Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/478/2025 du 25.06.2025 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/1868/2022 ATAS/478/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 25 juin 2025 Chambre 8 |
En la cause
A______ représenté par Me Guy ZWAHLEN, avocat
| recourant |
contre
SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS
| intimée |
A. a. A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), né le ______ 1968, travaillait en tant que mécanicien au service de la société B______ depuis le 1er mars 2016. À ce titre, il était assuré contre le risque d'accidents auprès de la CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS (ci-après : la SUVA ou l'intimée).
b. Selon la mention au registre du commerce, l'assuré a été associé gérant de cette société du 21 mars 2016 au 22 août 2018, date à laquelle il a occupé la fonction d'associé gérant président, dans les deux cas avec signature individuelle. Le 23 août 2022, la société a été radiée d'office à la suite de sa faillite.
c. Le 22 août 2017, l'assuré s'est tordu la cheville gauche en passant sous un lift (déclaration de sinistre du 23 août 2017).
d. Il a été mis en arrêt de travail à des taux variant entre 100% et 50% du 23 août 2017 au 31 mai 2021.
e. La SUVA a pris en charge le cas.
f. L'imagerie par résonnance magnétique (ci-après : IRM) de la cheville gauche du 11 septembre 2017 a mis en évidence une importante tendinopathie avec fissuration partielle du tendon du long-fibulaire avec une ténosynovite associée, ainsi qu'une entorse du ligament talo-fibulaire postérieur sans rupture.
g. L'IRM de la cheville gauche du 16 novembre 2017 a révélé une ténosynovite des tendons fibulaires, une tendinopathie avec fissuration partielle du tendon du long fibulaire dans sa partie sous-malléolaire et pré-malléolaire, et une progression de la fissuration en distalité du tendon, qui restait continu et tendu.
h. Le 21 septembre 2018, l'assuré a subi une ostéotomie de valgisation du calcanéum per-cutané avec révision des tendons péroniers par le docteur C______, responsable de la consultation spécialisée du pied et de la cheville des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après: HUG).
i. Le 14 janvier 2020, il a bénéficié d'une neurolyse du nerf tibial, du nerf sural, et du nerf fibulaire commun de la jambe gauche avec reprise cicatricielle malléole latérale gauche, qui a été pratiquée au Centre hospitalier universitaire vaudois (ci-après : CHUV).
j. L'assuré a séjourné à la Clinique romande de réadaptation (ci-après : CRR) du 30 septembre au 28 octobre 2020. Dans un rapport du 6 novembre 2020, les médecins de la CRR ont posé, à titre de diagnostics principaux, notamment une entorse latérale de la cheville gauche (le 22 août 2017), et à titre de diagnostics secondaires, des douleurs thoraciques dans un contexte d'anxiété avec troponines négatives et une allodynie en regard des malléoles. Parmi les antécédents médicaux était relevée en particulier une cardiopathie ischémique, NSTEMI avec pose de stent dans la première diagonale le 15 janvier 2020, FEVG conservée (16 janvier 2020). Les plaintes et limitations fonctionnelles s'expliquaient principalement par des lésions objectives constatées pendant le séjour. L'évolution subjective et objective était plutôt favorable, mais l'assuré restait déconditionné. Il a participé activement aux thérapies et s'est investi dans le programme de rééducation, mais restait souvent limité par les douleurs. Aucune incohérence n'a été relevée. Une stabilisation sur le plan médical était attendue dans un délai d'un à trois mois. Les limitations fonctionnelles provisoires pour la cheville gauche étaient les suivantes : port de charges lourdes de manière répétitive jusqu'à
10-15 kg, marche prolongée en terrain irrégulier, montée et descente de manière répétitive des escaliers et échelle, et positions accroupies prolongées. Le pronostic de réinsertion était actuellement défavorable dans l'ancienne activité de mécanicien, mais favorable à plein temps dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles. La cardiopathie ischémique, le déconditionnement global, l'obésité et les troubles psychiques avec anxiété, sans lien avec l'accident, pouvaient influencer défavorablement le retour au travail.
k. Dans un rapport du 25 juin 2021, le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, et médecin de la SUVA, qui avait examiné l'assuré le 23 juin 2021, a considéré que le cas était stabilisé, que l'activité habituelle n'était plus exigible, mais que l'exigibilité était de 100% sans perte de rendement dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles qui était identiques à celles retenues par la CRR.
l. Dans un rapport séparé du même jour, le Dr D______ a fixé à 10% le taux de l'atteinte à l'intégrité.
m. Par courrier du 28 juin 2021, la SUVA a informé l'assuré de la fin du paiement des soins médicaux et de l'indemnité journalière avec effet au 31 octobre 2021. Conformément aux recommandations du Dr D______, elle continuerait à prendre en charge la rééducation pour renforcement de la cheville et des muscles jambiers à raison de deux séances par semaine jusqu'au 31 octobre 2021, la poursuite de la thérapie antalgique (à adapter par le Centre antidouleur), ainsi que l'amélioration et le renouvellement des semelles et chaussures adaptées auprès de la consultation spécialisée à la clinique de Sion à raison d'un rendez-vous par année.
B. a. Par décision du 30 novembre 2021, la SUVA a nié le droit de l'assuré à une rente d'invalidité, au motif que la comparaison des revenus de valide (CHF 71'931.-) et d'invalide (CHF 68'717.-) aboutissait à une perte de gain de 4%, inférieur au taux minimal de 10% requis par la loi, et lui a reconnu le droit à une indemnité pour atteinte à l'intégrité (ci-après : IPAI) de CHF 14'820.- sur la base d'un taux de 10%. Elle précisait que l'assuré n'avait aucun droit aux prestations en lien avec les troubles psychogènes, sans relation de causalité adéquate avec l'accident.
b. Par courrier du 17 janvier 2022 complété le 29 janvier suivant, l'assuré, sous la plume de son avocat, a formé opposition à cette décision, en contestant le taux d'invalidité retenu, qui aurait dû être selon lui de 55%, voire de 35% au minimum, ainsi que le taux de l'IPAI, qui devrait être porté à 30%.
c. Par décision du 6 mai 2022, la SUVA a rejeté l'opposition.
C. a. Par acte du 7 juin 2022, l'assuré, représenté par son avocat, a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans) d'un recours contre la décision sur opposition du 6 mai 2022, en concluant, sous suite de dépens, préalablement, à la suspension de la procédure jusqu'à réception du rapport du centre multidisciplinaire de la douleur des HUG et à la production de son dossier de l'assurance-invalidité, ainsi que principalement, à l'annulation de cette décision et au renvoi de la cause à l'intimée pour nouvelle décision concernant le taux d'invalidité, le droit à la rente et le taux de l'IPAI.
Le recourant faisait valoir que, depuis l'examen du 23 juin 2021, son état de santé s'était notablement dégradé (augmentation des douleurs et limitations fonctionnelles en résultant).
