considérée comme étant indépendante. Le droit suisse qualifie l’activité d’administrateur comme étant salariée. Selon l’art. 13 § 3 du règlement 883/2004, l’activité salariée prime l’activité indépendante. La personne doit donc être soumise au droit suisse.

-        2e étape : une activité au sein d’un conseil de surveillance étant salariée, selon le droit suisse, la caisse de compensation doit requalifier cette activité en tant que telle et également affilier auprès d’elle la personne concernée comme salariée pour cette activité.

3.3 En l'espèce, le recourant exerçant une activité salariée en Suisse, c’est le droit suisse qui s’applique et c’est donc au regard des critères de délimitation du droit suisse que la caisse de compensation devait examiner le statut du recourant et, au besoin requalifier son activité, ce qu’elle a fait.

Il convient donc d’examiner si c’est à juste titre que l'intimée a requalifié l’activité que le recourant exerce en France en activité salariée au regard du seul droit suisse, étant précisé qu’une éventuelle requalification ne produit ses effets qu’en ce qui concerne l’assujettissement en Suisse et non par rapport à la relation contractuelle entre les parties au regard du droit français.

4.             4.1 Selon l'art. 3 al. 1 1re phr. LAVS, les assurés sont tenus de payer des cotisations tant qu'ils exercent une activité lucrative.

L'art. 4 al. 1 LAVS prévoit que les cotisations des assurés qui exercent une activité lucrative sont calculées en pour-cent du revenu provenant de l'exercice de l'activité dépendante et indépendante.

Durant la période litigieuse, ces cotisations s'élevaient respectivement à 4.35% du revenu provenant d'une activité dépendante, appelé salaire déterminant, auxquels s'ajoutaient les cotisations d'employeur de 4.35% également, et en principe de 8.1% du revenu provenant d'une activité indépendante (art. 5 al. 1, 8 al. 1 et 13 LAVS dans leurs teneurs en vigueur au 1er janvier 2021).

4.2 Conformément à l'art. 5 al. 2 LAVS, le salaire déterminant comprend toute rémunération pour un travail dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé. Il englobe les allocations de renchérissement et autres suppléments de salaire, les commissions, les gratifications, les prestations en nature, les indemnités de vacances ou pour jours fériés et autres prestations analogues, ainsi que les pourboires, s'ils représentent un élément important de la rémunération du travail.

À teneur de l'art 10 LPGA, est réputé salarié celui qui fournit un travail dépendant et qui reçoit pour ce travail un salaire déterminant au sens des lois spéciales. Cette disposition renvoie aux lois spéciales et n'a aucun effet sur celles-ci : elle ne prévoit ni une annulation de ces dernières, ni n'introduit d'éventuelles dérogations dans les lois spéciales (arrêt du Tribunal fédéral H 2/06 du 10 avril 2006 consid. 6).

L'art. 7 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101) prévoit que le salaire déterminant pour le calcul des cotisations comprend, notamment, le salaire au temps, aux pièces (à la tâche) et à la prime, y compris les indemnités pour les heures supplémentaires, le travail de nuit et en remplacement (let. a) et les tantièmes, les indemnités fixes et les jetons de présence des membres de l'administration et des organes dirigeants des personnes morales (let. h).

4.3 Selon l'art. 9 al. 1 LAVS, le revenu provenant d'une activité indépendante comprend tout revenu du travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation dépendante.

Conformément à l'art. 12 LPGA, est considéré comme exerçant une activité lucrative indépendante celui dont le revenu ne provient pas de l'exercice d'une activité en tant que salarié. Une personne exerçant une activité lucrative indépendante peut simultanément avoir la qualité de salarié si elle reçoit un salaire correspondant.

L'art. 17 RAVS précise qu'est réputé revenu provenant d'une activité lucrative indépendante au sens de l'art. 9 al. 1 LAVS, tout revenu acquis dans une situation indépendante provenant de l'exploitation d'une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, de l'exercice d'une profession libérale ou de toute autre activité, y compris les bénéfices en capital et les bénéfices réalisés lors du transfert d'éléments de fortune au sens de l'art. 18 al. 2 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), et les bénéfices provenant de l'aliénation d'immeubles agricoles ou sylvicoles conformément à l'art. 18 al. 4 LIFD, à l'exception des revenus provenant de participations déclarées comme fortune commerciale selon l'art. 18 al. 2 LIFD.

