Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1805/2024

ATAS/368/2025 du 20.05.2025 ( LCA ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1805/2024 ATAS/368/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 20 mai 2025

Chambre 15

 

En la cause

A______
représenté par Me Yves MABILLARD, avocat

 

 

demandeur

 

contre

VAUDOISE GENERALE COMPAGNIE D'ASSURANCES SA

défenderesse

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : le demandeur), né en 1986, a travaillé en qualité de chauffeur indépendant.

b. En 2017, le demandeur a conclu avec la VAUDOISE GENERALE COMPAGNIE D'ASSURANCES SA (ci-après : la défenderesse) une police d’assurance maladie individuelle en cas d’incapacité de travail, prévoyant le versement d’indemnités journalières durant 730 jours en cas de maladie. Le revenu assuré était de CHF 54'000.-.

c. Dès le 21 octobre 2020, le demandeur a subi une incapacité de travail de 50% en raison d’une maladie, selon des certificats établis par le docteur B______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychiatre traitant, qui a avancé les diagnostics de trouble dépressif moyen (F 32.1) et d'anxiété généralisée (F 41.1) dans un rapport du 18 novembre 2020.

d. La défenderesse a versé au demandeur des indemnités journalières de CHF 74.- par jour correspondant à une incapacité de travail de 50% dès le 20 novembre 2020, à l’issue d’un délai d’attente de 30 jours.

e. Après avoir annoncé dans un premier temps au demandeur qu’elle mettrait un terme au versement des indemnités journalières au 15 mars 2021, la défenderesse a confié une expertise au docteur C______, spécialiste FMH en psychiatrie, lequel a retenu dans un rapport du 16 avril 2021 un épisode dépressif récurrent moyen en rémission partielle (F 33.11). Ce psychiatre a conclu à une capacité de travail de 50% dans l’activité habituelle en raison de la prise de psychotropes. Dans une activité sans conduite automobile professionnelle, la capacité de travail était de 50% jusqu’au 31 mai 2021, et serait de 100% sans diminution de rendement dès le 1er juin 2021.

f. La défenderesse a annoncé au demandeur le 23 juin 2021 qu’elle prolongeait le versement des indemnités journalières jusqu'au 30 septembre 2021, afin de lui permettre de mettre à profit sa pleine capacité de travail dans une activité adaptée.

g. Par la suite, le demandeur a régulièrement adressé à la défenderesse des certificats du Dr B______ attestant une capacité de travail de 50%.

h. Dans deux rapports du 12 septembre et du 10 novembre 2021, le Dr B______ a confirmé la persistance d'une incapacité de travail à 50% du demandeur dans toute activité.

i. Dans un courrier du 21 décembre 2021, la défenderesse a considéré que le rapport du Dr B______ du 10 novembre 2021 n'apportait aucun élément permettant de modifier la position de son médecin-conseil, le docteur D______, spécialiste FMH en médecine interne, qu’elle lui a transmise. Ce dernier retenait que le demandeur avait refusé de se réorienter professionnellement, malgré la prise de psychotropes qui contre-indiquaient son activité professionnelle de chauffeur.

j. Le 7 mars 2022, le Dr B______ a informé la défenderesse d’une rechute du demandeur, dont les symptômes anxio-dépressifs s’étaient aggravés. Son incapacité de travail était totale dans toute activité depuis le 1er mars 2022.

k. Ce psychiatre a par la suite adressé plusieurs rapports à la défenderesse. Il a notamment indiqué en date du 10 octobre 2022 que le demandeur ne pouvait exercer d’activité professionnelle à plus de 50% en raison de son état de santé psychique, et qu’il avait subi une incapacité de travail totale du 1er mars au 10 avril 2022.

l. Le demandeur s’est soumis à une expertise auprès du docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie, en date du 4 mars 2023. Dans son rapport du 19 avril 2023, ce médecin a conclu à un état anxieux et dépressif et à une incapacité de travail de janvier 2021 à avril/mai 2022, sans pouvoir se prononcer sur son taux durant cette période, et à une incapacité de travail totale du 11 avril au 31 mai 2022.

m. Par courrier du 5 mai 2023, le demandeur a transmis à la défenderesse le rapport du Dr B______ du 10 octobre 2022 et l’expertise du Dr E______, et l’a mise en demeure de lui verser le solde des indemnités journalières pour la période du 1er octobre 2021 au 31 mai 2022, soit un montant de CHF 24'420.-.

n. Par courrier du 10 octobre 2023, la défenderesse a indiqué qu’elle avait une nouvelle fois soumis le dossier à son médecin-conseil, qui considérait que l’expertise du Dr E______ n’amenait aucun élément nouveau susceptible de modifier sa position. Elle prenait note que le demandeur n’avait pas changé de travail, et avait ainsi violé son obligation de diminuer son dommage.

o. À la suite d'une réquisition de poursuite du 11 octobre 2023 introduite par le demandeur, un commandement de payer dans la poursuite n° 1______ portant sur un montant de CHF 24'420.- a été établi le lendemain et notifié à la défenderesse le 16 octobre 2023.

Celle-ci y a formé opposition totale.