Il a joint un courrier des HUG du 23 mai 2022 l'invitant à se présenter à la consultation de la douleur pour une infiltration le 16 août 2022.
b. Le 22 juin 2022, le recourant a versé au dossier un rapport du 9 juin 2022 du docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, posant le diagnostic de CRPS (syndrome douloureux régional complexe) du pied et de la cheville gauche sur lésion nerveuse iatrogène.
c. Dans sa réponse du 12 septembre 2022, l'intimée, représentée par son avocate, a conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens, tout en s'opposant à la suspension de la cause, au motif que la situation médicale du recourant avait été instruite à satisfaction de droit.
d. Selon le rapport du 27 septembre 2022 des HUG, l'assuré souffrait d'un épisode dépressif moyen qui était apparu progressivement après les opérations en 2020 et qui s'était péjoré en août 2021 dans le contexte de difficultés financières suite à la perte de son garage et au deuil de sa chute socio-professionnelle. Depuis cette date, sa capacité de travail était nulle. Suite à un changement d'antidépresseurs, son état s'était légèrement amélioré. Toutefois, en raison d'une aggravation des douleurs à la cheville avec une limitation accrue de la mobilité et des chutes, les difficultés psychiques s'étaient maintenues.
e. Dans son avis du 25 octobre 2022, le service médical régional de l'assurance-invalidité pour la Suisse romande (ci-après: SMR), a retenu à titre d'atteinte principale une tendinopathie avec fissuration partielle du tendon du long fibulaire, avec ténosynovite associée à une entorse du ligament talo-fibulaire postérieur avec des douleurs chroniques et CRPS, ainsi qu'un état anxio-dépressif de gravité moyenne. À cela s'ajoutaient un infarctus NSTEMI traité par stent, un diabète de type II et une obésité. La capacité de travail était nulle dans toute activité depuis l'accident.
f. Dans sa réplique du 14 novembre 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions.
Il a produit :
‒ le projet de décision du 1er novembre 2022 de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI), rendu à la suite d'une demande qui avait été déposée le 2 novembre 2020, par lequel l'autorité entendait mettre le recourant au bénéfice d'une rente entière d'invalidité, fondée sur un taux d'invalidité de 100%, dès le 1er mai 2021, et lui refusant des mesures d'ordre professionnel ;
‒ un rapport du 26 octobre 2022 du docteur F______, spécialiste en médecine générale et médecin-traitant, mentionnant que son patient avait développé un CRPS à la suite des interventions chirurgicales de la cheville gauche, qu'il était à ce jour complètement impotent de cette cheville avec périmètre de marche quasi nul et des douleurs permanentes avec des répercussions majeures sur la qualité de vie, les capacités professionnelles et l'état psychique.
g. Dans sa duplique du 25 janvier 2023, l'intimée a requis la production du dossier de l'assurance-invalidité du recourant, et a, pour le surplus, persisté dans ses conclusions.
h. Par ordonnance du 3 février 2023, la chambre de céans a ordonné la production, par l'OAI, du dossier du recourant, lequel a été reçu le 9 février 2023.
i. Dans ses observations du 5 avril 2023, le recourant a confirmé ses conclusions en renvoi de la cause à l'intimée pour nouvelle décision sur les conséquences de l'aggravation de son état de santé sur sa capacité de gain et le taux de l'IPAI.
j. Dans son écriture du 28 avril 2023, l'intimée a maintenu sa position.
k. Elle en a fait de même le 22 mai 2023 après s'être déterminée sur la dernière écriture du recourant.
l. Par ordonnance du 20 septembre 2023, la chambre de céans a mis en œuvre une expertise médicale et l'a confié au docteur G______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation du Centre H______ de médecine et de chirurgie du pied, sous la supervision du docteur I______.
m. Dans le cadre de l'expertise, le recourant a été examiné par le Dr G______ le 12 février 2024, puis le 4 mars en présence du Dr I______ et le 6 mai 2024 pour restituer le résultat de l'ENMG auprès du docteur J______, spécialiste en neurologie. Le recourant s'est présenté avec un de ses fils. Les experts ont posé les diagnostics de lésion traumatique par écrasement du tendon court fibulaire à gauche, de status après révision des tendons péroniers, ostéotomie de valgisation du calcanéum percutané, de lésions nerveuse périphérique iatrogène sur nerf sural à gauche et la branche plantaire du nerf tibial à gauche, de status après neurolyse du nerf tibial, nerf sural, nerf fibulaire commun de la jambe gauche sous anesthésie générale et de contusion de la coque talonnière gauche, tout en écartant le diagnostic de CRPS selon les critères de Budapest. Les limitations étaient les suivantes : absence de port de charges, de marche, de montée et descente d'escaliers et d'échelles, de position accroupie et agenouillée, de station prolongée debout et de piétinement, nécessité de changer la position de la jambe et de faire des pauses régulièrement, même dans un poste assis et impossibilité de porter des chaussures fermées de série. La capacité de travail était nulle dans la profession antérieure et de 50% dans une activité adaptée aux limitations. L'état était stabilisé au plus tard deux ans après la dernière intervention, soit le 14 janvier 2022. Le taux d'atteinte à l'intégrité était de 20%.
n. Le 9 décembre 2024, le Dr D______ s'est déterminé sur l'expertise judiciaire. Il a mis en cause l'impartialité des experts, dans la mesure où le Dr C______ qui avait opéré initialement le recourant avec une iatrogénèse, était maintenant un associé important au Centre H______. L'évaluation d'une iatrogénèse et de ses conséquences par les membres d'un même groupe était incompatible avec une mission d'expertise. Il a par ailleurs admis la date de stabilisation de l'état, mais a persisté pour le surplus dans ses précédentes conclusions. L'appréciation de la capacité de travail par les experts judiciaires prenait manifestement en compte d'autres facteurs que ceux en rapport avec l'atteinte de la cheville.
o. Dans ses observations sur expertise du 20 décembre 2024, l'intimée a persisté dans ses conclusions. Elle a dénié une valeur probante à l'expertise du fait de la présence du fils du recourant au moment de l'examen. Les experts n'avaient par ailleurs pas fourni de motivation au sujet de la date de la stabilisation de l'état deux ans après la dernière intervention, la formule « au plus tard » laissant entendre que la stabilisation aurait pu intervenir avant cette date limite. Il y avait par ailleurs une discordance entre les plaintes du recourant et l'absence d'une amyotrophie significative lors de l'examen. Le taux d'incapacité de travail de 50% paraissait excessif au regard des possibilités offertes par le marché du travail équilibré. Pour le surplus, l'intimée s'est fondée sur le rapport du Dr D______ pour remettre en question la validité et la pertinence des conclusions d'expertise.
p. Dans ses observations sur expertise du 7 janvier 2024, le recourant a souligné sa bonne compliance relevée par les experts judiciaires, ce qui rendait ses plaintes crédibles. Au demeurant, ces derniers ont constaté que son état s'était péjoré depuis l'examen par le médecin-conseil de la SUVA. Le recourant a ainsi fait siennes les conclusions de l'expertise judiciaire et a conclu au renvoi de la cause à l'intimée et nouvelle décision, confirmant la poursuite du paiement des indemnités journalières jusqu'au 14 janvier 2021, puis l'octroi d'une rente fondée sur une incapacité de travail de 50% depuis le 15 janvier 2021 et d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 20%. Subsidiairement, il a conclu à la condamnation de l'intimée à ces prestations avec intérêt à 5% dès le 14 janvier 2022, sous déduction de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité de 10% déjà versée.