5.             5.1 Le point de savoir si l'on a affaire, dans un cas donné, à une activité indépendante ou salariée ne doit pas être tranché d'après la nature juridique du rapport contractuel entre les partenaires. Ce qui est déterminant, bien plutôt, ce sont les circonstances économiques (ATF 140 V 241 consid. 4.2 et les références). Les rapports de droit civil peuvent certes fournir, éventuellement, quelques indices, mais ils ne sont pas déterminants. D'une manière générale, est réputé salarié celui qui dépend d'un employeur quant à l'organisation du travail et du point de vue de l'économie de l'entreprise, et ne supporte pas le risque encouru par l'entrepreneur (ATF 123 V 161 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_460/2015 du 18 novembre 2015 consid. 3.2). Ces principes ne conduisent cependant pas, à eux seuls, à des solutions uniformes, applicables schématiquement. Les manifestations de la vie économique revêtent en effet des formes si diverses qu'il faut décider dans chaque cas particulier si l'on est en présence d'une activité dépendante ou d'une activité indépendante en considérant toutes les circonstances de ce cas. Souvent, on trouvera des caractéristiques appartenant à ces deux genres d'activité ; pour trancher la question, on se demandera quels éléments sont prédominants dans le cas considéré (ATF 140 V 108 consid. 6 ; ATF 123 V 161 consid. 1 et les références).

Le risque économique encouru par l'entrepreneur peut être défini comme étant celui que court la personne qui doit compter, en raison d'évaluations ou de comportements professionnels inadéquats, avec des pertes de la substance économique de l'entreprise. Constituent notamment des indices révélant l'existence d'un risque économique d'entrepreneur le fait que l'assuré opère des investissements importants, subit les pertes, supporte le risque d'encaissement et de ducroire, supporte les frais généraux, agit en son propre nom et pour son propre compte, se procure lui-même les mandats, occupe du personnel et utilise ses propres locaux commerciaux (ATF 119 V 161 consid. 3b ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_624/2011 du 25 septembre 2012 consid. 2.2 ; 9C_1062/2010 du 5 juillet 2011 consid. 7.3 et les références). Cependant, le critère du risque économique de l'entrepreneur n'est pas à lui seul déterminant pour juger du caractère dépendant ou indépendant d'une activité. C'est l'ensemble des circonstances du cas concret qui permet de déterminer si on est en présence d'une activité dépendante ou indépendante, en particulier la nature et l'étendue de la dépendance économique et organisationnelle à l'égard du mandant ou de l'employeur. Cet aspect peut singulièrement parler en faveur d'une activité dépendante dans les situations dans lesquelles l'activité en question n'exige pas, de par sa nature, des investissements importants ou de faire appel à du personnel. En pareilles circonstances, il convient d'accorder moins d'importance au critère du risque économique de l'entrepreneur et davantage à celui de l'indépendance économique et organisationnelle (arrêt du Tribunal fédéral 9C_460/2015 du 18 novembre 2015 consid. 3.4 et les références).

5.2 Si l'assuré exerce simultanément plusieurs activités lucratives, selon la conception de la stricte distinction entre activité lucrative indépendante et salariée ancrée à l'art. 5 et 9 LAVS, il faut examiner pour chacune d'elles si le revenu en découlant provient d'une activité indépendante ou salariée, même si les travaux sont exécutés pour une seule et même entreprise (ATF 122 V 169 consid. 3b ; 119 V 161 consid. 3c ; 104 V 126 consid. 3b). En effet, la loi ne prévoit pas d'évaluation globale en fonction de la signification économique des différentes activités. Ainsi, un assuré peut être qualifié simultanément de personne exerçant une activité salariée pour un travail et indépendante pour la même entreprise ou pour un autre travail (arrêt du Tribunal fédéral 9C_219/2009 du 21 août 2009 consid. 4.4). Le fait qu'une personne tenue à cotisations soit déjà affiliée à une caisse de compensation en tant qu'indépendante n'a aucune signification pour la qualification juridique du revenu par l'AVS (ATF 119 V 161 consid. 3c). Inversement, lorsqu'une personne est tenue de verser des cotisations pour une activité qualifiée de salariée, la qualification juridique de ce revenu du point de vue du droit des cotisations AVS ne constitue pas un précédent contraignant pour la qualification juridique d'une autre activité lucrative. Sont seuls réservés les aspects relatifs à la coordination dans le cas de personnes qui exercent la même activité lucrative pour différents employeurs ou mandants ou exercent différentes activités lucratives pour le même employeur ou mandant (ATF 119 V 161 consid. 3b).

