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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3248/2024

ATAS/390/2025 du 28.05.2025 ( LAA )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3248/2024 ATAS/390/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 28 mai 2025

Chambre 4

 

En la cause

A______

représenté par Maître Pierre-Bernard PETITAT, avocat

 

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’asssuré ou le recourant), né le ______ 1977, a été engagé le 1er décembre 2022 en qualité de chef d’équipe à plein temps par B______ (ci-après : B______), entreprise active dans le domaine du bâtiment, du nettoyage et du transport de marchandises.

b. En cette qualité, il était assuré contre les accidents professionnels et non professionnels auprès de la CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS (ci-après : SUVA).

B. a. Le 10 février 2023, la SUVA a reçu :

-          une déclaration de sinistre du même jour, par laquelle B______ a annoncé que l’assuré avait subi un accident le 30 janvier 2023. Sur un chantier ouvert à Bernex, il était tombé dans une cage d’escalier, ce qui lui avait causé une contusion à l’épaule, à l’articulation de la hanche et à la jambe gauches. Les premiers soins lui avaient été prodigués par le docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne générale,

-          un certificat délivré le 3 février 2023 par le Dr C______, attestant que la capacité de travail de l’assuré était nulle dès le 30 janvier 2023 et qu’elle serait à nouveau entière dès le 28 février 2023.

b. Joint par téléphone le 17 mai 2023, l’assuré a déclaré à la SUVA que son incapacité de travail, qui était toujours d’actualité, était motivée par de fortes douleurs au dos et à l’épaule gauche.

c. Par courrier du 12 juin 2023, la SUVA a enjoint à l’assuré de s’inscrire auprès de l’office AI du canton de Genève, de manière à pouvoir bénéficier d’éventuelles mesures de soutien prévues par l’assurance-invalidité (adaptations de la place de travail, cours de formation, orientation professionnelle, etc.) et « à ne pas avoir à subir de réductions ».

d. Pour faire suite à un courrier du 8 août 2023, l’Institut d’imagerie médicale SA a transmis à la SUVA un rapport relatif à une IRM de la colonne lombo-sacrée, effectuée le 18 avril 2023 à la demande du Dr C______ en raison d’une sciatalgie gauche. Ce rapport concluait à la présence d’une discopathie L4-L5 avec dessication discale et protrusion discale médiane avec empreinte sur le fourreau dural, sans compression radiculaire. On notait également des signes de surcharge facettaire L3-L4 droite et L4-L5 gauche.

e. Dans un rapport du 4 septembre 2023, le Dr C______ a mentionné que selon les déclarations de l’assuré, celui-ci avait chuté dans un escalier et était tombé sur le dos ainsi que l’épaule gauche. Le diagnostic retenu était celui d’une « contusion entorse » lombaire et de l’épaule gauche. Objectivement, la situation était caractérisée par une douleur acromio-claviculaire gauche. S’y ajoutait une douleur au deltoïde gauche et en L3-L4-L5 avec sciatique droite. Le traitement médical avait pris fin le 23 août 2023 et l’incapacité de travail était entière depuis le 30 janvier 2023. Il persistait une douleur lombaire avec sciatalgie droite.

f. Par avis du 25 septembre 2023, le docteur D______, médecin-conseil de la SUVA et spécialiste en chirurgie orthopédique, a estimé que si l’état de santé de l’assuré était déjà altéré à la colonne lombaire (discopathie significative en L4-L5) avant l’événement du 30 janvier 2023, il ne pouvait pas dire si tel était également le cas pour l’épaule. Interrogé sur l’atteinte à la santé qui, au degré de la vraisemblance prépondérante, avait été causée par l’accident, le Dr D______ a répondu « aucune rapportée en dehors d’une contusion [à l’épaule gauche] ». Concernant la colonne lombaire, l’accident du 30 janvier 2023 n’avait causé aucune atteinte. Cet événement avait cessé de déployer ses effets le 30 mars 2023 pour l’épaule et le 30 juillet 2023 pour la colonne lombaire, au degré de la vraisemblance prépondérante.

g. Contacté par téléphone le 27 septembre 2023, l’assuré a informé la SUVA qu’il reprendrait le travail à 50%. Sur quoi, cette dernière lui a annoncé qu’elle mettrait fin aux prestations au 28 septembre 2023 au soir et qu’ALSSO devrait annoncer la poursuite de l’incapacité de travail à son assureur maladie perte de gain.

h. Par décision du 27 septembre 2023, la SUVA a clos le cas au 28 septembre 2023 au soir et mis fin aux prestations d’assurance (indemnité journalière et frais de traitement) à cette date. Il ressortait en effet de l’appréciation médicale du 25 septembre 2023 que les troubles persistant actuellement n’avaient plus aucun lien avec l’accident du 30 janvier 2023. L’état de santé tel qu’il aurait été sans cet événement pouvait être considéré comme atteint depuis le 30 juillet 2023 au plus tard. Non contestée, cette décision est entrée en force.

C. a. Le 15 décembre 2023, l’assuré a été engagé en qualité de chauffeur-livreur par E______ (ci-après : E______), société active dans le domaine du bâtiment, du nettoyage et du transport de marchandises. À ce titre, il était à nouveau assuré auprès de la SUVA pour les accidents professionnels et non professionnels.

b. Le 15 janvier 2024, la SUVA a reçu :

-          une déclaration de sinistre du même jour, par laquelle E______ a annoncé que l’assuré avait subi un accident le 27 décembre 2023. Sa jambe droite avait glissé alors qu’il descendait d’une camionnette, ce qui lui avait causé une contusion à la cheville et au genou droits. Les premiers soins lui avaient été prodigués par le Dr C______ ;

-          un certificat délivré le 27 décembre 2023 par ce même médecin, attestant que la capacité de travail de l’assuré était nulle depuis l’accident et qu’elle serait à nouveau entière dès le 1er février 2024.

c. Par pli du 16 février 2024, E______ a résilié le contrat de travail de l’assuré pour le 29 février 2024.

d. Dans un rapport du 4 mars 2024 à la SUVA, le Dr C______ a indiqué que selon les déclarations de l’assuré, celui-ci avait chuté et subi une torsion de la cheville droite en descendant d’une fourgonnette. Le diagnostic retenu était celui d’une « contusion entorse » lombaire et de la cheville droite. Objectivement, la situation était caractérisée par une douleur à la cheville droite en L4-L5. L’incapacité de travail, qui était entière depuis le 27 décembre 2023, le serait jusqu’au 1er avril 2024. Le traitement médical, à base de myorelaxants, serait probablement terminé d’ici deux à trois semaines.

e. Dans un rapport du 5 mars 2024, relatif à une IRM de la colonne lombo-sacrée, indiquée par une douleur en L1-L3, le docteur F______, spécialiste FMH en radiologie, a indiqué qu’il notait une diminution de la protrusion discale L4-L5 postéro-médiane par rapport à la précédente IRM, du 18 avril 2023. Pour le surplus, l’aspect était stable, sans nouvelle hernie discale ni tassement.

