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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3315/2023

ATAS/396/2025 du 28.05.2025 sur DITAI/169/2024 ( LCA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3315/2023 ATAS/396/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 mai 2025

Chambre

 

En la cause

A______ SA

représentée par Me Pierre GABUS, avocat

 

Appelante

 

contre

B______

représenté par Me Andres PEREZ, avocat

 

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 avril 2024 (DITAI/169/2024)

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. B______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1970, est arrivé en Suisse en 2001 et a travaillé comme salarié avant de débuter une activité indépendante dans la vente de véhicules. Son entreprise individuelle C______ a été inscrite au registre du commerce en février 2018.

b. Dans le cadre de son activité, l'assuré a conclu un contrat d'assurance perte de gain en cas d'accident avec la A______ SA (ci‑après : A______) qui a pris effet le 1er août 2018 (police n° 1______).

Ce contrat était régi par la loi fédérale sur le contrat d'assurance du 2 avril 1908 (LCA - RS 221.229.1) et les conditions générales d'assurance (ci-après : CGA), édition 1/2009. La police d'assurance prévoyait des indemnités journalières en cas d'accident, professionnel ou non, sur la base d'un gain de CHF 60'000.- s'élevant au maximum à 100% du gain du 31e jour au 750e jour.

B. a. Le 27 novembre 2018, l'assuré a annoncé la survenance d'une chute sur son épaule droite intervenue le 15 octobre 2018.

b. A______ a pris en charge le cas.

c. Le 3 octobre 2019, A______, sur la base d'un rapport d'observation d'un détective privé, a notifié à l'assuré un refus de prise en charge selon l'art. 40 LCA et a demandé le remboursement des prestations perçues depuis le 15 octobre 2018.

C. a. Par acte du 21 décembre 2021, l'assuré a formé une demande en paiement à l'encontre de A______ devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS). Il sollicitait le versement d'une somme de CHF 65'258.85.- sur le fondement du contrat d'assurance perte de gain en cas d'accident (police n° 1______).

b. Après avoir procédé à un double échange d'écritures, au cours de l'audience de débats d'instruction du 12 octobre 2022, les parties ont été interpellées par la CJCAS au sujet de sa compétence. Elles ont en particulier été rendues attentives à l'art. 116 al. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) qui prévoyait que les litiges portant sur les assurances complémentaires à l'assurance-accident obligatoire seraient de la compétence du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI).

c. Par courrier du 16 novembre 2022, A______ s'est déterminée sur la compétence de la CJCAS et l'a niée. Elle affirmait que le litige devait en premier lieu être soumis au TAPI.

d. Le 19 décembre 2022, l'assuré s'en est rapporté à justice.

e. Par arrêt du 18 janvier 2023 (ATAS/18/2023), la CJCAS a déclaré la demande irrecevable, car l'assuré fondait ses prétentions en paiement d’indemnités journalières suite à un accident sur un contrat d’assurance couvrant le risque accidents professionnels et non professionnels soumis à la LCA. En effet, les contestations en matière d’assurances complémentaires à la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20) devaient être en premier lieu soumises au TAPI (cf. art. 116 al. 2 LOJ), une fois l'autorisation de procéder du Tribunal de première instance (ci-après : TPI) obtenue après une tentative de conciliation. Selon l'art. 134 al. 2 LOJ, la CJCAS connaissait des recours contre les décisions du TAPI relatives aux assurances complémentaires à la LAA. Le TAPI n’ayant pas encore été saisi, la CJCAS devait décliner sa compétence.

Cet arrêt n'a pas été contesté.

D. a. Par acte du 23 février 2023, l'assuré a déposé une requête de conciliation et demande en paiement à l'encontre de A______ devant l'autorité de conciliation du TPI.

b. Par décision du 29 août 2023 (APTPI/479/2023), le TPI a délivré l'autorisation de procéder.

Dans son ATAS/18/2023, la CJCAS avait expressément invité l'assuré à saisir le TPI pour solliciter une autorisation de procéder suite à une tentative de conciliation. Relevant que les remarques de A______ sur l'absence de compétence ratione materiae du TPI n'étaient pas dénuées de pertinence, la compétence du TPI ne pouvait cependant pas être considérée comme manifestement infondée.

E. a. Par acte du 11 octobre 2023, sous la plume de son conseil, l'assuré a saisi le TAPI d'une demande en paiement dirigée contre A______, en concluant à ce que cette dernière soit condamnée au paiement de la somme de CHF 65'258.85, avec intérêt de 5% à compter du 23 octobre 2019, sous suite de frais et dépens.

b. Par courrier du 21 novembre 2023, A______ a indiqué au TAPI qu'elle estimait qu'il n'était pas compétent en raison de la matière pour connaître ce litige. Elle sollicitait que, dans un premier temps, le tribunal limitât l'objet du litige à la question de la compétence, réservant le fond du litige.

c. Le 19 décembre 2023, le TAPI a procédé à l'audition des parties au sujet de la compétence du tribunal. Le demandeur a expressément indiqué son accord à ce que le litige se limite, à ce stade, à la question de la compétence.

d. Le 30 janvier 2024, A______ s'est déterminée sur la compétence du tribunal, concluant à ce que la demande fût déclarée irrecevable, sous suite de frais et dépens.

Il convenait en l'espèce de déterminer si le contrat d'assurance était un contrat d'assurance complémentaire à l'assurance-accidents obligatoire au sens de l'art. 116 al. 2 LOJ ou un contrat d'assurance complémentaire à l'assurance-maladie obligatoire au sens des art. 7 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et 134 al. 1 let. c LOJ.

