Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/496/2025 du 27.06.2025 ( AI ) , ADMIS/RENVOI
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/196/2025 ATAS/496/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 27 juin 2025 Chambre 5 |
En la cause
A______ représentée par Me Diana ZEHNDER LETTIERI, avocate
| recourante |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
A. a. A______ (ci-après : l’assurée), née en _____ 1970, a déposé une demande de prestations invalidité qui a été reçue par l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) en date du 30 août 2022.
b. Dans sa demande de prestations, l’assurée se plaignait d’une polyarthrite rhumatoïde ainsi que d’une ostéoporose apparue pendant l’année 2022. Ses médecins traitants étaient le docteur B______, médecin, chef de clinique auprès du service de rhumatologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci‑après : HUG), qui la suivait depuis le mois de septembre 2020, ainsi que le docteur C______, médecin chef du service des maladies osseuses des HUG.
c. Par questionnaire médical du 7 juin 2023, le Dr C______ a confirmé l’existence d’une ostéoporose cortisonique, liée au traitement de la polyarthrite rhumatoïde, sans fracture. S’agissant de l’évolution de l’état de santé, le médecin observait qu’il n’y avait pas de changement, en raison d’une mauvaise adhérence thérapeutique.
d. La docteure D______, spécialiste en pneumologie et en médecine générale interne, a complété un questionnaire médical en date du 4 août 2023, confirmant que l’assurée souffrait d’un asthme de palier GINA 1, d’une lésion pulmonaire spéculée apicale du lobe supérieur droit, d’allure séquellaire, stable, contrôle scanographique effectué entre 2021 et 2022 et enfin d’un infiltra pulmonaire en verre dépoli sous pleural du lobe inférieur gauche et parenchyme en mosaïque du lobe inférieur droit, d’étiologie indéterminée, sans répercussion clinique ou fonctionnelle, stable depuis 2021. Selon le médecin, il n’y avait aucun diagnostic ayant des répercussions sur la capacité de travail de l’assurée et il était confirmé qu’il n’y avait pas de limitations fonctionnelles en lien avec la pneumologie. Par avis médical du 20 septembre 2023, le service médical régional (ci-après : le SMR) de l’OAI a constaté que le rhumatologue traitant ne se prononçait pas sur la capacité de travail dans l’activité habituelle ou dans une activité adaptée, raison pour laquelle il a préavisé une expertise rhumatologique.
e. L’OAI a confié le mandat d’expertise rhumatologique à la docteure E______, spécialiste en rhumatologie, qui a rendu un rapport d’expertise en date du 4 mars 2024. L’experte a retenu, comme diagnostics ayant une répercussion sur la capacité de travail, une polyarthrite rhumatoïde séropositive, des facteurs rhumatoïdes positifs, avec anticorps anti–CCP positifs, non érosive ainsi qu’une tendinopathie chronique des fléchisseurs des doigts non inflammatoire actuellement.
Les limitations fonctionnelles liées à la polyarthrite rhumatoïde étaient les suivantes : pas d’activités demandant des actes répétitifs de serrage de la pince pouce/index ; pas de mouvements répétitifs des doigts, comme de la frappe sur clavier ; pas de manipulations répétitives d’objets passant sur un tapis roulant, comme chez les caissières ; pas de port de charges excédant 5 kg des deux côtés ; pas de manipulations répétitives d’objets pesant plus de 200 g. L’experte ajoutait qu’il était difficile d’envisager un travail dans le secrétariat. En ce qui concernait l’activité actuelle de vendeuse de thé sur les marchés ou l’activité précédente d’opératrice de saisie, la capacité de travail était nulle.