q. Invitée à se déterminer sur le calcul de la perte de gain, l'intimée a allégué que celle-ci était de 10%, ce qui motivait l'octroi d'une rente d'invalidité de ce taux.
r. Le 19 mars 2024, le recourant a conclu à l'octroi d'une rente de 55%, sur la base de la capacité de travail retenue dans l'expertise judiciaire depuis le 15 janvier 2022 et d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 20% avec intérêt à 5% dès le 14 janvier 2022.
s. Dans leur complément d'expertise du 3 avril 2025, les experts judiciaires ont précisé qu'il y a eu une première péjoration subjective de l'état douloureux après l'intervention chirurgicale du Dr C______ du 21 septembre 2018, une seconde péjoration lors de l'intervention du Prof. K______ du 14 janvier 2020. Il n'y avait aucune raison de mettre cette péjoration sur le compte d'un déconditionnement ou de comorbidités. Avant la seconde péjoration, la capacité de travail était déjà de 50% dans une activité adaptée. Ils ne partageaient pas l'avis de la CRR. Quant au taux de capacité de travail retenu, il constituait principalement une perte de rendement. Un ENMG ne permettait pas d'identifier les douleurs, de sorte que l'ENMG du 19 avril 2024, qui était normal, ne contredisait pas la présence de douleurs neurogènes. Leurs diagnostics étaient fondés sur les examens cliniques, les rapports médicaux et les examens paracliniques. Enfin, les experts judiciaires ont confirmé un taux d'atteinte à l'intégrité de 20%.
t. Par écritures du 16 mai 2025, le recourant a persisté dans ses conclusions.
u. Dans son appréciation médicale du 12 mai 20254, le Dr D______ a considéré qu'il lui était difficile de se déterminer sur la différence d'appréciation de la CRR et des experts judiciaires. Seule une nouvelle évaluation à la CRR pourrait se positionner sur la divergence d'évaluation. La persistance d'une douleur pouvait par ailleurs être un vecteur possible d'un déconditionnement au fil du temps.
v. Par écritures du 16 mai 2025, l'intimée a fait observer que les péjorations mentionnées par les experts judiciaires n'étaient pas relevantes au regard des améliorations du status du membre inférieur gauche constatées à la fin du séjour à la CRR et du pronostic favorable de réinsertion dans une activité adaptée émis par les spécialistes de réadaptation de ladite clinique. Selon l'intimée, il y avait des doutes sérieux sur la fiabilité et l'impartialité des experts judiciaires, de sorte qu'il fallait se référer aux évaluations de la CRR et du Dr D______.
w. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.
3. Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours (du 7 juin 2022) a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (art. 82a LPGA a contrario).
4. Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. L'accident étant survenu après cette date (le 22 août 2017), le droit du recourant aux prestations d'assurance est soumis au nouveau droit (al. 1 des dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2017.
5. Le délai de recours est de trente jours (art. 56 et 60 al. 1 LPGA; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.
6.
6.1 En procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement, d'une manière qui la lie sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice par la voie d'un recours. Le juge n'entre donc pas en matière, sauf exception, sur des conclusions qui vont au-delà de l'objet de la contestation. L'objet du litige dans la procédure de recours est le rapport juridique réglé dans la décision attaquée, dans la mesure où - d'après les conclusions du recours - il est remis en question par la partie recourante (ATF 144 II 359 consid. 4.3 et les références citées).
6.2 En l'occurrence, l'objet du litige est la question de savoir si le recourant peut prétendre à une rente d'invalidité et à une indemnité pour atteinte à l'intégrité supérieure à 10%. Se pose le cas échéant également la question de savoir si le recourant a encore droit à des indemnités journalières. En effet, selon la jurisprudence, une assurance-accidents ne peut pas statuer définitivement sur la fin du droit aux indemnités journalières et au traitement médical avant de statuer sur le droit à la rente, en raison du rapport étroit existant entre ces prestations (ATF 144 V 354 consid. 4).
7.
7.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.
7.2 La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 129 V 177 consid. 3.1 et les références ; 129 V 402 consid. 4.3.1 et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 129 V 177 consid. 3.2 et la référence ; 129 V 402 consid. 2.2 et les références).
8.
8.1 Si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10 % au moins par suite d’un accident, il a droit à une rente d'invalidité, pour autant que l’accident soit survenu avant l’âge ordinaire de la retraite (art. 18 al. 1 LAA, dans sa teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2017).
8.2 Selon l'art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente.
9.
9.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 132 V 93 consid. 4 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).
9.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre (ATF 143 V 124 consid. 2.2.2). L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).
9.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).
9.3.1 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).
9.3.2 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).
9.3.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 135 V 465 consid. 4.5 et les références ; 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
10. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6. 1 et la référence).
11. Il sied en premier lieu d'examiner la capacité de travail du recourant, compte tenu de ses limitations fonctionnelles en rapport avec l'accident.
12. Les experts judiciaires posent, dans leur rapport du 28 octobre 2024, les diagnostics de lésion traumatique par écrasement du tendon court fibulaire à gauche, de status après révision des tendons péroniers, ostéotomie de valgisation du calcanéum percutané, lésion nerveuse périphérique iatrogène sur nerf sural à gauche et la branche plantaire du nerf tibial à gauche, de status après neurolyse des nerfs tibial, sural et fibulaire de la jambe gauche sous anesthésie générale et de contusion de la coque talonnière gauche. Les experts écartent le diagnostic de CRPS selon les critères de Budapest, en considérant que la condition de la présence de douleurs disproportionnées continues n'est pas remplie. Il y a des douleurs persistantes à caractère neurogène qui sont très vraisemblablement dues à la chirurgie initiale d'ostéotomie au calcanéum. Il y a également des douleurs dans le territoire du nerf tibial, lesquelles sont survenues ou exacerbées à la suite de la neurolyse.
Dans le cadre de l'expertise, le recourant se plaint de douleurs au niveau de la coque talonnière d'intensité 3-4/10 sur l'échelle des douleurs au repos, diurnes et nocturnes malgré le traitement médicamenteux. À la marche, l'intensité des douleurs monte à 5-6/10 et la cheville gauche présente une tuméfaction. Le périmètre de marche est de 50 m avec une canne anglaise. Il y a eu des chutes en raison d'une instabilité subjective persistante, en aggravation. Au toucher, la jambe gauche, médiale et latérale et sous le talon, est douloureuse. Le recourant doit porter des chaussures orthopédiques. Lorsqu'il soulève la jambe à l'horizontale, au repos, avec de l'anesthésiant topique (Neurodol, Tissugel) et sans contact avec les zones douloureuses, les douleurs sont atténuées.
Les douleurs et limitations fonctionnelles sont en rapport de causalité avec le traumatisme, la lésion nerveuse périphérique iatrogène et éventuellement la neurolyse.
L'état est stabilisé au plus tard deux ans après la dernière intervention, soit le 14 janvier 2022.