À Genève, la compétence du tribunal était strictement limitée aux litiges relatifs aux assurances complémentaires à l'assurance-accidents obligatoire. Elle ne s'étendait pas aux litiges relatifs aux assurances complémentaires à l'assurance-maladie obligatoire, quand bien même ils avaient pour objets des prestations en lien avec un accident. L'art. 7 CPC concernait les litiges relatifs aux assurances complémentaires à l'assurance-maladie sociale, que la police d'assurance fût offerte par une caisse maladie en application de l'art. 2 de la loi fédérale sur la surveillance de l’assurance-maladie sociale du 26 septembre 2014 (LSAMal - RS 832.12) ou par une assurance privée.

La notion d'assurance complémentaire à l'assurance-maladie sociale au sens de l'art. 7 CPC correspondait à tous les contrats soumis à la LCA allant au-delà de l'assurance-maladie sociale obligatoire, couvrant les soins de santé et/ou des prestations d'indemnités journalières en cas de perte de revenu, ceci en cas de maladie, d'accident et/ou de maternité. L'art. 1a al. 2 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10) prévoyait que l'assurance-maladie sociale allouait des prestations en cas de maladie, mais aussi en cas d'accidents, dans la mesure où aucune assurance-accidents n'en assumait la prise en charge, et la maternité. L'art. 116 al. 2 LOJ n'était applicable que pour les assurances complémentaires à l'assurance-accidents obligatoire prévue par la LAA.

Les assurances-accidents complémentaires étaient des polices d'assurances offertes par les assureurs privés soumis à la LCA, venant compléter les prestations de la LAA, en prévoyant le plus souvent des prestations qui s'ajoutaient à celles de l'assurance sociale et complétaient le catalogue prévu par la LAA obligatoire. Pour qu'une telle assurance complémentaire LAA fût souscrite, il fallait que la personne assurée fût couverte par une assurance-accidents de base (sociale), soumise à la LAA. En juin 2013, une initiative parlementaire avait demandé la modification du CPC afin que les litiges relevant des assurances complémentaires à l'assurance-accidents sociales fussent soumis aux mêmes règles que les litiges concernant les assurances complémentaires à l'assurance-maladie sociale. Cette initiative n'avait cependant pas abouti. La question était dès lors de savoir si la personne assurée était couverte par une assurance-accidents sociale soumise à la LAA ou non.

Les indépendants n'étaient pas soumis à l'assurance obligatoire LAA au titre de l'assurance sociale et avaient le choix d'adhérer à la LAA par le biais de l'assurance facultative (assurance sociale) et d'ajouter d'éventuelles prestations complémentaires par le biais d'une assurance complémentaire à la LAA, soumise à la LCA (assurance privée), soit de conclure un pur contrat de droit privé soumis à la LCA. Dans le second cas, les prestations de soins et les indemnités journalières versées par l'assurance privée LCA en cas d'accidents relevaient de l'art. 7 CPC. Il ne s'agissait pas d'une assurance complémentaire à la LAA, puisqu'aucune assurance de base soumise à la LAA n'avait été conclue, tant à titre obligatoire qu'à titre facultatif.

L'assuré, en sa qualité d'indépendant, ne bénéficiait d'aucune assurance-accidents sociale soumise à la LAA, ni à titre obligatoire ni à titre facultatif. Son contrat d'assurance était ainsi un contrat de pur droit privé, soumis à la LCA, et le CPC était applicable. Il s'agissait d'une assurance complémentaire à l'assurance-maladie sociale, de sorte que la CJCAS était compétente pour connaître du litige, en tant qu'instance cantonale unique. La situation de l'assuré était similaire à celle d'une autre personne assurée, jugée par arrêt du Tribunal fédéral du 21 février 2020 (4A_389/2019), dans lequel cette juridiction reconnaissait que la contestation portait sur un contrat d'assurance complémentaire à l'assurance-maladie sociale, devant être tranchée en instance cantonale unique comme le prévoyait l'organisation judiciaire cantonale en relation avec l'art. 7 CPC.

L'assuré n'avait pas recouru contre le jugement d'irrecevabilité de la CJCAS du 18 janvier 2023. Il s'était ainsi accommodé du conflit négatif de compétence qui se révélait entre le TPI, en tant qu'autorité de conciliation, et le tribunal, en tant qu'autorité de première instance, d'une part, et la CJCAS, d'autre part. Si ce jugement était certes erroné, cela n'en diminuait pas l'autorité de la chose jugée qui lui était assorti. Un nouveau dépôt devant cette autorité judiciaire devrait à nouveau être déclaré irrecevable en application de l'art. 59 al. 2 let. e CPC.

e. Le 18 mars 2024, l'assuré s'est déterminé sur la compétence du TAPI.

A______ faisait preuve d'abus de droit. Devant la CJCAS, elle avait dans un premier temps contesté sa compétence, ayant conclu qu'il aurait dû saisir le TAPI, ce qui avait créé une situation de confiance digne de protection. Par la suite, elle avait changé d'avis dans ses déterminations par devant le TPI, soutenant que cette juridiction n'était pas compétente pour connaître d'une requête en conciliation. Désormais, elle niait la compétence du TPI et du TAPI, soutenant que seule la CJCAS était compétente. Sa démarche venait en réalité à tenter de soustraire tout accès à la justice. On ne pouvait pas lui reprocher de ne pas avoir recouru contre le jugement d'irrecevabilité de la CJCAS.

L'arrêt du Tribunal fédéral cité par A______ (4A_389/2019) portait sur un litige en lien avec un contrat d'assurance complémentaire à l'assurance-maladie sociale et n'était dès lors pas pertinent.

En outre, dans son arrêt d'irrecevabilité du 18 janvier 2023, la CJCAS avait indiqué qu'il s'agissait d'un litige relevant de l'assurance-accidents complémentaire à la LAA et l'avait renvoyé à cet effet à agir selon les art. 116 al. 2 et 134 al. 2 LOJ.

f. Par jugement sur compétence du TAPI du 2 avril 2024 (DITAI/169/2024), ce dernier a déclaré recevable la demande en paiement déposée le 11 octobre 2023 par l’assuré devant lui en tant qu’elle concernait sa compétence matérielle. Le TAPI a considéré que la question de savoir si le contrat d'assurance était un contrat d'assurance complémentaire à l'assurance-accidents obligatoire au sens de l'art. 116 al. 2 LOJ ou un contrat d'assurance complémentaire à l'assurance-maladie obligatoire au sens des art. 7 CPC et 134 al. 1 let. c LOJ ne se posait en réalité plus.

