Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/410/2025 du 02.06.2025 ( CHOMAG ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/788/2025 ATAS/410/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 2 juin 2025 Chambre 6 |
En la cause
A______ représentée par Me Samir DJAZIRI, avocat
| recourante |
contre
CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE
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intimée |
A. a. A______ (ci-après : l'assurée), née le ______ 1972, est mariée depuis le 20 juin 2014 à B______ (ci-après : l'époux de l'assurée).
b. L'assurée a été employée par la société C______ (ci-après : la société) en qualité d'assistante de direction et de responsable administrative, du 2 août 2014 (selon le contrat de travail) au 31 octobre 2024.
c. L'époux de l'assurée est administrateur unique de ladite société, avec signature individuelle depuis le 16 mai 2014.
d. Par courrier du 30 juillet 2024, la société a licencié l'assurée pour raison économique, avec effet au 31 octobre 2024.
B. a. Le 4 novembre 2024, l'assurée s'est inscrite à l'office cantonal de l'emploi (ci‑après : OCE) et a déposé une demande d'indemnités de chômage auprès de la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse), en sollicitant le versement de l'indemnité journalière dès le 1er novembre 2024. Dans le cadre de sa demande, elle a notamment précisé que son licenciement était de nature économique.
b. L'attestation de l'employeur du 1er novembre 2024 a fait état du même motif de licenciement.
c. L'assurée a communiqué à la caisse ses fiches de salaires relatives aux périodes des mois de février à décembre 2022 et de novembre 2023 à février 2024. Elle a également communiqué un certificat médical établi par le docteur D______, attestant de son incapacité de travail totale du 12 février au 31 octobre 2024.
d. Par décision du 2 décembre 2024, la caisse a dénié à l'assurée le droit à l'indemnité de chômage, au motif que durant son délai-cadre de cotisation, elle était employée au sein de la société dont son conjoint était l'administrateur unique. Il existait ainsi un risque qu'elle continue à se consacrer à l'entreprise familiale afin de la sauvegarder, de sorte que son temps de présence sur son lieu de travail et consécutivement sa perte de travail ne pouvaient pas être contrôlés, ni déterminés. L’assurée ne pouvait donc pas bénéficier « d’indemnité en cas de réduction d’horaire de travail » (sic). Seule une cessation définitive des activités de la société de son époux, une rupture totale des liens de l'assurée avec la société ou l’accomplissement d’une activité salariée dans une tierce entreprise durant au moins six mois, était susceptible d'ouvrir à l'assurée le droit à des indemnités de chômage.
e. Le 8 janvier 2025, l'assurée a, sous la plume de son conseil, formé opposition à l'encontre de cette décision. Elle a relevé en substance que la disposition sur laquelle se basait la caisse pour refuser les indemnités contrevenait au principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes, qu'elle avait été licenciée en raison des difficultés économiques de son employeur et que l'administration était malvenue de lui dénier un droit au chômage après qu'elle ait payé ses cotisations durant toute son activité auprès de la société. Elle a conclu à l'annulation de la décision du 2 décembre 2024, ainsi qu'à l'octroi d'indemnités de chômage dès le 1er novembre 2024.
À l'appui de son opposition, l'assurée a notamment produit le bilan pour l'année 2023 de la société, où les pertes s'élevaient à CHF 15'525.23. Elle a également joint les attestations de sortie des employés dont la société avait dû se séparer, avant de devoir mettre fin au contrat de l'assurée. Le licenciement de cette dernière était donc une ultima ratio avant la mise en faillite de la société.
f. Par décision sur opposition du 28 janvier 2025, la caisse a rejeté l’opposition formée par l’assurée, en indiquant qu’au moment de son inscription auprès de la caisse, en date du 1er novembre 2024, l’assurée était toujours mariée à son ancien employeur, de sorte qu’elle ne remplissait pas les conditions du droit à l’indemnité de chômage.