f. Le 26 mars 2024, le docteur G______, spécialiste FMH en radiologie, a effectué une IRM de l’épaule gauche indiquée par des scapulalgies. Dans un rapport établi le même jour, il a conclu à une arthropathie acromio-claviculaire en phase inflammatoire. S’y ajoutaient une bursite sous-acromio-deltoïdienne, une rupture de la face bursale du sus-épineux, sans lésion transfixiante, et une fissure du labrum dans sa partie antéro-moyenne avec ébauche de kyste labral mesurant 4mm.

g. Dans un rapport également daté du 26 mars 2024, en lien avec une échographie abdominale effectuée le même jour (indiquée par des douleurs au flanc gauche que l’assuré avait ressenties après une chute remontant à plus de deux mois), la docteure H______, spécialiste FMH en radiologie, a mentionné qu’elle n’avait décelé aucune anomalie dans le flanc gauche et que le reste de l’examen était également dans les limites de la norme.

h. Dans un rapport du 13 mai 2024 à la SUVA, le Dr C______ a posé le diagnostic de « contusion entorse cheville D ; [illisible] épaule G ». L’évolution était favorable mais il subsistait une douleur à l’épaule gauche. Selon l’IRM du 26 mars 2024, on notait une déchirure du labrum et une fissure du sus-épineux gauche. Le pronostic était moyen.

i. Le 16 mai 2024, l’assuré a complété une demande de prestations AI. Il y a indiqué qu’il présentait une déchirure musculaire et une fissure au niveau de l’épaule depuis le 27 décembre 2023, qu’il attribuait à un accident survenu le même jour. Il était tombé en descendant de la camionnette avec un colis.

j. Le 7 juin 2024, l’assuré a complété un questionnaire de la SUVA. Invité à donner une description détaillée de l’événement, il a mentionné avoir effectué une chute en prenant un colis dans la camionnette. Les douleurs étaient apparues juste après la chute. Invité à dire s’il avait « eu des plaintes déjà antérieures dans la partie du corps en question », il a répondu par la négative.

k. Dans un rapport du 14 juin 2024, le docteur I______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a diagnostiqué une rupture partielle du sus-épineux et une arthrose acromio-claviculaire. L’évolution était lente mais favorable. Le traitement actuel consistait en des séances de physiothérapie.

l. Par courrier du 19 juin 2024 à l’assuré, avec copie aux Drs I______ et C______, la SUVA a indiqué qu’elle allouait des prestations pour les suites de l’événement du 27 décembre 2023 pour lequel des troubles à la cheville avaient été annoncés. Elle constatait toutefois un suivi médical pour des troubles à l’épaule gauche. Aussi a-t-elle rappelé que toute intervention pour ces troubles n’était pas de son ressort mais de la compétence de l’assurance-maladie, conformément à la décision du 27 septembre 2023 (n° de sinistre 23.64067.23.5).

m. Par avis du 20 juin 2024, le Dr D______ a répondu à une série de questions de la SUVA. Invité tout d’abord à dire si la santé de l’assuré au niveau des régions corporelles affectées par l’accident du 27 décembre 2023 était, au degré de la vraisemblance prépondérante, déjà altérée avant cet événement de manière asymptomatique ou manifeste, ce médecin a indiqué que l’état de la colonne lombaire, en particulier sa dégradation dégénérative du disque L4-L5, était déjà parvenu à la connaissance de la SUVA dans les suites de l’événement du 30 janvier 2023 (n° de sinistre 23.64067.23.5). Dans ce contexte, une appréciation sur le statu quo avait été effectuée. En se fondant à présent sur la description laconique de l’événement du 27 décembre 2023 et l’examen IRM du 26 mars 2024, révélant une atteinte capsulaire profonde, il était peu concevable que celle-ci ait été provoquée par un événement traumatique. Il s’agissait d’une atteinte « essentiellement capsulaire, le faisceau profond du sus-épineux étant de cette nature ». L’atteinte n’était d’ailleurs pas transfixiante, de même que l’atteinte du labrum. « Dans l’hypothèse d’une atteinte de coiffe surtout sur une atteinte acromio-claviculaire préexistante et responsable des atteintes décrites, en causalité naturelle en vraisemblance prépondérante on s’attend[ait] plutôt soit à une lésion de l’enthèse, soit à une franche rupture avec son cortège d’incapacité[s] immédiate[s] » (sic). En ce qui concernait la cheville, il n’y avait pas d’antécédent connu mais aucune description clinique ou radiologique.

Dans l’hypothèse où l’état de santé de l’assuré était déjà altéré avant l’événement du 27 décembre 2023, la SUVA a invité son médecin-conseil à dire si l’accident avait, au degré de la vraisemblance prépondérante, causé d’autres lésions structurelles pouvant être objectivées. Sur quoi, le Dr D______ a répondu : « aucune, toutes les précisions ont été données [à] la réponse 1 ».

Dans l’hypothèse où l’accident du 27 décembre 2023 n’avait pas, au degré de la vraisemblance prépondérante, causé d’autres lésions structurelles pouvant être objectivées, la SUVA a invité le Dr D______ à dire à partir de quel moment les suites de l’accident ne jouaient plus aucun rôle au degré de la vraisemblance prépondérante. Sur quoi, ce médecin a estimé qu’en englobant les trois atteintes alléguées à la cheville (séquelles de deux mois), à l’épaule (séquelles de deux mois) et surtout au rachis, l’événement avait « cessé ses effets en causalité naturelle en vraisemblance prépondérante ce 20 juin 2024 ».

n. Dans une note du 27 juin 2024, rédigée à la suite d’une tentative infructueuse de joindre l’assuré ou sa messagerie vocale par téléphone, la SUVA a indiqué que son appel était destiné à l’informer des conclusions de son service médical et d’attirer son attention sur le fait que ce service avait également statué sur les troubles à l’épaule « comme souhaité ». Une décision mettant fin aux prestations au 30 juin 2024 serait prise dès lors que l’accident n’avait pas causé de lésion mais uniquement aggravé temporairement les troubles pendant quelques mois.

o. Dans une deuxième note du 27 juin 2024, rédigée à la suite d’un passage de l’assuré au guichet de la SUVA, une collaboratrice a indiqué avoir informé l’assuré que le courrier du 19 juin 2024 concernait uniquement l’épaule gauche et non d’autres parties du corps. Elle avait également attiré l’attention de l’assuré sur le fait que la déclaration de sinistre mentionnait une atteinte à la cheville et au genou droits. Par ailleurs, le rapport initial du Dr C______ ne mentionnait pas l’épaule gauche. Sur quoi, l’assuré avait précisé que dans les suites de l’accident du 27 décembre 2023, tout son corps avait été lésé. Il portait un colis entre ses mains qu’il avait retenu pour ne pas le casser en chutant. En revanche, l’assuré n’avait pas été en mesure de dire à la collaboratrice de la SUVA pourquoi il avait des douleurs à l’épaule gauche. Il en avait discuté avec son médecin et celui-ci écrirait à la SUVA. Sur quoi, la collaboratrice de la SUVA avait informé l’assuré que pour les troubles à l’épaule gauche, la SUVA avait deux possibilités : attendre le rapport du médecin ou rendre une décision formelle que l’assuré pourrait contester. En réaction à cette annonce, l’assuré avait émis le souhait que la SUVA attende le rapport de son médecin. Il avait également ajouté que son incapacité de travail serait prolongée jusqu’au 1er août 2024. Le certificat correspondant suivrait.