5.3 Lorsque des honoraires sont versés par une société anonyme à un membre du conseil d'administration, il est présumé qu'ils lui sont versés en sa qualité d'organe d'une personne morale et qu'ils doivent être, par conséquent, considérés comme salaire déterminant réputé provenir d'une activité salariée (ATF 105 V 113 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_727/2014 du 23 mars 2015 consid. 4.1 ; RCC 1983 p. 22 consid. 2). C'est le cas même si les indemnités sont proportionnelles à l'activité et à l'état des affaires (RCC 1952 p. 272). Cette présomption peut être renversée en établissant que les honoraires versés ne font pas partie du salaire déterminant ; c'est le cas lorsque les indemnités n'ont aucune relation directe avec le mandat de membre du conseil d'administration mais qu'elles sont payées pour l'exécution d'une tâche que l'administrateur aurait assumée même sans appartenir au conseil d'administration (ATF 105 V 113 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_727/2014 consid. 4.1 ; 9C_365/2007 du 1er juillet 2008 consid. 5).

Un assuré, qui a la qualité d'organe d'une personne morale, peut, en même temps, avoir vis-à-vis de la société le statut de salarié comme celui d'indépendant. Ainsi, par exemple, l'avocat qui mène un procès pour une société anonyme dont il est l'administrateur. S'il agit en qualité de tiers vis-à-vis de la société, le gain découlant d'une telle activité se caractérise comme un revenu d'une activité indépendante. Pour qualifier l'indemnité, il faut se demander si l'activité pour laquelle celle-ci est versée est liée à la qualité d'organe de la société, ou si elle aurait pu être exercée tout aussi bien indépendamment de cette fonction (ATF 105 V 113 ; RCC 1983 p. 22 ; RCC 1980 p. 207).

5.4 Lorsque l'organe dirigeant exerce son activité à titre principal, le critère décisif en faveur du contrat de travail est le rapport de subordination, l'intéressé étant alors soumis à des instructions, par exemple du conseil d'administration. Par définition, il n'existe aucun rapport de subordination lorsqu'il y a identité économique entre la personne morale et son organe dirigeant ; un contrat de travail ne saurait ainsi lier une société anonyme et son actionnaire et administrateur unique. Seul l'examen de l'ensemble des circonstances du cas concret permet de déterminer si l'activité en cause est exercée de manière dépendante ou indépendante (arrêt du Tribunal fédéral 4A_10/2017 du 19 juillet 2017 consid. 3.1 et les références).

5.5 Dans le domaine médical, le Tribunal fédéral a considéré, dans les ATF 122 V 281 et 124 V 97, que les honoraires perçus par les médecins-chefs de service et de médecins-chefs de service adjoints, ainsi que les médecins-chefs pour les traitements stationnaires prodigués à des patients de la division privée des établissements hospitaliers d'un canton ainsi qu’à des patients de la division privée des établissements hospitaliers d'un autre canton constituaient des revenus d’une activité lucrative dépendante. Les facteurs parlant pour une activité dépendante prédominaient, quand bien même l’on pouvait accorder un certain poids à divers éléments en faveur d’une activité indépendante. Sur ce dernier point, le Tribunal fédéral a observé que les médecins concernés bénéficiaient effectivement dans les établissements hospitaliers d’une grande liberté dans l’organisation de leur travail, qu’ils supportaient le risque d’encaissement – dont il était toutefois peu probable qu’il se réalise – et pouvaient devoir éventuellement supporter les frais d’une franchise contractuelle en responsabilité civile. Néanmoins, le fait qu’ils étaient soumis, sur le plan de l’organisation déjà, à la commission administrative des hôpitaux ainsi qu’à une direction médicale, qu’ils n’étaient pas libres d’admettre ou de refuser, selon leur choix, les patients privés hospitalisés ni de leur consacrer un temps excessif, qu’ils ne pouvaient pas choisir leur personnel, l’engager ni, cas échéant, le licencier, qu’ils ne disposaient pas davantage de compétences pour décider d’investissements, constituaient des indices plus déterminants en faveur d’une activité dépendante. À ces indices s’ajoutaient l’absence d’investissements consentis par les médecins eux-mêmes et le fait qu’ils ne supportaient pas de réel risque économique ; en ce qui concerne la facturation, par ailleurs, les hôpitaux n’étaient pas un simple intermédiaire chargé seulement de l’encaissement, mais établissaient des factures établies à leur en-tête, faisant valoir des prétentions propres et se présentant comme créanciers. Enfin, les patients privés étaient liés aux hôpitaux par un contrat de droit public qui enlevait toute portée à la disposition réglementaire prévoyant une responsabilité primaire et personnelle du médecin à leur égard. Le contrat d’assurance responsabilité civile conclu par l’hôpital couvrait d’ailleurs les médecins pour les conséquences dommageables de leurs actes, également à l’égard de leurs patients privés, le recours de l’assureur ou de l’hôpital pour faute grave étant réservé (ATF 124 V 97 ; arrêt du Tribunal fédéral H 74/01 du 20 août 2002 consid. 3.3).