En effet, comme le relevait à juste titre A______, le jugement d'irrecevabilité de la CJCAS du 18 janvier 2023 était entrée en force, en l'absence de contestation, de sorte qu'il avait acquis l'autorité de chose jugée et ne saurait dès lors être contesté.

Dans son jugement, la CJCAS avait expressément admis que la cause touchait à la question de prestations d'assurance dans le cadre de l'assurance-accident complémentaire, laquelle devait faire au préalable l'objet d'une procédure par devant le TAPI en vertu de l'art. 116 al. 2 LOJ, et, ce faisant, être soumise préalablement à la procédure de conciliation par devant le TPI (conformément à la jurisprudence du tribunal de céans, notamment JTAPI/1410/2015 du 3 décembre 2015, ainsi qu'à celle de la CJCAS, notamment ATAS/606/2017 du 3 juillet 2017, dans lequel il avait été admis qu'un assuré, en sa qualité d'indépendant ayant contracté une assurance-accidents complémentaire selon la LCA, devait préalablement saisir le tribunal selon la procédure instaurée par les art. 134 al. 2 LOJ cum 116 al. 2 LOJ).

Si ce jugement de la CJCAS déployait des effets contraignants à l'égard de l'assuré, A______ perdait de vue que ce jugement lui était aussi opposable, en sa qualité de partie à la procédure qui s'était déroulée devant cette autorité judiciaire.

La question procédurale de la compétence matérielle du tribunal dans la présente procédure avait ainsi déjà été tranchée par un jugement d'irrecevabilité de la CJCAS, entré en force et portant spécifiquement sur cette question. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée, l'autorité de chose jugée dudit jugement interdisait de faire simplement valoir que le jugement d'irrecevabilité était erroné, comme le faisait A______. Cette dernière ne saurait dorénavant prétendre que la cause n'aurait pas dû être soumise à la procédure de conciliation par devant le TPI, puis déférée au TAPI, une fois l'autorisation de procéder obtenue, au profit d'une procédure en instance unique auprès de la CJCAS, étant rappelé qu'elle avait soutenu le contraire dans le cadre de la procédure d'instruction devant cette juridiction. La question d'un éventuel abus de droit souffrirait cependant de rester indécise.

F. a. Le 2 mai 2024, A______ a formé appel devant la CJCAS contre le jugement sur compétence du TAPI du 2 avril 2024 et conclu à ce que la demande en paiement du 11 octobre 2023 soit déclarée irrecevable, avec suite de frais et dépens. Subsidiairement, il a conclu au renvoi de la cause au TAPI pour qu’il statue sur sa compétence matérielle après avoir respecté le droit d’être entendu des parties.

L'appelante considérait que le jugement attaqué violait son droit d’être entendue, puisqu’il avait été rendu sans que le TAPI ne lui transmette la dernière écriture de l’intimé du 18 mars 2024.

Il estimait que le TAPI avait commis un déni de justice formel dans la mesure où cette autorité ne statuait pas sur sa compétence ratione materiae au sens de l’art. 59 al. 2 let. b CPC cum 60 CPC.

Sur le fond, le jugement attaqué violait les art. 59 et 60 CPC en tant qu’il déclarait recevable la demande en paiement déposée le 11 octobre 2023 par l’intimé devant le TAPI alors même que ce tribunal n’était pas compétent ratione materiae pour connaitre du présent litige.

Le TAPI devait examiner d’office sa compétence au sens de l’art. 60 CPC. Il faisait fausse route lorsqu’il prétendait qu’il serait lié par le jugement d’irrecevabilité de la CJCAS. L’autorité de la chose jugée n’était valable que devant le même Tribunal et pour un même état de fait (ATF 134 III 467 consid. 3.2, traduit au JdT 2009 I p. 287).

Le TAPI n’était pas lié par la décision d’irrecevabilité de la CJCAS.

Ce précédent jugement d’irrecevabilité n’avait pas pour effet de créer la compétence du TAPI au sens de l’art. 59 al. 2 let. b CPC cum 60 CPC.

Le TAPI ne pouvait pas faire l’économie d’examiner sa propre compétence pour connaître du présent litige.

En présence d’une assurance-accidents complémentaire régie par la LCA, la voie de droit dépendait de la nature de l’assurance couvrant à titre principal le risque accident. S’il s’agissait d’un assureur-accidents soumis à la LAA, l’assurance-accidents litigieuse était considérée comme complémentaire à l’assurance-accidents obligatoire prévue par la LAA et l’assuré devait saisir, dans un premier temps, le TAPI conformément à l’art. 116 al. 2 LOJ, la CJCAS étant compétente sur recours uniquement.

Si le risque accident était couvert par une assurance-maladie sociale conformément à l’art. 8 al. 2 LAMal, l’assurance-accidents litigieuse était considérée comme complémentaire à l’assurance-maladie obligatoire prévue par la LAMal et la CJCAS était compétente en instance unique pour connaître des contestations y relatives (cf. arrêt de la CJCAS du 8 août 2019, ATAS/692/2019 consid. 1). En l’espèce, l’assuré, en sa qualité d’indépendant, n’était pas couvert par une assurance-accidents obligatoire, ni à titre obligatoire, ni à titre facultatif. Il avait dès lors conclu un produit d’assurance privée, qui était soumis à la LCA, et qui lui allouait des prestations d’indemnité journalière en cas d’accident professionnel et non professionnel. Il s’agissait dès lors d’une assurance complémentaire à l’assurance-maladie sociale telle que visée par l’art. 7 CPC. La CJCAS était donc compétente en tant qu’instance cantonale unique pour connaître des litiges relevant de ce cas.