Dans une activité adaptée de manière optimale à son handicap, la rhumatologue estimait que l’assurée pouvait assumer huit heures par jour, avec une augmentation progressive, soit un début à 50% et une augmentation, par paliers de 10%, sur une période de six mois. Les caractéristiques d’une activité adaptée devaient tenir compte des limitations fonctionnelles susmentionnées, qui étaient toutes liées à la polyarthrite rhumatoïde atteignant les mains exclusivement, actuellement, sur le plan ostéoarticulaire. Il n’y avait pas de limitations fonctionnelles pour une problématique lombaire car il n’y avait pas de décompensation de lombalgies sur un mode chronique. Dans le cadre d’une activité adaptée, la capacité de travail de l’assurée était de 100% sans réduction de la performance. L’experte mentionnait encore que la capacité de travail n’était possible que depuis la stabilisation et la non activité de la polyarthrite rhumatoïde, en juin 2022, en se fondant sur le rapport médical du 17 juin 2022 du service de rhumatologie des HUG.
f. À la réception du rapport d’expertise, le SMR s’est déterminé dans son rapport médical du 9 avril 2024. Il a repris les diagnostics établis par l’experte, a considéré que le début de l’incapacité de travail durable de 100% était établi dès le 4 septembre 2020 avec, à cette même date, une capacité nulle dans le travail habituel de vendeuse de thé et une capacité de 100% dans une activité adaptée, dès le 17 juin 2022. S’agissant de l’activité adaptée, le SMR a repris les limitations fonctionnelles décrites par l’experte E______.
g. Par note relative au choix de la méthode d’évaluation de l’invalidité, l’OAI a considéré que l’assurée avait un statut mixte d’activité professionnelle à 75% et de 25% dans les travaux habituels du ménage. Dans sa feuille de calcul du 23 mai 2024, l’OAI s’est fondé sur les tableaux de l’Enquête suisse sur la structure des salaires, TA1_tirage_skill_level, pour une femme, pour l’année 2022, retenant un salaire avec invalidité, indexé selon l’indice suisse nominal des salaires et arrêté à CHF 54'222.-. Le revenu sans invalidité pour un plein temps était fixé à CHF 56'887.-. La perte de gain, pour la partie professionnelle, était de 4.69%. S’agissant de l’année 2024, le revenu annuel brut avec invalidité était arrêté à CHF 48'799.- et le revenu sans invalidité, pour un plein temps, était estimé à CHF 56’887.-. La perte de gain, pour la partie professionnelle, était de 14.22%. L’assurée ayant un statut mixte de 75% de part professionnelle et de 25% dans les travaux habituels, le degré d’invalidité final était fixé à 3.52% pour l’année 2022 et à 10.67% pour l’année 2024, étant précisé qu’aucun empêchement n’était retenu dans les travaux habituels.
B. a. Par projet de décision du 31 mai 2024, l’OAI a informé l’assurée qu’au regard du degré d’invalidité retenu, sa demande de prestations invalidité était rejetée ainsi qu’un éventuel reclassement, dès lors que le taux d’invalidité était inférieur à 20%. À l’issue de l’instruction médicale, l’OAI reconnaissait à l’assurée une incapacité de travail de 100% dans son activité habituelle, dès le 4 septembre 2020, date de début du délai d’attente d’un an. Le délai de carence d’un an s’achevait le 31 août 2021, cependant, la demande de prestations ayant été déposée le 30 août 2022, la rente ne pouvait être versée qu’à compter du 1er février 2023, en raison du fait qu’une rente ne pouvait prendre naissance, au plus tôt, qu’à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assurée faisait valoir son droit aux prestations. À cet égard, l’OAI considérait que, dans un second temps, l’état de santé de l’assurée s’était amélioré et dans une activité adaptée à son état de santé, sa capacité de travail était de 100%, dès le 17 juin 2022. Le changement était déterminant après trois mois, soit dès le 1er octobre 2022.