Dans l’ATF 124 V 97 précité, le Tribunal fédéral des assurances a en revanche considéré que les honoraires des médecins pour le traitement de la clientèle ambulatoire, dans les établissements hospitaliers cantonaux, présentaient davantage de caractéristiques de revenus d’une activité indépendante. Le risque économique relatif aux patients ambulatoires était assumé par le médecin qui établissait ses notes d’honoraires à titre personnel. Dans la mesure où les médecins versaient un montant forfaitaire aux hôpitaux genevois pour chaque consultation, le risque avait trait non seulement à l’encaissement des honoraires, mais également aux frais encourus. Le montant forfaitaire par consultation correspondait ici à la contre-prestation liée à l’usage d’un cabinet de consultation avec son équipement et à l’utilisation du personnel auxiliaire. Enfin, le caractère indépendant de l’activité découlait également du fait qu’elle était exercée à titre individuel et personnel, alors que dans les cas d’hospitalisation en chambres privées, l’équipe médicale restait à disposition pour pallier toute absence ou faire face aux nécessités.

Malgré ce qui précède, la distinction entre activité dépendante ou indépendante ne peut être fondée uniquement sur le point de savoir si les honoraires sont dus pour un traitement stationnaire ou ambulatoire, à l’hôpital. Dans un arrêt H 201/00 du 19 mars 2002, le Tribunal fédéral a ainsi considéré que l’ensemble de l’activité exercée par un médecin chef du service de radiologie d’un hôpital régional, ainsi que l’activité exercée par ce même médecin dans un hôpital d’arrondissement, devait être qualifiée de dépendante, sans distinguer entre traitement ambulatoire ou stationnaire. Il a considéré comme déterminant le fait que le médecin concerné n’employait pas son propre personnel infirmier ni son propre secrétariat dans les locaux de l’hôpital et qu’il ne disposait pas de son propre matériel de radiologie. Il utilisait au contraire les locaux et le matériel de l’hôpital. Il était par ailleurs douteux qu’il fût libre de décider s’il acceptait ou non de traiter des patients à titre privé. Enfin, l’hôpital avait conclu un contrat d’assurance responsabilité civile couvrant la responsabilité pour le traitement de patients privés du médecin concerné et s’occupait de la facturation, rien n’indiquant qu’il ne supportait pas intégralement le risque de défaut de paiement.

5.6 Amenée à déterminer le statut d’un avocat, associé unique d’une SA, la chambre de céans a retenu, dans son ATAS/1076/2020 du 29 octobre 2020, qu’il y avait identité économique complète entre la SA et cet avocat, ce qui permettait d’exclure tout rapport de subordination entre eux. Examinant ensuite le risque économique, la chambre de céans a constaté que l’avocat en question n’employait pas de personnel, contrairement à la SA, laquelle engageait et payait les salaires des collaborateurs, des stagiaires et des secrétaires. Si l’avocat occupait certes un bureau dans les locaux de la recourante, il n’assumait aucune charge liée à l’utilisation desdits locaux commerciaux, alors que la SA versait un loyer et s’acquittait des charges locatives et des frais d’entretien. L’avocat n’assumait pas les frais de communication ou d’informatique, lesquels étaient également pris en charge, exclusivement par la SA. La chambre de céans en avait donc conclu que la SA mettait gratuitement à disposition de l’avocat, comme elle le faisait pour les autres collaborateurs de l’Étude, un bureau entièrement équipé, lequel était nécessaire à l’exercice de sa profession. L’avocat bénéficiait donc des mêmes services et mises à disposition de matériel et de locaux que les autres avocats salariés exerçant leur activité dans le cadre d’un contrat de travail conclu avec la recourante. Certes, le rôle de l’avocat dans la société montrait une intégration étroite dans l’organisation de la SA, qui rappelait une fonction directoriale à l’égard des collaborateurs. Toutefois, l’avocat n’avait pas présenté de notes d’honoraires, qui devraient être la contrepartie de son activité indépendante, facturée à la SA. Quant aux procurations des clients, elles n’étaient pas signées uniquement en faveur de l’avocat, mais en faveur de la SA puis de l’avocat personnellement. Les factures étaient émises au nom de la SA, même si elles concernaient des affaires auxquelles l’avocat avait pris part. Aussi la chambre de céans a-t-elle retenu que la SA agissait en son nom et pour son propre compte, représentant le client et facturant ses services à ce dernier. Ce n’était donc pas l’avocat qui supportait le risque économique de l’indépendant mais bien la SA. C’est pourquoi, la chambre de céans a qualifié la rémunération versée à l’avocat de salaire déterminant. Cet arrêt a été confirmé par le Tribunal fédéral (arrêt 9C_36/2021 du 7 décembre 2021).