p. Par décision du 1er juillet 2024, la SUVA a exposé préalablement qu’elle annulait son courrier du 19 juin 2024 et, cela fait, mettait fin à la prise en charge de l’accident du 27 décembre 2023 avec effet au 1er juillet 2024 au soir, cette date marquant la fin des prestations d’assurance allouées (indemnité journalière et frais de traitement). Elle a également retiré l’effet suspensif attribué à une éventuelle opposition. Selon l’appréciation du 20 juin 2024, les troubles qui persistaient actuellement à la cheville droite, à l’épaule gauche et au rachis n’avaient plus aucun lien avec l’accident. En effet, l’état de santé de l’assuré, tel qu’il aurait été sans l’accident du 27 décembre 2023, pouvait être considéré comme atteint à fin juin 2024 au plus tard.

q. Le 10 juillet 2024, Maître Pierre-Bernard PETITAT s’est constitué pour la défense des intérêts de l’assuré et a invité la SUVA à lui transmettre une copie du dossier de son client, ce dernier entendant former opposition à la décision du 1er juillet 2024.

r. Le 10 juillet 2024, GROUPE MUTUEL, assureur-maladie de l’assuré (ci-après : GROUPE MUTUEL AM) a formé opposition provisoire à cette même décision. Sa prise de position définitive serait communiquée à la SUVA dans un délai de 30 jours dès que celle-ci lui aurait transmis le dossier relatif à l’événement du 27 décembre 2023.

s. Les 12 et 15 juillet 2024, la SUVA a imparti un délai au 16 septembre 2024 à GROUPE MUTUEL AM, respectivement à l’assuré pour motiver leur opposition.

t. Par pli du 15 juillet 2024, GROUPE MUTUEL AM a fait savoir à la SUVA qu’il estimait, sur la base des informations transmises, que les frais médicaux inhérents à l’état de santé de l’assuré étaient à sa charge dès le 2 juillet 2024. Partant, il retirait son opposition provisoire du 10 juillet 2024.

u. Le 19 août 2024, l’assuré a confirmé et motivé son opposition à la décision du 1er juillet 2024, conclu à l’annulation de celle-ci et sollicité la restitution de l’effet suspensif. À l’appui de sa position, il a fait valoir en substance que l’avis médical du 20 juin 2024 du Dr D______ était « incompréhensible » et qu’il allait à l’encontre des rapports rendus les 4 mars et « 15 mai » (recte : 13 mai) 2024 par le Dr C______. Pour étayer son argumentation, il a également versé au dossier un rapport du 5 juillet 2024 (pièce 14 recourant), par lequel ce dernier médecin indiquait qu’après avoir fait une chute le 27 décembre 2023, l’assuré avait présenté des douleurs lombaires, une entorse de la cheville et des douleurs à l’épaule gauche qui semblaient peu importantes au début. Il persistait actuellement une douleur à cette épaule et l’IRM avait montré une déchirure du labrum ainsi qu’une fissure du tendon du sus-épineux. L’assuré était suivi par le Dr I______ pour ces atteintes.

Se fondant sur les rapports précités, l’assuré a soutenu qu’au vu du lien de causalité entre l’accident et les lésions, c’était à tort que la SUVA avait mis fin à ses prestations.

v. Par décision du 3 septembre 2024, la SUVA a rejeté l’opposition en soulignant qu’il ne fallait pas perdre de vue que les IRM de la colonne lombaire, des 18 avril 2023 et 5 mars 2024, avaient mis en exergue des atteintes d’étiologie dégénérative et non traumatique. Quant à l’IRM de l’épaule gauche du 26 mars 2024, elle avait également révélé des atteintes qui ne pouvaient pas être rapportées à la chute du 27 décembre 2023. Enfin, l’échographie abdominale du 26 mars 2024 n’avait pas décelé d’anomalie. Partant, il fallait se fonder sur l’avis du Dr D______. Le fait que les douleurs ne s’étaient pas estompées et que l’assuré éprouvait, en particulier, encore des douleurs à l’épaule gauche n’avait pas d’influence sur l’issue du litige. En effet, la preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne devait pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l’accident. Il était encore moins question d’exiger de l’assureur-accidents la preuve négative qu’il ne subsistait plus aucune atteinte à la santé ou que la personne assurée était dorénavant en parfaite santé. Était seul décisif le point de savoir si les causes accidentelles d’une atteinte à la santé ne jouaient plus de rôle et devaient ainsi être considérées comme ayant disparu. En conséquence, la décision du 1er juillet 2024 devait être confirmée. Pour la suite du traitement, l’assuré était prié de s’adresser à sa caisse-maladie, laquelle avait, en tout état de cause, reconnu dans son courrier du 15 juillet 2024 qu’il lui incombait de prendre en charge les frais médicaux de l’assuré à partir du 2 juillet 2024.

D. a. Le 3 septembre 2024, l’assuré a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours contre cette décision, concluant à son annulation, à ce que la chambre de céans condamne l’intimée à poursuivre la prise en charge des suites de l’accident du 27 décembre 2023 au-delà du 1er juillet 2024 et, subsidiairement, à ce qu’elle ordonne toute mesure probatoire, en particulier la mise en œuvre d’une expertise judiciaire, le tout en condamnant l’intimée à tous les frais et dépens. Le recourant a également demandé, préalablement, qu’on lui accorde un délai pour produire une écriture et des pièces complémentaires.

À l’appui de ses conclusions au fond, il a produit notamment :

-          un courrier du 21 mai 2024 du Dr I______ au Dr C______, relatant une consultation donnée le 17 mai 2024 à l’assuré pour son épaule gauche. Suite à une chute avec un colis dans les bras, survenue alors qu’il descendait de son camion de livraison, l’assuré présentait une lésion de l’épaule gauche avec des douleurs ainsi que des limitations fonctionnelles persistantes. À l’examen clinique, on notait une petite limitation de l’élévation à 165°, une vive douleur à la palpation de l’acromio-claviculaire et également du sus-épineux en abduction/rotation. L’IRM du 26 mars 2024 montrait clairement une rupture de la face bursale du sus-épineux sans lésion transfixiante, une lésion minime du labrum et une arthropathie très inflammatoire. Dans ces conditions, il n’y avait absolument aucune indication opératoire pour l’instant et il fallait insister sur la phase « de repos de stretching ». Si les douleurs persistaient, la seule lésion qui pourrait éventuellement nécessiter un geste chirurgical serait l’arthrose acromio-claviculaire. Pour cette affection qui était étrangère à l’accident, l’intervention consisterait à effectuer une résection acromio-claviculaire ;

-          un rapport du 24 septembre 2024 du Dr G______, relatant une arthro-IRM et une arthrographie de l’épaule gauche effectuées le même jour en vue d’effectuer un bilan tendineux et cartilagineux. Comparativement à l’examen réalisé le 26 mars 2024, on notait une arthropathie acromio-claviculaire modérément inflammatoire, une intégrité des tendons de la coiffe, une absence de chondrolyse gléno-humérale et une fissure du labrum antéro-moyen.