b. Dans le cadre de la procédure d’audition, l’assurée a contesté le bien-fondé du projet de décision, par courrier du 9 juillet 2024, faisant notamment valoir que sa situation s’était aggravée et que, depuis le mois de juin 2024, elle souffrait de douleurs articulaires atroces des pieds, des orteils, des mains, des poignets, des hanches et des genoux. L’assurée a vivement critiqué la manière dont l’experte l’avait reçue et traitée pendant la consultation et a informé l’OAI que, suite à un entretien téléphonique avec son médecin traitant, le Dr B______, elle avait appris qu’elle avait de l’eau dans son poumon droit. Dans un rapport de consultation du 8 juillet 2024, qui était joint au courrier de l’assurée, le Dr B______ mentionnait notamment que l’assurée présentait une toux productive, depuis le 29 juin 2024 et que les symptômes n’avaient pas répondu à la thérapie par Amoxicilline et qu’au vu des antécédents au niveau de la plèvre, un bilan radiographique à l’issue de la consultation était proposé. Tant que le problème respiratoire n’était pas réglé, le médecin proposait de suspendre le traitement de Méthotrexate, soit le médicament qui lui était prescrit pour traiter la polyarthrite rhumatoïde. L’assurée avait également annexé une attestation rédigée par la docteure F______, spécialiste en médecine générale, qui s’exprimait dans le cadre de la contestation du projet de décision de l’OAI et rappelait que l’assurée avait toujours des épisodes de douleurs, d’inflammations et d’impotence marquées. Suite à un choc anaphylactique, consécutif à une injection d’Orencia, la patiente n’avait pas pu bénéficier d’un traitement immunomodulateur et le rhumatologue devait être consulté pour envisager une nouvelle thérapeutique adaptée. En conclusion, le médecin traitant recommandait de revenir sur le projet de décision qui avait été rendu par l’OAI dès lors que l’assurée n’était plus en mesure d’assumer une activité professionnelle dans les années à venir et était déjà très handicapée pour assumer ses tâches ménagères.
c. Par avis médical du 9 août 2024, le SMR s’est prononcé sur les rapports médicaux transmis par l’assurée dans le cadre de la procédure d’audition et a constaté que l’état de santé de l’assurée s’était vraisemblablement aggravé depuis avril 2024, avec la nécessité d’un switch thérapeutique qui avait dû être interrompu, en raison d’une réaction allergique. Selon le SMR, il fallait considérer que, depuis avril 2024, la capacité de travail était à nouveau nulle, dans toute activité et qu’il y avait lieu de réviser le dossier dans une année, afin de déterminer si un nouveau traitement avait permis une stabilisation de la maladie. Pour la période précédente, les conclusions du rapport médical du SMR du 9 avril 2024 étaient toujours d’actualité.
d. Par courrier du 23 août 2024, l’OAI a informé l’assurée qu’une décision d’acceptation de rente allait être rendue et que la caisse cantonale vaudoise de compensation (ci-après : la CCVC) allait procéder au calcul de la rente et lui faire parvenir une décision sujette à recours, ainsi que des informations sur l’obligation de renseigner. L’OAI a rendu un prononcé, daté du 23 août 2024, à l’attention de la CCVC, dont il ressortait qu’un degré d’invalidité de 75% était reconnu pour la période allant du 1er septembre 2021 au 30 septembre 2022, un degré d’invalidité de 4% était admis pour la période allant du 1er octobre 2022 au 31 mars 2024 puis un degré d’invalidité de 75% était admis, dès le 1er avril 2024 ; en raison de la demande tardive, le versement devait être opéré dès le 1er avril 2024. La rente ne devait pas être limitée dans le temps, mais une révision de la rente était prévue en date du 1er septembre 2025.
e. Par décision du 6 décembre 2024, l’OAI a octroyé à l’assurée le droit à une rente entière ordinaire mensuelle dès le 1er avril 2024, avec une motivation reprenant le contenu du courrier du 23 août 2024, soit un degré d’invalidité de 75% résultant d’une capacité de travail nulle, dans toute activité, dès le 1er avril 2024.
C. a. Par acte de sa mandataire, posté en date du 17 janvier 2025, l’assurée a interjeté recours contre la décision du 6 décembre 2024 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans). Elle concluait à l’annulation de la décision dans la mesure où cette dernière ne lui reconnaissait le droit à une rente entière d’invalidité qu’à compter du 1er avril 2024 et à ce qu’il soit dit que l’assurée avait droit à la rente d’invalidité entière dès le 1er février 2023, et ceci pour une durée illimitée, le tout sous suite de frais et dépens. La recourante faisait grief à l’intimé d’avoir conclu, à tort, à une prétendue amélioration de son état de santé, dès le 17 juin 2022, ce qui l’avait conduit à retenir une capacité de travail totale, dans le cadre d’une activité adaptée, à partir du 1er octobre 2022. La polyarthrite rhumatoïde dont elle souffrait ne connaissait pas d’amélioration spontanée et durable car toute interruption de traitement, même temporaire, engendrait une détérioration brutale de l’état de santé avec des répercussions immédiates sur ses capacités fonctionnelles. L’interruption de traitement survenue durant l’hiver et le printemps 2022 ne reflétait en aucun cas une amélioration de l’état de santé, mais uniquement une adaptation nécessaire au traitement, ce qui était notamment confirmé par le rapport de consultation en rhumatologie des HUG daté du 26 août 2022. Selon la recourante, son incapacité totale de travail était établie au 1er septembre 2021 et n’avait jamais été interrompue jusqu’à ce jour, raison pour laquelle une rente d’invalidité de 100% devait lui être octroyée, à compter du 1er février 2023 et ce, pour une durée indéterminée, en tenant compte de l’aggravation constante de son état de santé et de l’impossibilité d’une reprise d’activité professionnelle, même adaptée.