6.             6.1 Les principes jurisprudentiels précités sont rappelés dans les directives de l'Office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS) sur le salaire déterminant dans l'AVS, AI et APG (ci-après : DSD), lesquels mentionnent notamment que les manifestations de la vie économique revêtent des formes si diverses qu'il faut décider dans chaque cas particulier si l'on est en présence d'une activité dépendante ou d'une activité indépendante en considérant toutes les circonstances de ce cas. Souvent, on trouvera des caractéristiques appartenant à ces deux genres d'activité ; pour trancher la question, on se demandera quels éléments sont prédominants dans le cas considéré (n. 1023 DSD).

On peut donner la prépondérance soit au critère risque économique, soit à celui du rapport de dépendance, ou à leurs manifestations respectives, suivant les circonstances particulières de chaque cas (n. 1024 DSD).

Lors de l'appréciation d'un cas particulier, la nature juridique du rapport établi entre les parties n’est pas déterminante. La notion de salaire déterminant se définit exclusivement d'après le droit de l'AVS. C'est une notion propre à ce domaine du droit. La notion du salaire déterminant est notamment plus large que celle du salaire au sens des dispositions régissant le contrat de travail. Elle englobe certes celui-ci : le salaire selon le droit du travail sera de toute manière considéré comme du salaire déterminant (n. 1030 DSD). Des rétributions découlant d'un mandat, d'un contrat d'agence, d'un contrat d'entreprise ou d'un autre contrat peuvent aussi appartenir au salaire déterminant. Le rapport de droit civil peut certes fournir éventuellement quelques indices pour la qualification en matière d'AVS, mais n'est pas décisif (n. 1031 DSD).

Un assuré qui a la qualité d'organe d'une personne morale peut, en même temps, avoir vis-à-vis de la société le statut de salarié comme celui d'indépendant (ainsi par exemple le constructeur indépendant, l'avocat, l'agent fiduciaire, le comptable, qui font partie du conseil d'administration d'une société anonyme). S'il agit en qualité de tiers vis-à-vis de la société, le gain découlant d'une telle activité se caractérise comme un revenu d'une activité indépendante. Pour qualifier cette indemnité, il faut se demander si l'activité pour laquelle l'indemnité est versée est liée à la qualité d'organe de la société, ou si elle aurait pu être exercée tout aussi bien indépendamment de cette fonction (n. 2057 DSD).

6.2 Selon les directives de l'OFAS sur les cotisations des travailleurs indépendants et des personnes sans activité lucrative dans l'AVS, AI et APG (ci-après : DIN), sont en premier lieu considérés comme travailleurs indépendants les propriétaires d'une entreprise, d'une exploitation ou d'un commerce (n. 1005 DIN).

Toute raison individuelle inscrite au registre du commerce est présumée être une entreprise à but lucratif dont le titulaire exerce une activité indépendante. On peut s'écarter de cette présomption seulement lorsqu'il est prouvé que l'inscription au registre du commerce ne correspond manifestement plus, depuis assez longtemps, à la réalité (n. 1014 DIN).

7.             Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.             8.1 En l’espèce, dans la décision querellée, l'intimée a requalifié en activité dépendante l’activité exercée en France par le recourant, dès lors que celui-ci était le seul gérant de la recourante.