Dans ces circonstances, on se trouvait dans le champ d’application de l’art. 7 CPC et non de l’art. 116 al. 2 LOJ. Le TAPI n’était pas compétent à raison de la matière pour connaître de la demande en paiement déposée le 11 octobre 2023 par l’assuré.

A______ avait soulevé d’emblée, déjà au stade de la conciliation, l’exception d’incompétence ratione materiae du TAPI. Elle n’avait pas attendu que la cause soit instruite pour ce faire. Son comportement n’avait dès lors rien d’abusif.

Quant à l’attitude qu’elle avait adoptée devant la CJCAS, elle n’était pas non plus constitutive d’un abus de droit. Dans sa réponse initiale du 29 avril 2022, elle n’avait pas contesté que la Cour de justice était compétente comme instance cantonale unique au sens de l’art. 7 CPC. Elle avait procédé sur le fond et même formé une demande reconventionnelle. C’était la CJCAS qui avait interpellé d’office les parties au sujet de la compétence, conformément à l’art. 60 CPC. Certes, l’assurance s’était initialement ralliée à l’avis de la Cour, prenant appui sur l’arrêt qui leur avait été soumis à l’époque. Toutefois, après une analyse plus substantielle des éléments du dossier, l’assurance s’était rendue compte que l’arrêt qui leur avait été soumis par la Cour n’était pas bon et qu’il fallait procéder à la qualification du contrat en cause, ce qui n’avait pas été fait. À cette époque, l’assuré, qui était déjà représenté par un avocat, n’avait fait valoir aucun argument pour défendre son point de vue et soutenir que la CJCAS était compétente pour connaître de son litige en instance cantonale unique selon l’art. 7 CPC. Il aurait pourtant dû, en sa qualité de demandeur, procéder lui-même à l’analyse des conditions de recevabilité de sa propre demande. Puis, interpellé à ce sujet d’office par la Cour de justice, il aurait dû se livrer à nouveau à cette analyse.

b. Par réponse du 8 juillet 2024, l'intimé a notamment fait valoir que le comportement contradictoire et abusif de l’assurance ressortait de ses écritures. Par devant la CJCAS, elle avait admis que le risque accident n’était pas couvert par une assurance-maladie sociale et que dès lors la CJCAS n’était pas compétente et qu’il fallait saisir le TAPI. Par la suite, dans ses observations au TAPI du 30 janvier 2024, puis dans son mémoire d’appel, l’assurance avait radicalement changé d’avis. Elle avait cette fois admis que l’on était dans le cadre d’une assurance complémentaire à l’assurance-maladie sociale et que la bonne voie de droit passait par la CJCAS et que le TAPI était incompétent. Elle avait indéniablement adopté un comportement contradictoire.

Étant donné leur déclaration initiale, les représentants de l’assurance avaient fait croire qu’ils admettaient la compétence du TAPI, créant ainsi une situation de confiance légitime. La CJCAS avait demandé au représentant de l’assurance de préciser sa position quant à la compétence. Ce dernier avait contesté la compétence de la CJCAS. À la lumière du procès-verbal, il était erroné de dire que c’était la Cour elle-même qui, lors de l’audience de débats d’instruction, avait interpellé d’office les parties au sujet de la compétence conformément à l’art. 60 CPC.

Les représentants de l’assurance avaient confirmé par écrit qu’il ne s’agissait pas d’un risque accident couvert par une assurance-maladie sociale et que par conséquent la CJCAS n’était pas compétente et que seul le TAPI l’était. L’assurance n’avait pas recouru contre l’arrêt d’irrecevabilité de la CJCAS, confirmant ainsi qu’elle admettait son contenu. Compte tenu du comportement contradictoire de l’assurance, les motifs fondant le présent appel étaient constitutifs d’un abus de droit. Dès lors, l’assurance ne pouvait pas se prévaloir de l’incompétence de la CJCAS.

Si par impossible la CJCAS venait à considérer que l’assurance ne commettait pas un abus de droit, elle devait rejeter l’appel. La loi ne définissait pas la notion de litige relevant des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale. Il convenait donc de se référer à la doctrine et à la jurisprudence. Il s’agissait en principe d’assurances qui présentaient un lien immédiat avec l’assurance-maladie sociale, c’est-à-dire dont la vocation était de compléter les prestations de base prévues dans la LAMal. Il importait peu que le contrat d’assurance complémentaire ait été souscrit auprès du même ou d’un autre assureur que celui avec lequel avait été conclue l’assurance-maladie sociale. Le TPI avait délivré son autorisation de procéder, reconnaissant que sa compétence à raison de la matière ne pouvait être considérée comme manifestement infondée puisqu’elle avait précisément été préconisée par la CJCAS. L’arrêt du Tribunal fédéral 4A_389/2019 du 21 février 2020 cité par l’appelante dans ses déterminations du 30 janvier 2024 portait sur un litige en lien avec un contrat d’assurance complémentaire à l’assurance-maladie sociale. Or, la CJCAS avait précisément reconnu dans son arrêt d’irrecevabilité qu’il s’agissait d’un litige relevant de l’assurance-accident complémentaire à la LAA. Ainsi, l’arrêt du Tribunal fédéral précité ne s’appliquait pas. L’assuré concluait au rejet de l’appel de l’assurance avec suite de frais et dépens.

c. Dans sa réplique du 12 août 2024, l’appelante a persisté dans ses conclusions. Il était admis que l’assuré exerçait une activité d’indépendant et qu’il était assuré auprès de A______ pour la perte de salaire en cas d’accident. Il ne s’agissait pas d’un contrat d’assurance complémentaire à la LAA obligatoire mais d’un contrat d’assurance complémentaire à l’assurance-maladie sociale au sens de l’art. 7 CPC. L’assuré n’alléguait pas être affilié à la LAA à titre facultatif.

d. Par duplique du 2 septembre 2024, l’intimé a également persisté dans ses conclusions.

e. Copie de cette écriture a été transmise à l'appelante pour information.