B. a. Par demande du 28 mai 2024 devant la chambre de céans, le demandeur a conclu, sous suite de dépens, préalablement à la production par la défenderesse de son dossier, aux auditions des Drs B______ et E______ ; principalement à ce que la défenderesse soit condamnée à lui verser la somme de CHF 20'720.- avec intérêts à 5% dès le 1er février 2022, et à ce que l’opposition au commandement de payer dans la poursuite n° 1______ soit levée.

Il a notamment soutenu qu’un changement de profession n’était pas exigible, notamment eu égard à sa capacité de travail résiduelle de 50% dans son activité habituelle – hormis durant la période de mars 2022.

Le montant réclamé correspondait aux indemnités journalières dues du 1er octobre 2021 au 28 février 2022 (soit 150 indemnités journalières à 50% à CHF 74.-), à 100% du 1er mars au 10 avril 2022 (40 indemnités journalières à CHF 148.-) et à 50% du 11 avril au 31 mai 2022 (50 indemnités journalières à CHF 74.-).

b. Dans sa réponse du 25 juin 2024, la défenderesse a conclu au rejet de la demande. Elle a soutenu que sa position était parfaitement justifiée compte tenu de l’exigibilité d’un changement de profession du demandeur, qui disposait selon le Dr C______ d’une pleine capacité de travail dans une activité sans conduite. Elle a émis plusieurs critiques sur l’expertise du Dr E______.

c. Dans sa réplique du 16 août 2024, le demandeur a persisté dans ses conclusions.

d. Dans sa duplique du 17 septembre 2024, la défenderesse a également persisté dans ses conclusions.

e. Le 20 mars 2025, la chambre de céans a annoncé aux parties que la cause serait gardée à juger le 1er avril 2025.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la LAMal relevant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance du 2 avril 1908 (LCA - RS 221.229.1).

La police d’assurance se réfère à la LCA, de sorte que celle-ci est applicable.

Selon l’art. B6 des conditions générales BusinessOne Assurance maladie individuelle en cas d’incapacité de travail (ci-après : CGA) dans leur édition du 1er juin 2015, pour tout litige résultant du présent contrat, la défenderesse reconnaît la compétence des tribunaux du domicile suisse de la personne assurée ou de l'ayant droit.

Le demandeur ayant son domicile à Genève, la chambre de céans est compétente tant à raison de la matière que du lieu pour connaître de la présente demande.

2.             Selon l’art. 198 let. f CPC, la procédure de conciliation n’a pas lieu dans les litiges relatifs aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie pour lesquels un tribunal statue en tant qu’instance cantonale unique, comme c’est le cas dans le canton de Genève en application de l’art. 7 CPC.

L’art. 198 let. f CPC, entré en vigueur le 1er janvier 2025, s’applique aux litiges en cours à cette date, conformément à l’art. 407f CPC.

3.             Le litige, tel que circonscrit par les conclusions de la demande, porte sur le droit du demandeur à des indemnités journalières à hauteur de CHF 20'720.- pour la période courant du 1er octobre 2021 au 31 mai 2022.

4.             Au plan procédural, on rappellera que l’art. 245 CPC prévoit en principe la tenue de débats principaux (cf. ATF 140 III 450 consid. 3). Cela étant, les parties peuvent d'un commun accord renoncer aux débats principaux (art. 233 CPC par renvoi de l'art. 219 CPC). Une renonciation par actes concluants aux débats principaux doit être admise si les parties, représentées par des mandataires professionnels ou des collaborateurs de leur service juridique, ne requièrent pas expressément la tenue d'une audience de débats, après que la cour cantonale a recueilli les dernières observations des plaideurs (arrêts du Tribunal fédéral 4A_318/2016 du 3 août 2016 consid. 2.1 et 4A_627/2015 du 9 juin 2016 consid 2.3). 

En l’espèce, la chambre de céans a avisé les parties que la cause serait gardée à juger le 1er avril 2025. Celles-ci ne s’étant pas manifestées pour solliciter la tenue d’une audience de débats avant l’expiration de ce délai, on peut admettre qu’elles y ont renoncé.

5.             La procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la LAMal (art. 243 al. 2 let. f CPC).

5.1 Il s'agit d'un cas où une disposition spéciale instaure la maxime inquisitoire, en lieu et place de la maxime des débats (ATF 138 III 625 consid. 2.1). Il ne s’agit pas d’une maxime officielle absolue, mais une maxime inquisitoire sociale (arrêt du Tribunal fédéral 9C_541/2010 du 16 juillet 2010 consid. 1). Dans un tel cas, l’art. 247 CPC prévoit que le tribunal amène les parties, par des questions appropriées, à compléter les allégations insuffisantes et à désigner les moyens de preuve (al. 1). Le tribunal établit les faits d’office dans les affaires visées à l’art. 243 al. 2 (al. 2 let. a). L’art. 247 al. 1 CPC atténue le principe prévu à l’art. 55 al. 1 CPC, selon lequel les parties allèguent les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions et produisent les preuves qui s’y rapportent.

