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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1943/2023

ATAS/521/2025 du 23.06.2025 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1943/2023 ATAS/521/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 juin 2025

Chambre 1

 

En la cause

A______

représenté par APAS-Assoc. permanence défense des patients et assurés

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L’ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1969, célibataire, sans formation certifiée, a exercé successivement divers emplois de 1988 à 2004 (collaborateur au tri postal, aide-peintre en bâtiment, déménageur, aide de cuisine, magasinier, aide de laboratoire, employé de cuisine et magasinier, serveur, employé au service du traitement du courrier de B______, chargé de commandes et de livraisons, chauffeur-livreur, cantonnier et aide paysagiste). Après avoir exercé à nouveau le métier de chauffeur-livreur en 2005 pendant deux mois, incompatible avec ses douleurs dorsales, il s’est retrouvé sans emploi la même année.

b. Entre 2007 et 2012, il est resté sans activité professionnelle, hormis quelques emplois de courte durée en tant que chauffeur-livreur en 2007, aide-technique au C______, animateur parascolaire et transporteur en 2008. Sa dernière activité professionnelle, exercée de février 2012 à début 2014, était celle de transporteur à 50% (transport et accompagnement de personnes handicapées). Il émarge à l’aide sociale depuis la fin de son droit aux indemnités de chômage en 2016.

B. a. Le 1er décembre 2011, l’assuré a déposé une première demande de prestations à l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI ou l’intimé) en précisant qu’il présentait une protrusion discale cervicale.

b. Le 25 octobre 2007, le docteur D______, médecin traitant de l’assuré et spécialiste FMH en médecine interne et néphrologie, a attesté que son patient présentait une périarthrite chronique de l’épaule droite et qu’ainsi, il était important qu’il ne porte pas de charges dans son activité professionnelle.

c. Par avis du 16 mars 2012, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) a estimé à la lumière des rapports versés au dossier que l’assuré, chauffeur-livreur/ transporteur, présentait depuis environ dix ans des cervicalgies dégénératives sur troubles statiques du rachis, une discopathie étagée notamment au niveau de C5-C6 (en contact avec la racine de C7) ainsi qu’une périarthrite de l’épaule droite avec tendinopathie du sus-épineux et du long chef du biceps. Devenues incapacitantes en janvier 2002, ces atteintes imposaient les limitations fonctionnelles suivantes : éviter le port de « charges à 1 kg », les positions en porte-à-faux du rachis, accroupies, statiques prolongées en hyper-flexion ou hyper-extension du rachis cervical, le travail avec les membres supérieurs au-dessus de l’horizontale et la sollicitation répétitive de l’épaule droite. Joint au téléphone le 16 mars 2012, le Dr D______ avait confirmé au SMR que la capacité de travail de l’assuré était nulle dans l’activité habituelle depuis janvier 2002, mais qu’elle restait entière dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles précitées.

d. Par projet de décision du 3 juillet 2012, l’OAI a envisagé de n’octroyer ni rente ni mesures professionnelles à l’assuré. Sa capacité de travail était certes nulle dans l’activité habituelle, depuis janvier 2002, mais entière dans une activité adaptée. Il convenait ainsi d’examiner si dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, il subissait une perte de gain. Dans la mesure où il émargeait à l’Hospice général, ses revenus avec et sans invalidité étaient difficiles à déterminer. Aussi convenait-il d’effectuer une comparaison des revenus en question sur la base de l’enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS). En se basant sur le tableau TA1 pour un homme, tous secteurs confondus (ligne « total »), exerçant une activité simple et répétitive, le revenu statistique correspondant était de CHF 54'432.- par année. Pour la comparaison des revenus avec et sans invalidité, on pouvait se baser sur ce même montant. Ainsi, l’assuré ne présentait pas de perte de gain et son degré d’invalidité était de 0%, ce qui ne lui donnait droit ni à une rente ni à des mesures professionnelles.

e. Le 16 juillet 2012, l’assuré a contesté ce projet de décision en faisant valoir en substance que ses tentatives de trouver une activité adaptée à son état de santé n’avaient pas abouti, de sorte qu’il s’était rabattu sur une activité dans une société de transport de personnes (à 50%) qui le faisait souffrir au niveau des cervicales. Au vu de ces éléments, l’octroi d’une mesure professionnelle se justifiait.

f. Après s’être vu proposer une mesure professionnelle par l’OAI, l’assuré n’a pas pu suivre celle-ci dans son intégralité, son suivi n’étant pas compatible avec ses disponibilités qui étaient limitées en raison de son emploi à 50%, auquel il ne voulait pas renoncer. En conséquence, l’OAI a clôturé le mandat de réadaptation professionnelle en accord avec l’assuré.

g. Par décision du 14 mai 2013, l’OAI a rejeté la demande du 1er décembre 2011.

h. Le 31 mars 2014, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations.

i. Par projet de décision du 23 mai 2014, l’OAI a envisagé de ne pas entrer en matière sur cette nouvelle demande.

j. Le 19 juin 2014, l’assuré a contesté ce projet de décision.

k. Par décision du 21 juillet 2014, l’OAI a refusé d’entrer en matière sur la nouvelle demande, motif pris que l’assuré n’avait pas rendu plausible que l’état de fait existant au moment de la décision du 14 mai 2013 s’était modifié depuis lors. Non contestée, cette décision est entrée en force.

C. a. Le 9 novembre 2018, l’assuré a déposé une troisième demande de prestations auprès de l’OAI. À l’appui de celle-ci, il a indiqué que sa dernière activité, exercée à 50% dans le domaine du transport de personnes, avait pris fin début 2014. Sans activité depuis lors, il était suivi par le docteur E______, spécialiste FMH en médecine interne, en raison de douleurs rhumatismales (surtout à la colonne vertébrale), d’un trouble de l’attention avec hyperactivité
(ci-après : TDAH ou TDA) et d’un infarctus.

b. Dans un rapport du 30 novembre 2018 à l’OAI, le Dr E______ a indiqué que l’assuré présentait des douleurs musculo-squelettiques avant tout dorsales, invalidantes depuis de très nombreuses années. La situation avait tendance à se péjorer progressivement. À cela s’ajoutait un diagnostic de déficit de l’attention, posé en 2017, qui s’était nettement amélioré par la prise de Ritaline. La prise de ce médicament avait toutefois dû être stoppée. L’assuré présentait en effet une hypercholestérolémie de longue date. Par ailleurs, l’apparition de douleurs thoraciques atypiques s’était révélée être en rapport avec une nécrose inférieure, diagnostiquée en mars 2018. Ce diagnostic contre-indiquait la prescription de la Ritaline, ce qui compliquait la prise en charge du déficit de l’attention.

c. Par avis du 17 janvier 2019, le SMR a estimé qu’il ressortait des explications du Dr E______ que l’assuré présentait un TDAH et qu’il avait par ailleurs subi un infarctus du myocarde inférieur, de sorte que son état de santé s’était possiblement aggravé depuis la dernière décision.

d. Dans un rapport du 15 février 2019, le docteur F______, spécialiste FMH en cardiologie, a indiqué que l’assuré présentait une maladie coronarienne de trois vaisseaux, traitée non seulement par stents sur l’artère interventriculaire antérieure et l’artère coronaire droite, mais aussi par l’administration d’un traitement pharmacologique des facteurs de risque cardiovasculaire. Le pronostic était bon sur le plan cardiaque et ce spécialiste ne retenait pas de limitations fonctionnelles.

e. Dans un rapport du 12 novembre 2019, le Dr E______ a indiqué qu’au vu des cervicalgies et lombalgies persistantes qu’il présentait, auxquelles s’ajoutait un TDAH également invalidant, l’assuré avait une capacité de travail de 50%.

f. Dans un rapport du 14 janvier 2020, le docteur G______, médecin adjoint agrégé, responsable d’unité auprès du département de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) a indiqué que l’assuré présentait un TDAH apparu dès l’enfance, dont les symptômes (difficultés attentionnelles, procrastination, distractibilité avec une aversion pour les tâches requérant un effort mental soutenu, besoin de bouger sans cesse, flux de pensées incessant, impulsivité émotionnelle, etc.) avaient persisté à l’âge adulte, générant ainsi des problèmes notamment au niveau professionnel, en raison de difficultés d’interaction sociale avec ses collègues, mais surtout avec ses chefs, dont il ne supportait pas de recevoir des ordres, en particulier s’ils n’avaient pas un sens bien défini. Dans ce cas, il pouvait facilement se mettre en colère, donner sa démission ou se faire licencier. De plus, il éprouvait un important sentiment d’ennui lorsque les tâches demandées devenaient répétitives, ce qui expliquait les nombreux changements d’activité dans son parcours professionnel. Il ne souhaitait pas de traitement médicamenteux pour son TDAH, mais pourrait cependant bénéficier d’une prise en charge psychothérapeutique.