Il y a les limitations suivantes : absence de port de charges, de marche, de montée et descente d'escaliers et d'échelles, de position accroupie et agenouillée, de station prolongée debout et de piétinement, nécessité de changer la position de la jambe et de faire des pauses régulièrement, même dans un poste assis, et impossibilité de porter des chaussures fermées de série. La capacité de travail est nulle dans la profession antérieure et de 50% dans une activité adaptée aux limitations. L'état est stabilisé au plus tard deux ans après la dernière intervention, soit le 14 janvier 2022. Le taux d'atteinte à l'intégrité est de 20%.
La capacité de travail est nulle du point de vue orthopédique dans l'activité habituelle et de 50% dans un poste adapté aux limitations. La diminution de la capacité de travail est due aux douleurs neurogènes, à la difficulté dans les déplacements et à la nécessité d'un chaussage particulier. L'impact de l'état dépressif n'est pas pris en considération.
Le taux d'atteinte à l'intégrité est de 10% pour la paralysie du nerf sciatique poplité externe gauche et de 10% pour la lésion traumatique par écrasement du tendon court fibulaire à gauche.
Les experts ne partagent que partiellement l'appréciation du Dr D______ du 25 juin 2021. Le recourant n'est pas capable de travailler à 100% sans perte de rendement, compte tenu du port de charges limité à 0-5kg, la nécessité de la position assise et la limitation de la marche même sur terrain plat. L'infarctus et la sédentarité ont probablement contribué à un déconditionnement global. À la date de l'expertise, l'état douloureux de la cheville et la fonction (marche et autonomie) étaient péjorés.
Dans leur complément d'expertise du 3 avril 2025, les experts judiciaires précisent qu'il y a une première péjoration subjective de l'état douloureux après l'intervention chirurgical du Dr C______ du 21 septembre 2018, et une seconde péjoration lors de l'intervention du Prof. K______ du 14 janvier 2020. Il n'y avait aucune raison de mettre cette péjoration sur le compte d'un déconditionnement ou de comorbidités. Avant la seconde péjoration, la capacité de travail était déjà de 50% dans une activité adaptée. Les experts ne partagent pas l'avis de la CRR du 6 novembre 2020, selon lequel le pronostic de réinsertion dans une activité adaptée à 100% était favorable à ce moment. Quant au taux de capacité de travail retenu, il constitue principalement une perte de rendement. Un ENMG ne permet pas d'identifier les douleurs, de sorte que l'ENMG du 19 avril 2024, qui était normal, ne contredit pas la présence de douleurs neurogènes. Les experts ont fondé leurs diagnostics sur les examens cliniques, les rapports médicaux et les examens paracliniques. Enfin, ils ont confirmé un taux d'atteinte à l'intégrité de 20%.
12.1 Cette expertise remplit a priori les principes jurisprudentiels pour lui reconnaître une pleine valeur probante. Elle a été en effet rendue sur la base de la connaissance du dossier médical intégral du recourant, prend en compte ses plaintes, repose sur un examen clinique complet et contient des conclusions motivées et convaincantes.
12.2 L'expertise est en contradiction avec les appréciations du Dr D______ et de la CRR.
12.2.1 Le Dr D______ constate ainsi, dans son rapport du 21 juin 2021, que la marche avec les chaussures est possible sans les cannes, lesquelles sont utilisées essentiellement en cas de déplacement à l'extérieur. Sans chaussures, la marche est difficile. Le recourant présente un déficit des releveurs, en particulier de l'extenseur du gros orteil à 4, et une perte de force en flexion. Deux cicatrices existent au niveau de la cheville, brunâtres hyperalgiques, une de 8 cm sur la malléole interne, une de 13 cm sur la malléole externe concave, hyperalgique au toucher, ainsi qu'une cicatrice oblique de 10 cm à partir de la tête du péroné, linéaire, sensible avec une hypoesthésie descendante (p. 7).
Le Dr D______ conclut que le cas est stabilisé, et l'activité antérieure inexigible. En revanche, le recourant peut exercer à plein temps sans baisse de rendement une activité adaptée sans marche prolongée, en particulier en terrain irrégulier, sans montée ou descente d'escaliers ou d'échelles, sans position accroupie prolongée, le port de charges lourdes de manière répétitive étant limitée à 10-15 kg (p. 8).
En d'autres termes, une activité sédentaire est compatible avec l'état de santé du recourant, à temps complet.
12.2.2 Du 30 septembre au 28 octobre 2020, l'assuré a séjourné à la CRR. Dans un rapport du 6 novembre 2020, les médecins de la CRR posent, à titre de diagnostics principaux, notamment une entorse latérale de la cheville gauche (le 22 août 2017), et à titre de diagnostics secondaires, des douleurs thoraciques dans un contexte d'anxiété avec troponines négatives et une allodynie en regard des malléoles. Parmi les antécédents médicaux est relevée en particulier une cardiopathie ischémique, NSTEMI avec pose de stent le 15 janvier 2020, FEVG conservée (16 janvier 2020). Les plaintes et limitations fonctionnelles s'expliquent principalement par des lésions objectives constatées pendant le séjour. L'évolution subjective et objective est plutôt favorable, mais l'assuré reste déconditionné. Il a participé activement aux thérapies et s'est investi dans le programme de rééducation, mais est resté souvent limité par les douleurs. Aucune incohérence n'a été relevée. Une stabilisation sur le plan médical est attendue dans un délai d'un à trois mois. Les limitations fonctionnelles provisoires pour la cheville gauche sont les suivantes : port de charges lourdes de manière répétitive jusqu'à 10-15 kg, marche prolongée en terrain irrégulier, montée et descente de manière répétitive des escalier et échelle, et positions accroupies prolongées. Le pronostic de réinsertion est défavorable dans l'ancienne activité de mécanicien, mais favorable à plein temps dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles. La cardiopathie ischémique, le déconditionnement global, l'obésité et les troubles psychiques avec anxiété, sans lien avec l'accident, peuvent influencer défavorablement le retour au travail.
13. L'intimée dénie à l'expertise judiciaire une valeur probante, en se fondant notamment sur les appréciations de son médecin-conseil.
13.1 Dans ses observations sur l'expertise judiciaire, le Dr D______ met en cause l'impartialité des experts, dans la mesure où le Dr C______, qui a opéré initialement le recourant avec une iatrogénèse, est maintenant un associé important au Centre H______. L'évaluation d'une iatrogénèse et de ses conséquences par les membres d'un même groupe est incompatible avec une mission d'expertise, de l'avis du médecin-conseil. Il admet toutefois la date de stabilisation de l'état de santé retenues par les experts judiciaires, dès lors que l'usage est de retenir au maximum deux ans en post-opératoire pour le type d'atteinte en cause. En ce que les experts mentionnent que le recourant doit avoir le droit de changer de position de sa jambe et de faire des pauses régulièrement dans un poste assis, il relève que cette nouvelle limitation n'est pas motivée médicalement, contredite par les constatations faites lors du séjour du recourant à la CRR et disproportionnée (pauses jusqu'à 50% du temps de travail). L'appréciation de la capacité de travail par les experts judiciaires prend manifestement en compte d'autres facteurs que ceux en rapport avec l'atteinte de la cheville. Le Dr D______ souligne à cet égard que les médecins de la CRR mentionnent aussi que des facteurs contextuels, comme la perception d'un handicap fonctionnel majeure, une anxiété, des symptômes dépressifs assez présents, une kinésiophobie modérée et un catastrophisme élevé, peuvent influencer les aptitudes rapportées par le recourant. Le pronostic de réinsertion dans une activité adaptée est en outre favorable, selon la CRR. L'ENMG des membres inférieurs est normal, ce qui laisse douter que les plaintes du recourant sont en lien avec des atteintes objectivées par un substrat organique.