 

 

 

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 2 LOJ, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît des recours contre les décisions du TAPI relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-accidents obligatoire prévue par LAA, relevant de la LCA.

L'appel vise un jugement du TAPI par lequel ce dernier a admis sa compétence dans le litige opposant l'intimé à l'appelante tendant au versement de la somme de CHF 65'258.85.- à titre d'indemnités journalières à la suite d'un accident.

La compétence de la chambre de céans pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le jugement attaqué par lequel le TAPI a admis sa compétence est une décision incidente au sens de l'art. 237 al. 1 CPC (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_75/2018 du 15 novembre 2018 consid. 3.2.2.2).

Interjeté dans le délai utile de trente jours (art. 311 al. 1 CPC), suivant la forme prescrite par la loi (art. 130 et 311 al. 1 CPC), à l'encontre d'une décision incidente de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), rendue dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à CHF 10'000.- (art. 308 al. 2 CPC), l'appel interjeté contre le jugement du TAPI du 2 avril 2024 est recevable.

2.             L'intimé a porté devant le TAPI le différend l'opposant à l'appelante concernant une assurance d'indemnités journalières en cas d'accident soumise à la LCA. Est litigieuse la compétence du TAPI pour en connaître.

3.             À titre préalable, l'appelante fait valoir une violation de son droit d'être entendue, au motif, d'une part, que le jugement attaqué a été rendu sans que le TAPI ne lui ait communiqué l'écriture de l'intimé du 18 mars 2024, et d'autre part, que l'instance inférieure ne s'est pas prononcée sur sa compétence ratione materiae au sens des art. 59 al. 2 let. b CPC cum 60 CPC.

3.1 Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable, le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, du 18 avril 1999 [Cst. - RS 101]) et 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), comprend en particulier le droit, pour une partie à un procès, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, dans la mesure où elles l'estiment nécessaire, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur la décision à rendre. Il appartient aux parties, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce nouvellement versée au dossier contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part. Toute prise de position ou pièce nouvelle versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se déterminer. Si le tribunal n'a pas communiqué ces actes, mais que ceux-ci se trouvent dans le dossier judiciaire, l'instance de recours ne peut pas guérir la violation du droit d'être entendu par le simple renvoi à la possibilité de consulter le dossier (arrêt du Tribunal fédéral 5A_210/2023 du 28 septembre 2023 consid. 3.4 et les références).

Le droit d'être entendu étant de nature formelle, sa violation conduit en principe à l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Le droit d'être entendu n'est toutefois pas une fin en soi ; il constitue un moyen d'éviter qu'une procédure judiciaire aboutisse à un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure. Ainsi, lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation de ce droit a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée. Il incombe au recourant d'indiquer quels arguments il aurait fait valoir dans la procédure et en quoi ceux-ci auraient été pertinents. À défaut de cette démonstration, en effet, le renvoi de la cause à l'autorité précédente en raison de cette seule violation constituerait une vaine formalité et conduirait seulement à prolonger inutilement la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 5A_210/2023 précité consid. 3.4 et les références).

La jurisprudence a également déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) le devoir pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision. En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (arrêt du Tribunal fédéral 9C_877/2014 du 5 mai 2015 consid. 3.3 et les références).

La violation du droit d'être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen (ATF 145 I 167 consid. 4.4 et les références).

La guérison du vice par l'autorité de recours doit toutefois rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte qui n'est pas particulièrement grave aux droits procéduraux de la partie lésée. Une réparation de la violation du droit d'être entendu peut également se justifier, même en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (arrêt du Tribunal fédéral 5A_210/2023 précité consid. 3.4 et les références).

3.2 En l'espèce, par courrier du 3 juin 2024, le TAPI a reconnu que l'écriture de l'intimé du 18 mars 2024 et son annexe (le procès-verbal d'audience du 12 octobre 2022 de la CJCAS) n'avaient, par inadvertance, pas été communiquées à l'appelante avant le prononcé du jugement attaqué. L'appelante n'a donc pas pu se prononcer sur ces écritures. Le TAPI précisait toutefois que ces documents figuraient au dossier de la cause transmis à la CJCAS. Le courrier précité du TAPI a été adressé à l'appelante le 7 juin 2024.

Dans son écriture du 18 mars 2024, l'intimé invoquait, d'une part, le grief tiré de l'abus de droit et, d'autre part, défendait la thèse selon laquelle le TAPI était compétent pour statuer sur le litige.

Même si le droit d'être entendue de l'appelante n'avait pas été respectée dans la procédure préalable, force est de constater que cette violation était sans incidence sur le sort de la cause, puisque le TAPI, qui connaissait la position de l'appelante au sujet de la compétence (ou incompétence) de cette juridiction, a laissé indécise la question de l'abus de droit dans la mesure où il se déclarait compétent pour trancher le différend. Quoi qu'il en soit, la violation du droit d'être entendue concerne en l'occurrence des questions de droit uniquement. L'appelante, qui a pu prendre connaissance de l'intégralité du dossier dans le cadre de la présente procédure, s'est déterminée à propos de ces questions (tant sur l'incompétence de l'autorité précédente que sur l'abus de droit) par devant la chambre de céans qui jouit d'un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

Par conséquent, le grief de la violation du droit d'être entendue, en tant qu'il porte sur la non-transmission des écritures de l'intimé du 18 mars 2024, doit être écarté, sans préjudice pour l'appelante.