C. a. Par acte du 3 mars 2025, agissant par l'intermédiaire de son conseil, l'assurée a recouru devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre la décision sur opposition du 28 janvier 2025. Elle a conclu, principalement, sous suite de dépens, à l'annulation de la décision litigieuse, et à ce qu'il soit dit qu'elle avait droit au versement d'indemnités chômage dès le 1er novembre 2024.
b. Dans sa réponse du 1er avril 2025, l'intimée a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision querellée. La recourante n’apportait aucun élément nouveau lui permettant de revoir sa position. En outre, le champ d’application des dispositions légales excluant les personnes se trouvant dans une position assimilable à celle d’un employeur et leur conjoint du droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail avait été étendu à l’indemnité de chômage par la jurisprudence. Compte tenu de la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’intimée ne pouvait pas revenir sur la position qu'elle exposait dans la décision querellée.
c. En date du 25 avril 2025, la recourante a répliqué par l'intermédiaire de son conseil. Elle a relevé en substance que la caisse se bornait à soulever diverses jurisprudences établissant que le risque d'abus était au cœur du refus d'indemnité de chômage du conjoint, et non pas l'abus réel, et a fait valoir que le risque d'abus était pleinement écarté dans son cas. Elle a persisté intégralement dans ses explications et conclusions prises dans son mémoire de recours du 3 mars 2025.
d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Selon l’art. 1 al. 1 LACI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à la LACI, à moins que la loi n’y déroge expressément.
1.3 Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA, applicable par le renvoi de
l'art. 1 al. 1 LACI) et le délai de 30 (art. 60 al. 1 et 38 al. 4 let. b LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]) prévus par la loi, le recours est recevable.
2. Le litige porte sur le droit de la recourante à l'indemnité de chômage, à la suite de sa perte d'emploi auprès de la société dont son conjoint est l'administrateur unique avec signature individuelle.
3.
3.1 En vertu de l’art. 8 al. 1 LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il est sans emploi ou partiellement sans emploi (let. a), s’il a subi une perte de travail à prendre en considération (let. b), s’il est domicilié en Suisse (let. c), s’il a achevé sa scolarité obligatoire, qu’il n’a pas encore atteint l’âge donnant droit à une rente AVS et ne touche pas de rente de vieillesse de l’AVS (let. d), s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (let. e), s’il est apte au placement (let. f) et s’il satisfait aux exigences du contrôle (let. g).
Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 218 consid. 2).
3.2 Aux termes de l'art. 10 LACI, est réputé sans emploi celui qui n’est pas partie à un rapport de travail et qui cherche à exercer une activité à plein temps (al. 1). Est réputé partiellement sans emploi celui qui n'est pas partie à un rapport de travail et cherche à n’exercer qu’une activité à temps partiel, ou occupe un emploi à temps partiel et cherche à le remplacer par une activité à plein temps ou à le compléter par une autre activité à temps partiel (al. 2). Seul celui qui cherche du travail qui est inscrit aux fins d'être placé est réputé sans emploi ou partiellement sans emploi (al. 3).
3.3
3.3.1 Selon l'art. 31 al. 3 LACI, n'ont pas droit à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail : les travailleurs dont la réduction de l’horaire de travail ne peut être déterminée ou dont l’horaire de travail n’est pas suffisamment contrôlable (let. a) ; le conjoint de l’employeur, occupé dans l’entreprise de celui‑ci (let. b) ; les personnes qui fixent les décisions que prend l'employeur - ou peuvent les influencer considérablement - en qualité d'associé, de membre d'un organe dirigeant de l'entreprise ou encore de détenteur d'une participation financière de l'entreprise ; il en va de même des conjoints de ces personnes, qui sont occupés dans l’entreprise (let. c).
Le Tribunal fédéral a jugé que les exclusions de l'art. 31 al. 3 LACI s'appliquent par analogie à l'octroi de l'indemnité de chômage (ATF 123 V 234 consid. 7b).