g. Le 2 mars 2021, le Dr G______ a répondu à une suite de questions du SMR. Le TDAH n’avait pas connu d’évolution depuis le rapport du 14 janvier 2020. Le diagnostic retenu était celui de perturbation de l’activité et de l’attention (F90.0) et les limitations fonctionnelles en découlant consistaient en difficultés sur le plan attentionnel et des interactions sociales. Vu les antécédents d’infarctus du myocarde, il n’y avait pas de traitement pharmacologique. L’assuré était vu une fois tous les trois mois en attendant de pouvoir être intégré à des groupes psychothérapeutiques. Même si l’observance du suivi par l’assuré était bonne, le pronostic de l’atteinte psychiatrique était mauvais, compte tenu de l’impossibilité de prendre un traitement pharmacologique. Invité à se prononcer sur les propositions thérapeutiques pour le futur, le Dr G______ a indiqué qu’une prise en charge psychothérapeutique spécialisée était prévue normalement d’ici quelques mois. Interrogé sur la capacité de travail dans une activité adaptée, le Dr G______ a indiqué que celle-ci était nulle. Cependant, si cette capacité s’améliorait, l’assuré serait capable de participer à des mesures de réadaptation.

h. Par avis du 21 mars 2021, le SMR a estimé à la lumière des réponses reçues du Dr G______ que la situation n’était pas stabilisée et qu’il convenait de réinterroger ce spécialiste après trois mois de prise en charge psychiatrique.

i. Dans un rapport du 30 mars 2021, le docteur H______, spécialiste FMH en médecine générale, a indiqué qu’il suivait l’assuré depuis quelques mois comme médecin de famille. Il pouvait confirmer la position du Dr G______. L’assuré présentait en effet un TDAH extrêmement invalidant qui l’empêchait de mener une vie professionnelle normale. Dans ce contexte, une tentative de réadaptation professionnelle – entreprise récemment dans l’horlogerie – s’était soldée par un échec.

j. Dans un rapport du 11 novembre 2021 à l’OAI, le Dr G______ a expliqué que l’assuré présentait toujours une perturbation de l’attention (F90.0). Depuis le précédent rapport, du 2 mars 2021, l’évolution était stable. L’assuré n’avait pas souhaité prendre part à une prise en charge psychothérapeutique adaptée pour le trouble d’orientation cognitivo-comportementale, incluant une prise en charge groupale ainsi qu’individuelle telle que fournie par « le centre » (Unité du trouble de la régulation émotionnelle), ce pour des raisons peu claires. Le Dr G______ continuait à voir l’assuré une fois par mois et celui-ci ne recevait toujours aucun traitement pharmacologique. Dans son activité habituelle, sa capacité de travail était de 0%, sans qu’il soit possible au Dr G______ d’indiquer depuis quand.

Les limitations fonctionnelles prenaient la forme d’une désorganisation de la pensée, d’où un flux de paroles considérable avec d’importantes digressions et une difficulté à rester en place. Il bougeait beaucoup, avait de la peine à rester tranquille et à se détendre, ce qui perturbait son lien à l’autre. Les relations interpersonnelles étaient par conséquent très compliquées pour cet assuré qui avait de la peine à maîtriser son hyperactivité. Il présentait également des difficultés attentionnelles avec des difficultés de planification et de gestion de tâches complexes. Il était très probable qu’il ait de la peine à pouvoir exécuter des tâches qui lui seraient confiées et à supporter le stress qui découlerait d’une activité dans le monde du travail « dit normal ».

D’un point de vue strictement psychiatrique, la capacité de travail de l’assuré dans une activité strictement adaptée aux limitations fonctionnelles était de 50%, probablement depuis toujours.

Son observance thérapeutique était relative. Même s’il venait régulièrement aux entretiens – qui étaient de courte durée –, il n’avait pas voulu bénéficier des groupes qui étaient tout à fait indiqués pour sa pathologie.

k. Par avis du 2 février 2022, le SMR a estimé que le suivi psychiatrique préconisé par le Dr G______ était exigible et qu’en l’absence de prise en charge du TDAH lege artis, les éléments rapportés par ce spécialiste n’étaient pas suffisants pour pouvoir se prononcer sur les limitations fonctionnelles durables ainsi que l’exigibilité d’une activité lucrative. Aussi le SMR a-t-il proposé la réalisation d’une expertise psychiatrique avec bilan neuropsychologique et test de validation des symptômes.

l. À la demande de l’OAI, l’assuré s’est rendu les 14 juin et 8 juillet 2022 auprès du docteur I______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie pour y subir une expertise psychiatrique dont les conclusions ont été rendues le 4 août 2022. Selon cet expert, l’assuré présentait une perturbation de l’activité et de l’attention (F90) dès l’enfance et des traits de personnalité émotionnellement labile, de type impulsif et narcissique (Z73.1), dès le début de l’âge adulte. En accord avec le Dr G______, plus précisément le rapport du 11 novembre 2021 de ce dernier, on pouvait estimer qu’à l’heure actuelle, un travail en milieu adapté, non occupationnel, était possible à 50% (soit 4 heures par jour) sans diminution de la performance. Ce travail ne devait pas nécessiter de mobilisation attentionnelle intense, s’exercer en solitaire ou en petite équipe dans un domaine proche des intérêts de l’assuré (par ex. aide aux ingénieurs du son). Une augmentation progressive du taux d’activité dans une telle activité adaptée serait possible si un traitement de psychostimulants était mis en place et que ses effets s’avéraient positifs. En revanche, dans l’activité exercée jusqu’ici, la capacité de travail était nulle, sans évolution positive à moyen terme.

m. Par avis du 6 septembre 2022, le SMR s’est rallié aux conclusions du rapport d’expertise du 4 août 2022 et a rendu ses conclusions au vu de l’ensemble des atteintes à la santé, présentées par l’assuré. Si dans le cadre de la première demande de prestations, la capacité de travail était nulle dans l’activité habituelle depuis janvier 2002 mais entière dans une activité adaptée légère épargnant le rachis et le membre supérieur droit, l’état de santé depuis la dernière décision sur le fond était en aggravation, en raison d’une perturbation de l’activité et de l’attention (F90) entraînant les limitations fonctionnelles suivantes : impulsivité cognitive, inattention, intolérance à la frustration, fragilité narcissique, sentiment d’ennui, tendance à la fuite ; préférer une activité exercée en solitaire ou au sein d’une petite équipe, sans sollicitation attentionnelle intense, dans un domaine investi par l’assuré. Dans l’activité habituelle de chauffeur-livreur, la capacité de travail était nulle depuis janvier 2002. En revanche, dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles préexistantes et nouvelles, la capacité de travail exigible était entière dès janvier 2002 et de 50% depuis le 12 novembre 2019.

n. Le 14 octobre 2022, l’OAI a évalué le degré d’invalidité de l’assuré pour les années 2003 et 2019.

Pour l’année 2003, il a déterminé le revenu avec invalidité en se fondant sur l’ESS 2002 et le tableau TA1. Selon cette statistique, dans une activité simple et répétitive (niveau 4), tous secteurs confondus (ligne « total »), un homme pouvait réaliser, en 2002, un revenu de CHF 4'557.-, ce qui correspondait à CHF 4'751.- par mois (ou 57'008.- par année) en tenant compte d’une durée normale de travail hebdomadaire de 41.7 heures (4'557 x 41.7 / 40 = 4’751). En indexant ce montant annuel selon l’indice suisse nominal des salaires, on obtenait CHF 57'745.- pour l’année 2003 (ISS ; tableau T39 ; 57'008 x 1958 / 1933 = 57'745). En mettant l’assuré au bénéfice d’un abattement de 10%, le revenu avec invalidité s’élevait à CHF 51'971.-.

Concernant le revenu annuel brut avant l’atteinte à la santé, l’assuré avait réalisé un salaire annuel de CHF 55'900.- pour l’entreprise J______ en 2001, ce qui correspondait à CHF 57'546.- après indexation selon l’ISS à 2003 (55'900 x 1958 / 1902 = 57'746). En comparant les deux revenus, la perte de gain était de CHF 5’575.- et le degré d’invalidité de 9.69% [(57'746 – 51'971) x 100 / 57'746 = 9.69%, arrondi à 10%].

Pour l’année 2019, l’OAI a déterminé le revenu avec invalidité en se fondant sur l’ESS 2018 et le tableau TA1, tirage « skill level ». Selon cette statistique, dans une activité de niveau 1 (tâches physiques ou manuelles simples), correspondant à la ligne 49-52 (transports et entreposage), un homme pouvait réaliser un revenu de « CHF 5'861.- » (sic) en 2018, ce qui correspondait à CHF 6'110.- par mois (ou 73'321.- par an) en tenant compte d’une durée normale de travail de 41.7 heures par semaine (5'861 x 41.7 / 40 = 6’110), respectivement CHF 73'938.- par an en 2019 après indexation selon l’ISS (73'321 x 2279 / 2260 = 73’938). En tenant compte d’un taux d’activité de 50% (CHF 36'969.-) et, cela fait, d’un abattement de 10%, ce revenu se montait à CHF 33'272.-. En comparant ce revenu avec celui réalisé en 2001 pour J______, indexé selon l’ISS à 2019 (55'900 x 2279 / 1902 = 66’980), la perte de gain était de CHF 33'708.- (soit CHF 66'980 sous déduction de CHF 33'272) et le degré d’invalidité de 50.33% [(66'980 – 33'272) x 100 / 66'980 = 50.33%, arrondi à 50%].

o. Par projet de décision du 14 mars 2023, l’OAI a envisagé d’octroyer une demi-rente d’invalidité à l’assuré dès le 1er novembre 2020, fondée sur un degré d’invalidité de 50%, conformément à la comparaison des revenus effectuée au 1er novembre 2019.

p. Par décision du 1er juin 2023, l’office cantonal des assurances sociales
(ci-après : l’OCAS) a octroyé à l’assuré une demi-rente d’invalidité avec effet rétroactif au 1er novembre 2020. Après compensation externe de la totalité du paiement rétroactif (CHF 19’958.-) avec les prestations allouées par l’Hospice général, l’assuré recevrait une rente de CHF 646.- dès le mois de juin 2023.