Quand bien même la procédure simplifiée connaît des allègements formels, elle ne dispense pas les parties du devoir d'alléguer les faits (arrêt du Tribunal fédéral 4D_57/2013 du 2 décembre 2013 consid. 3.2 et 3.3), pas plus qu’elle ne les dispense de collaborer à l’établissement des faits et de désigner les preuves à administrer. Le juge ne doit s’assurer du caractère complet des allégations et des moyens de preuve que s’il existe des doutes sérieux sur ce point (arrêt du Tribunal fédéral 4A_491/2014 du 30 mars 2015 consid. 2.6.1).

En vertu de la maxime inquisitoire sociale, il n’est pas interdit au juge de fonder sa décision sur des faits qui n’ont pas été allégués mais qui sont parvenus à sa connaissance au cours de la procédure, qui ressortent par exemple des moyens de preuve offerts (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2021 du 14 décembre 2021 consid. 5.1).

5.2 La maxime inquisitoire sociale ne modifie pas la répartition du fardeau de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4C.185/2003 du 14 octobre 2003 consid. 2.1). À teneur de l'art. 8 du Code civil suisse (CC – RS 210), chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. Cette règle est considérée comme le principe de base de la répartition du fardeau de la preuve en droit privé. Il en découle en principe que le rapport existant entre les normes matérielles applicables est déterminant pour la répartition du fardeau de la preuve. Ce rapport détermine de cas en cas si le fait à prouver fait naître un droit (fait générateur), s'il éteint ou modifie un droit (fait destructeur) ou s'il tient en échec cette naissance ou cette extinction (fait dirimant). Celui qui fait valoir une prétention doit établir les faits dont dépend la naissance du droit. En revanche, celui qui invoque la perte d'un droit ou qui conteste sa naissance ou son applicabilité a le fardeau de la preuve des faits destructeurs ou dirimants (ATF 139 III 13 consid. 3.1.3.1). Ces principes sont également applicables dans le domaine du contrat d'assurance (ATF 130 III 321 consid. 3.1).

En matière de droit aux indemnités journalières, si l'assurance fait valoir que la personne assurée est à nouveau capable de travailler, celle-ci doit prouver qu'elle est toujours en incapacité de travail et qu'elle a donc droit à des indemnités journalières. Le fardeau de la preuve n'incombe donc pas à l'assurance, mais à la personne assurée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_473/2022 du 19 janvier 2023 consid. 4.3.2 portant sur un cas dans lequel l’assurance s’était fondée sur une expertise privée – laquelle, bien qu’elle fut selon le droit en vigueur considérée comme une simple allégation de partie, n’avait pas été contestée par l’assurée de manière suffisamment précise –, cf. également arrêt du Tribunal fédéral 4A_1/2020 du 16 avril 2020 consid. 3.1). C’est en effet à l’assuré d'établir l'existence et la persistance d'une incapacité de travail, et non à l’assurance de prouver un recouvrement total ou partiel de la capacité de travail. Dans le cadre de son droit à la contre-preuve, celle-ci doit tout au plus apporter des éléments propres à instiller des doutes et à ébranler la vraisemblance prépondérante que l'assuré s'efforce d'établir. Ce genre de doutes peut découler déjà d'allégations de partie, respectivement d'expertises privées (arrêt du Tribunal fédéral 4A_76/2020 du 9 juin 2020 consid. 3.2 rendu sous l’empire de l’ancien droit).

5.3 Le fardeau de l’allégation suit le fardeau de la preuve (ATF 132 III 186 consid. 4). Une allégation de fait ne doit pas contenir tous les détails. L’obligation d’alléguer est remplie lorsque les parties évoquent dans leurs contours essentiels et d’une manière conforme aux usages les faits tombant sous le coup des dispositions déterminantes (ATF 136 III 322 consid. 3.4.2). Un exposé complet des faits est réputé concluant. En effet, dans l’hypothèse de sa véracité, il entraîne la conséquence juridique à laquelle conclut la partie (arrêt du Tribunal fédéral 4A_478/2024 du 4 décembre 2024 consid. 4.1.2).

5.4 L'art. 222 al. 2 2ème phrase CPC impose au défendeur d'exposer dans sa réponse quels faits allégués dans la demande sont reconnus ou contestés (cf. ATF 144 III 519 consid. 5.2.2.1). Si un fait allégué est admis, il y a aveu judiciaire, c'est-à-dire la reconnaissance en cours de procès d'un fait défavorable à celui qui le fait, que la partie adverse peut lui opposer. L'aveu judiciaire d'un fait supprime la nécessité de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4A_268/2021 du 18 mai 2022 consid. 4.1). Lorsqu’une partie admet expressément un fait allégué par l’autre, le juge ne peut s’en écarter ou interpeller la partie désavantagée par cette admission que si l’inexactitude de l’allégué ressort clairement des pièces du dossier (arrêt du Tribunal fédéral 4A_360/2015 du 12 novembre 2015 consid. 4.2). Une détermination formulée « Rapport soit à la pièce » n’équivaut pas à une contestation de l’allégué correspondant (cf. arrêts du Tribunal fédéral 5A_326/2021 du 8 juin 2022 consid. 3.3 et 4A_243/2018 du 17 décembre 2018 consid. 4.3.2).