Quant au grief tiré de l'absence de motivation, il est également infondé. En effet, contrairement à ce que semble croire l'appelante, dans son jugement sur compétence du 2 avril 2024, le TAPI a expliqué les motifs pour lesquels il s'estimait compétent à raison de la matière (consid. 12). Il relevait à cet égard que le jugement (recte : arrêt) d'irrecevabilité de la CJCAS, qui revêtait de l'autorité de la chose jugée, ne pouvait plus être contesté. Il constatait que dans [cet arrêt], la CJCAS avait admis que la cause touchait à la question de prestations d'assurance dans le cadre de l'assurance-accident complémentaire, laquelle devait faire au préalable l'objet d'une procédure par devant le TAPI en vertu de l'art. 116 al. 2 LOJ, et, ce faisant, être soumise préalablement à la procédure de conciliation par devant le TPI. Le TAPI soulignait encore que « la question procédurale de la compétente matérielle du tribunal dans la présente procédure [avait] (…) déjà été tranchée par [l'arrêt] d'irrecevabilité de la CJCAS, entré en force et portant spécifiquement sur cette question (…) ».

Force est de conclure que le droit à une décision motivée a été respecté. Autre est la question de savoir si la motivation du TAPI était correcte, qu'il convient d'examiner ci-après.

4.             L'appelante dénonce une violation des art. 59 al. 2 let. b et 60 CPC, motif pris que le TAPI n'était pas compétent ratione materiae pour connaître du litige qui lui était soumis, car le contrat d'assurance en cause n'était pas complémentaire à l'assurance-accidents obligatoire prévue par la LAA.

4.1 Le tribunal n'entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l'action (art. 59 al. 1 CPC), deux d'entre elles étant que le tribunal doit notamment être compétent à raison de la matière et du lieu (art. 59 al. 2 let. b CPC) et que le litige ne fait pas l'objet d'une décision entrée en force (art. 59 al. 2 let. e CPC). Le tribunal examine d'office si les conditions de recevabilité sont remplies (art. 60 CPC).

La compétence matérielle des tribunaux (cf. art. 4 ss CPC) est soustraite à la disposition des parties. Celles-ci ne peuvent pas convenir de soumettre un litige à un autre tribunal étatique que celui désigné par la loi, à moins que celle-ci ne prévoie une possibilité de choix. Une instance cantonale supérieure doit examiner la compétence matérielle de son instance précédente même en l'absence de griefs correspondants (arrêt du Tribunal fédéral 5A_289/2024 du 8 novembre 2024 consid. 3.3.3 et les références).

Selon l'art. 7 CPC, les cantons peuvent instituer un tribunal qui statue en tant qu'instance cantonale unique sur les litiges portant sur les assurances complémentaires à l'assurance-maladie sociale selon la LAMal.

L'initiative parlementaire 13.441 déposée le 21 juin 2013 par Mauro Poggia, qui visait à également soumettre à un tribunal unique les litiges relevant de l'assurance complémentaire à l'assurance-accidents obligatoire, a été classée. Ces litiges ne sont donc pas soumis à l'art. 7 CPC (ATF 150 III 204 consid. 4.1).

Selon la jurisprudence, si le canton a fait usage du choix que lui offre l'art. 7 CPC, il doit soumettre tous les litiges portant sur les assurances complémentaires à l'assurance-maladie sociale à un tribunal unique. Ce dernier appliquera la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA - RS 830.1) à la partie assurance-maladie sociale et la LCA à la partie assurance complémentaire à l'assurance-maladie sociale. C'est le recours en matière civile au Tribunal qui est ouvert contre la partie assurance complémentaire, sans égard à la valeur litigieuse (ATF 150 III 204 consid. 4.1 et les références).

Pour satisfaire au critère de la complémentarité à l'assurance-maladie sociale que l'art. 7 CPC exige, il faut que l'assurance soit complémentaire à la LAMal par les risques couverts et par les prestations qu'elle offre. Autrement dit, il faut, premièrement, que l'assurance complémentaire litigieuse couvre des risques prévus par la LAMal, c'est-à-dire la maladie, l'accident ou la maternité (ces trois risques étant visés par l'art. 1a al. 2 LAMal) et, secondement, que les prestations litigieuses soient destinées à compléter, c'est-à-dire à améliorer, les prestations de base prévues par la LAMal, à l'exclusion des prestations prévues par d'autres lois sociales. N'est en revanche pas déterminante la question de savoir si l'assureur est une caisse-maladie ou une entreprise d'assurance privée. Il en découle que si le risque assuré n'est pas l'un ou plusieurs des trois risques susmentionnés, l'art. 7 CPC n'est pas applicable. Cette disposition n'est pas non plus applicable si les prestations offertes ne complètent pas le catalogue de prestations de la LAMal, par exemple si les prestations sont destinées à améliorer les prestations de la LAA. (ATF 150 III 204 consid. 2.4 et les références).

4.1.1 En matière d'assurances-accidents complémentaires, la LOJ prévoit deux voies de recours distinctes.

Ainsi, selon l'art. 116 al. 2 LOJ, le TAPI connaît en première instance des litiges portant sur les assurances complémentaires à l'assurance-accidents obligatoire prévue par la LAA.

L'art. 134 al. 2 LOJ porte sur la voie de recours et prévoit que la CJCAS connaît des recours contre les décisions du TAPI relatives aux assurances complémentaires à l'assurance-accidents obligatoire prévue par la LAA.

Parallèlement à ces dispositions, l'art. 134 al. 1 let. c LOJ stipule que la CJCAS connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie obligatoire prévue par la LAMal.

Dans un arrêt de principe ATAS/195/2025 du 20 mars 2025 (consid. 1.1.5), la chambre de céans a relevé qu'elle s'était plusieurs fois déclarée incompétente pour connaître de demandes en paiement d'indemnités journalières d'assurés indépendants, à la suite d'accidents dans le cadre de contrats soumis à la LCA couvrant soit seulement le risque de l'accident, soit également celui de la maladie, considérant que de tels litiges, relevant de l'assurance complémentaire à la LAA, devaient être en premier lieu soumis au TAPI (ATAS/18/2023 du 18 janvier 2023 ; ATAS/606/2017 du 3 juillet 2017 ; ATAS/355/2016 du 2 mai 2016).