3.3.2 Un travailleur qui jouit d'une situation professionnelle comparable à celle d'un employeur n'a pas droit à l'indemnité de chômage lorsque, bien que licencié formellement par une entreprise, il continue de fixer les décisions de l'employeur ou à influencer celles-ci de manière déterminante. Le Tribunal fédéral a identifié un risque de contournement de la clause d'exclusion de l'art. 31 al. 3 let. c LACI lorsque dans un contexte économique difficile, ces personnes procèdent à leur propre licenciement et revendiquent l'indemnité de chômage tout en conservant leurs liens avec l'entreprise. Dans une telle configuration, en effet, il est toujours possible pour elles de se faire réengager dans l'entreprise ultérieurement et d'en reprendre les activités dans le cadre de son but social. Ce n'est pas l'abus avéré comme tel que la loi et la jurisprudence entendent sanctionner, mais le risque d'abus que représente le versement d'indemnités à un travailleur jouissant d'une situation comparable à celle d'un employeur ; il suffit qu'une continuité des activités soit possible pour que le droit doive être nié en raison d'un risque de contournement de la loi (arrêt du Tribunal fédéral 8C_384/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3.1). Bien que cette jurisprudence puisse paraître très sévère, il y a lieu de garder à l'esprit que l'assurance-chômage n'a pas pour vocation à indemniser la perte ou les fluctuations de gain liées à une activité indépendante mais uniquement la perte de travail, déterminable et contrôlable, du travailleur ayant un simple statut de salarié qui, à la différence de celui occupant une position décisionnelle, n'a pas le pouvoir d'influencer la perte de travail qu'il subit et pour laquelle il demande l'indemnité de chômage (arrêt du Tribunal fédéral 8C_574/2017 du 4 septembre 2018 consid. 5.1).
En outre, même si une personne occupant une position semblable à celle de l'employeur n'a, suivant les circonstances, pas droit à l'indemnité de chômage conformément à l'ATF 123 V 236, consid. 7, elle ne doit pas pour autant être libérée de l'obligation de payer des cotisations à l'assurance-chômage, pas plus que son employeur (arrêt du Tribunal fédéral C 160/04 du 29 décembre 2004 consid. 3.3 et 4.2 in DTA 2005 p. 201). Ainsi, l'obligation de cotiser à l'assurance-chômage ne saurait être remise en cause après coup, dans les situations où le droit est nié par l'application de l'ATF 123 V 234 (Boris RUBIN, Droit à l'indemnité de chômage des personnes occupant une position assimilable à celle d'un employeur, in DTA 2013 1, p. 3).
Il n'y a pas de place, dans ce contexte, pour un examen au cas par cas d'un éventuel abus de droit de la part d'un assuré. Lorsque l'administration statue pour la première fois sur le droit à l'indemnité d'un chômeur, elle émet un pronostic quant à la réalisation des conditions prévues par l'art. 8 LACI. Aussi longtemps qu'une personne occupant une fonction dirigeante maintient des liens avec sa société, non seulement la perte de travail qu'elle subit est incontrôlable mais la possibilité subsiste qu'elle décide d'en poursuivre le but social. Dans un tel cas de figure, il est donc impossible de déterminer si les conditions légales sont réunies sauf à procéder à un examen a posteriori de l'ensemble de la situation de l'intéressé, ce qui est contraire au principe selon lequel cet examen a lieu au moment où il est statué sur les droits de l'assuré. Au demeurant, ce n'est pas l'abus avéré comme tel que la loi et la jurisprudence entendent sanctionner ici, mais le risque d'abus que représente le versement d'indemnités à un travailleur jouissant d'une situation comparable à celle d'un employeur (arrêt du Tribunal fédéral C 163/04 du 29 août 2005 consid. 2.2 et les références).
3.3.3 La situation est en revanche différente quand le salarié, se trouvant dans une position assimilable à celle de l'employeur, quitte définitivement l'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci ; en pareil cas, on ne saurait parler d'un comportement visant à éluder la loi. Il en va de même lorsque l'entreprise continue d'exister mais que le salarié, par suite de la résiliation de son contrat, rompt définitivement tout lien avec la société. Dans un cas comme dans l'autre, l'intéressé peut en principe prétendre à des indemnités de chômage (ATF 123 V 234 consid. 7b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_448/2018 du 30 septembre 2019 consid. 3). À l'inverse, s'agissant de la fermeture de l'entreprise, un contournement reste possible lorsque l'activité est simplement ralentie ou « en veilleuse », ou encore lorsque l'entreprise est en voie d'être déclarée en faillite. En effet, dans ces éventualités, les activités peuvent reprendre (arrêt du Tribunal fédéral 8C_571/2012 du 21 janvier 2013 consid. 4.3 ; Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 30 ad art. 10).