5.5 En vertu de l'art. 150 al. 1 CPC, seules doivent être prouvées les allégations qui sont expressément contestées. Une telle contestation doit être suffisamment précise pour atteindre son but, c'est-à-dire permettre à la partie adverse de comprendre quelles allégations de fait il lui incombe de prouver. Le degré de précision d'une allégation influe sur le degré de motivation que doit revêtir sa contestation. Plus les affirmations d'une partie sont détaillées, plus élevées sont les exigences quant à la précision de leur contestation. Une réfutation en bloc ne suffit pas (ATF 147 III 440 consid. 5.3, 141 III 433 consid. 2.6, arrêt du Tribunal fédéral 4A_42/2017 du 29 janvier 2018 consid. 3.3.2). Le fardeau de la contestation ne saurait toutefois entraîner un renversement du fardeau de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4A_318/2016 du 3 août 2016 consid. 3.1).  

5.6 L’art. 168 al. 1 CPC dispose que les moyens de preuve sont le témoignage (let. a) ; les titres (let. b) ; l’inspection (let. c) ; l’expertise (let. d) ; les renseignements écrits (let. e) ; l’interrogatoire et la déposition de partie (let. f).

Cette énumération est exhaustive. La procédure civile prévoit ainsi un numerus clausus des moyens de preuve, sous réserve de l’art. 168 al. 2 CPC relatif au droit de la famille (arrêt du Tribunal fédéral 4A_85/2017 du 4 septembre 2017 consid. 2.1).

La jurisprudence en a déduit qu’une expertise privée n’était pas un moyen de preuve mais une simple allégation de partie (ATF 141 III 433 consid. 2.5.2 et 2.5.3). Lorsqu’une allégation de partie était contestée de manière circonstanciée par la partie adverse, une expertise privée ne suffisait pas à prouver une telle allégation. En tant qu’allégation de partie, une expertise privée pouvait, combinée à des indices dont l’existence était démontrée par des moyens de preuve, amener une preuve. Toutefois, si elle n’était pas corroborée par des indices, elle ne pouvait être considérée comme prouvée en tant qu’allégation contestée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_626/2015 du 24 mai 2016 consid. 2.5).

L’assimilation par la jurisprudence d’une expertise privée à une simple allégation de partie a fait l’objet de critiques doctrinales, qui ont conduit le Conseil fédéral à proposer une modification du CPC, prévoyant désormais expressément à l’art. 177 CPC que les expertises privées relèvent de titres (Message du Conseil fédéral relatif à la modification du code de procédure civile suisse, FF 2020 2659). Cette modification a été adoptée par le Parlement le 17 mars 2023, et est entrée en vigueur le 1er janvier 2025. L’art. 177 CPC dans sa nouvelle teneur s’applique aux procédures en cours à cette date, en vertu de l’art. 407f CPC.

La révision de l’art. 177 CPC confère ainsi à l’expertise privée un statut clair. Celle-ci n’est plus considérée comme une simple allégation de partie, mais comme un document propre à prouver des faits pertinents. Cela permet une approche centrée sur la force probante de l’expertise privée et la libre appréciation du juge face aux preuves administrées, mais ne modifie en revanche pas le devoir d’allégation et de contestation des parties. L’expertise privée peut certes être prise en compte librement quant à sa force probante, mais suppose toujours le respect des exigences en matière d’apport des faits (François BOHNET/Frédéric FITZI, L’expertise privée de l’art. 177 CPC révisé in RSPC 4/2023, pp. 482-483 et 488).

6.             Le principe de la libre appréciation des preuves s'applique lorsqu'il s'agit de se prononcer sur des prestations en matière d'assurance sociale. Rien ne justifie de ne pas s'y référer également lorsqu’une prétention découlant d'une assurance complémentaire à l'assurance sociale est en jeu (arrêt du Tribunal fédéral 4A_5/2011 du 24 mars 2011 consid. 4.2). Le principe de la libre appréciation des preuves signifie que le juge apprécie librement les preuves, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Dès lors, le juge doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de statuer sur le droit litigieux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_253/2007 du 13 novembre 2007 consid. 4.2). En présence de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. Ce qui compte à cet égard, c'est que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et, enfin, que les conclusions de l'expert soient bien motivées. En ce qui concerne les rapports établis par le médecin traitant de l'assuré, le juge doit avoir égard au fait que la relation de confiance unissant un patient à son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci ; cela ne justifie cependant pas en soi d'évincer tous les avis émanant des médecins traitants. Il faut effectuer une appréciation globale de la valeur probante du rapport du médecin traitant au regard des autres pièces médicales (arrêts du Tribunal fédéral 4A_218/2023 du 22 juin 2023 consid. 3.1.2 et 4A_424/2019 du 31 octobre 2019 consid. 3.1 et les références citées).  

7.             En matière d'assurances complémentaires, les parties sont liées par l'accord qu'elles ont conclu dans les limites de la loi, les caisses-maladie pouvant en principe édicter librement les dispositions statutaires ou réglementaires dans les branches d'assurances complémentaires qui relèvent de la liberté contractuelle des parties, hormis quelques dispositions impératives en matière d’indemnités journalières (ATF 124 V 201 consid. 3d). Le droit aux prestations d'assurance se détermine sur la base des dispositions contractuelles liant l'assuré et l'assureur, en particulier des conditions générales ou spéciales d'assurance (arrêt du Tribunal fédéral 5C.253/2000 du 6 mars 2001 consid. 4a). Ainsi, le contenu du contrat peut en principe être déterminé librement. Il est le plus souvent défini au moyen de conditions générales préformulées, qui sont des conditions contractuelles réglant les droits et obligations des contractants, lesquelles fixent notamment l’étendue de la couverture lorsque la loi leur en laisse la possibilité (Vincent BRULHART, Droit des assurances privées, 2ème éd. 2017, n. 367).