D. a. Le 8 juin 2023, l’assuré, représenté par l’Association pour la permanence de défense des patients et des assurés (ci-après : APAS), a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours contre cette décision, concluant à son annulation et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité. Il a également demandé à pouvoir compléter préalablement son recours.

À l’appui de sa position, il a fait valoir que l’appréciation de la capacité de travail dans une activité adaptée par l’expert était contestée en tant qu’elle procédait d’une sous-estimation des symptômes du TDAH et de leurs effets sur la capacité de travail.

b. Le 19 juillet 2023, le recourant a complété son écriture en soutenant qu’en p. 25 de son rapport, l’expert I______ indiquait que la capacité de travail du recourant était de « 0 dans une activité usuelle en économie libre ». Ainsi, l’intimé aurait dû retenir qu’aucune activité lucrative (usuelle ou adaptée) n’était exigible du recourant, de sorte qu’il avait droit à une rente entière d’invalidité.

c. Le 19 septembre 2023, l’intimé a conclu au rejet du recours.

d. Le 9 octobre 2023, le recourant a répliqué et demandé, en tant que de besoin, des précisions écrites de la part du Dr I______ sur ses réponses aux questions posées par l’intimé dans le questionnaire d’expertise.

Il a également produit un rapport du 16 août 2023 du Dr G______, dans lequel ce spécialiste se déterminait sur une suite de questions posées par le conseil du recourant. Le Dr G______ partageait avec l’expert le diagnostic de perturbation de l’activité et de l’attention (F90) dès l’enfance, mais pas l’appréciation de sa sévérité, qualifiée de moyenne à sévère par l’expert. Le TDAH était grave et le Dr G______ était également en désaccord avec l’expert concernant le diagnostic de traits de personnalité émotionnellement labile, de type impulsif et narcissique (Z73.1). Selon lui, les symptômes que le Dr I______ rattachait à ce dernier diagnostic (intolérance aux frustrations, sentiment d’ennui et tendance à la fuite sur le plan relationnel et professionnel) étaient parfaitement explicables par le TDAH. Invité à dire si la capacité de travail de 50% dans une activité adaptée concernait l’économie libre ou non, le Dr G______ a répondu : « si j’ai pu mentionner que le patient pourrait avoir une capacité de travail de 50% en milieu d’un [sic] occupationnel de type aider les ingénieurs du son comme dans l’expertise en page 22, il s’avère à ce jour que la capacité de travail, à mon sens est nulle même dans une activité adaptée ».

e. Le 1er novembre 2023, l’intimé a dupliqué et renvoyé, à cette fin, à un avis du 30 octobre 2023, par lequel le SMR examinait le rapport du 16 août 2024 du Dr G______ et maintenait son adhésion aux conclusions de l’expert.

f. Par écriture spontanée du 14 mars 2024, le recourant a transmis à la chambre de céans un rapport d’examen psychologique (aux fins de recherche d’un trouble déficitaire de l’attention), établi le 16 octobre 2017 par Madame K ______, psychologue et neuropsychologue FSP. Selon cette spécialiste, l’ensemble du tableau neuropsychologique, auquel s’ajoutaient les éléments cliniques et des tests projectifs, évoquait la présence d’un trouble déficitaire de l’attention sévère, conjugué à une hyperactivité mentale également sévère.

g. Invité par la chambre de céans à se déterminer sur ces nouveaux éléments, l’intimé a produit une écriture datée du 22 avril 2024 et versé au dossier un avis du SMR du même jour. Le médecin du SMR y expliquait que le bilan du 16 octobre 2017 de K ______ ne modifiait pas son appréciation du cas, vu que la gravité du diagnostic de TDAH pouvait être fluctuante au fil des jours et être en fonction du moment de la journée, de la fatigue ou de l’activité en cours. Cependant, en tenant compte de ce diagnostic objectivé en octobre 2017, il était préférable de retenir la date de ce bilan neuropsychologique comme date du début de l’incapacité de travail pour le TDAH.

Prenant position au sujet de ce nouvel avis du 22 avril 2024, l’intimé a indiqué que l’examen neuropsychologique ne modifiait pas l’appréciation médicale du cas par le SMR, mais que les précisions que ce service avait néanmoins apportées justifiaient une modification des conclusions prises dans la réponse au recours, en ce sens que le recourant présentait une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée dès le mois d’octobre 2017, ce qui lui ouvrait droit à une demi-rente d’invalidité dès le mois de mai 2018.

h. Le 29 mai 2024, le recourant a relevé – à l’instar du SMR dans son avis du 22 avril 2024 précité – que l’expert I______ avait bien évoqué l’existence d’un examen neuropsychologique effectué en 2017 (soit celui réalisé par K ______). Cela rendait d’autant moins compréhensible qu’il n’ait pas cherché à en obtenir un exemplaire, alors même que le TDA (et sa sévérité) était le diagnostic principal sur lequel l’expert était appelé à se prononcer. On pouvait d’autant moins accorder de valeur probante au rapport d’expertise que son auteur avait atténué les résultats issus de son propre examen neuropsychologique sur la base de facteurs totalement étrangers au TDA, soit notamment l’absence de lunettes de vue portées par le recourant. Or, l’examen neuropsychologique de K ______ retenait de manière claire que le TDA devait être qualifié de sévère (dans sa composante attentionnelle) alors que le Dr I______ se contenait de le qualifier de léger à moyen. Quant à l’assertion du SMR, selon laquelle la gravité du TDA pouvait être « fluctuante au fil des jours, du moment de la journée, de la fatigue, et de l’activité en cours », on ne voyait pas sur quoi elle reposait. En définitive, les résultats des deux tests neuropsychologiques étaient très superposables. Néanmoins, l’expert I______ en tirait des conclusions qui étaient soit en contradiction avec leurs résultats, soit minimisées par des facteurs en réalité inexistants. Enfin, le recourant a pris acte des conclusions réformatoires de l’intimé s’agissant du début du droit à la rente au 1er mai 2018, qu’il partageait également. Il persistait pour le surplus dans l’ensemble de ses conclusions principales quant à l’octroi d’une rente entière, laquelle prendrait effet au 1er mai 2018.

i. Entendu le 16 décembre 2024 en qualité de témoin par la chambre de céans, l’expert I______ a indiqué que, s’agissant de la capacité de travail du recourant, le rapport d’expertise se prononçait sur une activité adaptée dans un milieu en économie libre – et non pas en milieu protégé. Concernant les critères d’une telle activité, l’utilisation du terme « activité solitaire » avait été choisie en lien avec la personnalité du recourant, aux fins de lui éviter les contraintes, le rapport hiérarchique et les moments potentiellement dévalorisants qui étaient susceptibles de booster son impulsivité. Quand il parlait de « domaine investi » il s’agissait d’un domaine qui intéressait le recourant à la base et qui pourrait retenir son attention, étant précisé que le trouble de l’attention était léger en tant que tel. Les conclusions du 16 août 2023 du Dr G______ ne changeaient pas son appréciation du cas. En effet, en 2022, leurs avis étaient superposables et la question de savoir si les difficultés du recourant relevaient du TDAH ou de troubles de la personnalité pouvait parfaitement être discutée. En tout état, il s’agissait d’une « querelle de clocher » puisque pour le tribunal, le résultat était le même. Si le Dr G______ estimait que la capacité de travail était nulle dans toute activité en 2023, l’expert I______ ne pouvait qu’en prendre acte. En effet, il s’était prononcé, pour sa part, sur la situation telle qu’elle se présentait en 2022. En ce qui concernait la médication, l’exigibilité du traitement restait entière, même si l’on rattachait l’ensemble des troubles au TDAH. Il existait toute une gamme de traitements qui pouvait être explorée et dont le Dr G______ avait certainement connaissance (Atomoxétine et Elvanse par ex). La position de ce dernier n’était pas défendable en tant qu’il excluait ne serait-ce que l’essai d’un traitement. Cela étant, si l’évolution avec un traitement était susceptible de conduire à une amélioration, ce traitement n’éliminerait pas toutes les difficultés professionnelles liées au trouble de la personnalité dans une activité adaptée. Interrogé sur la p. 22 du rapport d’expertise, en particulier sur le TDAH qui « bien qu’existant, a ici un profil dominé par l’impulsivité cognitive et beaucoup moins comportementale », le Dr I______ a indiqué qu’il avait constaté chez le recourant ces traits en lien avec l’incapacité d’inhiber les réponses inadéquates et la précipitation. Il n’avait pas relevé de variations dans la commission des erreurs durant le test neuropsychologique, raison pour laquelle il n’avait pas retenu de problème au niveau de l’attention soutenue.

j. Entendu le 16 décembre 2024 en audience de comparution personnelle des parties par la chambre de céans, le recourant a déclaré que la Ritaline, qu’il prenait en 2017 ou 2018, avait changé sa vie, mais qu’il avait dû arrêter cette médication à la suite de son accident cardiaque, conformément aux recommandations de son cardiologue et du Dr G______. Ces derniers lui avaient indiqué qu’aucun autre médicament n’était disponible. En lieu et place, il avait tenté de faire du neurofeedback – sans effets sur lui – et suivi une thérapie de groupe, moyen qui s’était révélé inadapté à sa situation. Il suivait une thérapie avec un psychologue qu’il voyait quatre fois par mois depuis deux ans. Il avait consulté une naturopathe qui lui prescrivait des plantes. Celles-ci lui faisaient certes du bien mais n’étaient pas du tout suffisantes. Il faisait également de la méditation mais cela ne l’aidait que sur le moment. La plupart du temps, il quittait son emploi soit parce qu’il ne supportait plus sa hiérarchie, soit parce qu’il s’ennuyait. Il trouvait alors un nouvel emploi dont il était très heureux dans un premier temps, avant que l’ennui ne prenne rapidement le dessus en raison du caractère répétitif des tâches. Devenir ingénieur du son avait été un rêve d’enfant qui n’avait pas pu se réaliser.