b. Par réponse du 18 février 2025, l’OAI a conclu au rejet du recours. L’intimé se fondait sur le rapport d’expertise rhumatologique, relevant que ce dernier n’était pas formellement contesté par la recourante ; étant rappelé que l’experte avait retenu comme diagnostic ayant des répercussions sur la capacité de travail une polyarthrite rhumatoïde non érosive. Or, selon l’intimé, la maladie, quand elle était érosive, entraînait des érosions osseuses provoquant la destruction des articulations alors que les patients ne souffrant pas d’une érosion osseuse présentaient une évolution de la maladie moins grave en termes d’activité. Selon l’experte, la capacité de travail de la recourante n'était possible que depuis la stabilisation et la non-activité de sa polyarthrite rhumatoïde en juin 2022. Au regard des données objectives relevées par l’experte, l’intimé considérait que ses conclusions médicales étaient solides et objectives, ce qui justifiait qu’elles aient été retenues par le SMR et que l’OAI se soit fondé sur une période d’amélioration de la santé de l’assurée lui permettant de recouvrer temporairement une capacité de travail.
c. Par réplique du 31 mars 2025, la recourante est revenue sur le point litigieux, à savoir l’amélioration prétendue de son état de santé durant la période allant du 17 juin 2022 au 31 mars 2024, et a persisté dans ses conclusions en se fondant, notamment, sur un rapport médical du Dr B______, du 17 mars 2025, annexé à la réplique et qui expliquait que le traitement de Tocilizumab, en perfusion intraveineuse, réduisait les signes cliniques d’inflammation, ce qui rendait difficile l’évaluation objective de l’activité de la maladie à travers des tests sanguins classiques, raison pour laquelle la normalisation de certains indicateurs inflammatoires, qui apparaissait sur les tests sanguins, ne signifiait pas que la recourante était guérie et qu’elle était en capacité de reprendre son travail à plein temps.
d. La réplique de la recourante a été transmise, le 1er avril 2025, à l’intimé qui n’a pas réagi.
e. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
f. Les autres faits et documents seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « En droit » du présent arrêt.
1.
1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pendant la période du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 38 al. 4 let. c LPGA et art. 89C let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]), le recours est recevable.
2. Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimé du 6 décembre 2024 en ce qui concerne la période allant du 1er octobre 2022 au 31 mars 2024, singulièrement sur la question d’une amélioration notable et durable de l’état de santé de la recourante.
3.
3.1 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706).
En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).
En l’occurrence, la décision querellée porte sur l’octroi d’une rente dont le droit est né postérieurement au 31 décembre 2021, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.
3.2 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2). Quant à l’incapacité de travail, elle est définie par l’art. 6 LPGA comme toute perte, totale ou partielle, de l’aptitude de l’assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas d’incapacité de travail de longue durée, l’activité qui peut être exigée de l’assuré peut aussi relever d’une autre profession ou d’un autre domaine d’activité.
3.3 L’assuré a droit à une rente si sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, s’il a présenté une incapacité de travail d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et si, au terme de cette année, il est invalide à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI).
4.