8.             Le contrat conclu dans le cas d’espèce a la teneur suivante.

8.1 Selon l’art. A1 CGA, la défenderesse indemnise, aux conditions du contrat, l'incapacité de travail.

L’art. C1 CGA dispose que les prestations sont versées dès l'expiration du délai d'attente, pour toute incapacité de travail médicalement justifiée de 25% au moins,
proportionnellement au degré de l'incapacité de travail attestée (ch. 1). L'incapacité de travail doit être dûment attestée par un médecin (ch. 2).

Selon l’art. C2 CGA, l'allocation journalière est déterminée d'après le revenu assuré. Il est divisé par 365 (ch. 1). L'allocation journalière est due pour tous les jours, y compris les dimanches et jours fériés (ch. 2).

En vertu de l’art. C5 CGA, la défenderesse verse, sous réserve des éventualités visées à l'art. C5 ch. 3 à 7 CGA – non pertinentes en l’espèce –, l'allocation journalière assurée pendant une période maximale de 730 jours par cas de maladie. Le délai d'attente convenu est imputé sur la durée maximale des prestations. Pour le calcul de la durée des prestations, les jours d'incapacité de travail partielle d'au moins 25% comptent comme jours entiers. On entend par cas de maladie les causes et suites de l'atteinte à la santé ayant entrainé une incapacité de travail.

8.2 Le lexique figurant dans les CGA définit l’incapacité de travail à la lettre D1 dans les termes suivants : est incapable de travailler la personne qui, en raison d'une maladie, ne peut exercer son activité professionnelle habituelle, ou, si l'incapacité dure un certain temps, reste dans l'impossibilité d'exercer toute autre activité raisonnablement exigible eu égard à son état de santé et à ses aptitudes.

9.             En ce qui concerne l’obligation de diminuer le dommage, la chambre de céans rappelle ce qui suit.

9.1 L'art. 61 aLCA, en force jusqu’au 31 décembre 2021, prévoyait ce qui suit. Lors du sinistre, l'ayant droit est obligé de faire tout ce qui est possible pour restreindre le dommage. S'il n'y a pas péril en la demeure, il doit requérir les instructions de l'assureur sur les mesures à prendre et s'y conformer (al. 1). Si l'ayant droit contrevient à cette obligation d'une manière inexcusable, l'assureur peut réduire l'indemnité au montant auquel elle serait ramenée si l'obligation avait été remplie (al. 2).

Cette disposition a été abrogée et remplacée par l’art. 38a LCA, entré en vigueur le 1er janvier 2022, qui prévoit que lors du sinistre, l’ayant droit est obligé de faire tout ce qui est possible pour limiter le dommage. S’il n’y a pas péril en la demeure, il doit requérir les instructions de l’entreprise d’assurance sur les mesures à prendre et s’y conformer (al. 1). Si l’ayant droit contrevient à cette obligation d’une manière inexcusable, l’entreprise d’assurance peut réduire l’indemnité au montant auquel elle serait ramenée si l’obligation avait été remplie (al. 2).

L’art. 38a LCA est ainsi identique à l’art. 61 aLCA, hormis une précision terminologique (Message du Conseil fédéral concernant la révision de la loi fédérale sur le contrat d’assurance du 28 juin 2017, FF 2017 4804).

L’art. 61 LCA reste applicable à la présente cause, dès lors que la conclusion de la police est antérieure à la modification du 19 juin 2020, conformément à l’art. 103a LCA a contrario.

9.2 Aux termes de l’art. B4 CGA, si la personne assurée ne se soumet pas aux traitements médicaux auxquels l'on peut raisonnablement exiger qu'elle se prête et dont on peut attendre une amélioration notable de sa capacité de travail, elle perd
son droit aux prestations.

9.3 L'art. 61 aLCA exprime un principe général du droit des assurances, qui s'applique également à l'assurance des personnes et aux assurances de sommes, notamment à l'assurance d'indemnités journalières, et qui entraîne l'obligation de l'assuré de diminuer le dommage par un changement de profession lorsqu'un tel changement peut raisonnablement être exigé de lui, pour autant que l'assureur l'ait averti à ce propos et lui ait donné un délai adéquat (ATF 133 III 527 consid. 3.2.1 ; cf. également arrêt du Tribunal fédéral 4A_521/2015 du 7 janvier 2016 consid. 3.3). L'assureur qui invoque l'art. 61 al. 2 aLCA doit inviter l'ayant droit à changer d'activité et lui impartir un délai d'adaptation approprié. Un délai de trois à cinq mois est en règle générale jugé adéquat (arrêts du Tribunal fédéral 4A_384/2019 du 9 décembre 2019 consid. 5.3 et 4A_253/2019 du 5 septembre 2019 consid. 4.2).