Se fondant sur la dernière pièce citée, le recourant a soutenu que les conclusions du Dr G______ montraient encore des lésions indiscutablement consécutives à l’accident du 27 décembre 2023.

b. Dans le délai que la chambre de céans lui avait imparti pour compléter son écriture, le recourant a produit, le 25 octobre 2024 :

-          un rapport du 25 octobre 2024 du Dr I______, indiquant que l’assuré avait chuté le 27 décembre 2023 de son camion de livraison en portant un objet lourd dans ses bras et que ce faisant, il s’était blessé à l’épaule gauche. L’arthro-IRM effectuée le 24 septembre 2024 mettait en évidence une fissuration du labrum pouvant provenir de cet accident ;

-          un courrier du 14 octobre 2024 de GROUPE MUTUEL, assureur perte de gain maladie de E______ (ci-après : GROUPE MUTUEL APG), par lequel cet assureur informait en substance le conseil de l’assuré que son mandant ne pouvait prétendre à des indemnités journalières perte de gain maladie dès lors qu’il était sorti du cercle des assurés à la fin de son contrat de travail, soit le « 28 février 2024 » (recte : 29 février 2024) et qu’il n’avait pas demandé, dans le délai de 90 jours imparti à cet effet, courant depuis la fin de son contrat de travail, à pouvoir prolonger sa couverture d’assurance à titre individuel.

c. Par réponse du 26 novembre 2024, l’intimée a conclu au rejet du recours.

Elle tenait à rappeler que le recourant avait déjà subi, le 30 janvier 2023, un accident ayant entraîné notamment une contusion de l’épaule gauche (cf. rapport du 4 septembre 2023 du Dr C______). Conformément à la décision 27 septembre 2023, qui était entrée en force sans avoir été contestée, les troubles persistant au-delà du 28 septembre 2023 ne présentaient plus aucun lien avec l’accident du 30 janvier 2023.

Quant à la nouvelle chute, survenue le 27 décembre 2023, elle avait derechef généré une contusion de l’épaule gauche (cf. rapport intermédiaire du 13 mai 2024 du Dr C______). Le Dr D______ avait relevé en substance, dans son appréciation du 20 juin 2024, que la description du mécanisme accidentel et l’analyse de l’épaule gauche du 26 mars 2024 ne permettaient pas de retenir que l’accident avait causé les lésions mises en évidence à l’imagerie, une atteinte du labrum étant en particulier peu concevable dans le contexte de la chute subie. De surcroît, l’arthro-IRM et l’arthrographie de l’épaule gauche du 24 septembre 2024 ne relevaient pas d’anomalie de signal au niveau des tendons et sus-épineux et sous-épineux, mais décelé tout au plus une fissure labrale. Or, le Dr I______, dans son rapport du 25 octobre 2024, avait estimé que cette fissuration du labrum « [pouvait] provenir de cet accident [du 27 décembre 2023] », ce qui signifiait en d’autres termes que le lien de causalité entre cette fissuration et l’accident du 27 décembre 2023 était seulement possible. Au vu de ces éléments, l’acte de recours ne faisait état d’aucun élément médical et juridique permettant de remettre en cause la décision litigieuse.

d. Le 16 décembre 2024, le recourant a répliqué en rappelant qu’il contestait la valeur probante de l’appréciation du 20 juin 2024 du Dr D______ sur la base de laquelle la décision du 1er juillet 2024 avait mis fin – le même jour au soir –, à toutes les prestations, sans qu’aucun délai n’ait été accordé. Il s’était ainsi retrouvé du jour au lendemain sans ressources et tributaire de prestations d’assistance (allouées par l’Hospice général avec effet au 1er août 2024), GROUPE MUTUEL APG ayant refusé de prester, motif pris que son appartenance au cercle des personnes assurées collectivement avait pris fin avec la résiliation de son contrat de travail pour le 29 février 2024. Or, de l’avis des médecins traitants, la persistance du lien de causalité entre l’accident du 27 décembre 2023 « et les lésions encore subies », ou au moins certaines d’entre elles, apparaissait vraisemblable ou au moins possible.

Le recourant a joint à son écriture une attestation d’aide financière et divers décomptes de l’Hospice général, ainsi que l’extrait de son compte bancaire du mois de septembre 2024.

e. Le 8 janvier 2025, l’intimée a renoncé à déposer formellement une duplique. Dans la mesure où l’écriture et le chargé de pièces complémentaire du 16 décembre 2024 n’apportaient aucun élément nouveau quant au fond du litige, il convenait de se référer à la motivation de la décision litigieuse et à la réponse au recours.

f. Le 13 janvier 2025, la chambre de céans a transmis, pour information, une copie de cette écriture au recourant.

g. Les autres faits seront mentionnés, si nécessaire, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

h. Par courrier du 24 mars 2025, la chambre de céans a informé les parties de son intention de mettre en œuvre une expertise orthopédique et leur a communiqué le nom de l’expert pressenti, ainsi que les questions qu’elle avait l’intention de lui poser, en leur impartissant un délai pour faire valoir une éventuelle cause de récusation et se déterminer sur les questions posées.

i. Le 28 mars 2025, le recourant a indiqué qu’il n’avait pas de motif de récusation à faire valoir à l’encontre de l’expert ni de question complémentaire à poser.

j. Par courrier du 26 mai 2025, fondé sur une appréciation établie le 12 mai 2025 par le Dr D______, l’intimée a émis des réserves sur le choix de l’expert et proposé des alternatives. Elle a en outre proposé cinq questions complémentaires à la mission d’expertise.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA – RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-accidents, à moins que la loi n’y déroge expressément.

1.3 La procédure devant la Cour de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10).

Interjeté dans la forme et le délai prévu par la loi, le recours est recevable.

2.             Dans la mesure où l’accident est survenu le 27 décembre 2023, le droit du recourant aux prestations d’assurance est soumis aux dispositions en vigueur depuis le 1er janvier 2017 (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2).

3.             Le litige porte sur le droit du recourant aux prestations d’assurance (traitement médical et indemnité journalière) au-delà du 1er juillet 2024, singulièrement sur le point de savoir s’il existe un lien de causalité entre l’accident du 27 décembre 2023 et les symptômes ayant persisté au-delà du 1er juillet 2024.

4.              