4.1 Il appartient aux médecins d'évaluer l'état de santé d'une personne assurée (c'est-à-dire, de procéder aux constatations nécessaires en effectuant des examens médicaux appropriés, de tenir compte des plaintes de l'intéressé et de poser les diagnostics). En particulier, poser un diagnostic relève de la tâche exclusive des médecins. Il leur appartient aussi de décrire l'incidence de ou des atteintes à la santé constatées, sur la capacité de travail. Leur compétence ne va cependant pas jusqu'à trancher définitivement cette question mais consiste à motiver aussi substantiellement que possible leur point de vue, qui constitue un élément important de l'appréciation juridique visant à évaluer quels travaux sont encore exigibles de l'assuré. Il revient en effet aux organes chargés de l'application du droit (soit à l'administration ou au tribunal en cas de litige) de procéder à l'appréciation définitive de la capacité de travail de l'intéressé. On ajoutera que l'évaluation de la capacité de travail par un médecin psychiatre est soumise à un contrôle (libre) des organes chargés de l'application du droit à la lumière de l’ATF 141 V 281. Si l’expert s'acquitte de sa tâche de manière convaincante et sur la base d'une expertise qui a été établie conformément au schéma d'évaluation de l’ATF 141 V 281, il n'y a pas lieu de s'écarter de ses conclusions. Dans le cas contraire, l'organe chargé de l'application du droit devra nier la portée juridique de l'évaluation médicale (ATF 148 V 49 consid. 6.2.1 ; 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_177/2023 du 26 mars 2024 consid. 5.2 ; 9C_99/2022 du 6 février 2023 consid. 4.2 et les références).
4.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).
Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.
4.3 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).
4.4 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).
4.5 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
4.6 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).
4.7 Il peut ainsi arriver que les organes d'application du droit se distancient de l'évaluation médicale de la capacité de travail établie par l’expertise sans que celle-ci ne perde sa valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_128/2018 du 17 juillet 2018 consid. 2.2 et les références) et sans que des investigations médicales supplémentaires ne soient nécessaires (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_832/2019 du 6 mai 2020 consid. 2.2).
4.8 Les médecins peuvent évaluer la capacité de travail d’une personne assurée sur une période remontant à plusieurs années dans le passé, par une appréciation rétrospective de la situation à l'aide des données du dossier et de l'examen de la personne concernée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_80/2024 du 27 août 2024 consid. 5.1 et la référence).
5.
5.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 139 V 176 consid. 5.3).
5.2 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).
6. En l’espèce, la recourante nie qu’une amélioration de son état de santé se soit produite de manière durable et avec pour effet qu’elle a récupéré une capacité de travail totale dans une activité adaptée, du 1er octobre 2022 jusqu’au 31 mars 2024.
L’intimé, en revanche, se fonde sur l’avis de son service SMR, qui estime que l’expertise réalisée par la Dre E______ a une pleine valeur probante et que l’experte considère que la situation de la polyarthrite rhumatoïde s’est stabilisée pendant l’année 2022, ce qui a entraîné un retour de la capacité de travail de l’assurée.
6.1 L’affection dont souffre la recourante, soit une polyarthrite rhumatoïde, est considérée comme une maladie évoluant par poussées ou « par vagues » avec des périodes d’aggravation et de rémissions des symptômes.
Le Tribunal fédéral s’est prononcé à plusieurs reprises sur les particularités des maladies de ce type, dès lors qu’il s’agissait de déterminer si la connexité temporelle de la maladie et de l’incapacité de travail qui en découlait, était maintenue, ou non, pendant une période de rémission.
Dans son arrêt du 23 février 2021 (9C_333/2020) (consid. 5.3 et 5.4), le Tribunal fédéral a dû examiner si le lien de connexité temporelle avait été rompu dans le cas d’une assurée qui avait bénéficié d'une rente de l'assurance-invalidité dès le mois de mai 1999 et dont l'incapacité de travail ayant débuté dès le 18 août 2015, n'avait pas été interrompue pendant la période d'activité professionnelle à 100% du 1er août 2014 ou 18 août 2015.
Il a constaté que les premiers juges avaient d'abord considéré que cette période d'activité avait constitué une tentative de reprise du travail. Après avoir constaté que l'assurée avait travaillé à 100% dès le 1er août 2014, sans présenter d'incapacité de travail médicalement attestée avant le 18 août 2015, la juridiction cantonale avait admis que l'incapacité durable de travail médicalement attestée dès cette dernière date trouvait sa cause dans l'activité professionnelle exercée à 100% dès le 1er août 2014, qui avait progressivement entraîné un épuisement des ressources de la recourante et une augmentation des symptômes. Dans le contexte d'un trouble schizo-affectif évoluant sous la forme de « poussées-rémissions », présent depuis de nombreuses années et ayant justifié l'octroi d'une rente entière de l'assurance-invalidité jusqu'au 30 avril 2015, soit pendant encore les neuf premiers mois de la période d'activité à 100% de la recourante, les premiers juges avaient considéré que le seul fait que cette atteinte à la santé n'ait pas entraîné de période d'arrêt de travail ou de diminution du taux d'activité pendant une année n'était pas suffisant pour interrompre le lien de connexité temporelle.