Lorsqu'il s'agit de déterminer quelle est la possibilité effective d'un dirigeant d'influencer le processus de décision de l'entreprise, il convient de prendre en compte les rapports internes existant dans l'entreprise. On établira l'étendue du pouvoir de décision en fonction des circonstances concrètes. La seule exception à ce principe concerne les membres des conseils d'administration car ils disposent ex lege (art. 716 à 716b de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 [CO ‑ RS 220]) d'un pouvoir déterminant au sens de l'art. 31 al. 3 let. c LACI. Pour les membres du conseil d'administration, le droit aux prestations peut dès lors être exclu sans qu'il soit nécessaire de déterminer plus concrètement les responsabilités qu'ils exercent au sein de la société (ATF 122 V 270 consid. 3). Il en va de même, dans une société à responsabilité limitée, des associés, respectivement des associés-gérants lorsqu'il en a été désigné, lesquels occupent collectivement une position comparable à celle du conseil d'administration d'une société anonyme (arrêt du Tribunal fédéral 8C_515/2007 du 8 avril 2008 consid. 2.2 et les références).
Le Tribunal fédéral a également étendu ce principe aux membres de la direction d'une association. L'art. 69 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC – RS 210) dispose en effet que la direction a le droit et le devoir de gérer les affaires de l'association et de la représenter en conformité des statuts. En vertu de cette disposition, la direction assume la gestion des affaires de l'association, dans la mesure où un autre organe, comme l'assemblée générale (cf. art. 65 al. 1 CC), n'en a pas la compétence. À ce titre, la direction de l'association occupe donc une position comparable à celle du conseil d'administration d'une société anonyme (art. 716 à 716b CO), en ce sens que les membres de la direction disposent ex lege du pouvoir de fixer les décisions que l'association est amenée à prendre comme employeur ou, à tout le moins, de les influencer considérablement au sens de l'art. 31 al. 3 let. c LACI. Aussi, leur droit à l'indemnité de chômage peut-il être exclu sans qu'il soit nécessaire de déterminer plus concrètement les responsabilités qu'ils exercent au sein de l'association (arrêts du Tribunal fédéral 8C_515/2007 du 8 avril 2008 consid. 3.2 et la référence ; voir également 8C_537/2019 du 22 octobre 2020 consid. 3.3.3 et 6.2).
Lorsque le salarié est membre d'un conseil d'administration ou associé d'une société à responsabilité limitée, l'inscription au registre du commerce constitue en règle générale le critère de délimitation décisif. La radiation de l'inscription permet d'admettre sans équivoque que l'assuré a quitté la société. Autrement, en effet, la possibilité demeure que celui-ci réactive l'entreprise et se fasse réengager (arrêt du Tribunal fédéral 8C_1016/2012 du 19 août 2013 consid. 4.3).