4.1 Aux termes de l’art. 6 al. 1 LAA, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident, professionnel ou non, et de maladie professionnelle.

Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).

4.2 Dans un ATF 146 V 51, le Tribunal fédéral a examiné les répercussions de la modification législative relative aux lésions corporelles assimilées à un accident. Il s’est notamment penché sur la question de savoir quelle disposition était désormais applicable lorsque l’assureur-accidents a admis l’existence d’un accident au sens de l’art. 4 LPGA et que l’assuré souffre d’une lésion corporelle au sens de l’art. 6 al. 2 LAA. Le Tribunal fédéral a admis que, dans cette hypothèse, l’assureur-accidents doit prendre en charge les suites de la lésion en cause sur la base de l’art. 6 al. 1 LAA; en revanche, en l’absence d’un accident au sens juridique, le cas doit être examiné sous l’angle de l’art. 6 al. 2 LAA (ATF 146 V 51 consid. 9.1; résumé dans la RSAS 1/2020 p. 33ss.; arrêt du Tribunal fédéral 8C_520/2020 du 3 mai 2021 consid. 5.1).

4.3 En l’espèce, il n’est pas contesté par les parties que l’événement du 27 décembre 2023 est constitutif d’un accident au sens de l’art. 4 LPGA. Partant, il n’est pas nécessaire de déterminer si certaines lésions constatées par les médecins figurent dans la liste de l’art. 6 al. 2 LAA, puisque même dans l’affirmative, la cause devrait être examinée exclusivement sous l’angle de l’art. 6 al. 1 LAA. Cela implique que si une lésion au sens de l’art. 6 al. 2 LAA est due à un accident assuré, l’assureur doit la prendre en charge jusqu’à ce que cet accident n’en constitue plus la cause naturelle et adéquate et que l’atteinte à la santé qui subsiste est due uniquement à des causes étrangères à l’accident considéré (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et 9.1 ; ci-après : consid. 5.2 et 5.3).

5.             Il convient ainsi d’examiner, au regard des principes exposés à l’ATF 146 V 51 précité, la question du lien de causalité entre les lésions constatées et l’accident du 13 octobre 2022, étant précisé qu’en relation avec les art. 10 (droit au traitement médical) et 16 (droit à l’indemnité journalière) LAA, l’art. 6 al. 1 LAA implique, pour l’ouverture du droit aux prestations, l’existence d’un rapport de causalité naturelle et adéquate entre l’accident, d’une part, le traitement médical et l’incapacité de travail de la personne assurée, d’autre part (arrêt du Tribunal fédéral 8C_726/2008 du 14 mai 2009 consid. 2.1).

5.1 Le droit à des prestations découlant d’un accident assuré suppose d’abord, entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière. Il n’est pas nécessaire que l’accident soit la cause unique ou immédiate de l’atteinte à la santé : il suffit qu’associé éventuellement à d’autres facteurs, il ait provoqué l’atteinte à la santé, c’est-à-dire qu’il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

5.2 Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l’accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l’accident. Tel est le cas lorsque l’état de santé de l’intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l’accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l’accident par suite d’un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n° U 206 p. 328 consid. 3b ; RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 ; RAMA 2000 n° U 363 p. 46).

5.3 En vertu de l’art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l’atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident. Si un accident n’a fait que déclencher un processus qui serait de toute façon survenu sans cet événement, le lien de causalité naturelle entre les symptômes présentés par l’assuré et l’accident doit être nié lorsque l’état maladif antérieur est revenu au stade où il se trouvait avant l’accident (statu quo ante) ou s’il est parvenu au stade d’évolution qu’il aurait atteint sans l’accident (statu quo sine) (RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.2). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n’est pas rétabli, l’assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l’état maladif préexistant, dans la mesure où il a été causé ou aggravé par l’accident (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1003/2010 du 22 novembre 2011 consid. 1.2 et 8C_552/2007 du 19 février 2008 consid. 2).

À noter que le statu quo ante est également atteint lorsqu’après un deuxième accident, l’état de santé correspond à nouveau à celui qui existait au moment de la fin du droit aux prestations provisoires (traitement médical et indemnités journalières) allouées suite à un premier accident (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_781/2017 du 21 septembre 2018 consid. 5.2.1; Doris WOLLENWEIDER/ Andreas BRUNNER, in Frésard-Fellay, Leuzinger, Pärli [éditeurs], Basler Kommentar, Unfallversicherungsgesetz, 2019, n. 10 ad art. 36 LAA). L’art. 36 al. 1 LAA est en effet aussi applicable lorsque l’atteinte à la santé préexistante résulte d’un premier accident (ATF 113 V 132 consid. 5b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_816/2019 du 21 mai 2010 consid. 4.1).

5.4 Le droit à des prestations de l’assurance-accidents suppose en outre l’existence d’un lien de causalité adéquate entre l’accident et l’atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2 ; 125 V 456 consid. 5a et les références). En présence d’une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose toutefois guère, car l’assureur-accidents répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l’expérience médicale (ATF 118 V 286 consid. 3a et 117 V 359 consid. 5d/bb; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 351/04 du 14 février 2006 consid. 3.2).

6.              

6.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l’accident, l’incapacité de travail, l’invalidité, l’atteinte à l’intégrité physique ou mentale) supposent l’instruction de faits d’ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l’assuré à des prestations, l’administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

6.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

6.2.1 Ainsi, le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d’un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu’aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l’assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l’objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l’égard de l’assuré. Ce n’est qu’en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l’impartialité d’une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l’importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l’impartialité de l’expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Dans une procédure portant sur l’octroi ou le refus de prestations d’assurances sociales, lorsqu’une décision administrative s’appuie exclusivement sur l’appréciation d’un médecin interne à l’assureur social et que l’avis d’un médecin traitant ou d’un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes suffisants quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l’un ou sur l’autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l’art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3).

6.2.2 Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d’un dossier n’est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d’un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d’appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l’assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). L’importance de l’examen personnel de l’assuré par l’expert n’est reléguée au second plan que lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, de porter un jugement sur des éléments d’ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s’avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d’un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 et les références).

6.2.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

7.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, 126 V 353 consid. 5b, 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.              

8.1 La procédure dans le domaine des assurances sociales est régie par le principe inquisitoire d’après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par l’assureur (art. 43 al. 1 LPGA) ou, éventuellement, par le juge (art. 61 let. c LPGA). Ce principe n’est cependant pas absolu. Sa portée peut être restreinte par le devoir des parties de collaborer à l’instruction de l’affaire. Celui-ci comprend en particulier l’obligation de ces dernières d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 ; VSI 1994, p. 220 consid. 4).

8.2 Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations, la règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (RAMA 2000 n° U 363 p. 46) entre seulement en considération s’il n’est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d’établir sur la base d’une appréciation des preuves un état de fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l’accident. Il est encore moins question d’exiger de l’assureur-accidents la preuve négative, qu’aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé. Est seul décisif le point de savoir si les causes accidentelles d’une atteinte à la santé ne jouent plus de rôle et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.3).