Dans son avis du 12 mai 2025, le Dr D______ est moins catégorique en ce qui concerne l'appréciation de la capacité de travail et considère qu'il lui est difficile de se prononcer sur cette question plusieurs années après la sortie du recourant de la CRR et la dernière appréciation par le médecin-conseil.
L'intimée ajoute aux critiques du Dr D______ que la valeur probante de l'expertise est sujette à caution du fait qu'elle a été réalisée en présence du fils du recourant, alors même que l'investigation doit se dérouler avec la personne expertisée seule, éventuellement accompagnée d'un interprète. La présence de proches ou de tiers peut être contreproductive et fausser les résultats de l'expertise. L'expert doit par ailleurs distinguer dans son rapport les informations fournies par l'assuré de celles données par le tiers. L'intimée reproche aussi aux experts de ne pas avoir justifié la date de stabilisation de l'état retenue. Elle estime en outre que l'absence de franche amyotrophie du membre inférieur gauche constitue une incohérence dans ce dossier, dès lors que le recourant déclare utiliser ce membre de façon limitée. L'incapacité de travail de 50% selon les experts judiciaires est insuffisamment justifiée et surévaluée au regard des possibilités offertes par le marché du travail équilibré.
Dans ses écritures du 16 mai 2025, l'intimée relève que les péjorations mentionnées par les experts judiciaires ne sont pas relevantes au regard des améliorations du status du membre inférieur gauche constatées à la fin du séjour à la CRR, soit une amélioration de la mise en charge et du déroulement du pas, et du pronostic favorable de réinsertion dans une activité adaptée émis par les spécialistes de réadaptation de ladite clinique. Compte tenu des doutes sérieux sur la fiabilité et l'impartialité des experts judiciaires, il faut se référer aux évaluations de la CRR et du Dr D______, selon l'intimée.
13.2
13.2.1 En ce qui concerne l'éventuelle prévention des médecins du Centre H______ dont Dr D______ fait état, la chambre de céans a déjà écarté ce grief dans l'ordonnance d'expertise du 20 septembre 2023 (consid. 3.2), compte tenu du fait que l'opération par le Dr C______ a eu lieu en 2018 aux HUG et que le recourant était par la suite suivi et opéré par d'autres médecins. L'intimée n'a pas contesté cette ordonnance.
Il est vrai que l'opération par le Dr C______ a provoqué une iatrogénèse (manifestation pathologique due à un acte médical) sous forme de lésion nerveuse périphérique sur nerf sural à gauche et la branche plantaire du nerf tibial à gauche, ce qui pourrait éventuellement constituer une erreur médicale. Toutefois, en l'occurrence, les experts doivent se prononcer sur la capacité de travail du recourant et non sur la responsabilité du Dr C______. Au demeurant, si l'intention des experts était de protéger leur collègue, ils auraient dû confirmer la capacité de travail de 100% dans une activité adaptée et non constater une diminution de cette capacité. Il doit en être déduit que, concrètement, aucune prévention des experts judiciaires ne peut être déduite de leurs conclusions. Quoi qu'il en soit, les faits invoqués par le Dr D______ pour mettre en cause leur impartialité étaient déjà connus au moment de l'ordonnance d'expertise, de sorte que l'intimée est forclose de s'en prévaloir. Elle n'a pas non plus conclu dans ce sens dans cette procédure.
13.2.2 La présence du fils lors d'un ou plusieurs examens ne pose in casu pas non plus de problème. En effet, on ne voit en quoi cette présence aurait pu être contreproductive ou fausser les résultats, s'agissant d'une expertise orthopédique. L'exclusion de tiers lors d'un examen dans le cadre d'une expertise doit s'imposer surtout pour les expertises psychiatriques qui sont fondées essentiellement sur les dires et le comportement de la personne expertisée. Or, une expertise orthopédique repose sur des examens cliniques des fonctions des différents membres du corps et des examens radiologiques. Le vécu subjectif de la personne expertisée est d'une moindre importance.
Partant, la présence du fils du recourant n'enlève en l'espèce pas à l'expertise sa valeur probante.
13.2.3 L'intimée voit dans l'absence d'amyotrophie franche entre les deux jambes (différence de 2cm) une incohérence mettant en doute les plaintes du recourant et partant la validité de l'expertise qui n'en a pas tenu compte.
Toutefois, le Dr D______ ne voit pas dans ce fait un motif pour nier la réalité des plaintes du recourant. En effet, à la question y relative de l'intimée, il répond dans son rapport du 25 novembre 2024 de façon très générale. Il semble par ailleurs justifier la discrète amyotrophie par le fait qu'il s'agit in casu essentiellement d'un nerf sensitif et non pas d'un nerf moteur, de sorte que l'on est en présence d'une amyotrophie relative.
Au demeurant, la CRR ne relève aucune incohérence, tout en mentionnant « Le patient a pris part de manière active aux thérapies et s'est investi dans le programme de rééducation. Il a cependant souvent été limité par les douleurs » (rapport de la CRR du 6 novembre 2020 p. 5).
Le défaut d'analyse de la faible différence des périmètres des membres inférieurs par les experts ne fait ainsi pas apparaître leur expertise comme incomplète ou incohérente.
13.2.4 L'intimée estime que l'expertise judiciaire n'est pas probante du fait qu'elle est en contradiction avec le rapport de sortie de la CRR du 6 novembre 2020.
Les experts expliquent dans leur rapport complémentaire qu'ils ne partagent pas l'évolution objective favorable constatée par ladite clinique, du fait que celle-ci s'est fondée essentiellement sur une amélioration du nombre de marches montées à la fin du séjour et d'une amélioration de la force isométrique du quadriceps. Cette amélioration n'est pas en lien avec la cheville ou le pied et est uniquement un résultat d'un entraînement de la musculature proximale et de la marche. De surcroît, cet élément est sans intérêt, dans la mesure où une activité adaptée n'implique pas la montée et la descente d'escaliers. Du point de vue de la cheville, il n'y a aucune évolution favorable. Au demeurant, il ressort du rapport des ateliers professionnels de la CRR que le temps de prise en charge aux ateliers ne pouvait pas excéder deux heures consécutives en position assise, ce qui constitue un facteur en défaveur d'une réinsertion dans une activité en position assise.
Le Dr D______ ne conteste pas que le recourant ne peut travailler qu'en position assise. Partant, l'amélioration de la marche n'est pas forcément un élément déterminant pour l'appréciation de la capacité de travail, d'autant moins que la CRR admet que le recourant est limité par la douleur.