Pour sa part, le recourant explique exercer en plus de son activité de gérant, une activité médicale d’ophtalmologue. Par ailleurs, dans l’exercice de son activité, il jouit d’une indépendance financière, n’est pas subordonné, n’obéit à personne, s’organise comme il l’entend et est lié par une pluralité de mandats envers ses patients. Aussi, il ne se trouve pas dans un lien de dépendance économique avec la E______ et supporte les risques d’entrepreneur. Son statut est ainsi celui d’indépendant.

8.2 À titre liminaire, il convient de présenter le fonctionnement d’une E______, au regard du droit français.

Selon le site officiel d’information administrative pour les entreprises (www.entreprendre.service-public.fr, une E______) est une forme de société réservée aux professions libérales réglementées. Elle permet à ces professionnels d'exercer leur activité sous forme de sociétés de capitaux. Le fonctionnement de la E______ est en grande partie calqué sur celui de la société à responsabilité limitée (ci-après : Sàrl).

La E______ doit être constituée d'au moins deux associés. Il peut s'agir d'associés personnes physiques exerçant à titre individuel ou d'associés personnes morales (autres sociétés). En principe, plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue, soit directement, soit par l'intermédiaire d'une société de participations financières de professions libérales (SPFPL), par des professionnels exerçant au sein de la société.

Les associés ne sont responsables des dettes de la société qu'à hauteur de leur apport. Autrement dit, si la société rencontre des difficultés financières, les associés ne seront pas tenus de rembourser les créanciers au-delà de leur apport. Les associés ne perdront que ce qu'ils ont investi dans la société.

La E______ est dirigée par un ou plusieurs gérants, personnes physiques ou morales. Le gérant doit être choisi parmi les associés et doit exercer obligatoirement son activité libérale réglementée au sein de la société. Le gérant est nommé et révoqué par la décision d'un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts sociales. Dans les rapports entre associés, les pouvoirs du gérant sont déterminés par les statuts. Dans le silence des statuts, le gérant peut faire tous actes de gestion dans l'intérêt de la société (ex : souscription d'une assurance professionnelle, envoi des convocations aux assemblées, paiement des cotisations sociales). Dans les rapports avec les tiers, le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés. Le gérant est désigné parmi les associés de la E______. Son régime social diffère selon sa participation au capital de la société. D'un point de vue social, le gérant majoritaire de E______ relève du régime social des travailleurs non-salariés (TNS). Ils sont donc rattachés à la sécurité sociale des indépendants (SSI), intégrée au régime général de la sécurité sociale. D'un point de vue social, le gérant minoritaire de E______ est assimilé-salarié et bénéficie de la protection sociale prévue par le régime général de la sécurité sociale.

En droit suisse, la E______ se rapproche de la Sàrl au sens des art. 772 ss de la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse (Code des obligations, CO - RS 220).

8.3 Cela étant précisé, il y a lieu de constater que du dossier soumis à la chambre de céans, il ressort notamment que le recourant est gérant unique de la E______, activité pour laquelle il a expliqué, sous la plume de sa fiduciaire, par courriel du 31 janvier 2022, percevoir un revenu de dirigeant d’entreprise. Par ailleurs, dans son recours et sa réplique, il a également expliqué exercer une activité médicale dans les centres gérés par la E______.

En d’autres termes, le recourant exerce simultanément deux activités lucratives au sein de la E______ et il faut donc examiner pour chacune d'elles si le revenu en découlant provient d'une activité indépendante ou salariée, même si les travaux sont exécutés pour une seule et même entreprise. À cet égard, il sied de rappeler que la nature juridique de la relation médecin-patient n’est pas déterminante, seule l'organisation effective des rapports juridiques l'étant, et qu'une relation de mandat n’exclut pas en soi que la rémunération soit considérée comme du salaire déterminant (ATF 122 V 281 consid. 5b.bb ; voir également Sara ROUSSELLE‑RUFFIEUX, Activité dépendante et indépendante au regard du CO et de la LAVS, Convergences et divergences, in Panorama II en droit du travail, 2012, p. 193).

8.3.1 Conformément à la jurisprudence, l'activité de gérant du recourant pour la recourante doit être qualifiée d'activité dépendante et tous les montants perçus de cette dernière sont présumés lui avoir été versés en qualité d'organe de celle-ci et donc comme revenu provenant d'une activité dépendante. Cette présomption peut néanmoins être renversée en démontrant que les montants perçus n'ont aucun lien direct avec le mandat de gérant, l'activité exercée hors de ce mandat devant ensuite être qualifiée à l'aune des critères susexposés.