9.             Le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu’il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu’ils n’auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu’il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu’une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu’il considère que l’état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l’expertise administrative n’a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu’ici, lorsqu’il s’agit de préciser un point de l’expertise ordonnée par l’administration ou de demander un complément à l’expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

10.         L’assureur-accidents a la possibilité de mettre fin avec effet ex nunc et pro futuro à son obligation d’allouer des prestations, qu’il avait initialement reconnue en versant des indemnités journalières et en prenant en charge les frais de traitement, sans devoir se fonder sur un motif de révocation (reconsidération ou révision procédurale), sauf s’il réclame les prestations allouées (ATF 133 V 57 consid. 6.8 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_3/2010 du 4 août 2010 consid. 4.1). Ainsi, il peut liquider le cas en invoquant le fait que selon une appréciation correcte de l’état de fait, un événement assuré n’est jamais survenu (ATF 130 V 380 consid. 2.3.1). Le Tribunal fédéral des assurances a précisé en outre que les frais de traitement et l’indemnité journalière ne constituent pas des prestations durables au sens de l’art. 17 al. 2 LPGA, de sorte que les règles présidant à la révision des prestations visées par cette disposition légale (cf. ATF 137 V 424 consid. 3.1 et la référence) ne sont pas applicables (ATF 133 V 57 consid. 6.7). En revanche, l’arrêt des rentes d’invalidité ou d’autres prestations versées pour une longue période est soumis aux conditions d’adaptation, reconsidération et révision procédurale (ATF 130 V 380 consid. 2.3.1). La jurisprudence réserve les cas dans lesquels le droit à la protection de la bonne foi s’oppose à une suppression immédiate des prestations par l’assureur-accidents (ATF 130 V 380 consid. 2.3.1).

11.          

11.1 En l’espèce, le Dr D______ a estimé par appréciation du 20 juin 2024 qu’il était établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’accident du 27 décembre 2023 avait cessé de déployer ses effets le jour de son appréciation. Faisant sien l’avis de son médecin-conseil, l’intimée considère que le statu quo sine était rétabli fin juin 2024 au plus tard et qu’ainsi, elle était en droit de mettre un terme à l’octroi des prestations avec effet le 1er juillet 2024 au soir.

Pour sa part, le recourant conteste implicitement la survenance du statu quo sine le 30 juin 2024 car il présenterait toujours, au-delà du 1er juillet 2024, des douleurs à l’épaule gauche entraînant une incapacité de travail totale qui était toujours d’actualité en juillet, août et septembre 2024 (cf. dossier intimée, doc. 54, p. 2 et doc. 77, p. 2 et 3).

11.2 Il sied de rappeler à titre liminaire que le recourant a subi un premier accident le 30 janvier 2023, lors duquel il avait déjà subi une « contusion entorse » lombaire et de l’épaule gauche. Dans son appréciation du 25 septembre 2023, le Dr D______ avait estimé que la colonne lombaire était déjà altérée avant cet accident (discopathie significative en L4-L5) mais qu’il ne savait pas si tel était également cas pour l’épaule gauche. Cependant, au vu de la lésion que celle-ci avait subie aux dires des médecins de l’intéressé (contusion), on pouvait considérer qu’il était établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’événement du 30 janvier 2023 avait cessé de déployer ses effets au 30 mars 2023 pour l’épaule gauche et au 30 juillet 2023 pour la colonne lombaire. Se fondant sur cette appréciation du Dr D______, l’intimée avait mis fin aux prestations provisoires (indemnité journalière et frais de traitement) le 28 septembre 2023 par décision du 27 septembre 2023, entrée en force faute d’avoir été contestée.

Concernant le deuxième accident, on rappellera qu’au vu des antécédents médicaux antérieurs à cet événement, la causalité cesse non seulement lorsqu’un (éventuel) état maladif antérieur est parvenu au stade d’évolution qu’il aurait atteint sans l’accident du 27 décembre 2023, mais aussi lorsqu’après ce deuxième accident, l’état de santé correspond à nouveau à ce qu’il était le 28 septembre 2023, soit au moment de la fin du droit aux prestations provisoires allouées suite au premier accident (cf. ci-dessus : consid. 5.3).

Dans son appréciation du 20 juin 2024, le Dr D______ affirme en substance que les atteintes objectivées par les IRM et la description laconique de l’accident du 27 décembre 2023 lui permettent de retenir, au degré de la vraisemblance prépondérante, que cet événement n’a causé aucune des atteintes rapportées et ne les a pas non plus aggravées mais tout au plus déstabilisées temporairement, d’où un statu quo sine au 20 juin 2024 en tenant compte des trois atteintes alléguées (séquelles ayant duré deux mois à la cheville droite et à l’épaule gauche, et un peu moins de six mois au rachis).

Au regard des plaintes postérieures à cette appréciation du Dr D______, qui ne concernent apparemment que les lésions de l’épaule gauche, il convient de centrer l’analyse sur ces dernières. À cet égard, il sied de constater que l’état de l’épaule gauche, tel qu’il se présentait avant l’événement du 27 décembre 2023, n’a fait l’objet d’aucune investigation de la part de l’intimée, les seules informations – sur la base desquelles le Dr D______ a fondé son appréciation sur pièces du 20 juin 2024 – étant la survenue d’une contusion le 30 janvier 2023 et un statu quo sine fixé au 30 mars 2023, puisque la lésion rapportée n’était qu’une contusion. À l’examen du dossier relatif à l’événement du 30 janvier 2023 (n° de sinistre 23.64067.23.5), il ne ressort pas des pièces produites que l’épaule gauche aurait fait l’objet d’investigations plus poussées à la suite de ce premier accident, en particulier d’une IRM réalisée entre le premier et le deuxième accident, laquelle aurait permis d’établir une comparaison avec l’IRM de l’épaule gauche du 26 mars 2024. Malgré l’état lacunaire de l’instruction médicale, que l’intimée n’a pas cherché à compléter davantage après le deuxième accident, le Dr D______ n’en retient pas moins en substance que dans la mesure où les atteintes à l’épaule gauche n’ont été ni causées ni aggravées par l’accident du 27 décembre 2023 mais que la contusion survenue lors de cet événement n’a causé qu’une déstabilisation très temporaire de celles-ci (deux mois), toutes les atteintes objectivées par l’IRM du 26 mars 2024 sont antérieures à l’accident du 27 décembre 2023.

Si pour l’atteinte acromio-claviculaire, cette approche fait consensus entre les médecins (« [l’arthrose acromio-claviculaire […] [n’est] pas un problème accidentel » ; cf. courrier du 21 mai 2024 du Dr I______ ; pièce 9 recourant), il n’en va apparemment pas de même de la fissuration du tendon sus-épineux et de la déchirure du labrum (cf. certificat du 5 juillet 2024 du Dr C______ et courrier du 21 mai 2024 du Dr I______), le Dr I______ précisant que la fissuration du labrum pourrait provenir de cet accident (cf. pièce 19 recourant).