Entendu le même jour, la représentante de l’OAI a déclaré qu’elle entendait modifier ses conclusions du 22 avril 2024, en ce sens que le droit à une demi-rente d’invalidité était ouvert dès le mois de mai 2019, et non 2018, en raison de la date du dépôt de la demande.

k. Dans ses observations après enquêtes du 16 janvier 2025, l’intimé a souligné que l’expert I______ avait confirmé ses conclusions et expliqué les raisons pour lesquelles il se distanciait des conclusions du Dr G______. Quant à l’audition du recourant, elle ne permettait pas de modifier l’appréciation des faits, de sorte qu’il convenait de s’en tenir aux conclusions modifiées, d’ores et déjà formulées le 16 décembre 2024.

l. Le 16 janvier 2025, le recourant a versé au dossier :

-          un rapport du 9 janvier 2024 du docteur L______, spécialiste FMH en cardiologie, selon lequel il y avait une contre-indication claire aux traitements psychostimulants dérivés des amphétamines dans le cadre de la maladie coronarienne présentée par le recourant (status post-infarctus du myocarde en 2018 ayant nécessité la mise en place d’un stent sur l’artère interventriculaire antérieure) ;

-          une fiche compendium du médicament Elvanse ;

Se fondant sur ces pièces nouvelles, le recourant a indiqué qu’il peinait à comprendre l’insistance de l’expert I______ à affirmer qu’il refuserait de prendre un traitement à base de psychostimulants et que celui-ci serait exigible.

Pour le surplus, le recourant a persisté dans ses conclusions principales, soit en demandant l’octroi d’une rente entière dès le 1er mai 2019 – en conformité avec le moment de la naissance du droit à la rente retenu par l’intimé.

Dans la mesure où le service de réadaptation de l’intimé n’avait pas été sollicité pour déterminer l’existence ou non de suffisamment d’activités lucratives simples et répétitives adaptées aux limitations fonctionnelles à la fois psychiatriques et somatiques du recourant, ce dernier a conclu, subsidiairement, au renvoi de la cause à l’intimé pour instruction complémentaire en vue de déterminer l’existence ou non d’un nombre suffisant de telles activités lucratives pour la période du 1er mai 2019 au 31 juillet 2024.

Plus subsidiairement – dans l’hypothèse où la chambre de céans se fonderait sur les conclusions du rapport d’expertise –, le recourant a conclu à l’octroi d’une rente entière dès le 1er août 2023, soit dès la remise du rapport du 16 août 2023 du Dr G______ devant la chambre de céans.

m. Le 21 janvier 2025, la chambre de céans a transmis une copie de cette écriture, pour information, à l’intimé.

n. Les autres faits seront mentionnés, si nécessaire, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

La procédure devant la chambre de céans est ainsi régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10).

1.3 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 60 al. 1 et 61 let. b LPGA ; art. 62 al. 1 et 89B LPA).

2.             Le litige porte sur l’aggravation de l’état de santé du recourant survenue entre le 14 mai 2013 – date de la dernière décision entrée en force et reposant sur un examen matériel du droit à la rente – et la date de la décision litigieuse, singulièrement sur le point de savoir si les répercussions de cette aggravation sur la capacité de gain justifient l’octroi d’une rente supérieure à une demi-rente d’invalidité. Dans la mesure où le recourant prend des conclusions relatives à la l’octroi d’une rente entière d’invalidité à compter du 1er août 2023 (soit dès la remise du rapport du 16 août 2023 du Dr G______ devant la chambre de céans), celles-ci sortent de l’objet de la contestation déterminé par la décision du 1er juin 2023 et sont d’emblée irrecevables (ATF 121 V 366 consid. 1b).

3.              

3.1 Dans le cadre du développement continu de l’AI, la LAI, le règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité (RAI – RS 831.201) et l’art. 17 LPGA notamment ont été modifiés avec effet au 1er janvier 2022 (modifications des 19 juin 2020 et 3 novembre 2021 ; RO 2021 705 et RO 2021 706).

Conformément aux principes généraux en matière de droit intertemporel, les règles de droit déterminantes en cas de modification du droit sont celles qui étaient en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement et qui a des conséquences juridiques (ATF 149 II 320 consid. 3 ; 148 V 174 consid. 4.1 et les références). En application de ce principe général du droit intertemporel, lorsqu’un état de fait durable s’est produit en partie avant et en partie après l’entrée en vigueur de la nouvelle législation, le droit à une rente d’invalidité doit être examiné pour la première période selon les dispositions de l’ancien droit et pour la deuxième période selon les nouvelles règles. Les réglementations transitoires particulières sont réservées (arrêt du Tribunal fédéral 9C 505/2023 du 26 juin 2024 consid. 2.2 et la référence).

Dans les cas de révision selon l’art. 17 LPGA, conformément aux principes généraux du droit intertemporel (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), il convient d’évaluer, selon la situation juridique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si une modification déterminante est intervenue jusqu’à cette date. Si tel est le cas, les dispositions de la LAI et celles du RAI dans leur version valable jusqu’au 31 décembre 2021 sont applicables. Si la modification déterminante est intervenue après cette date, les dispositions de la LAI et du RAI dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2022 sont applicables. La date pertinente de la modification est déterminée par l’art. 88a RAI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2 ; 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).

3.2 En l’occurrence, la décision litigieuse a été rendue après le 1er janvier 2022. Toutefois, il n’est pas contesté par les parties au litige qu’une modification des circonstances (objectivation d’un TDAH) est survenue avant cette date, conformément à l’art. 88a RAI. Par conséquent, les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

3.3 En application de l’art. 87 al. 2 et 3 RAI, lorsque la rente a été refusée parce que le degré d’invalidité était insuffisant, la nouvelle demande ne peut être examinée que si l’assuré rend plausible que son invalidité s’est modifiée de manière à influencer ses droits.

Cette exigence doit permettre à l’administration qui a précédemment rendu une décision de refus de prestations entrée en force d’écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes dans lesquelles l’assuré se borne à répéter les mêmes arguments, sans alléguer une modification des faits déterminants (ATF 130 V 64 consid. 5.2.3 ; 125 V 412 consid. 2b ; 117 V 198 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_137/2018 du 3 septembre 2018 consid. 2.2).

Lorsque l’administration entre en matière sur une nouvelle demande de prestations, elle doit examiner la cause au plan matériel – soit en instruire tous les aspects médicaux et juridiques – et s’assurer que la modification du degré d’invalidité rendue vraisemblable par l’assuré est effectivement survenue (arrêt du Tribunal fédéral 9C_142/2012 du 9 juillet 2012 consid. 4). Selon la jurisprudence, elle doit procéder de la même manière que dans les cas de révision au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA et comparer les circonstances prévalant lors de la nouvelle décision avec celles existant lors de la dernière décision entrée en force et reposant sur un examen matériel du droit à la rente (ATF 133 V 108) pour déterminer si une modification notable du taux d’invalidité justifiant la révision du droit en question est intervenue (arrêt du Tribunal fédéral 9C_412/2010 du 22 février 2011 consid. 3).

3.4 Selon l’art. 17 al. 1 LPGA, si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Tout changement important des circonstances, propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3 ; 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s’améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 du 9 mars 2016 consid. 4.1). Il n’y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; 112 V 371 consid. 2b ; 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l’art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. En effet, la base de comparaison déterminante dans le temps pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une révision de la rente est constituée par la dernière décision entrée en force qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit (ATF 147 V 167 consid. 4.1 et la référence).

Lorsque les faits déterminants pour le droit à la rente se sont modifiés au point de faire apparaître un changement important de l’état de santé motivant une révision, le degré d’invalidité doit être fixé à nouveau sur la base d’un état de fait établi de manière correcte et complète, sans référence à des évaluations antérieures de l’invalidité (ATF 141 V 9).

3.5 Aux termes des art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI, est réputée invalidité, l’incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident. Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d’une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

3.6 Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d’invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l’incapacité fonctionnelle qu’il importe d’évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

3.7 L’évaluation de l’invalidité s’effectue à l’aune d’un marché équilibré du travail. Cette notion, théorique et abstraite, sert de critère de distinction entre les cas relevant de l’assurance-chômage ou de l’assurance-invalidité. Elle présuppose un équilibre entre l’offre et la demande de main d’œuvre d’une part et un marché du travail structuré (permettant d’offrir un éventail d’emplois diversifiés, tant au regard des sollicitations intellectuelles que physiques) d’autre part (ATF 110 V 273 consid. 4b). Le caractère irréaliste des possibilités de travail doit alors découler de l’atteinte à la santé – puisqu’une telle atteinte est indispensable à la reconnaissance de l’invalidité (art. 7 et 8 LPGA) – et non de facteurs psychosociaux ou socioculturels qui sont étrangers à la définition juridique de l’invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 6.1 et la référence).