3.4 Le conjoint de la personne qui occupe, dans une entreprise, une position assimilable à celle d'un employeur, n'a pas non plus droit à l'indemnité de chômage lorsque, bien que licencié par ladite entreprise, il conserve des liens avec celle-ci au travers de sa situation de conjoint d'un dirigeant de l'entreprise. Pour que le motif d'exclusion s'applique, il faut, par analogie avec les situations visées à l'art. 31 al. 3 let. c LACI, que le conjoint licencié ait été employé par l'entreprise précitée, à savoir celle dirigée par son conjoint. La possibilité facilitée de réengager le conjoint licencié fait apparaître son chômage comme une réduction de l'horaire de travail potentielle. Il se justifie par conséquent d'appliquer à cette situation de chômage les mêmes règles restrictives qu'en cas de réduction de l'horaire de travail. Le concubin n'est pas assimilé au conjoint, sauf en présence d'un procédé visant à éluder les conditions légales du droit aux prestations (Boris RUBIN, Droit à l'indemnité de chômage des personnes occupant une position assimilable à celle d'un employeur, in DTA 2013 1, p. 6). Selon la jurisprudence, il est justifié de refuser le droit à l'indemnité de chômage au conjoint concerné jusqu'au prononcé du divorce, indépendamment du point de savoir si et depuis combien de temps les conjoints vivent séparés de fait ou de droit ou si des mesures de protection de l'union conjugale ont été ordonnées par un juge, au vu du risque d'abus eu égard à leurs intérêts économiques. Le Tribunal fédéral a souligné qu'il n'était pas justifié de traiter différemment les personnes assimilées à un employeur et leurs conjoints, selon qu'ils réclamaient une indemnité de chômage, une indemnité en cas de réduction de travail ou en cas d'insolvabilité - le risque d'abus étant le même pour les trois types de prestations - et que l'exclusion devait être comprise de manière absolue. Il ne se justifiait donc pas d'accorder des prestations aux personnes concernées sous certaines conditions dans des cas individuels. En outre, l'exclusion du droit aux prestations de chômage n'est pas fondée sur des abus réels et prouvés, mais sur le risque d'abus inhérent à la position des personnes employées dans l'entreprise de leur conjoint (ATF 142 V 263 consid 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_574/2017 du 4 septembre 2018 consid. 5.2). Cette jurisprudence n'est pas limitée à des sociétés de capitaux mais s'applique aussi aux associations, peu importe qu'elles poursuivent une activité à but non lucratif ou commerciale, ainsi qu’aux entreprises individuelles (arrêt du Tribunal fédéral 8C_102/2018 du 21 mars 2018 consid. 6.1 ; Boris RUBIN, op cit., 2014, n. 27 ad art. 10 et les références citées).
Après la perte d'une activité salariée exercée pendant au moins six mois dans une entreprise tierce, les assurés ayant le statut de quasi-employeur et leurs conjoints doivent se voir reconnaître le droit à l'indemnité de chômage, même si le statut de quasi-employeur perdure dans la première entreprise (arrêt du Tribunal fédéral 8C_87/2023 du 14 septembre 2023 consid. 2.2 et les références). Lorsqu’une telle durée d’emploi comme salarié sans position dirigeante dans une entreprise tierce a été atteinte, il faut admettre que le rapport de travail ouvrant le droit au chômage n'était pas destiné à masquer une réduction de l’horaire de travail (Boris RUBIN, op. cit., 2014, n. 35 ad art. 10). La directive LACI IC du Secrétariat d'État à l'économie (SECO) prévoit en outre que le droit à l'indemnité de chômage existe aussi lorsque la personne qui a quitté l'entreprise, que son conjoint continue de diriger, a acquis une période minimale de cotisation de douze mois hors de celle‑ci (ch. B31, état au 1er janvier 2025).
4.
4.1 Selon l'art. 8 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Une décision ou un arrêté viole le principe de l'égalité de traitement consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 140 I 201 consid 6.5.1 ; 137 V 334 consid. 6.2.1). Il y a notamment inégalité de traitement lorsque l'État accorde un privilège ou une prestation à une personne, mais dénie ceux-ci à une autre personne qui se trouve dans une situation comparable.
4.2 Au principe d'égalité de traitement, l'art. 8 al. 2 Cst. ajoute une interdiction des discriminations. D'après cette disposition, nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques, ni du fait d'une déficience corporelle, mentale ou psychique. Une discrimination au sens de l'art. 8 al. 2 Cst. est réalisée lorsqu'une personne est juridiquement traitée de manière différente uniquement en raison de son appartenance à un groupe déterminé historiquement ou dans la réalité sociale contemporaine, mise à l'écart ou considérée comme de moindre valeur. La discrimination constitue une forme qualifiée d'inégalité de traitement de personnes dans des situations comparables, dans la mesure où elle produit sur un être humain un effet dommageable, qui doit être considéré comme un avilissement ou une exclusion, car elle se rapporte à un critère de distinction qui concerne une part essentielle de l'identité de la personne intéressée ou à laquelle il lui est difficilement possible de renoncer (ATF 147 I 89 consid. 2.1 ; 147 I 1 consid. 5.2 ; 145 I 73 consid. 5.1 ; 143 I 129 consid. 2.3.1 et les références citées). Le principe de non-discrimination n'interdit toutefois pas toute distinction basée sur l'un des critères énumérés à l'art. 8 al. 2 Cst., mais fonde plutôt le soupçon d'une différenciation inadmissible. Les inégalités qui résultent d'une telle distinction doivent dès lors faire l'objet d'une justification particulière.