Bien que le Dr I______ n’aille pas jusqu’à contredire le Dr D______ – ce qui supposerait qu’il retienne que la fissuration du labrum ne serait pas seulement une conséquence possible mais au moins vraisemblable (probabilité de plus de 50%) de l’accident du 27 décembre 2023 –, il n’en reste pas moins que pour retenir que les atteintes à l’épaule gauche n’ont été ni causées ni aggravées par l’accident du 27 décembre 2023, le Dr D______ ne se fonde pas sur une comparaison de l’état de l’épaule gauche avant et après cet événement, mais indique en substance que l’atteinte du sus-épineux et du labrum de cette épaule aurait présenté un lien de causalité avec l’accident du 27 décembre 2023 si elle avait été transfixiante et s’il y avait eu soit une lésion de l’enthèse, soit « une franche rupture avec son cortège d’incapacité[s] immédiate[s] ». Bien que ce scénario hypothétique ne se soit apparemment pas réalisé, il n’en fait pas moins dépendre une éventuelle origine traumatique d’une lésion du sus-épineux et du labrum de la réalisation de critères exposés de manière peu claire, relevant plus d’une pétition de principe que d’une démonstration étayée. Sachant par ailleurs que le Dr D______ recourt exactement à cette même explication sibylline pour écarter également l’hypothèse d’une simple aggravation de l’atteinte (prenant la forme d’autres lésions s’ajoutant à celles préexistantes), tout en étant peu clair sur l’atteinte préexistante alléguée du tendon sus-épineux (« il s’agit d’une atteinte essentiellement capsulaire le faisceau profond du sus-épineux étant de cette nature »), voire fort évasif au sujet des autres atteintes qui seraient préexistantes (excepté pour l’arthrose acromio-claviculaire dont l’origine non traumatique n’est pas remise en cause par le Dr I______), les explications du Dr D______ sur les conséquences vraisemblables que l’accident du 27 décembre 2023 a eues pour l’épaule gauche du recourant apparaissent lacunaires et ne convainquent pas, à tout le moins en l’état du dossier. Il en va de même de l’affirmation de ce médecin-conseil selon laquelle cet accident, à défaut d’avoir causé et/ou aggravé une atteinte, aurait eu pour seul effet de déstabiliser un état antérieur à l’épaule durant deux mois. En effet, comme rappelé plus haut (ci-dessus : consid. 5.3), dans l’hypothèse d’une telle déstabilisation temporaire, le statu quo ante est également atteint lorsqu’après un deuxième accident, l’état de santé correspond à nouveau à celui qui existait au moment de la fin du droit aux prestations provisoires (traitement médical et indemnités journalières) allouées suite à un premier accident. Or, en l’espèce, même dans l’hypothèse – mal étayée par le Dr D______ – d’une déstabilisation temporaire de l’épaule gauche à compter du 27 décembre 2023, il ne ressort en l’état d’aucune explication convaincante versée au dossier que le 1er juillet 2024, l’état de l’épaule gauche du recourant aurait été le même que le 28 septembre 2023 – date fixée pour la fin de la prise en charge du premier accident, survenu le 30 janvier 2023 – ou que le 1er juillet 2024, cette épaule aurait présenté à nouveau l’état qui aurait été le sien même sans le deuxième accident.

11.3 Compte tenu de ce qui précède, la fin des prestations d’assurance au 1er juillet 2024 se fonde sur une appréciation médicale dépourvue de valeur probante. La chambre de céans ne peut pas non plus se fonder sur les rapports des médecins du recourant, insuffisamment motivés. À cet égard, le certificat du 5 juillet 2024 du Dr C______ et le courrier du 21 mai 2024 du Dr I______ reposent principalement sur un raisonnement « post hoc ergo propter hoc ». Quant à l’appréciation du 25 octobre 2024 du Dr I______, elle demeure trop succincte sur l’étiologie de la fissuration du labrum.

12.         En l’état actuel de l’instruction du cas, la chambre de céans n’est donc pas en mesure de se prononcer sur la survenance du statu quo sine à la date retenue par l’intimée. Aussi s’impose-t-il de mettre en œuvre une expertise, laquelle sera confiée au professeur J______, chirurgien orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, membre FMH.

13.          

13.1 L’intimée a émis des réserves quant au choix de l’expert, le Dr D______ ayant relevé que celui-ci était systématiquement désigné par la chambre de céans et que l’opposition systématique de l’expert opposition de la Suva en matière d’épaule ne pouvait qu’interroger. Il était bien connu également qu’il était avec d’autres le tenant deux théories pour l’origine traumatique des lésions de l’épaule qui faisait passer les proportions de ce type d’atteinte de maximum 20% dans le monde entier à une quasi systématique helvétique pour tout traumatisme de l’épaule, ce qui ne faisaient qu’interroger.

13.2 Selon la jurisprudence relative aux art. 29 al. 1 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), les parties à une procédure ont le droit d'exiger la récusation d'un expert dont la situation ou le comportement sont de nature à faire naître un doute sur son impartialité. Cette garantie tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective est établie, car une disposition interne de l'expert ne peut guère être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération; les impressions individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (cf. ATF 134 I 20 consid. 4.2 p. 21 et les arrêts cités).

Un expert passe pour prévenu lorsqu’il existe des circonstances propres à faire naître un doute sur son impartialité. Dans ce domaine, il s’agit toutefois d’un état intérieur dont la preuve est difficile à rapporter. C’est pourquoi il n’est pas nécessaire de prouver que la prévention est effective pour récuser un expert. Il suffit que les circonstances donnent l’apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale de l’expert. L’appréciation des circonstances ne peut pas reposer sur les seules impressions de l’expertisé, la méfiance à l’égard de l’expert devant au contraire apparaître comme fondée sur des éléments objectifs. Seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération (ATF 127 I 198 consid. 2b, ATF 125 V 351 consid. 3b/ee, 123 V 175 consid. 3d ; RAMA 1999 n° U 332 p. 193, U 212/97, consid. 2a/bb et les références). Dans ce domaine, la jurisprudence exige des faits qui justifient objectivement la méfiance. Celle-ci ne saurait reposer sur le seul sentiment subjectif d'une partie; un tel sentiment ne peut être pris en considération que s'il est fondé sur des faits concrets et si ces derniers sont, en eux-mêmes, propres à justifier objectivement et raisonnablement un tel sentiment chez une personne réagissant normalement (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 127/06 du 6 février 2007).

Un expert donne l'apparence de prévention, et peut donc être récusé, s'il a déjà été impliqué, à quelque titre que ce soit (conseiller ou expert privé, témoin, membre d'une autorité), dans la procédure, pour autant qu'il ait pris position au sujet de certaines questions de manière telle qu'il ne semble plus exempt de préjugés (ATF 126 I 68 consid. 3c p. 73, ATF 125 II 541 consid. 4 p. 544).