13.2.5 En ce que le médecin-conseil s'étonne que les experts ont retenu dans les limitations fonctionnelles la nécessité de changer la position de la jambe, alors que cela n'est pas mentionné par la CRR, il n'en demeure pas moins que la prise en charge aux ateliers de la CRR n'a pas pu être augmentée au-delà de deux heures, le recourant se sentant mal et manifestant des douleurs. Comme il ne peut pas travailler en position debout, une alternance de positions est en outre difficile à réaliser, d'autant plus que la marche est également douloureuse. Il est à cet égard mentionné dans ledit rapport que le recourant se déplace avec une canne et que les appuis sur la jambe gauche sont partiels ou évités (p. 6). Les appuis sur la cheville sont limités dans la position debout, les flexions au sol ne sont pas réalisées et il y a des douleurs limitantes au niveau du membre inférieur gauche, lors des activités et des déplacements (ibidem p. 7).
Les limitations sont donc largement dues à la douleur. Néanmoins, la CRR admet que les plaintes et limitations fonctionnelles s'expliquent principalement par des lésions objectives constatées pendant le séjour. Cela résulte aussi du rapport du 19 juillet 2021 du CHUV (pièce 60), dans lequel les médecins mentionnent que le recourant se plaint notamment d'une diminution massive du périmètre de marche à 500 m au maximum avec une boiterie sévère et impossibilité de se déplacer sans douleurs (p. 857). Dans son rapport du 9 juin 2022, le Dr E______ pose le diagnostic de CRPS du pied et de la cheville gauche sur lésion nerveuse iatrogène et indique que le recourant présente des douleurs sous le talon et autour de la cheville, électriques, l'empêchant de charger et de marcher, avec un périmètre de 50 m au maximum (p. 867).
Compte tenu des douleurs à la jambe gauche, la limitation retenue par les experts pour les changements de positions de ce membre ne peut être considérée comme étant en contradiction avec les avis des autres médecins consultés.
13.2.6 Il n'apparaît pas non plus que les experts judiciaires aient tenu compte d'autres facteurs pour la détermination de la capacité de travail du recourant. Il est à relever à cet égard que la prise en considération des comorbidités a conduit l'OAI à la reconnaissance d'une invalidité totale. Au vu des comorbidités (notamment infarctus en janvier 2020) existant déjà au moment du séjour à la CRR, il n'est pas non plus étonnant que ladite clinique constate dans son rapport que « [le recourant] a de la difficulté à adhérer à un programme d'activités comportant des gestes simples, des contraintes physiques peu importantes et la possibilité d'adapter la positions [sic] de travail ». Sa capacité de travail était en effet déjà nulle à cette époque.
Par ailleurs, comme relevé ci-dessus, aucune incohérence n'a été constatée par la CRR et la bonne collaboration du recourant a été soulignée.
13.2.7 S'agissant de la date de la stabilisation de l'état de santé, les experts concluent à une stabilisation en date du 14 janvier 2022, soit deux ans après la dernière intervention. Le Dr D______ adhère finalement à cette conclusion.
Le délai de deux ans après la dernière intervention, retenu pour la stabilisation de l'état, signifie uniquement qu'une amélioration ne peut généralement plus être attendue après ce laps de temps. Par contre, si le résultat poursuivi par l'intervention se produit plus tôt, une stabilisation devrait être admise avant l'écoulement de ce délai.
En l'occurrence, l'état de santé ne s'est non seulement pas amélioré, mais encore péjoré après la neurolyse du 14 janvier 2020 et dans les deux ans qui ont suivi cette intervention. Par conséquent, il paraît convaincant de retenir la date du 14 janvier 2022 pour la stabilisation de l'état.
13.2.8 Le fait que l'ENMG du 19 avril 2024 était normal, ne contredit pas la présence de douleurs neurogènes, selon les experts judiciaires. En effet, un tel examen ne permet pas d'identifier les douleurs.
Le Dr D______ ne conteste pas cette affirmation dans son appréciation du 12 mai 2025, de sorte qu'il ne saurait être déduit de cet examen que les plaintes du recourant ne reposent pas sur un substrat organique.
13.3 Au vu de ce qui précède, les conclusions de l'expertise judiciaire emportent la conviction de la chambre de céans.
14.
14.1 Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA). En règle ordinaire, il s'agit de chiffrer aussi exactement que possible ces deux revenus et de les confronter l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité. Dans la mesure où ils ne peuvent être chiffrés exactement, ils doivent être estimés d'après les éléments connus dans le cas particulier, après quoi l'on compare entre elles les valeurs approximatives ainsi obtenues (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 137 V 334 consid. 3.3.1).
14.2 Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente ; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 consid. 4.1 et les références).
14.3 Pour déterminer le revenu sans invalidité, il convient d'établir ce que l'assuré aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas devenu invalide. Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible. Partant de la présomption que l'assuré aurait continué d'exercer son activité sans la survenance de son invalidité, ce revenu se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l'assuré avant l'atteinte à la santé, en prenant en compte également l'évolution des salaires jusqu'au moment de la naissance du droit à la rente ; des exceptions ne peuvent être admises que si elles sont établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 144 I 103 consid. 5.3).
14.4 On évaluera le revenu que l'assuré pourrait encore réaliser dans une activité adaptée avant tout en fonction de la situation concrète dans laquelle il se trouve. Lorsqu'il a repris l'exercice d'une activité lucrative après la survenance de l'atteinte à la santé, il faut d'abord examiner si cette activité est stable, met pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle et lui procure un gain correspondant au travail effectivement fourni, sans contenir d'élément de salaire social. Si ces conditions sont réunies, on prendra en compte le revenu effectivement réalisé pour fixer le revenu d'invalide (ATF 139 V 592 consid. 2.3 et les références ; 135 V 297 consid. 5.2 et les références).
En l'absence d'un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l'atteinte à la santé, n'a pas repris d'activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible –, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l'ESS (ATF 148 V 174 consid. 6.2 et les références ; 143 V 295 consid. 2.2 et les références).
Il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS TA1_tirage_skill_level, à la ligne «total secteur privé» (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1), étant précisé que, depuis l'ESS 2012, il y a lieu d'appliquer le tableau TA1_skill_level et non pas le tableau TA1_b (ATF 142 V 178). La valeur statistique – médiane – s'applique, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 ; 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3). Il convient de se référer à la version de l'ESS publiée au moment déterminant de la décision querellée (ATF 143 V 295 consid. 4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_801/2021 du 28 juin 2022 consid. 3.6).
14.5 La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 135 V 297 consid. 5.2 ; 134 V 322 consid. 5.2 et les références). Une telle déduction ne doit pas être opérée automatiquement, mais seulement lorsqu'il existe des indices qu'en raison d'un ou de plusieurs facteurs, l'intéressé ne peut mettre en valeur sa capacité résiduelle de travail sur le marché du travail qu'avec un résultat économique inférieur à la moyenne (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 146 V 16 consid. 4.1 et les références ; 126 V 75 consid. 5b/aa). Il n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération; il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 126 V 75 consid. 5b/bb et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_608/2021 du 26 avril 2022 consid. 3.3 et les références). D'éventuelles limitations liées à la santé, déjà comprises dans l'évaluation médicale de la capacité de travail, ne doivent pas être prises en compte une seconde fois dans l’appréciation de l’abattement, conduisant sinon à une double prise en compte du même facteur (cf. ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 146 V 16 consid. 4.1 et ss. et les références). L'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d'appréciation (ATF 132 V 393 consid. 3.3).