9.3.1 C’est seulement en cas d’incapacité de travail de longue durée que l’ayant droit peut être amené à changer de profession pour satisfaire à son obligation de réduire le dommage. Une incapacité de travail de longue durée ne peut pas être retenue tant et aussi longtemps que l’état de santé n’est pas stabilisé, et qu’il est possible d’émettre le pronostic que l’ayant droit reprendra son activité antérieure de manière à mettre fin aux prestations. Pour qu’un tel changement puisse être exigé, il doit donc apparaître clairement que la personne ne sera plus en mesure de recouvrer sa capacité de travail dans son activité habituelle (Jean-Maurice FRESARD in Commentaire romand, Loi sur le contrat d'assurance, 2022, n. 39 ad art. 38a LCA).

9.3.2 En règle ordinaire, il n’est pas exigible d’un indépendant à la tête d’une entreprise qu’il abandonne ce statut pour prendre un emploi salarié. C’est précisément pour se prémunir du risque lié à l’exploitation de son entreprise et pour tenir compte du fait qu’il ne bénéficie pas des prestations de l’assurance-chômage qu’il conclut une assurance couvrant la perte de gain ou l’invalidité (BRULHARD, op. cit., n. 1075).

9.3.3 L'art. 61 al. 2 aLCA ne permet pas à l'assureur de réduire ses prestations dans la perspective d'un changement d'activité purement théorique, irréalisable en pratique : il faut bien plutôt analyser la situation concrète. Partant, il convient de se demander, d'après l'âge de l'ayant droit et l'état du marché du travail, quelles sont ses chances réelles de trouver un emploi avec ses limitations fonctionnelles. Il y a également lieu d’examiner, en fonction de la formation, de l'expérience et de l'âge de l'ayant droit, si un tel changement d'activité peut réellement être exigé de lui (arrêts du Tribunal fédéral 4A_495/2016 du 5 janvier 2017 consid. 2.3 et 4A_529/2012 du 31 janvier 2013 consid. 2.4). Il incombe à l'assureur qui n'entend pas indemniser la totalité du dommage subi par l'assuré de prouver que celui-ci a violé son devoir de réduire le dommage. À cet égard, il lui appartient de démontrer que les mesures tendant à diminuer le dommage qui n'ont pas été prises par l'assuré pouvaient raisonnablement être exigées de celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 4A_304/2012 du 14 novembre 2012 consid. 2.3). L'assureur doit alléguer les faits propres à démontrer cette violation du devoir de réduire le dommage (arrêts du Tribunal fédéral 4A_472/2022 du 5 juin 2023 consid. 4.3 et 4A_574/2014 du 15 janvier 2015 consid. 4.1).

10.         En l’espèce, il n’est pas contesté que le demandeur a subi une incapacité de travail de 50% dès le 21 octobre 2020. Il ressort du rapport du Dr C______ du 16 avril 2021 que l’atteinte justifiait une telle restriction de la capacité de travail dans toute activité – et pas uniquement dans une activité impliquant la conduite – jusqu’au 31 mai 2021.

S'agissant de la capacité de travail dès le 1er juin 2021, dont le Dr C______ avait pronostiqué qu'elle augmenterait à 100% dans une activité sans conduite automobile à cette date, le Dr B______ l’a évaluée dans toute activité à 50% jusqu’au 28 février 2022, à 0% du 1er mars au 10 avril 2022, et à nouveau à 50% du 11 avril au 31 mai 2022.

Dans le cas d’espèce, on peut ainsi considérer comme établi que l’incapacité de travail de 50% dans l’activité de chauffeur indépendant a persisté après le 31 mai 2021, ce qui ressort a contrario de l’expertise du Dr C______, puisque celui-ci considérait que le traitement médicamenteux nécessaire en raison de l’atteinte psychique était incompatible avec un travail impliquant la conduite professionnelle. Dans ses différentes prises de position et dans la présente procédure, la défenderesse ne conteste pas l’incapacité de travail de 50% dans l’activité de chauffeur au-delà du 31 mai 2021, mais justifie son refus de prester au-delà du 30 septembre 2021 par l’exigibilité d’un changement de profession.