4.              

4.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l’art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l’art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d’un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l’assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l’assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

4.1.1 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d’évaluation de la capacité de travail, respectivement de l’incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d’affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d’évaluation au moyen d’un catalogue d’indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d’évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d’atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d’un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l’art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d’exclusion définis dans l’ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l’absence d’une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d’assurance, si les limitations liées à l’exercice d’une activité résultent d’une exagération des symptômes ou d’une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d’un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d’une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l’allégation d’intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l’absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l’anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l’expert, ainsi que l’allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

4.1.2 L’organe chargé de l’application du droit doit, avant de procéder à l’examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d’une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l’assurance-invalidité, c’est-à-dire qui résiste aux motifs dits d’exclusion tels qu’une exagération ou d’autres manifestations d’un profit secondaire tiré de la maladie (ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d’une procédure d’établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d’évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d’une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d’autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L’accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d’exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-          Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3)

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2) 

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-     Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d’activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

5.              

5.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d’autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui – en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part –, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

5.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

5.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux.

5.3.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l’expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

5.3.2 Un rapport du SMR a pour fonction d’opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu’il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d’une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d’un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l’office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

5.3.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

5.3.4 On ajoutera qu’en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n’est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s’apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu’au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d’expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1 in SVR 2008 IV n° 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l’administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu’un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion distincte. Il n’en va différemment que si ces médecins traitants font état d’éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l’expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l’expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_458/2023 du 18 décembre 2023 consid. 3.2 et la référence).

6.              

6.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d’un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l’exactitude d’une allégation, sans que d’autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération (ATF 144 V 427 consid. 3.2 ; 139 V 176 consid. 5.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

6.2 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d).

7.             En application de la jurisprudence précitée (ATF 147 V 167 consid. 4.1 ; aussi 133 V 108 consid. 5.4), il convient, en l’espèce, de comparer la situation telle qu’elle se présentait lors de la décision du 14 mai 2013 (et non pas lors de la décision de non-entrée en matière du 21 juillet 2014) avec celle existant au moment de la décision litigieuse, du 1er juin 2023, pour apprécier le bien-fondé d’une éventuelle révision opérée en application de l’art. 17 LPGA.

7.1 Dans le cadre de la première demande de prestations, déposée le 1er décembre 2011, le SMR avait conclu le 16 mars 2012 que les diagnostics alors connus, comprenant des cervicalgies dégénératives sur troubles statiques du rachis, une discopathie étagée notamment au niveau de C5-C6 (contact avec la racine de C7) et une périarthrite de l’épaule droite avec tendinopathie du sus-épineux et du long chef du biceps, faisaient que la capacité de travail était nulle dans l’activité habituelle de chauffeur-livreur/ transporteur depuis janvier 2002, mais n’empêchait pas, à la même époque, l’exercice à plein temps d’une activité adaptée, c’est-à-dire permettant d’éviter les ports de charges à 1kg, les positions accroupie et en porte-à-faux du rachis, les positions statiques prolongée en hyper-flexion ou hyper-extension du rachis cervical ainsi que la sollicitation répétitive de l’épaule droite. Sur la base de cette instruction médicale, la décision du 4 juin 2013 avait refusé toute prestation à l’assuré, étant donné que sa capacité de travail était entière dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles retenues par le SMR et que la comparaison des revenus avec et sans invalidité aboutissait à une perte de gain nulle et à un degré d’invalidité qui ne l’était pas moins.

La troisième demande de prestations, déposée le 9 novembre 2018, a abouti à la décision du 8 mai 2023 litigieuse qui se fonde sur l’avis du 6 septembre 2022 du SMR. Celui-ci retient, en plus des diagnostics somatiques déjà connus, une perturbation de l’activité et de l’attention (TDAH ; F90), à l’origine de limitations fonctionnelles supplémentaires (impulsivité cognitive, inattention, intolérance à la frustration, fragilité narcissique, sentiment d’ennui, tendance à la fuite ; préférer une activité exercée en solitaire ou au sein d’une petite équipe, sans sollicitation attentionnelle intense, dans un domaine investi par l’assuré) et d’une capacité de travail réduite à 50% dans une activité adaptée, ce depuis le 12 novembre 2019 (depuis octobre 2017 selon l’avis du SMR du 22 avril 2024 et les conclusions réformatoires de l’intimé, prises le jour de cet avis).

Si l’on excepte la date à partir de laquelle la capacité de travail de l’assuré est réduite à 50% dans une activité adaptée – date que le SMR a fixée d’abord en fonction de celle du rapport du Dr E______, du 12 novembre 2019, puis de celle du bilan de K ______, du 16 octobre 2017 –, les conclusions du 6 septembre 2022 du SMR et, à leur suite, la décision attaquée se fondent sur le rapport d’expertise du 4 août 2022 pour les aspects psychiatriques du cas, en particulier la réduction de la capacité de travail à 50% qui y est retenue par l’expert I______.

Sur le plan psychiatrique, le Dr I______ a relevé que le diagnostic de TDAH avait fait son apparition en 2017. De faible ampleur, ce trouble ne touchait ni l’attention soutenue, ni la mémoire de travail, ni le maintien de la vigilance de l’assuré. En revanche, des signes d’inattention et d’impulsivité étaient perceptibles, de même qu’une difficulté plus prononcée au niveau de la mobilisation de la mémoire verbale. Dans l’ensemble, le TDAH, même s’il était présent, avait ici un profil dominé par l’impulsivité cognitive (et beaucoup moins comportementale). Le tableau clinique s’alourdissait par la présence de traits de personnalité impulsive (intolérance aux frustrations, sentiment d’ennui et de vide, tendance à quitter rapidement les activités répétitives ; nervosité, impatience et agressivité verbale dans les relations affectives), mais aussi narcissiques (haute estime de soi alternant avec un vécu d’échec et de dévalorisation, décalage entre ses aspirations de vie intellectuelle et son présent) qui rendaient son adaptation professionnelle difficile. À l’heure actuelle, les limitations fonctionnelles étaient de deux types : impulsivité cognitive et inattention en lien avec le TDAH, fragilité narcissique (avec intolérance aux frustrations), sentiment d’ennui et tendance à la fuite sur le plan relationnel et professionnel en lien avec les traits de personnalité précités. Les critères de gravité n’étant pas réalisés sur le plan du fonctionnement quotidien, il n’était pas possible de retenir le diagnostic d’un trouble franc. Toutefois, la combinaison des deux diagnostics rendait, d’un point de vue psychiatrique, l’adaptation « en milieu usuel » impossible. En accord avec le Dr G______ (« rapport de novembre 2021 »), le Dr I______ estimait qu’à l’heure actuelle, un travail en milieu adapté, non occupationnel, était possible à 50% (soit 4 heures par jour) sans diminution de la performance. Ce travail ne devait pas nécessiter de mobilisation attentionnelle intense, s’exercer en solitaire ou en petite équipe dans un domaine proche des intérêts de l’assuré (par ex. aide aux ingénieurs du son). Une augmentation progressive du taux d’activité dans une telle activité adaptée était possible si un traitement de psychostimulants était mis en place et ses effets positifs. En revanche, dans l’activité exercée jusqu’ici, la capacité de travail était nulle, sans évolution positive à moyen terme. Enfin, l’expert a précisé lors de son audition du 16 décembre 2024 que l’exigibilité d’une activité adaptée au taux de 50% concernait l’économie libre et non un milieu protégé.

7.2 Il résulte de ce qui précède que, par rapport à l’état de fait sur lequel se fondait la décision du 4 juin 2013, l’état de santé de l’assuré s’est dégradé depuis l’objectivation d’un TDAH en octobre 2017, au point de diminuer la capacité de travail exigible dans une activité adaptée à 50% depuis lors.

D’un point de vue psychiatrique, la chambre de céans constate que, même si l’expert I______ ne s’en tient pas strictement aux standards usuels d’une expertise psychiatrique réalisée selon la procédure probatoire structurée au sens de l’ATF 141 V 281 (ATF 143 V 418) et que ses explications requièrent de la part du lecteur qu’il recherche lui-même dans l’expertise les différents indicateurs et en fasse la synthèse, il ne résulte pas moins de l’inventaire de tous les points pertinents, en particulier des informations qu’il y a lieu de classer sous l’indicateur « atteinte à la santé », que le TDAH, de faible ampleur, ainsi que les traits de personnalité émotionnellement labile, de type impulsif et narcissique (Z73.1) présentent un degré de gravité fonctionnelle permettant l’exercice à 50% d’une activité adaptée aux limitations fonctionnelles d’ordre psychique précitées, ce qui est en cohérence avec l’absence de majoration des symptômes ainsi que les activités quotidiennes que l’assuré parvient à assumer pour la plupart (les actes administratifs et la tenue du ménage s’avérant plus difficiles). Par ailleurs, les informations à classer sous l’indicateur « personnalité » révèlent des ressources personnelles indéniables en termes de compétences intellectuelles, mais qui sont plus limitées sur un plan affectif et interpersonnel.