Dans un autre cas, qui concernait une assurée sans activité lucrative et partant non assurée obligatoirement selon la LAA, la chambre de céans avait retenu qu'en présence d'une assurance-accidents complémentaire régie par la LCA, la voie de droit dépendait de la nature de l'assurance couvrant à titre principal le risque « accident ». S'il s'agissait d'un assureur-accidents soumis à la LAA, l'assurance‑accidents litigieuse serait considérée comme étant complémentaire à l'assurance-accidents obligatoire prévue par la LAA et l'assuré devrait saisir, dans un premier temps, le TAPI. Si le risque « accident » était couvert par une assurance-maladie sociale conformément à l'art. 8 al. 2 LAMal, l'assurance‑accidents litigieuse serait considérée comme étant complémentaire à l'assurance-maladie obligatoire prévue par la LAMal et la chambre de céans serait compétente, en instance unique (ATAS/692/2019 du 8 août 2019 consid. 1a/aa). L'assurée s'étant en l'occurrence assurée au titre de l'assurance-maladie de base avec couverture accident auprès de la défenderesse, son assurance était complémentaire à l'assurance-maladie obligatoire, de sorte que la chambre de céans a reconnu sa compétence (ATAS/692/2019 du 8 août 2019 consid. 1b).

La chambre de céans s'était également déclarée compétente dans d'autres cas pour connaître de demandes en paiement formulées à la suite d'un accident par des assurés, indépendants, au bénéfice d'assurances, collectives ou non, d'indemnités journalières pour la maladie et l'accident (ATAS/800/2017 du 19 septembre 2017 consid. 1 ; ATAS/1134/2014 du 5 novembre 2014 consid. 1 ; ATAS/176/2014 du 11 février 2024 consid. 1). Dans ce dernier arrêt, la chambre de céans avait retenu que, lorsque l'assuré, en tant qu'indépendant, n'était pas soumis à l'assurance‑accident obligatoire et dans la mesure où aucune assurance‑accidents n'assumait la prise en charge, il était assuré contre les accidents en vertu de la LAMal, de sorte que l'assurance perte de gain était bien complémentaire à une assurance sociale (ATAS/176/2014 du 11 février 2024 consid. 1b).

Finalement, dans un arrêt récent, la chambre de céans avait laissé la question indécise de savoir s'il s'agissait d'une assurance complémentaire à l'assurance-accidents ou à l'assurance-maladie, dans le contexte des prestations LCA à la suite d'un accident d'une assurée qui n'était pas assurée obligatoirement à la LAA (ATAS/66/2022 du 1er février 2022 consid. 3.2). Elle avait relevé qu'en faveur de la première solution, il y aurait le cas échéant l'argument suivant : bien que l'assurance-accidents soit aussi réglée dans la LAMal et qu'une grande partie de la population soit, de fait, assurée pour le risque accident par sa caisse-maladie, une telle couverture n'assurait en soi pas le risque de la maladie, mais comblait l'absence de l'assurance-accidents ; une assurance complémentaire à l'assurance-accidents était, par définition, destinée à couvrir un risque qui ne l'était pas par l'assurance-accidents (sic) et non par l'assurance-maladie, de sorte que l'on se trouverait en présence d'un litige en matière d'assurance complémentaire à l'assurance-accidents (ATAS/66/2022 du 1er février 2022 consid. 3.2 se référant à la décision du Tribunal cantonal fribourgeois 608 2013 57 du 23 avril 2013 et à l'arrêt du Tribunal cantonal de Bâle-Campagne 731 15 164 / 64 du 10 mars 2016 consid. 4.2). Dans le sens de deuxième solution, pourraient éventuellement être cités des auteurs de doctrine, en référence à l'art. 1a al. 2 LAMal en vertu duquel l’assurance-maladie sociale allouait des prestations en cas de maladie (art. 3 LPGA), d’accident (art. 4 LPGA), dans la mesure où aucune assurance-accidents n’en assumait la prise en charge, ainsi que de maternité (art. 5 LPGA ; ATAS/66/2022 du 1er février 2022 consid. 3.2 se référant à Melanie KÖPFLI, in Basler Kommentar, Krankenversicherungsgesetz / Krankenversicherungsaufsichtsgesetz, 2020, n. 26 s. ad art. 2 de la loi fédérale sur la surveillance de l'assurance-maladie sociale du 26 septembre 2014 [RS 832.12 - LSAMal] et à Sara LEHNER, Zum Begriff der « Zusatzversicherungen zur sozialen Krankenversicherung » im Sinne der Schweizerischen ZPO, in Basler Juristische Mitteilungen [BJM], 2010, p. 185).

4.1.2 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, toute assurance collective d’indemnités journalières en cas de maladie, soumise à la LCA, doit être considérée comme une assurance complémentaire à l’assurance-maladie sociale (ATF 142 V 448 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_230/2016 du 6 septembre 2016 consid. 1 ; 4A_680/2014 du 29 avril 2015 consid. 2.1 ; 4A_47/2012 du 12 mars 2012 consid. 2 ; 4A_118/2011 du 11 octobre 2011 consid. 1.3 et les références). Cela vaut également pour toutes les autres assurances d'indemnités journalières (arrêts du Tribunal fédéral 4A_680/2014 du 29 avril 2015 consid. 2.1 ; 4A_382/2014 du 3 mars 2015 consid. 2 ; 4A_47/2012 du 12 mars 2012 consid. 2 ; ATAS/195/2025 précité consid. 1.1.4).

4.2 En l'espèce, l'intimé, en sa qualité d'indépendant, ne conteste pas qu'il n'est pas assuré selon la LAA, obligatoirement ou facultativement. Le contrat litigieux ne peut donc pas être qualifié d'assurance complémentaire à l'assurance-accident obligatoire. En revanche, l'assurance litigieuse couvre le risque d'accident, soit l'un des trois risques couverts par la LAMal (art. 1a al. 2 let. b LAMal). Peu importe à cet égard que l'assureur (i.e. l'appelante) soit une entreprise d'assurance privée (ATF 150 III 204 consid. 4.2). Par ailleurs, la prestation de l'assurance litigieuse, qui est une assurance d'indemnités journalières en cas d'accident, soumise à la LCA, doit être considérée comme une assurance complémentaire à l'assurance-maladie sociale, comme toute assurance collective d’indemnités journalières en cas de maladie soumise à la LCA.