En ce qui concerne l’incapacité de travail totale du 1er mars au 10 avril 2022 dans toute activité que le demandeur allègue, les moyens de preuve offerts à l’appui de son exposé des faits sont les attestations et rapports émis par le Dr B______ les 7 et 22 mars et le 10 octobre 2022. Or, la défenderesse s’est déterminée sur ces allégués par un simple rapport aux pièces, ce qui ne suffit pas à les contester valablement au vu de la jurisprudence. On doit dès lors considérer que ces allégations quant à la capacité de travail nulle durant cette période sont admises par la défenderesse. Le fait que celle-ci ait contesté certaines allégations du demandeur citant les constatations et conclusions du Dr E______ – en se déterminant toutefois ici aussi par un simple renvoi à la pièce s’agissant de l’allégué portant sur la capacité de travail de janvier 2021 à avril ou mai 2022 – n’y change rien. En effet, le demandeur fonde ses prétentions sur les incapacités de travail attestées par le Dr B______, et non sur les conclusions du Dr E______, qui vont au-delà de celles du psychiatre traitant puisqu’elles retiennent une capacité de travail nulle du 11 avril au 31 mai 2022. On ajoutera en outre que dans sa réponse du 25 juin 2024, la défenderesse a justifié sa position en mentionnant l’avis de son médecin-conseil, dont elle a produit le courrier du 2 octobre 2023, sans toutefois en alléguer le contenu, même succinctement et superficiellement. Or, un simple renvoi en bloc à des pièces du dossier en guise d'exposé des faits est en principe insuffisant (arrêts du Tribunal fédéral 4A_360/2020 du 2 novembre 2020 consid. 4.2 ; 4A_284/2017 du 22 janvier 2018 consid. 4.2). De plus, le courrier précité du Dr D______ – lequel n’est au demeurant pas spécialisé en psychiatrie mais en médecine interne – se contente en substance d’affirmer que l’expertise du Dr E______ n’amène pas d’éléments remettant en cause les conclusions du Dr C______ et de souligner le refus du demandeur de rechercher une activité adaptée. Cet avis n’est ainsi en toute hypothèse pas suffisamment motivé pour remettre en cause les incapacités de travail attestées par le Dr B______.

Partant, le droit aux indemnités journalières doit être analysé à l’aune de l’exigibilité d’un changement de profession, et compte tenu d’une capacité de travail dans l’activité de chauffeur de 50% du 1er octobre 2021 au 28 février 2022, de 0% du 1er mars au 10 avril 2022, et de 50% du 11 avril au 31 mai 2022.

Force est de constater que la défenderesse s’est contentée d’imposer un tel changement de profession en se fondant sur une appréciation uniquement médico-théorique de la capacité de travail, sans procéder à une analyse concrète des possibilités du demandeur de trouver un emploi adapté. Elle n’a aucunement examiné ses chances réelles de trouver un emploi, notamment compte tenu de l’environnement économique, avant de lui impartir un délai pour changer de travail. Dans la procédure devant la chambre de céans, elle n’a nullement démontré, ni même allégué, qu’une telle reconversion était possible sur le marché du travail, contrairement à ce qu’exige la jurisprudence. On soulignera en outre que le changement de profession a été exigé à une période durant laquelle le marché du travail était encore affecté par la pandémie de COVID-19 (sur la prise en compte de ce critère, cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_472/2022 du 15 juin 2023 consid. 5.1 et 5.3).

Pour ce motif déjà, la défenderesse n’a pas respecté l’art. 61 al. 2 aLCA.

À cela s’ajoute le fait que dans son principe même, une reconversion ne paraît en toute hypothèse pas exigible au vu des circonstances. Le demandeur était en effet indépendant, cas dans lequel un changement de travail ne peut en règle générale être imposé. De plus, à la date à laquelle la défenderesse a mis un terme au versement de ses prestations, rien ne permettait de conclure à une incapacité de travail définitive du demandeur dans sa profession de chauffeur. Celui-ci a du reste pu la reprendre sans restriction dès 2022, soit avant même l’épuisement du droit aux indemnités. Pour ces raisons également, la défenderesse n’était pas fondée à mettre un terme à leur versement au 30 septembre 2021.

11.         S’agissant du montant des indemnités journalières, il est de CHF 74.- par jour pour les jours d’incapacité de travail à 50% (soit la moitié de CHF 54'000.- divisés par 365). Pour la période d’incapacité de travail complète, les indemnités journalières s’élèvent à CHF 147.94, soit CHF 148.- après arrondissement au franc supérieur.

Le demandeur aurait ainsi théoriquement droit à 151 indemnités à CHF 74.- d’octobre 2021 à février 2022, à 41 indemnités à CHF 148.- du 1er mars au 10 avril 2022, et à 51 indemnités à CHF 74.- du 11 avril au 31 mai 2022, soit au total à CHF 21'016.-. Cependant, dès lors qu’il a conclu au versement de CHF 20'720.-, correspondant à 200 indemnités à 50% et à 40 indemnités à 100%, plutôt que 202 et 41 respectivement selon l’analyse qui précède, c’est au paiement de cette somme que la défenderesse sera condamnée, conformément au principe de disposition ancré à l’art. 58 al. 1 CPC, interdisant au juge de statuer ultra petita.  

12.         Le demandeur a requis le versement d’intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er février 2022.

12.1 Les CGA ne stipulent en l’espèce aucun terme pour l'exigibilité des indemnités journalières.

L'art. 41 al. 1 LCA dispose que la créance qui résulte du contrat est échue quatre semaines après le moment où l'assureur a reçu les renseignements de nature à lui permettre de se convaincre du bien-fondé de la prétention.

Les renseignements au sens de cette disposition visent des questions de fait, qui doivent permettre à l'assureur de se convaincre du bien-fondé de la prétention de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral 4A_489/2017 du 26 mars 2018 consid. 4.3).

L'écoulement du délai de quatre semaines prévu à l'art. 41 LCA ne suffit pas à considérer que le jour d'exécution est expiré, en l’absence de convention des parties, si bien qu’une interpellation est nécessaire (Marcel SÜSSKIND in Basler Kommentar, Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag [VVG], 2ème éd. 2023, nn. 31 et 32 ad art. 41 LCA). L’art. 102 al. 1 du Code des obligations suisse (CO – RS 220), qui prévoit que le débiteur d’une obligation exigible est mis en demeure par l’interpellation du créancier, est applicable par renvoi de l'art. 100 al. 1 LCA.