4.3 L'art. 8 al. 2 Cst. interdit non seulement la discrimination directe, mais également la discrimination indirecte. Il y a discrimination indirecte lorsqu'une réglementation, sans désavantager directement un groupe déterminé, défavorise particulièrement, par ses effets et sans justification objective, les personnes appartenant à ce groupe. L'atteinte doit toutefois revêtir une importance significative, le principe de l'interdiction de la discrimination indirecte ne pouvant servir qu'à corriger les effets négatifs les plus flagrants d'une réglementation étatique (ATF 142 V 316 consid. 6.1.2 ; 138 I 265 consid. 4.2.2).
4.4 Selon l’art. 190 Cst., le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d’appliquer les lois fédérales et le droit international.
5. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 et les références ; 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).
6. En l'occurrence, il est établi que la recourante a été employée par la société du 2 août 2014 au 31 octobre 2024, dont son époux est administrateur unique, avec signature individuelle.
La recourante a ainsi été employée durant son délai-cadre de cotisation par une société anonyme dont son époux est l’administrateur unique. De ce fait, elle conserve des liens avec la société en raison de sa qualité de conjointe d’une personne disposant ex lege d’une influence sur la société. Dans la mesure où la société de son conjoint poursuit son activité et que celui-ci y détient toujours la place d’administrateur, la recourante conserve la possibilité théorique d’y être réengagée.
Partant, l’intimée a retenu à raison qu’elle revêtait la qualité de conjointe de son ancien employeur et que l’art. 31 al. 3 let. c LACI devait lui être appliqué par analogie.
6.1 La recourante estime cependant que le conjoint de l'employeur qui perd durablement son emploi devrait pouvoir bénéficier de la même exception que la personne influençant les décisions de l'employeur lorsqu'elle rompt durablement les relations de travail et perd son pouvoir d'influence.
À cet égard, le Tribunal fédéral admet que le droit à l'indemnité de chômage peut être reconnu lorsque le salarié, qui occupe une position assimilable à celle d'un employeur, quitte définitivement l'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci ou rompt définitivement tout lien avec l'entreprise. Cependant, il a également jugé qu'il n'était pas justifié de traiter différemment les personnes assimilées à un employeur et leurs conjoints, selon qu'ils réclamaient une indemnité de chômage, une indemnité en cas de réduction de travail ou en cas d'insolvabilité. La recourante, tombe sous le coup de cette jurisprudence. Ainsi, bien qu'elle n'exerce plus aucune activité dans la société, la recourante conserve des liens avec l'entreprise qui l'a licenciée en raison de sa qualité de conjointe de l'administrateur unique de cette société. Cela est déjà suffisant pour lui dénier le droit à des indemnités de chômage.
Ce grief doit donc être écarté.
6.2 La recourante relève ensuite que sa démarche est honnête et que le risque d'abus peut être écarté dans son cas, car son licenciement était justifié par les difficultés économiques de son employeur, qui a dû se séparer de l'intégralité de ses salariés pour réduire ses charges et éviter une faillite, et qu'une réintégration n'est pas envisageable car l'entreprise ne semble pas pouvoir améliorer sa situation financière. Elle estime à cet égard que le risque d'abus devrait être écarté « lorsque coexistent un licenciement justifié par un mauvais état financier de l'entreprise, et une pérennisation dudit état dans le temps, couplé, au besoin, avec une absence d'activité de l'entreprise (ou des activités en dehors du champ de compétence du conjoint) ».