Or, il est démontré que l'activité du recourant ne relève pas uniquement de son mandat de gérant unique de la recourante et qu'il exerce également sa profession de médecin dans le cadre de la E______. Il convient donc d'examiner si, dans son activité de médecin au sein de la recourante, le recourant revêt plutôt un statut d'indépendant ou de salarié.

8.3.2 Selon l’art. 6 des statuts actualisés au 28 mars 2022, le recourant et D______ ont effectué un apport total de EUR 6'000.-, EUR 5'940.- venant du recourant et EUR 60.- de D______. En juillet 2019, le capital social a été augmenté pour être porté à EUR 6'315.80 (art. 6 des statuts), étant précisé que l’origine des fonds ne ressort pas des statuts figurant au dossier. Le capital social est divisé en 631'580 parts sociales réparties comme suit : 450'000 parts pour le recourant, 144'000 part à la société H______SAS, 6'000 parts à D______ et 31'580 parts revenant à I______ (art. 7 des statuts).

Le recourant détient donc plus de 70% des parts sociales, ce qui en fait un associé majoritaire, comme il l’a allégué dans ses écritures. Il y a donc une identité économique importante entre le recourant et la E______, dès lors qu’en détenant plus de 70% du capital social, il détient également plus de 70% des droits de vote. Il est donc normal dans un tel cas que le recourant puisse s’organiser comme il le souhaite et qu’il ne reçoive aucune instruction de la part de la E______, puisqu’en tant qu’associé très largement majoritaire, c’est lui qui prend de facto les décisions et qu’il ne saurait donc se donner des instructions à lui-même.

Cette situation conduit à nier l'existence d'un lien de subordination entre la société et le recourant. Il s'agit là d'un indice dans le sens d'une activité indépendante, qui ne suffit cependant pas à lui seul à qualifier l'activité du recourant. Il convient donc d'examiner l'ensemble des autres circonstances du cas d'espèce pour déterminer si l'activité du recourant est exercée de manière dépendante ou indépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_36/2021 du 7 décembre 2021 consid. 5.2.2).

8.3.3 La situation de la E______ ne peut être assimilée à celle d’un hôpital mais plutôt à celle d’un centre médical organisé sous la forme d’une Sàrl, voire d’une SA. En effet, aucun patient n’y est admis pour plusieurs jours, seuls des traitements ambulatoires y étant dispensés. Les ATF 122 V 281 et 124 V 97 susmentionnés ne sauraient par conséquent être appliqués par analogie. Il convient d’examiner les circonstances économiques et organisationnelles du cas d’espèce.

En l'occurrence, selon ses statuts, la E______ a pour objet l'exercice libéral de la profession de médecin, par l’intermédiaire d’un de ses membres ayant qualité pour l’exercer (art. 3). Un associé exerçant au sein de la E______ ne peut exercer sa profession à titre individuel, sauf gratuitement (art. 12.1 ab initio). Tous les actes médicaux sont réputés faits au nom de la société (art. 12.3 ab initio). Les lettres, ordonnances, certificats, rédigés par chaque associé dans l’exercice de sa profession, doivent être établi sur du papier indiquant la dénomination sociale (B______) précédée ou suivie immédiatement de la mention « Société d’exercice libéral à responsabilité limitée de médecins » ou des initiales « E______ de médecins » et de l’énonciation de son capital social, de son siège et de la mention de son inscription au tableau de l’Ordre des Médecins et comporter le nom et la signature du médecin rédacteur (art. 3 et 12.3 des statuts). S'agissant de la responsabilité, si chaque associé exerçant la profession de médecin au sein de la société répond sur l’ensemble de son patrimoine des actes professionnels qu’il accomplit, la société est solidairement responsable avec lui (art. 11). Par ailleurs, l'associé ne supporte les pertes que jusqu'à concurrence de son apport (art. 10.2). Finalement, les statuts prévoient que la E______ peut accomplir toutes opérations financières, civiles, immobilières ou mobilières pouvant se rattacher directement ou indirectement à l’objet précité, de nature à favoriser son extension ou son développement (art. 2) et définit le lieu d'exercice de la société, soit des adresses à J______, K______, F______-______, L______ et M______ (art. 5).

L'ensemble de ces éléments vont dans le sens d'une activité dépendante.