Tenant compte des plaintes de l’assuré, comportant une anamnèse détaillée, des diagnostics motivés et des conclusions claires et cohérentes dans le sens précisé le 16 décembre 2024, le rapport d’expertise psychiatrique du 4 août 2022 peut se voir reconnaître valeur probante.

7.3 D’avis contraire, l’assuré estime en substance que la gravité de son TDAH a été sous-estimée par l’expert I______ et entraînerait une incapacité de travail totale dans toute activité, même adaptée. Pour appuyer cette assertion, il se fonde notamment sur les rapports du Dr G______ – dont celui du 16 août 2023 – et le bilan neuropsychologique du 16 octobre 2017 de K ______.

7.3.1 Concernant tout d’abord le Dr G______, ce psychiatre traitant a indiqué dans son rapport du 11 novembre 2021 que la capacité de travail de l’assuré était de 50% dans une activité strictement adaptée aux limitations fonctionnelles. Dans son rapport du 16 août 2023, il a précisé à ce sujet que la mention d’une capacité de travail 50% « en milieu [...] occupationnel » correspondait à l’exemple cité par l’expert en p. 22 in fine de son rapport (« aider des ingénieurs du son ») mais qu’il s’avérait « à ce jour que la capacité de travail, à [son] sens, [était] nulle même dans une activité adaptée ».

La chambre de céans constate qu’il ne ressort pas clairement du rapport du 16 août 2023 si le Dr G______ reconsidère (ou précise) la capacité de travail de 50% qu’il attestait le 11 novembre 2021 ou s’il relate une péjoration de celle-ci, survenue a posteriori. D’un côté, le terme « milieu occupationnel » ne figurait pas dans l’appréciation de la capacité de travail faite à cette dernière date. De l’autre, le Dr G______ mentionnait tout de même, dans la description des limitations fonctionnelles faite le 11 novembre 2021, qu’il « est très probable [que l’assuré] ait de la peine à pouvoir exécuter des tâches qui lui seraient confiées et à supporter le stress qui découlerait d’une activité dans le monde du travail dit normal » (dossier AI, doc. 116). En tout état, cette ambiguïté concernant le marché du travail visé ne semblait plus d’actualité dans le rapport du 16 août 2023, puisque le Dr G______ y attestait d’une incapacité de travail totale même dans une activité adaptée. Cette évolution, pour peu qu’elle se soit effectivement produite après la date de la décision litigieuse, n’est toutefois pas pertinente. En effet, le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d’après l’état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue. Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent normalement faire l’objet d’une nouvelle décision administrative (ATF 121 V 366 consid. 1b). Concernant ensuite la seconde hypothèse, dans laquelle le rapport du 11 novembre 2021 du Dr G______ aurait en réalité visé une activité adaptée à 50% en milieu protégé, elle n’est pas pertinente non plus, étant donné que la simple divergence d’appréciation qu’elle exprimerait par rapport à la capacité de 50% sur le marché ordinaire du travail, retenue dans le rapport d’expertise, ne suffirait pas pour en remettre en cause les conclusions de ce rapport (ci-dessus : consid. 5.3.4). Cette remarque vaut également pour la différence d’appréciation relative à la symptomatologie du recourant, laquelle s’expliquerait uniquement par le TDAH pour le Dr G______ et par l’interaction de ce diagnostic avec celui de traits de personnalité émotionnellement labile, de type impulsif et narcissique (Z73.1) pour l’expert.

La troisième divergence entre le Dr G______ et l’expert concerne l’exigibilité d’un traitement pharmacologique du TDAH, niée par le premier – en raison des antécédents d’infarctus du myocarde en 2018 – et admise par le second, ce dernier faisant valoir qu’il existe des alternatives à la Ritaline. Cette problématique ne nécessite toutefois pas d’être examinée plus avant, vu que d’une part, l’expert a évalué la capacité de travail du recourant à 50% dans une activité adaptée en l’absence de traitement par psychostimulants et que, d’autre part, la décision litigieuse se fonde sur cette appréciation médicale sans tenir compte de la possible amélioration qu’entrainerait un tel traitement.

7.3.2 Concernant ensuite le rapport d’examen neuropsychologique du 16 octobre 2017, son auteure, K ______, conclut qu’il serait pertinent d’introduire un traitement spécifique au TDAH, compte tenu de la sévérité de l’atteinte attentionnelle et cognitive. Au vu de ces éléments, la chambre de céans constate que cette neuropsychologue, à l’image de l’expert, recommande un traitement pharmacologique du TDAH. Le recourant relève toutefois que même si les résultats des tests neuropsychologiques réalisés par K ______ d’une part et l’expert d’autre part « sont très superposables » (écriture du recourant du 29 mai 2024, p. 2), l’expert en tirerait des conclusions qui seraient soit en contradiction avec les résultats, soit atténueraient ces derniers par des facteurs en réalité inexistants, de sorte que les conclusions de l’expert ne seraient pas convaincantes.

Ces griefs ne sauraient être suivis, pas plus que les conclusions que le recourant en tire s’agissant de la valeur probante de l’expertise. On constate en effet que l’expert explique de manière précise et nuancée que le TDAH du recourant se manifeste, non pas par des difficultés qui seraient en lien avec l’attention soutenue, la mémoire de travail ou le maintien de la vigilance, mais avant tout par l’impulsivité cognitive, avec un tableau clinique aggravé par la présence de traits de la personnalité impulsive, mais aussi narcissique qui rendent son adaptation professionnelle difficile. Concernant les limitations fonctionnelles qui découlent des deux diagnostics qu’il retient, l’expert précise d’ailleurs que l’impulsivité cognitive et l’inattention sont en lien avec le TDAH alors que la fragilité narcissique (avec intolérance aux frustrations), le sentiment d’ennui, etc. sont en lien avec les traits de personnalité précités (rapport d’expertise, p. 20 et 22 : aussi ci-dessus : consid. 7.1). On soulignera enfin que lors de son audition par la chambre de céans, l’expert a expliqué n’avoir pas relevé de variations dans la commission des erreurs durant le test psychologique, raison pour laquelle il n’a pas retenu de problème au niveau de l’attention soutenue. Il s’avère ainsi que contrairement à ce que soutient le recourant, les différences d’appréciation entre l’expert I______ et K ______ – non pertinentes en tant que telles (ci-dessus : 5.3.4) – sont bien motivées par cet expert et, partant, convaincantes. Aussi la chambre de céans ne s’écartera-t-elle pas des conclusions du rapport d’expertise.

7.3.3 Dans ses observations du 16 janvier 2025, le recourant relève néanmoins que, selon les précisions données le 16 décembre 2024 par l’expert, une activité adaptée devrait notamment relever d’un « domaine qui intéresse Monsieur à la base et pourrait retenir son attention ». Selon le recourant, l’exigence d’un tel intérêt serait par essence en contradiction avec l’un des symptômes du TDAH, soit un désinvestissement massif et involontaire rendant difficile la conservation d’un emploi, ce qui serait illustré par son parcours professionnel chaotique et rendrait totalement inexigible l’exercice d’une activité adaptée.

Cette argumentation ne saurait être suivie en tant qu’elle repose sur la substitution d’un avis personnel à celui de l’expert sur une question médicale. D’ailleurs, le recourant omet de préciser que tant le Dr G______ que l’expert sont d’avis que le TDAH remonte à l’enfance et que même s’il n’a été formellement diagnostiqué qu’en 2017, ce trouble et les traits de personnalité émotionnellement labile, de type impulsif et narcissique (Z73.1), apparus au début de l’âge adulte, ne l’ont pas empêché d’exercer diverses activités lucratives entre 1988 et 2014 (dossier AI, doc. 78, p. 268). Ce parcours professionnel, même s’il est jalonné de nombreux changements d’employeurs, n’en contredit pas moins dans les faits le caractère prétendument inexigible de toute activité lucrative qu’entrainerait la présence du TDAH (dans le même sens : arrêt du Tribunal fédéral 9C_454/2013 du 29 octobre 2013 consid. 4.2).

7.4 Concernant enfin le début de l’incapacité de travail durable à 50% dans une activité adaptée, le SMR l’a d’abord fixé en fonction de la date du rapport du 12 novembre 2019 du Dr E______ (avis du SMR du 6 septembre 2022), puis de celle du bilan de K ______ du 16 octobre 2017 (avis du SMR du 22 avril 2024). Étant donné que ce changement d’appréciation apparaît en cohérence avec l’objectivation du TDAH en octobre 2017 et que les parties s’y réfèrent également, la chambre de céans considérera qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que le début de l’incapacité de travail durable à 50%, dans une activité adaptée, remonte à octobre 2017.

8.             Le statut d’actif de l’assuré n’étant pas contesté et n’apparaissant pas contestable non plus, il reste à examiner son degré d’invalidité.

8.1 Chez les assurés actifs, le degré d’invalidité doit être évalué sur la base d’une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l’assuré aurait pu réaliser s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA).

La comparaison des revenus s’effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l’un avec l’autre, la différence permettant de calculer le taux d’invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 29 consid. 1 ; 104 V 135 consid. 2a et 2b).

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d’influencer le droit à la rente survenues jusqu’au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et 128 V 174).