Cependant, aussi longtemps que l'époux de la recourante est administrateur de la société, il détient ex lege un pouvoir décisionnel déterminant, et conserve la faculté théorique de réengager son épouse. Dans un tel contexte, la perte de travail n'est pas aisément vérifiable par l’intimée, si bien que le risque d'abus inhérent à la position d'administrateur de l'époux de la recourante est suffisant pour fonder le refus du droit à l'indemnité de chômage.
Des difficultés financières qui perdurent dans le temps ou une absence d'activité de l'entreprise ne sont pas des motifs qui écartent le risque d'abus. Un contournement de la loi reste en effet possible lorsque l'activité de la société est ralentie ou à l'arrêt, voire lorsque la société est en voie d'être déclarée en faillite. Dès lors que la société n'est pas formellement en faillite, il convient d'admettre que l'époux de la recourante conserve à tout moment la faculté de la réengager dans la société, ce qui suffit pour dénier le droit de la recourante à l'indemnité de chômage en raison d'un risque de contournement de la loi.
Par ailleurs, le motif ayant conduit au licenciement de la recourante, à savoir les difficultés économiques traversées par la société, n'est pas de nature à remettre en cause la décision litigieuse dans la mesure où c'est la position d'administrateur que son époux continue d'occuper qui est déterminante.
C'est donc à bon droit que l'intimée a dénié le droit de la recourante à l'indemnité de chômage en se fondant sur le risque d'abus que présente sa situation.
Ce grief doit donc être écarté.
6.3 La recourante invoque une violation du principe d'égalité entre hommes et femmes, dès lors qu'il est notoire que les femmes sont plus souvent celles qui assistent leur partenaire dans le développement de leur entreprise en occupant des fonctions secondaires. En excluant de facto tout droit à une indemnité de chômage à des conjointes, qui ont travaillé et cotisé régulièrement, l'on risque de pérenniser une inégalité économique entre hommes et femmes.
Cette argumentation ne saurait être suivie. Le principe d'égalité implique que des situations semblables soient traitées de manière identique. Or, l'art 31 al. 3 let. c LACI s'applique de manière égale aux hommes et aux femmes placés dans des situations comparables : un homme travaillant pour son épouse dirigeante d'entreprise se verra opposer les mêmes critères d'exclusion du droit à l'indemnité de chômage (pour un cas d'application, cf. l'arrêt du Tribunal fédéral 8C_155/2011 du 25 janvier 2012). L'exclusion du droit à l'indemnité de chômage se fonde sur des conditions objectives, et aucunement sur des critères liés spécifiquement au sexe des assurés. Quant à l’inégalité de traitement « indirecte » qui résulterait du fait qu’un plus grand nombre de femmes serait visé par l’exclusion du droit à l’indemnité de chômage, elle n’est pas suffisamment établie pour qu’il soit entré en matière sur cette question, étant par ailleurs relevé qu’elle est douteuse dès lors que cette exclusion s’applique tant à la personne dirigeante qu’à son ou sa conjointe.
Ce grief doit donc être écarté.
6.4 Enfin, la recourante fait valoir qu'elle a cotisé à l'assurance-chômage aux fins d'être soutenue pendant la période de transition entre l'emploi qu'elle exerçait et celui qui devrait suivre. Or, le fait d'être l'épouse du dirigeant de la société qui l'a licenciée ne la libère pas de son obligation de cotiser à l'assurance-chômage, ni ne lui permet de remettre en cause le paiement de cotisations après que son droit à l'indemnité de chômage a été dénié.
Pour le surplus, la recourante ne prétend pas avoir accompli une période minimale de cotisation de six mois après son départ de la société de son époux, ni cotisé durant douze mois hors de celle-ci.
Par conséquent, c’est à bon droit que l’intimée a nié le droit de la recourante à l’indemnité de chômage dans la décision litigieuse.
7. Compte tenu de ce qui précède, le recours est rejeté.
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Dit que la procédure est gratuite.
4. Informe les parties qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le