L'intérêt moratoire de 5% l'an (art. 104 al. 1 CO) est dû à partir du jour suivant celui où le débiteur a reçu l'interpellation, ou, en cas d'ouverture d'une action en justice, dès le lendemain du jour où la demande en justice a été notifiée au débiteur (arrêt du Tribunal fédéral 5C.177/2005 du 25 février 2006 consid 6.1). Toutefois, lorsque l'assureur refuse définitivement, à tort, d'allouer des prestations, on admet, par analogie avec l'art. 108 ch. 1 CO, qu'une interpellation n'est pas nécessaire ; l'exigibilité et la demeure sont alors immédiatement réalisées (arrêt du Tribunal fédéral 4A_16/2017 du 8 mai 2017 consid. 3.1).

12.2 En l’espèce, au vu des conclusions du Dr C______ impliquant la persistance d’une capacité de travail de 50% dans l’activité habituelle au-delà du 30 septembre 2021 en raison des psychotropes nécessaires au traitement de l’atteinte, force est de constater que la défenderesse détenait les renseignements nécessaires au versement des prestations dès leur échéance à partir de cette date, et a refusé de les servir à tort, en se fondant sur une position juridiquement erronée en tant qu’elle exigeait un changement de profession.

On admettra donc que les indemnités journalières étaient exigibles dès leur échéance. Les intérêts peuvent être fixés selon une date moyenne lorsqu’ils portent sur des prestations périodiques (cf. ATF 131 III 12 consid 9.5 en matière d’intérêt compensatoire). Le solde de 243 indemnités journalières dès le 1er octobre 2021 porte la date moyenne d’exigibilité au 122ème jour après l’exigibilité de la première indemnité non versée à tort, soit au 2 février 2022.

13.         La chambre de céans précisera encore que les auditions des Drs B______ et E______ paraissent superfétatoires, au vu de ce qui précède. Elle y renoncera ainsi, par appréciation anticipée des preuves (ATF 130 II 425 consid. 2.1).

14.         Le demandeur a requis la mainlevée de l’opposition formulée par la défenderesse à l’encontre du commandement de payer.

Lorsque le créancier requiert une poursuite sans titre à la mainlevée préalable, il doit en cas d'opposition au commandement de payer agir par la voie de la procédure ordinaire ou administrative pour faire reconnaître son droit conformément à l'art. 79 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP - RS 281.1). 

Dans les matières qui sont de son ressort, la chambre de céans est le juge ordinaire selon l'art. 79 LP, et elle a qualité pour lever une opposition à la poursuite en statuant sur le fond (cf. ATF 109 V 46 consid. 4).

Les frais de poursuite sont d'office supportés par le débiteur lorsque la poursuite aboutit. Il n'y a donc effectivement pas lieu de prononcer la mainlevée définitive pour les frais du commandement de payer, dont le sort suit celui de la poursuite (art. 68 LP) (arrêt du Tribunal fédéral 5A_8/2008 du 11 avril 2008 consid. 4).

Partant, il y a lieu de prononcer la mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer dans la poursuite n° 1______ à hauteur de CHF 20'720.-.

15.         La demande est admise dans son intégralité s’agissant de l’objet principal, soit le versement des indemnités journalières.

15.1 L'art. 95 al. 3 let. b CPC prévoit que les dépens – inclus dans les frais selon l’alinéa premier de cette disposition – comprennent le défraiement d'un représentant professionnel. Le droit à une indemnité pour frais d'avocat découle ainsi du droit fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 4C_1/2011 du 3 mai 2011 consid. 6.2). Les cantons sont compétents pour fixer le tarif des frais comprenant les dépens (cf. art. 96 CPC). 

15.2 À Genève, le règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 (RTFMC - E 1 05.10) détermine notamment le tarif des dépens, applicable aux affaires civiles contentieuses (art. 1 RTFMC). Son art. 84 dispose que le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse. Sans effet sur les rapports contractuels entre l'avocat et son client, il est fixé d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé. L’art. 85 RTFMC dispose que pour les affaires pécuniaires, le défraiement prend pour base le tarif suivant : pour une valeur litigieuse au-delà de CHF 20'000.- et jusqu'à CHF 40'000.-, CHF 3'900.- plus 11% de la valeur litigieuse dépassant CHF 20'000.-. Sans préjudice de l’art. 23 de la loi d’application du code civil [LaCC - E 1 05], il peut s'en écarter de plus ou moins 10% pour tenir compte des éléments rappelés à l’art. 84.

15.3 Compte tenu de la valeur litigieuse de CHF 20'720.-, le demandeur a droit à des dépens de CHF 3'980.-.

15.4 Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 114 let. e CPC).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Condamne la défenderesse à verser au demandeur la somme de CHF 20'720.- avec intérêts à 5% l’an dès le 2 février 2022.

4.        Prononce la mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer dans la poursuite n° 1______ à due concurrence des montants susmentionnés.

5.        Condamne la défenderesse à verser au demandeur une indemnité de dépens de CHF 3'980.-.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le