Il existe une présomption d’impartialité de l’expert, de sorte que la partie qui demande sa récusation doit apporter la preuve permettant de renverser cette présomption (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 752/03 du 27 août 2004 cause et doctrine citée).

Sont de nature formelle les motifs de récusation qui sont énoncés dans la loi (cf. art. 10 al. 1 PA [RS 172.021] et 36 al. 1 LPGA [RS 830. 1]) parce qu'ils sont propres à éveiller la méfiance à l'égard de l'impartialité de l'expert. En revanche, les motifs de nature matérielle, dirigés contre l'expertise elle-même ou contre la personne de l'expert, ne mettent pas en cause son impartialité (arrêt du tribunal fédéral 8C_510/2013 du 10 février 2014 consid. 2.1 et les références citées). De tels motifs doivent en principe être examinés avec la décision sur le fond dans le cadre de l'appréciation des preuves (arrêt du Tribunal fédéral 8C 541/2014 du 17 février 2015).

13.3 En l’espèce, la chambre de céans estime qu’il n’y a pas lieu à récusation du Prof. J______ au vu des critiques très générales du Dr D______ à son encontre, lesquelles ne suffisent pas à faire douter de ses compétences, ni de l’objectivité de son appréciation. Il est faux de dire que cet expert serait systématiquement désigné par la chambre de céans et les craintes de l’intimée ne reposent sur aucun élément objectif. La demande de récusation formée par l’intimée, pour autant que les réserves exprimées par celle-ci puissent être considérées comme telle, sera en conséquence rejetée.

Il sera donné suite aux suggestions de questions complémentaires de l’intimée.

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

Préalablement

I.     Rejette la demande de récusation formulée à l’encontre du Prof. J______.

Préparatoirement :

II. Ordonne une expertise orthopédique. La confie au Prof. J______.

Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

A. Prendre connaissance du dossier de la cause

B. Si nécessaire prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée, notamment les Drs C______ et I______.

C. Examiner la personne expertisée et, si nécessaire, ordonner d'autres examens.

D. Etablir un rapport comprenant les éléments et les réponses aux questions suivants :

1. Anamnèse détaillée

2. Plaintes de la personne expertisée

3. Status et constatations objectives

4. Diagnostics

4.1 Avec répercussion sur la capacité de travail

4.1.1 Dates d'apparition

4.2 Sans répercussion sur la capacité de travail

4.2.2 Dates d'apparition

4.3 L’état de santé de la personne expertisée est-il stabilisé ?

4.3.1 Si oui, depuis quelle date ?

4.4. Les atteintes et les plaintes de la personne expertisée correspondent-elles à un substrat organique objectivable ?

5. Causalité

5.1 Les atteintes constatées sont-elles dans un rapport de causalité avec l’accident du 27 décembre 2023? Plus précisément ce lien de causalité est-il seulement possible (probabilité de moins de 50%), probable (probabilité de plus de 50%) ou certain (probabilité de 100%) ?

Veuillez motiver votre réponse pour chaque diagnostic posé.

5.2. Peut-on considérer que l’accident du 27 décembre 2023 a causé des lésions propres, cas échéant lesquelles ?

5.4 Pour ce qui concerne l’épaule gauche en particulier, en tenant compte du mécanisme accidentel et de l’IRM du 26 mars 2024 (pièce 27), l’accident du 27 décembre 2023 a-t-il provoqué des lésions propres ? Dans l’affirmative lesquelles ?

5.2 L’accident du 27 décembre 2023 a-t-il aggravé ou décompensé un état antérieur (maladif et/ou accidentel) préexistant ? Dans l’affirmative, veuillez préciser quel est cet état antérieur en vous prononçant pour chaque diagnostic posé.

5.2.1 Si oui, s’agit-il d’une aggravation déterminant ou passagère ? Veuillez vous prononcer pour chaque diagnostic posé.

5.2.2 Si l’accident a aggravé de manière passagère un état antérieur, à partir de quand peut-on considérer que l’état de santé du recourant était similaire à celui qui existait immédiatement avant l’accident (statu quo ante) ou celui qui existerait même sans l’accident par suite d’un développement ordinaire (statu quo sine) ? Veuillez vous prononcer pour chaque diagnostic posé.

6. Limitations fonctionnelles

6.1. Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic

6.1.1 Dates d'apparition

7. Capacité de travail

7.1 Quelle est la capacité de travail de la personne expertisée dans son activité habituelle, compte tenu des seules atteintes en rapport de causalité (au moins probable - probabilité de plus de 50%) avec l’accident et comment cette capacité de travail a-t-elle évolué depuis l’accident ?

7.1.1 Si la capacité de travail est seulement partielle, quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ? Depuis quelle date sont-elles présentes ?

7.2 Quelle est la capacité de travail de la personne expertisée dans une activité adaptée, compte tenu des seules atteintes en rapport de causalité (au moins probable - probabilité de plus de 50%) avec l’accident du 27 décembre 2023 ?

7.2.1 Si cette capacité de travail est seulement partielle, quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ? Depuis quelle date sont-elles présentes ?

8. Traitement

8.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation

8.2 Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée

8.3 Peut-on attendre de la poursuite du traitement médical une notable amélioration de l’état de santé de la personne expertisée ?

8.4 Si non, à partir de quel moment ne peut-on plus attendre de la continuation du traitement médical une notable amélioration de l’état de santé de la personne expertisée (état final atteint) ?

9. Atteinte à l’intégrité

9.1 La personne expertisée présente-t-elle une atteinte à l’intégrité définitive, en lien avec les atteintes en rapport de causalité au moins probable (probabilité de plus de 50%) avec l’accident du 27 décembre 2023 ?

9.2 Si oui, quel est le taux applicable selon les tables de la SUVA ?

9.3 Si une aggravation de l’intégrité physique est prévisible, veuillez en tenir compte dans l’évaluation de l’atteinte à l’intégrité et l’expliquer en détaillant le pourcentage dû à cette aggravation, étant précisé que seules les atteintes à la santé en lien probable (probabilité de plus de 50%) avec l’accident doivent être incluses dans le calcul du taux de l’indemnité

10. Appréciation d'avis médicaux du dossier

10.1 Êtes-vous d'accord avec le certificat du Dr C______ du 5 juillet 2024? En particulier avec les diagnostics posés et l'estimation d'une capacité de travail de la personne expertisée de 0% au-delà du 1er juillet 2024 (cf. dossier intimée, doc. 54, p. 2 et doc. 77, p. 2 et 3) ? Si non, pourquoi ?

10.2 Êtes-vous d’accord avec les avis du 21 mai 2024 et du 25 octobre 2024 du Dr I______ ? Si non, pourquoi ?

11. Quel est le pronostic ?

12. Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles envisageables ?

13. Faire toutes autres observations ou suggestions utiles

E. Invite l’expert à déposer son rapport en trois exemplaires dans les trois mois dès réception de la présente ordonnance auprès de la chambre de céans.

F. Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

G. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre la présente ordonnance dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente ordonnance et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme de la présente ordonnance est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le