8.2 Pour déterminer le revenu sans invalidité, il convient d’établir ce que l’assuré aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant s’il n’était pas devenu invalide. Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible. Partant de la présomption que l’assuré aurait continué d’exercer son activité sans la survenance de son invalidité, ce revenu se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l’assuré avant l’atteinte à la santé, en prenant en compte également l’évolution des salaires jusqu’au moment de la naissance du droit à la rente ; des exceptions ne peuvent être admises que si elles sont établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 144 I 103 consid. 5.3 ; 139 V 28 consid. 3.3.2 et les références ; 135 V 297 consid. 5.1 et les références ; 134 V 322 consid. 4.1 et les références). Toutefois, lorsque la perte de l’emploi est due à des motifs étrangers à l’invalidité, le salaire doit être établi sur la base de valeurs moyennes. Autrement dit, dans un tel cas, n’est pas déterminant pour la fixation du revenu hypothétique de la personne valide le salaire que la personne assurée réaliserait actuellement auprès de son ancien employeur, mais bien plutôt celui qu’elle réaliserait si elle n’était pas devenue invalide. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un tel cas d’exception se présente par exemple lorsque le poste de travail que l’assuré occupait avant la survenance de l’atteinte à la santé n’existe plus au moment de l’évaluation de l’invalidité, lorsqu’il n’aurait pas pu conserver son poste en raison des difficultés économiques, en cas de faillite ou de restructuration de l’entreprise (arrêt du Tribunal fédéral 8C_746/2023 du 7 juin 2024 consid. 4.3 et les références).

Tel sera le cas également lorsqu’on ne dispose d’aucun renseignement au sujet de la dernière activité professionnelle de l’assuré ou si le dernier salaire que celui-ci a perçu ne correspond manifestement pas à ce qu’il aurait été en mesure de réaliser, selon toute vraisemblance, en tant que personne valide ; par exemple, lorsqu’avant d’être reconnu définitivement incapable de travailler, l’assuré était au chômage ou rencontrait d’ores et déjà des difficultés professionnelles en raison d’une dégradation progressive de son état de santé ou encore percevait une rémunération inférieure aux normes de salaire usuelles (arrêts du Tribunal fédéral I 168/05 du 24 avril 2006 consid. 3.3 ; B 80/01 du 17 octobre 2003 consid. 5.2.2).

Les possibilités théoriques de développement professionnel (lié en particulier à un complément de formation) ou d’avancement ne sont pas prises en considération, à moins que des indices concrets rendent très vraisemblables qu’elles se seraient réalisées. Cela pourra être le cas lorsque l’employeur a laissé entrevoir une telle perspective d’avancement ou a donné des assurances en ce sens. En revanche, de simples déclarations d’intention de la personne assurée ne suffisent pas. Des exceptions ne sauraient être admises que si elles sont établies au degré de la vraisemblance prépondérante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_434/2023 du 30 novembre 2023 consid. 3 et la référence).

8.3 Quant au revenu d’invalide, il doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l’intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2). Lorsque l’assuré n’a pas repris d’activité, ou aucune activité adaptée lui permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base de données statistiques, telles qu’elles résultent de l’ESS (ATF 143 V 295 consid. 2.2 ; 135 V 297 consid. 5.2 et les références). Dans ce cas, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table TA1 de l’ESS, à la ligne « total secteur privé » (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa), étant précisé que, depuis l’ESS 2012, il y a lieu d’appliquer le tableau TA1_skill_ level (ATF 142 V 178). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1). La valeur statistique médiane s’applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu’elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu’ils seraient en mesure de réaliser en tant qu’invalides dès lors qu’il recouvre un large éventail d’activités variées et non qualifiées (branche d’activités), n’impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3). Il convient de se référer à la version de l’ESS publiée au moment déterminant de la décision querellée (ATF 143 V 295 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 du 4 août 2017 consid. 6.3).

Toutefois, lorsque cela apparaît indiqué dans un cas concret pour permettre à l’assuré de mettre pleinement à profit sa capacité résiduelle de travail, il y a lieu parfois de se référer aux salaires mensuels de secteurs particuliers (secteur 2 [production] ou 3 [services]), voire à des branches particulières. Tel est notamment le cas lorsqu’avant l’atteinte à la santé, l’assuré a travaillé dans un domaine pendant de nombreuses années et qu’une activité dans un autre domaine n’entre pas en ligne de compte. En outre, lorsque les circonstances du cas concret le justifient, on peut s’écarter de la table TA1 (secteur privé) pour se référer à la table TA7 (secteur privé et secteur public [Confédération] ensemble), respectivement T17 (à partir de 2012) si cela permet de fixer plus précisément le revenu d’invalide et que le secteur en question est adapté et exigible (ATF 133 V 545 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_124/2021 du 2 août 2021 consid. 4.4.1 ; 8C_111/2021 du 30 avril 2021 consid. 4.2.1 et les références).

Dans un arrêt de principe, le Tribunal fédéral a estimé qu’il n’existe pas de motifs sérieux et objectifs justifiant une modification de sa jurisprudence relative à l’application des ESS dans le cadre de la détermination du degré d’invalidité des assurés (ATF 148 V 174).

8.3.1 Depuis la 10e édition des ESS (ESS 2012), les emplois sont classés par l’Office fédéral de la statistique (OFS) par profession en fonction du type de travail qui est généralement effectué. L’accent est ainsi mis sur le type de tâches que la personne concernée est susceptible d’assumer en fonction de ses qualifications (niveau de ses compétences) et non plus sur les qualifications en elles-mêmes. Quatre niveaux de compétence ont été définis en fonction de neuf groupes de profession (voir tableau T17 de l’ESS 2012 p. 44) et du type de travail, de la formation nécessaire à la pratique de la profession et de l’expérience professionnelle (voir tableau TA1_skill_level de l’ESS 2012 ; ATF 142 V 178 consid. 2.5.3). Le niveau 1 est le plus bas et correspond aux tâches physiques et manuelles simples, tandis que le niveau 4 est le plus élevé et regroupe les professions qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé (on y trouve par exemple les directeurs/trices, les cadres de direction et les gérant[e]s, ainsi que les professions intellectuelles et scientifiques). Entre ces deux extrêmes figurent les professions dites intermédiaires (niveaux 3 et 2). Le niveau 3 implique des tâches pratiques complexes qui nécessitent un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé (notamment les techniciens, les superviseurs, les courtiers ou encore le personnel infirmier). Le niveau 2 se réfère aux tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement des données, les tâches administratives, l’utilisation de machines et d’appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules. L’application du niveau 2 se justifie uniquement si la personne assurée dispose de compétences ou de connaissances particulières. L’accent est donc mis sur le type de tâches que l’assuré est susceptible d’assumer en fonction de ses qualifications mais pas sur les qualifications en elles-mêmes. Il faut encore préciser que l’expérience professionnelle de plusieurs années dont peut se prévaloir un assuré – sans formation commerciale ni autre qualification particulière acquise pendant l’exercice de la profession – ne justifie pas à elle seule un classement supérieur au niveau de compétence 2, dès lors que dans la plupart des secteurs professionnels un diplôme ou du moins des formations et des perfectionnements (formalisés) sont exigés (arrêt du Tribunal fédéral 8C_657/2023 du 14 juin 2024 consid. 6.1, destiné à la publication).

Pour les personnes assurées qui, après la survenance de l’atteinte à la santé, ne peuvent plus effectuer que des travaux légers et non exigeants sur le plan intellectuel, il convient de se baser sur le salaire mensuel brut moyen (ligne « total ») des hommes (ou des femmes) pour des activités simples et répétitives, c’est-à-dire sur le niveau de compétence 1, qui est le plus bas (arrêt du Tribunal fédéral 8C_695/2015 du 19 novembre 2015 consid. 4.2 et les références ; cité in Ulrich MEYER/ Marco REICHMUTH, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Bundesgesetz über die Invalidenversicherung, 4e éd. 2022, n° 101 ad art. 28a LAI).

8.3.2 La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation) et résulte d’une évaluation dans les limites du pouvoir d’appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 135 V 297 consid. 5.2 ; 134 V 322 consid. 5.2 et les références). Il n’y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération ; il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d’appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d’invalide, compte tenu de l’ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références). D’éventuelles limitations liées à la santé, déjà comprises dans l’évaluation médicale de la capacité de travail, ne doivent pas être prises en compte une seconde fois dans l’appréciation de l’abattement, conduisant sinon à une double prise en compte du même facteur (cf. ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 146 V 16 consid. 4.1 et ss. et les références). L’étendue de l’abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d’appréciation (ATF 132 V 393 consid. 3.3).

Cette évaluation ressortit en premier lieu à l’administration, qui dispose pour cela d’un large pouvoir d’appréciation. Le juge doit faire preuve de retenue lorsqu’il est amené à vérifier le bien-fondé d’une telle appréciation. L’examen porte alors sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité, dans le cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Pour autant, le juge ne peut, sans motif pertinent, substituer son appréciation à celle de l’administration ; il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 126 V 75 consid. 6 ; 123 V 150 consid. 2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_337/2009 du 18 février 2010 consid. 7.5).

8.4 En cas d’absence de désignation des activités compatibles avec les limitations du recourant, le Tribunal fédéral a jugé qu’il eût été certainement judicieux que l’office AI donnât au recourant, à titre d’information, des exemples d’activités adaptées qu’il peut encore exercer, mais qu’il convient néanmoins d’admettre que le marché du travail offre un éventail suffisamment large d’activités légères, dont on doit convenir qu’un nombre significatif sont adaptées aux limitations du recourant et accessibles sans aucune formation particulière (arrêt du Tribunal fédéral 9C_279/2008 du 16 décembre 2008 consid. 4).