À cet égard, les juges de Mon-Repos ont déclaré que « lorsque l'atteinte à la santé se caractérise par une alternance des périodes d'exacerbation et de rémission, comme c'est le cas en l'espèce, des troubles psychiques présentés par la recourante, une période de plusieurs mois pendant laquelle la personne assurée est en mesure d'exercer une activité professionnelle à plein temps ne signifie pas nécessairement que l'état de santé et la capacité de travail se sont durablement améliorés lorsque l'augmentation de la charge professionnelle entraîne après quelque temps une recrudescence des symptômes conduisant à une nouvelle incapacité de travail notable (arrêts 9C_515/2019 et 9C_578/2018 cités) ».
Dans un arrêt du 20 janvier 2023 (9C_209/2022), le Tribunal fédéral a rappelé « que la connexité temporelle entre l'incapacité de travail survenue durant le rapport de prévoyance et l'invalidité ultérieure est interrompue lorsque la personne concernée dispose d'une capacité de travail de plus de 80 % dans une activité adaptée, pendant plus de trois mois et que celle-ci lui permet de réaliser un revenu excluant le droit à une rente (ATF 144 V 58 consid. 4.4 et les références). Toutefois, cette durée de trois mois doit être relativisée lorsque l'activité en question doit être considérée comme une tentative de réinsertion, en particulier lorsque l'invalidité résulte d'une maladie évoluant par poussées, telle que la sclérose en plaque ou la schizophrénie. Lorsque les tableaux cliniques sont caractérisés par des symptômes évoluant par vagues, avec une alternance des périodes d'exacerbation et de rémission, même une phase plus longue pendant laquelle la personne assurée avait pu reprendre le travail n'implique pas forcément une amélioration durable de l'état de santé et de la capacité de travail si chaque augmentation de la charge professionnelle entraîne après quelque temps, en règle générale, une recrudescence des symptômes conduisant à une nouvelle incapacité de travail notable. La jurisprudence essaie d'en tenir compte en accordant une signification particulière aux circonstances de chaque cas d'espèce (arrêt 9C_333/2020 du 23 février 2021 consid. 5.2 et les références) » (consid. 6.2).
Il appartient donc au juge de se fonder sur des « éléments objectifs importants » pour essayer de déterminer s’il y a eu, ou non, une rupture du lien de connexité temporelle ce qui, comme dans le cas d’espèce, pourrait être considéré comme une amélioration de l’état de santé susceptible de permettre de retenir, au degré de la vraisemblance prépondérante, qu’une amélioration notable et durable de l’état de santé a eu pour effet que l’assurée a bénéficié, entre deux périodes d’incapacité de travail, d’une période intermédiaire, lors de laquelle une capacité de travail entière peut lui être attribuée.
L’intimé a considéré que cet état de fait pouvait être déduit du rapport d’expertise de la Dre E______, dont il s’agit d’examiner la valeur probante.
6.2 La chambre de céans constate que l’experte a pris connaissance du dossier complet de la recourante, étudié et discuté les rapports pertinents y figurant, présenté une anamnèse détaillée et fouillée, et a retranscrit précisément les informations livrées par la recourante, s’agissant particulièrement de ses plaintes et habitudes.
En ce qui concerne plus particulièrement la question de la rémission de la maladie et d’une stabilisation de l’état de santé de la recourante, la question a été posée par l’OAI soit de déterminer comment la capacité de travail [dans une activité adaptée] a évolué au fil du temps (début de l’IT, évolution de la CT, éventuellement date de l’aggravation). On constate que la réponse de l’experte est quelque peu lapidaire, cette dernière déclarant « elle n’est possible que depuis la stabilisation et la non-activité de la polyarthrite rhumatoïde en juin 2022. Cf. rapport médical du 17.06.2022, DAS–28–CRP à 1.6, et s’est maintenue depuis lors ».