En effet, c'est la société qui exerce la profession de médecin, par l'intermédiaire de ses membres, lesquels ne peuvent pas exercer à titre individuel, sauf gratuitement, et tous les actes médicaux sont faits au nom de la société. Il en découle que c'est la société qui facture les prestations médicales aux patients et que c'est elle qui supporte le risque de l'encaissement. Il en découle également que c'est la société qui engage le personnel, le médecin n'exerçant pas à titre individuel. Par ailleurs, si l'associé médecin effectue les actes médicaux, il ne peut le faire qu'au nom de la E______, qui engage sa responsabilité solidairement à l'associé médecin pour tous les actes médicaux et ne se retournera vraisemblablement pas contre son associé médecin, puisque celui-ci prend dans les faits les décisions pour elle, comme vu précédemment. Dans les faits, c'est par conséquent la société qui assume les risques liés à la responsabilité pour les actes médicaux. Finalement, c'est la société qui prévoit dans ses statuts les lieux d'exercice de l'activité médicale et son but lui permet de s'étendre par la conclusion de nouveaux baux ou l'achat de nouveaux locaux, ce qui démontre que c'est elle qui se charge de l'aspect immobilier.

À cela s'ajoute que, conformément à l'institution de la E______ en droit français et aux statuts (art. 10.2), l'associé n'est responsable des dettes de la société qu'à hauteur de son apport, soit en l'occurrence EUR 5'940.- s'agissant de son apport initial. Or, si le recourant considère que le fait que sa responsabilité personnelle puisse être engagée et qu’il puisse être condamné à combler personnellement les dettes de la E______ en cas de faute de gestion et d’insuffisance d’actif plaide en faveur d’un statut d’indépendant, cet élément démontre au contraire que sa responsabilité pour les dettes de la société est limitée et que c'est bien celle-ci qui supporte l'entier du risque économique, par exemple dans le cas où elle n'arriverait plus à supporter ses charges en raison du défaut de paiement de ses débiteurs.

Ces éléments démontrent que le recourant ne dispose pas d’une organisation d’entreprise indépendante, aux niveaux économique et organisationnel, de celle de la E______, et que le risque d'entrepreneur revient à la E______, ce qui semble d'ailleurs précisément avoir été le but de la création d'une E______.

Il sera encore relevé que la présente situation se rapproche de celle de l’avocat, associé unique d’une SA, pour lequel la chambre de céans a retenu un statut de dépendant (ATAS/1076/2020 du 29 octobre 2020 confirmé arrêt du Tribunal fédéral 9C_36/2021 du 7 décembre 2021). En effet, dans les deux cas, il s’agit d’une profession libérale ; comme le patient et son médecin, le client et son avocat sont liés par un contrat de mandat et tant le médecin que l’avocat doivent exercer leur activité en toute indépendance, en leur nom personnel et sous leur propre responsabilité.

Dans ces circonstances, l'activité du recourant pour la E______ présente des caractéristiques prédominantes d'activité dépendante.

8.3.4 Le recourant semble toutefois considérer qu’un statut de dépendant serait en contradiction avec l’art. R.4127-5 du Code de la santé publique, lequel stipule que le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit.

Cependant, le statut du recourant au sens des assurances sociales suisses n'a aucun impact sur l'indépendance du recourant dans l'exercice de sa profession au regard du droit français. En effet, ledit statut ne change ni la qualification, en droit français, de la relation contractuelle entre le recourant, médecin, et son patient, ni la situation de fait du recourant dans l'exercice de sa profession, ladite situation ayant été uniquement examinée selon les critères objectifs du droit suisse susexposés aux fins de qualification du statut du recourant exclusivement pour les assurances sociales suisses.

8.4 Les arguments du recourant tombent par conséquent à faux.

Il ressort de ce qui précède que c’est bien la société – et non le recourant – qui supporte le risque économique d’entrepreneur, de sorte que c’est à juste titre que l'intimée a qualifié le statut du recourant de dépendant au regard des assurances sociales suisses.

9.             Par conséquent, le recours doit être rejeté et la décision sur opposition querellée confirmée.

Les recourants, bien que représentés par un avocat, ayant succombé, aucune indemnité ne leur sera accordée à titre de participation à leurs frais et dépens (art. 61 let. g LPGA, art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

Pour le surplus, la procédure est gratuite.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

1.        Rejette le recours dans la mesure où il est recevable.

2.        Dit que la procédure est gratuite.

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Justine BALZLI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le