Lorsqu’il s’agit d’examiner dans quelle mesure un assuré peut encore exploiter économiquement sa capacité de gain résiduelle sur le marché du travail entrant en considération pour lui (art. 16 LPGA), on ne saurait subordonner la concrétisation des possibilités de travail et des perspectives de gain à des exigences excessives. Il s’ensuit que pour évaluer l’invalidité, il n’y a pas lieu d’examiner la question de savoir si un invalide peut être placé eu égard aux conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s’il pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail lorsque les places de travail disponibles correspondent à l’offre de la main d’œuvre (VSI 1998 p. 293). On ne saurait toutefois se fonder sur des possibilités de travail irréalistes. Il est certes possible de s’écarter de la notion de marché équilibré du travail lorsque, notamment l’activité exigible au sens de l’art. 16 LPGA, ne peut être exercée que sous une forme tellement restreinte qu’elle n’existe quasiment pas sur le marché général du travail ou que son exercice impliquerait de l’employeur des concessions irréalistes et que, de ce fait, il semble exclu de trouver un emploi correspondant (RCC 1991 p. 329 ; RCC 1989 p. 328 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_286/2015 du 12 janvier 2016 consid. 4.2 ; 9C_659/2014 du 13 mars 2015 consid. 5.3.2). Le caractère irréaliste des possibilités de travail doit alors découler de l’atteinte à la santé – puisqu’une telle atteinte est indispensable à la reconnaissance d’une invalidité (art. 7 et 8 LPGA) – et non de facteurs psychosociaux ou socioculturels qui sont étrangers à la définition juridique de l’invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_175/2017 du 30 octobre 2017 consid. 4.2).

D’après ces critères, il y a lieu de déterminer dans chaque cas et de manière individuelle si l’assuré est encore en mesure d’exploiter une capacité de travail résiduelle sur le plan économique et de réaliser un salaire suffisant pour exclure une rente. Ni sous l’angle de l’obligation de diminuer le dommage, ni sous celui des possibilités qu’offre un marché du travail équilibré aux assurés pour mettre en valeur leur capacité de travail résiduelle, on ne saurait exiger d’eux qu’ils prennent des mesures incompatibles avec l’ensemble des circonstances objectives et subjectives (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1066/2009 du 22 septembre 2010 consid. 4.1 et la référence).

8.5 Il ressort en l’espèce de la note du 14 octobre 2022 que l’OAI a déterminé le degré d’invalidité de l’assuré en comparant les revenus avec et sans invalidité en 2019, malgré une naissance du droit à la rente fixée au 1er novembre 2020 dans la décision litigieuse. Compte tenu cependant du début de l’incapacité de travail durable à 50% dès octobre 2017 (ci-dessus : consid. 7.4), le délai d’attente d’une année (art. 28 al. 1 let. c LAI) a certes pris fin en octobre 2018 mais le droit à la rente ne pouvait naître que six mois après le dépôt, le 9 novembre 2018, de la troisième demande, soit en mai 2019. Il s’ensuit que le choix de l’année 2019 pour effectuer la comparaison des revenus ne prête en définitive pas flanc à la critique.

Pour le revenu sans invalidité, l’OAI s’est fondé sur le revenu de CHF 55'900.-, inscrit au compte individuel de l’assuré pour l’année 2001 (dossier AI, doc. 139, p. 438), montant qui correspondait au salaire réalisé avant l’atteinte à la santé auprès de l’entreprise J______, où l’assuré avait travaillé en qualité de chargé des commandes et des livraisons entre 2000 et 2001. Ce choix n’est pas contestable et l’indexation de ce revenu à 2019 selon le tableau T39 apparaît correcte, de sorte qu’on s’en tiendra à un revenu sans invalidité de CHF 66'980.- en 2019.

S’agissant du revenu avec invalidité, l’OAI l’a déterminé en fonction de l’ESS 2018, soit à la lumière du tableau TA1, tirage « skill level » (secteur privé), en sélectionnant la ligne 49-53 (transports et entreposage) pour un homme dans une activité correspondant au niveau de compétence 1 (« CHF 5'861.- »). Au regard de l’absence d’activité lucrative depuis 2014, la référence à un salaire statistique, qui est correcte en soi, n’en comporte pas moins une double erreur. Premièrement, le revenu statistique correspondant n’est pas de CHF 5'861.- mais s’élève à CHF 5'171.-. Deuxièmement, la référence à la ligne 49-53, qui inclut l’activité habituelle de chauffeur-livreur/ transporteur du recourant (https://www.kubb-tool.bfs.admin.ch/fr/noga/2008/h), ne se justifie pas pour plusieurs raisons. Il en résulterait, d’une part, une éventuelle contradiction avec l’appréciation médicale du SMR, retenant une capacité de travail nulle dans l’activité habituelle depuis 2002. D’autre part, au regard des limitations fonctionnelles préexistantes (activité légère épargnant le rachis et le membre supérieur droit depuis 2002) et nouvelles (activité exercée de préférence en solitaire ou au sein d’une petite équipe, sans sollicitation attentionnelle intense, dans un domaine investi par l’assuré) on ne voit pas pour quelle raison une activité dans un domaine autre que le transport et l’entreposage n’entrerait pas en ligne de compte. On rappellera à cet égard qu’il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans le tableau TA1, tirage « skill level » (secteur privé), plus particulièrement sur la ligne « total », le salaire statistique correspondant recouvrant un large éventail d’activités variées et non qualifiées, n’impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (ci-dessus : consid. 8.3).

Les exceptions permettant de déroger à ce revenu statistique n’apparaissant pas réalisées en l’espèce, la chambre de céans se référera par conséquent à celui-ci. Selon l’ESS 2018, dans une activité de niveau 1, correspondant à la ligne « total », un homme pouvait réaliser un revenu de CHF 5'417.- en 2018, ce qui correspondait à CHF 5'647.- par mois (ou CHF 67'764.- par an) en tenant compte d’une durée normale de travail de 41.7 heures par semaine (5'417 x 41.7 / 40 = 5'647), respectivement CHF 68'334.- par an en 2019 après indexation selon l’ISS (67'764 x 2279 / 2260 = 68'334). En tenant compte, à l’instar du calcul du 14 octobre 2022, d’un taux d’activité de 50% (soit CHF 34'167.-) et, cela fait, d’un abattement – ni critiqué ni critiquable – de 10%, le revenu avec invalidité se monte à CHF 30'750.-. En comparant ce montant avec le revenu sans invalidité indexé à 2019 (CHF 66'980.-), la perte de gain est de CHF 36'230.- (soit CHF 66'980.- sous déduction de CHF 30'750.-) et le degré d’invalidité de 54% [(66'980 – 30'750) x 100 / 66'980 = 54.09, arrondi à 54% ; ATF 130 V 121 consid 3.2], ce qui ouvre droit à une demi-rente d’invalidité dès le 1er mai 2019, conformément à l’art. 28 al. 2 LAI, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, ici applicable (ci-dessus : consid. 3.1 et 3.2).

8.6 Dans ses observations du 16 janvier 2025, le recourant estime néanmoins que l’exigibilité de l’exercice à 50% d’une activité adaptée ne saurait être retenue tant que le service de réadaptation de l’OAI n’aura pas été sollicité en vue de déterminer l’existence ou non de suffisamment d’activités lucratives simples et répétitives adaptées à ses limitations fonctionnelles. Aussi conclut-il au renvoi de la cause à l’OAI pour instruction complémentaire à ce sujet.

Ce moyen s’avère également infondé. On rappellera en effet que même lorsque l’office AI ne donne pas, à titre d’information, des exemples d’activités adaptées qu’un assuré peut encore exercer, le marché du travail n’en offre pas moins un éventail suffisamment large d’activités légères, dont on doit convenir qu’un nombre significatif sont adaptées aux limitations du recourant et accessibles sans aucune formation particulière (ci-dessus : consid. 8.4). Pour le surplus, la présence additionnelle d’un TDAH et des limitations fonctionnelles qui en découlent ne modifient pas cette appréciation (dans le même sens : arrêt du Tribunal fédéral 9C_454/2013 du 29 octobre 2013 précité, consid. 4.2 et s.).

9.             Compte tenu de ce qui précède, le recours est partiellement admis et la décision du 1er juin 2023 réformée, en ce sens que le recourant a droit à une demi-rente d’invalidité à partir du 1er mai 2019, basée sur un taux d’invalidité de 54%.

10.          

10.1 Obtenant partiellement gain de cause et étant assisté par un conseil, le recourant a droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la chambre de céans fixera à CHF 1'500.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

10.2 La procédure n’étant pas gratuite (art. 69 al. 1bis LAI) et vu l’issue du litige, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d’un émolument de CHF 200.-.

 

*****

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours partiellement recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement dans la mesure où il est recevable.

3.        Réforme la décision du 1er juin 2023 en ce sens que le recourant a droit à une demi-rente d’invalidité dès le 1er mai 2019, basée sur un taux d’invalidité de 54%.

4.        Alloue au recourant, à charge de l’intimé, une indemnité de CHF 1'500.- à titre de participation à ses frais et dépens.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Pascale HUGI

 

La présidente

 

 

 

 

Fabienne MICHON RIEBEN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le