L’experte semble s’être fondée uniquement sur les valeurs de CRP rapportées dans le rapport médical du 17 juin 2022 établi par le rhumatologue B______ tel que résumé dans son rapport d’expertise (p. 12) relevant des « résultats satisfaisants sur le plan de la polyarthrite rhumatoïde. Tocilizumab : dernière perfusion le 10.05.2022 ». Or, le rhumatologue en question a relevé, dans son rapport du 9 mars 2023, un « effet de fin de dose au Tocilizumab douleurs articulaires très variables », avec un dosage sanguin DAS-28-CRP remonté à 1.42.
L’interrogation suscitée par les variations du dosage sanguin ressort clairement du rapport d’analyse sanguine du 3 janvier 2024 (rapport d’expertise, p. 15) dans lequel il est relevé que « alors que la CRP est normale en août, en septembre, en octobre, en novembre [2023], elle est augmentée à 13.27 mg/l le 03.01.2024. Origine ? ».
Questionnée sur ce point, l’assurée répond qu’elle ne sait pas « si la CRP augmentée début janvier [2024] est en lien avec une problématique pulmonaire traitée par antibiothérapie à fin décembre 2023 » (rapport d’expertise, p. 19). L’experte relève, à propos du taux de CRP à 13 mg/l, qu’il est « impératif de la mesurer de nouveau pour voir où Madame en est du point de vue inflammatoire, quelle que soit l’origine de cette inflammation ». L’experte mentionne également qu’après l’introduction de Tocilizumab, mi-janvier 2022, deux rechutes ont été signalées dans le rapport médical du Dr B______ du 12 octobre 2022 (rapport d’expertise, p. 19).
Au moment de l’expertise, soit en mars 2024, l’experte rappelle que la polyarthrite rhumatoïde est une maladie inflammatoire chronique susceptible d’évoluer en dents de scie. Elle précise qu’actuellement le traitement est parfaitement mené et la maladie stabilisée. Le « pronostic sous traitement est relativement favorable » (rapport d’expertise, p. 38, ch. 7.1).
Cette appréciation montre le caractère relatif de l’estimation d’une maladie avec évolution en dents de scie, l’experte relève que c’est « actuellement » que la maladie est stabilisée et que le pronostic sous traitement est « relativement » favorable.
Or, dans son avis du 9 avril 2024, le SMR se montre beaucoup moins nuancé, déclarant que la capacité de travail est entière dans une activité adaptée dès juin 2022, moment où la maladie « est stable et non active ». Le SMR ignore la recommandation de l’experte, qui propose une reprise progressive à 50%, avec augmentation par paliers de 10% sur six mois, car il relève que l’experte indique en même temps que l’activité est exigible à raison de 8h/jour et à 100% dès juin 2022. Alors même que cette contradiction aurait dû susciter quelques doutes et amener le SMR à poser des questions complémentaires à l’experte, afin de mieux déterminer la question de la stabilité de l’état de santé, le SMR précise qu’il « s’écarte de l’avis de l’experte sur la reprise progressive étant donné que la maladie est en rémission depuis juin 2022 ».
Cette conclusion semble quelque peu rapide, dans le cas d’une maladie évoluant par vagues et au regard de la jurisprudence du Tribunal fédéral citée supra, qui insiste sur la nécessité d’examiner de manière rigoureuse, en se fondant sur des éléments objectifs, la question de l’interruption du lien de connexité temporelle.
6.3 Il y a également lieu de s’interroger sur la pertinence du critère du dosage sanguin retenu par l’experte pour fixer la période de rémission de la maladie en ce sens que dans son rapport médical du 8 juillet 2024, le Dr B______ mentionne sur trois dates le dosage sanguin relevé, soit : 1.42 en juin 2023 puis 2.2 en janvier 2024 et 1.15 en avril 2024, alors même que dans son avis médical du 9 août 2024, le SMR relève que lors de la prise de sang du 10 juillet 2024, le facteur rhumatoïde est à plus de 100 et les anticorps anti-peptide CCP sont à 333. Cette soudaine poussée montre à quel point la situation a pu s’aggraver entre le mois d’avril et le mois de juillet 2024.