15. Au vu de ce qui précède, la comparaison de salaires doit se fonder sur l'année 2022, date de la stabilisation de l'état de santé.
S'agissant du salaire d'invalide, il y a lieu de se fonder sur les ESS. Toutefois, les tableaux TA1, T1 et T17 de l’ESS 2022 n'ont été publiés que le 29 mai 2024 et l'ESS 2020 le 23 août 2022, soit postérieurement à la décision présentement querellée du 6 mai 2022. Partant, il faut se fonder sur l'ESS 2018, publiée le 21 avril 2020, et indexer le salaire à 2022.
Selon ces statistiques, le revenu annuel médian pour les hommes en 2018 est de CHF 65'004.- pour le niveau de compétence 1 (tableau TA1_tirage_skill-level). Adapté à l'année 2022 (indice 2732 en 2018 et de 2822 en 2022) et à la durée normale des entreprises (41.7 en 2022), le salaire d'invalide est de CHF 69'999.-. À 50%, il s'élève à CHF 34'999.-.
Pour le salaire de valide, l'intimée s'est également fondée sur l'ESS et a pris en considération le salaire médian dans la branche du commerce en gros, réparation et réparation d'automobiles avec un niveau de compétence 2 en 2018. Le recourant ne conteste pas ce calcul. Il convient par conséquent de retenir un revenu de CHF 72'003.-, après l'adaptation à l'horaire normal dans cette branche de 42.3 heures. Indexé à l'évolution des salaires entre 2018 et 2022, le salaire sans invalidité s'établit à CHF 74'375.-.
La perte de gain est ainsi de 52,94%, soit de 53% arrondie au chiffre supérieur (ATF 131 V 121 consid. 3.2. et 3.3 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_167/2022 du 18 août 2022 consid. 5.4).
Par conséquent, le recourant peut prétendre à une rente de 53% dès le 14 janvier 2022.
16.
16.1 Jusqu'à la stabilisation de l'état de santé, l'assuré totalement ou partiellement incapable de travailler à la suite d’un accident a droit, en vertu de l'art 16 LAA, à une indemnité journalière (al. 1). Ce droit naît le troisième jour qui suit celui de l’accident et s’éteint dès que l’assuré a recouvré sa pleine capacité de travail, dès qu’une rente est versée ou dès que l’assuré décède (al. 2).
16.2 En l'espèce, l'état est stabilisé depuis le 14 janvier 2022. Or, l'intimée n'a versé les indemnités journalières que jusqu'au 31 octobre 2021.
Par conséquent, le recourant a encore droit aux indemnités journalières du 1er novembre au 13 janvier 2022.
Certes, par décision du 28 juin 2021, l'intimée a mis fin aux paiement des soins médicaux et de l'indemnité journalière avec effet au 31 octobre 2021 et le recourant n'a pas formellement contesté cette décision. Cependant, comme relevé ci-dessus, une assurance-accidents ne peut pas statuer définitivement sur la fin du droit aux indemnités journalières et au traitement médical avant de statuer sur le droit à la rente, en raison du rapport étroit existant entre ces prestations (ATF 144 V 354 consid. 4). La suppression du droit aux indemnités journalières et à la prise en charge du traitement médical, d'une part, et le droit à une rente, d'autre part, constituent un seul objet de litige. Les décisions au sujet des indemnités journalières et le remboursement du traitement médical acquièrent force de chose jugée uniquement à partir du moment où l'assureur-accidents a statué sur la totalité de l'objet du litige.
17.
17.1 Aux termes de l'art. 24 LAA, si par suite d'un accident, l'assuré souffre d'une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique, il a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l'intégrité (al. 1). L'indemnité est fixée en même temps que la rente d'invalidité ou, si l'assuré ne peut prétendre une rente, lorsque le traitement médical est terminé (al. 2).
L'atteinte à l'intégrité au sens de l'art. 24 al. 1 LAA consiste généralement en un déficit corporel (anatomique ou fonctionnel) mental ou psychique. La gravité de l'atteinte, dont dépend le montant de l'indemnité, se détermine uniquement d'après les constatations médicales. L'évaluation incombe donc avant tout aux médecins qui doivent, d'une part, constater objectivement quelles limitations subit l'assuré et, d'autre part, estimer l'atteinte à l'intégrité en résultant (arrêt du Tribunal fédéral 8C_656/2022 du 5 juin 2023 consid. 3.4 et les références).
Selon l’art. 36 de l’ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202), édicté conformément à la délégation de compétence de l’art. 25 al. 2 LAA, une atteinte à l'intégrité est réputée durable lorsqu'il est prévisible qu'elle subsistera avec au moins la même gravité pendant toute la vie (al. 1, 1ère phrase) ; elle est réputée importante lorsque l'intégrité physique ou mentale subit, indépendamment de la diminution de la capacité de gain, une altération évidente ou grave (al. 1, 2ème phrase). L’indemnité pour atteinte à l'intégrité est calculée selon les directives figurant à l'annexe 3 à l'OLAA (al. 2). En cas de concours de plusieurs atteintes à l'intégrité physique ou mentale, dues à un ou plusieurs accidents, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité est fixée d'après l'ensemble du dommage (al. 3, 1ère phrase).
L'évaluation de l'atteinte à l'intégrité se fonde sur les constats médicaux, de sorte qu'il incombe, dans un premier temps, au médecin de se prononcer, en tenant compte des atteintes énumérées à l'annexe 3 de l'OLAA et dans les tables de la SUVA, sur la question de savoir si, et dans quelle mesure, il existe un dommage. Il appartient toutefois à l'administration ou au tribunal de procéder à l'évaluation juridique, sur la base des constatations médicales, de l'existence d'une atteinte à l'intégrité, de déterminer si le seuil de gravité est atteint et, dans l'affirmative, l'étendue de l'atteinte. Bien que l’administration et le tribunal doivent s'en tenir aux données médicales, l'évaluation de l'atteinte à l'intégrité, en tant que fondement du droit aux prestations, relève, en fin de compte, de leur domaine de compétence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_746/2022 du 18 octobre 2023 consid. 4.2 et les références ; sur la répartition des tâches entre le médecin et l'administration ou le tribunal, cf. également ATF 140 V 193 consid. 3.2).
L’annexe 3 à l'OLAA comporte un barème – reconnu conforme à la loi et non exhaustif (ATF 124 V 29 consid. 1b et les références ; 124 V 209 consid. 4a/bb et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_745/2022 du 29 juin 2023 consid. 3.2 et la référence) – des lésions fréquentes et caractéristiques, évaluées en pour cent (ATF 124 V 209 consid. 4bb).
Pour les atteintes à l'intégrité spéciales ou qui ne figurent pas dans la liste, le barème est appliqué par analogie, en fonction de la gravité de l'atteinte (ch. 1 al. 2 annexe 3 OLAA). On procédera de même lorsque l’assuré présente simultanément plusieurs atteintes à l’intégrité physique, mentale ou psychique. Les atteintes à l’intégrité pour lesquelles un taux inférieur à 5% serait appliqué selon le barème ne donnent droit à aucune indemnité. Les atteintes à l’intégrité sont évaluées sans les moyens auxiliaires – à l’exception des moyens servant à la vision (ch. 1 al. 2 de l'annexe 3). La perte totale de l’usage d’un organe est assimilée à la perte de celui‑ci. En cas de perte partielle d’un organe ou de son usage, l’indemnité pour atteinte à l’intégrité est réduite en conséquence ; toutefois aucune indemnité ne sera versée dans les cas où un taux inférieur à 5% du montant maximum du gain assuré serait appliqué (ch. 2 de l'annexe 3).