En conséquence, l'ATAS/18/2023 était erroné au regard de l'art. 7 CPC, et c'est donc à tort que la chambre de céans a décliné sa compétence au motif que le TAPI n'avait pas encore été saisi.

Il est vrai, comme le relève l'appelante, que cet arrêt, qui n'a pas fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral, revêt de l'autorité de la chose jugée en tant qu'il nie définitivement la compétence de la CJCAS pour trancher le litige en instance cantonale unique comme le prévoit l'art. 134 al. 1 let. c LOJ en relation avec l'art. 7 CPC. À ce titre, il fonde l'exception de chose jugée en présence d'une action qui est ouverte à nouveau devant le même juge, soit la CJCAS (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_535/2014 du 20 mars 2015 consid. 3.2). Autrement dit, si la CJCAS étais saisie à nouveau de la demande de l'intimé, elle devrait tenir compte de l'autorité de son précédent arrêt et déclarer cette demande irrecevable en vertu de l'art. 59 al. 1 let. e CPC.

Dans la mesure où une demande en justice doit être introduite devant le tribunal compétent à raison de la matière et qu'il s'agit d'une condition de recevabilité que le juge saisi doit examiner d'office selon les art. 59 al. 2 let. b et 60 CPC (arrêt du Tribunal fédéral 4A_77/2018 du 7 mai 2018 consid. 6), le TAPI était tenu de déterminer si le contrat d'assurance en cause était un contrat d'assurance complémentaire à l'assurance-accidents obligatoire au sens de l'art. 116 al. 2 LOJ. Dans le cadre de cet examen, le TAPI n'était pas lié par l'autorité de la chose jugée de l'ATAS/18/2023 en ce qui concerne la question de compétence tranchée, cette autorité interdisant seulement de porter la même demande entre les mêmes parties devant la CJCAS.

C'est partant à tort que le TAPI a considéré que la question procédurale de sa compétence matérielle avait déjà été tranchée par l'ATAS/18/2023, entré en force.

4.3  

4.3.1 Cela étant, le principe de la bonne foi peut s'opposer, lorsque le juge ne vérifie pas sa compétence, à voir la demande déclarée ultérieurement irrecevable pour ce motif, alors même que le for serait impératif ou partiellement impératif (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4P.111/2002 du 8 octobre 2002 consid. 2.4 ; François BOHNET, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 35 ad art. 52 CPC).

Le principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 [CC - RS 210]) et l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC) sont des principes fondamentaux de l'ordre juridique suisse (art. 5 al. 3 Cst.). Ils s'appliquent aussi en procédure civile. Le principe de la bonne foi est désormais codifié pour la procédure civile à l'art. 52 CPC, de sorte que sa violation constitue depuis lors une violation du droit fédéral. Constitue notamment un abus de droit l'attitude contradictoire d'une partie. Lorsqu'une partie adopte une certaine position, elle ne peut pas ensuite soutenir la position contraire, car cela revient à tromper l'attente fondée qu'elle a créée chez sa partie adverse ; si elle le fait, c'est un venire contra factum proprium, qui constitue un abus de droit (arrêt du Tribunal fédéral 4A_590/2016 du 26 janvier 2017 consid. 2.1).

4.3.2 En l'occurrence, l'intimé a d'abord déposé le 21 décembre 2021 devant la CJCAS une demande en paiement à l'encontre de l'appelante. Quand bien même cette dernière a également introduit une demande reconventionnelle devant cette même juridiction, lors de l'audience du 12 octobre 2022 devant la CJCAS, elle a déclaré produire une pièce attestant à quel titre elle intervenait en lien avec la compétence de la CJCAS (« assurance complémentaire à l'assurance-maladie sociale prévue par la LAMal » ; procès-verbal des débats du 12 octobre 2022 p. 2). Dans son écriture du 16 novembre 2022, l'appelante, assistée d'un avocat, a toutefois nié la compétence de la CJCAS, en argumentant que l'intimé, qui fondait sa prétention sur un contrat d'assurance-accidents soumis à la LCA, aurait dû saisir en premier lieu le TAPI selon l'art. 116 al. 2 LOJ. Aussi l'intimé a-t-il déposé sa demande en paiement à l'encontre de l'appelante devant le TAPI d'après les déclarations de cette dernière lors de la première procédure devant la CJCAS. Dans ces circonstances, l'intimé ne pouvait pas s'attendre à ce que l'appelante conteste la compétence du TAPI devant cette juridiction. En tout cas, l'appelante, toujours représentée par son avocat, ne pouvait attendre l'échéance du recours au Tribunal fédéral contre l'ATAS/18/2023 pour soutenir la position contraire devant le TAPI, selon laquelle le litige ressortait de la compétence de la CJCAS. Autrement dit, l'intimé est privé de la possibilité de soumettre son différend au juge, ce qui viole la garantie de l'accès au juge selon l'art. 29a Cst. Il suit de là que l'appelante a adopté une attitude procédurale contradictoire, constitutive d'un abus de droit.

Partant, c'est à juste titre que le TAPI n'a pas donné suite aux conclusions de l'appelante tendant à faire reconnaître l'irrecevabilité de la demande.

5.             Au vu de ce qui précède, l'appel sera rejeté et le jugement attaqué confirmé.

Pour le surplus, il n'est pas alloué de dépens à la charge de l'intimé, ni perçu de frais judiciaires (art. 22 al. 3 let. a de la loi d'application du code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 ; LaCC - E 1 05).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare recevable l'appel contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 avril 2024.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties, à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance par le greffe le