Dans son attestation du 17 mars 2025, le Dr B______ a expliqué que le traitement par Tocilizumab, sous forme de perfusion intraveineuse mensuelle administrée entre janvier 2022 et avril 2024 entraîne une suppression des réactifs de la phase aiguë, soit masque une éventuelle inflammation, car le traitement a pour effet d’abaisser la protéine C-réactive-CRP et peut fausser une appréciation uniquement fondée sur le taux de CRP. Le médecin cite un paragraphe correspondant du compendium suisse qui attire l’attention sur le fait que « l’inhibition de l’IL-6 peut atténuer la réponse à l’inflexion en termes de concentration de CRP et de nombre de neutrophiles ». En d’autres termes, une appréciation de la stabilité de la polyarthrite rhumatoïde uniquement fondée sur les analyses sanguines semble insuffisante en raison de l’effet inhibiteur du traitement par Tocilizumab.
Or, dans son rapport d’expertise, la Dre E______ n’a pas soulevé ce point et semble, au contraire, s’être fondée sur le rapport médical du 17 juin 2022 du Dr B______ et le relevé de la DAS–28–CRP à 1.6 pour conclure à la stabilisation et à la non-activité de la polyarthrite rhumatoïde en juin 2022 (rapport d’expertise, p. 41, ch. 8.2).
Étant encore précisé que la médecin traitant de l’assurée, la Dre F______, a attiré l’attention de l’OAI, dans son courrier de « contestation » du 25 juin 2024, sur le fait que l’assurée a toujours « des épisodes de douleurs, d’inflammations et d’impotence marquées » bien qu’à partir du 17 juin 2022, la capacité de travail ait été considérée comme entière par l’OAI.
6.4 Au vu de ces éléments, la chambre de céans considère que le rapport d’expertise de la Dre E______ présente une pleine valeur probante, sauf en ce qui concerne la période de « rémission » et de stabilité à partir du mois de juin 2022 où des indices concrets permettent de considérer que les appréciations de l’experte ne sont pas suffisamment précises et étayées pour admettre, au degré de la vraisemblance prépondérante, qu’il y a véritablement eu rémission et stabilité de la maladie pendant une période de deux ans.
Partant, la chambre de céans ne peut se prononcer sur l’objet du litige en se fondant sur des éléments extérieurs qui font défaut, dès lors qu’il n’y a pas eu de reprise ou d’interruption d’une activité salariée, qui aurait permis, comme dans les cas examinés par le Tribunal fédéral supra, d’isoler des éléments objectifs pouvant aider les juges à déterminer la rupture ou le maintien du lien de connexité temporelle.
Compte tenu de ces lacunes, la cause sera renvoyée à l’intimé afin de poser des questions complémentaires à l’experte et d’établir, sur la base des rapports médicaux et à la lumière des précautions mentionnées par le Dr B______, dans son attestation médicale du 17 mars 2025 quant à l’interprétation des taux de CRP, s’il y a vraiment eu une amélioration notable de l’état de santé de l’assurée à partir de juin 2022 jusqu’à mars 2024 et si oui, à quelle(s) période(s) et pendant combien de temps.
7.
7.1 À l’aune de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision partiellement annulée, mais uniquement pour la période où le degré d’invalidité a été fixé à 4%, soit du 1er octobre 2022 jusqu’au 31 mars 2024. Pour la période antérieure au 1er octobre 2022 et celle postérieure au 31 mars 2024, la décision de l’OAI est confirmée.
7.2 La recourante obtenant partiellement gain de cause et étant assistée d’une avocate, une indemnité de CHF 1’500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).
7.3 Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Annule la décision de l’intimé en ce qui concerne la période allant du 1er octobre 2022 au 31 mars 2024. La confirme pour le surplus, en ce qui concerne la période précédant le 1er octobre 2022 et celle suivant le 31 mars 2024.
4. Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire, au sens des considérants, concernant la capacité de travail et le taux d’invalidité de la recourante pour la période allant du 1er octobre 2022 au 31 mars 2024.
5. Alloue à la recourante, à charge de l’intimé, une indemnité de CHF 1’500.- à titre de participation à ses frais et dépens.
6. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Véronique SERAIN |
| Le président
Philippe KNUPFER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le