La Division médicale de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) a établi plusieurs tables d'indemnisation des atteintes à l'intégrité selon la LAA (disponibles sur www.suva.ch). Ces tables n'ont pas valeur de règles de droit et ne sauraient lier le juge. Toutefois, dans la mesure où il s'agit de valeurs indicatives, destinées à assurer autant que faire se peut l'égalité de traitement entre les assurés, elles sont compatibles avec l'annexe 3 à l'OLAA (ATF 132 II 117 consid. 2.2.3 ; 124 V 209 consid. 4a/cc ; 116 V 156 consid. 3a).
17.2 En l'espèce, les experts judiciaires ont considéré que le taux d'atteinte à l'intégrité était de 10% en raison de la paralysie du nerf sciatique externe gauche et du même pourcentage pour la lésion par écrasement du tendon court fibulaire à gauche. Le total de ce taux est ainsi de 20%.
Le Dr D______ admet une atteinte neurologique à hauteur de 10%. Quant aux 10% attribués à l'atteinte par écrasement du court fibulaire gauche, il relève que cette évaluation n'est pas rattachée aux tables de la SUVA. Cette atteinte pourrait être évaluée en tant que faiblesse de stabilité mécanique, notamment en raison du rôle du court fibulaire dans la stabilité de la cheville. Selon la table 6 de la SUVA, seule une instabilité grave donne droit à une indemnité entre 5 et 10%. Cependant, en l'occurrence, la stabilité n'a pas pu être évaluée lors de l'expertise à cause des douleurs ressenties par le recourant.
Les experts semblent considérer dans leur complément d'expertise que la lésion traumatique du court fibulaire constitue une instabilité sévère, dès lors que le recourant ne marche pas sans moyen auxiliaire et déclare subjectivement la présence d'instabilité.
L'intimée fait observer à cet égard que l'appréciation de l'instabilité par les experts ne repose que sur une déclaration subjective du recourant et non sur une évaluation clinique. Or, seules les constatations médicales peuvent être prises en compte, selon le Tribunal fédéral, et non les effets particuliers ressentis par la personne lésée.
À cet égard, il sied de relever que les chutes du recourant sont documentées dans un rapport du 27 septembre 2022 des HUG en lien avec le trouble psychique (pièce 67 p. 902-905), où il est mentionné que les douleurs de la cheville conduisent à des limitations de la mobilité (diminution du périmètre de marche à 50 m) et à des chutes, dont deux étaient survenues au printemps 2022 (p. 903-904).
Quoi qu'il en soit, comme relevé ci-dessus, les tables de la SUVA ne sont pas exhaustives. Pour les atteintes qui ne figurent pas dans la liste, il faut appliquer le barème par analogie, en fonction de la gravité de l'atteinte. Or, les experts judiciaires ont évalué l'atteinte par écrasement du tendon court fibulaire à 10%, ce qui est convaincant, dans la mesure où une atteinte au nerf sural est du même pourcentage.
Partant, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité sera fixée à 20%.
18. Le recourant réclame enfin des intérêts moratoires sur les prestations rétroactives dues.
18.1 Selon l'art. 26 al. 2 LPGA, des intérêts moratoires sont dus pour toute créance de prestations d'assurances sociales à l'échéance d'un délai de 24 mois à compter de la naissance du droit, mais au plus tôt douze mois à partir du moment où l'assuré fait valoir ce droit, pour autant qu'il se soit entièrement conformé à l'obligation de collaborer qui lui incombe.
De par la loi, le versement d'intérêts moratoires pour les créances de prestations d'assurances sociales est subordonné au respect des trois conditions cumulatives suivantes : le délai de 24 mois à compter de la naissance du droit, le délai de douze mois à partir du moment où l'assuré fait valoir son droit, le devoir incombant à l'assuré de collaborer (Sylvie PÉTRAMAND, Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n° 31 ad art. 26 LPGA).
L'obligation de payer des intérêts moratoires commence 24 mois après la naissance du droit en tant que tel pour l'ensemble des prestations courues jusque-là, et non pas seulement deux ans après l'exigibilité de chaque prestation (ATF 133 V 9 consid. 3.6; ATAS/559/2019 du 24 juin 2019 consid. 11a).
Selon l'art. 7 de de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 [OPGA - RS 830.11]), le taux de l’intérêt moratoire est de 5% par an (al. 1). L’intérêt moratoire est calculé par mois sur les prestations dont le droit est échu jusqu’à la fin du mois précédent. Il est dû dès le premier jour du mois durant lequel le droit à l’intérêt moratoire a pris naissance et jusqu’à la fin du mois durant lequel l’ordre de paiement est donné (al. 2).
Pour chaque prestation, il faut consulter la loi spéciale applicable pour déterminer à quel moment naît le droit à cette prestation (Sylvie PÉTREMAND, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 36 ad art. 26 LPGA). Selon l'art. 24 al. 2 LAA, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité est fixée en même temps que la rente d'invalidité ou, si l'assuré ne peut prétendre une rente, lorsque le traitement médical est terminé.
18.2 En l'espèce, les prestations sont dues depuis plus de 24 mois, dès lors que le recourant a droit à des indemnités journalières du 1er novembre 2021 au 13 janvier 2022, à une rente dès le 14 janvier 2022 et à une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 10% supplémentaires depuis cette même date. Le délai de deux ans est ainsi écoulé depuis le 1er novembre 2023 pour le paiement des indemnités journalières et depuis le 14 janvier 2024 en ce qui concerne les rentes et l'indemnité pour atteinte à l'intégrité.
Quant au recourant, il a fait valoir son droit aux prestations par son opposition, en date du 17 janvier 2022, à la décision du 30 novembre 2021. Par ailleurs, aucune violation du devoir de collaborer ne peut lui être reproché.
Ainsi, les intérêts moratoires de 5% sont dus pour les indemnités journalières dès le 1er novembre 2023 et, pour les rentes et l'indemnité pour atteinte à l'intégrité supplémentaire de 10%, dès le 14 janvier 2024.
19. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis.
20. Dans la mesure où le recourant obtient largement gain de cause, une indemnité de CHF 3'000.- lui est octroyée à titre de dépens.
21. Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L'admet partiellement.
3. Octroie au recourant le droit aux indemnités journalières du 1er novembre 2021 au 13 janvier 2022, avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 2023, à une rente d'invalidité de 53% et à une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 20%, sous déduction de ce qui a été déjà versé à ce titre, avec intérêts à 5% pour ces deux prestations dès le 14 janvier 2024.
4. Condamne l'intimée à verser au recourant une indemnité de CHF 3'000.- à titre de dépens.
5. Dit que la procédure est gratuite.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Pascale HUGI |
| La présidente suppléante
Maya CRAMER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le