Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3904/2024

ATAS/343/2025 du 13.05.2025 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3904/2024 ATAS/343/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 mai 2025

Chambre 10

 

En la cause

A______

représentée par Maître Sacha CAMPORINI

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l'assurée), née le ______ 1973, naturalisée en 2000, mariée et mère de quatre enfants nés en 1999 (décédé le 22 mai 2007), 1997, 2009 et 2011, a obtenu un diplôme de coiffeuse et travaillé en cette qualité entre 1994 et 2002. Elle a ensuite occupé un emploi de patrouilleuse scolaire à 20% entre 2008 et 2011. Elle est au bénéfice d'une aide de l'Hospice général.

b. Le 13 février 2023, l'assurée a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité (ci-après : OAI), mentionnant être suivie pour des troubles somatiques et psychiques.

c. Dans un rapport du 8 mai 2023, la docteure B______, spécialiste en médecine interne, a indiqué à l’OAI que l’assurée présentait un diabète gestationnel depuis 2009 et un diabète de type II depuis 2012, non équilibré et compliqué d'une polyneuropathie algique. Le traitement était difficile, avec des hypoglycémies. Elle a également mentionné une haute tension artérielle, un trouble anxio-dépressif, une asthénie importante et des difficultés émotionnelles. La patiente n'avait pas de potentiel de réadaptation. Elle effectuait toutes les tâches ménagères, mais était aidée par son mari pour les tâches plus lourdes comme passer l'aspirateur ou nettoyer les vitres ou la salle de bain, ainsi que pour porter les courses.

Elle a annexé :

-          un rapport du 13 juillet 2020 de la docteure C______, spécialiste en cardiologie, selon lequel le bilan n'avait pas mis en évidence de cardiopathie sous-jacente significative ; les palpitations étaient probablement liées au stress et la patiente était fortement encouragée à poursuivre une activité physique et à arrêter de fumer ; aucun autre examen n'était proposé ;

-          un rapport de gastroscopie du 6 décembre 2021 établi par la
docteure D______, gastro-entérologue, laquelle a conclu à une discrète gastropathie érythémateuse ;

-          un rapport du 11 avril 2022 de la docteure E______, spécialiste en neurologie, aux termes duquel ses examens clinique, neurologique et électroneuromyographique pourraient être compatibles avec une polyneuropathie et un discret syndrome du tunnel carpien bilatéral prédominant à gauche ;

-          un rapport du 14 décembre 2022 du docteur F______, spécialiste en radiologie, relatif à une échographie de l'épaule droite réalisée le jour même en raison d’une limitation de la mobilité et ayant révélé un argument échographique pour une bursite sous‑acromio‑deltoïdienne.

d. Dans un rapport du 19 juin 2023, la docteure G______, spécialiste en endocrinologie et diabétologie, a indiqué à l'OAI qu'elle suivait depuis 2021 la patiente, diabétique depuis 2009. Des horaires réguliers permettant la prise des repas, la mesure de la glycémie et l’administration d'insuline, étaient nécessaires. Si ces mesures étaient respectées, il n'y avait aucune limitation.

e. Le 17 août 2023, l'assurée a répondu à un questionnaire de l'OAI sur le statut, indiquant qu'elle n'exerçait pas d'activité professionnelle avant son atteinte à la santé et qu'elle n'avait entrepris aucune démarche en vue d'occuper un emploi. Elle n'avait pas d'activités occupationnelles, ni de bénévolat ou de loisirs.

f. Par rapport du 4 décembre 2023, la docteure H______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, a indiqué à l'OAI que l'anamnèse de l'assurée était vierge jusqu'en 2007, lorsque son fils était décédé d'un cancer. Cet évènement traumatique avait produit un état dépressif chronique, avec une traduction somatique sous forme de multiples douleurs de tous types et ce sans nécessairement de substrat organique. Elle a rapporté une nervosité, une irritabilité, un constant propos de nature dépressive et une « insatisfaction de tout ». La patiente se sentait très fragile et pleurait beaucoup, et toutes petites maladies augmentaient dramatiquement son angoisse. Elle était terrifiée de descendre un escalier et était hypochondriaque. Son état de santé avait connu une lente détérioration dans un contexte de difficultés avec ses deux enfants adolescents et de difficultés conjugales, ce qui avait massivement augmenté son angoisse et aboutissait à une peine à s'organiser. Le suivi avait débuté le 22 février 2006 et le traitement antidépressif et anxiolytique n'avait pas eu d'effet thérapeutique notable. Le travail de psychothérapie était poursuivi, à la fois de soutien et de l'aide à la maitrise des émotions intenses. Personne n'aidait l'assurée dans ses tâches domestiques.

g. Le 26 janvier 2024, la Dre H______ a attesté d'un état dépressif sévère, dans le cadre d'un deuil infaisable, rappelant la mort du fils de l'assurée âgé de 7 ans et demi le 22 mai 2007 d'une tumeur faciale massive déformant complètement son visage. La patiente présentait un status psychiatrique particulièrement volatile. Une partie de ses troubles somatiques relevait du diagnostic de trouble somatoforme, ce qui n'empêchait pas la présence de troubles somatiques ayant une base organique reconnue. Elle a ajouté que le diabète et l'hypertension artérielle étaient difficilement contrôlables. L'intéressée présentait des troubles paniques fréquents et les antidépresseurs prescrits n'avaient eu aucun effet bénéfique. Le Temesta fut en effet mal toléré, ainsi que les autres anxiolytiques. La patiente prenait de la mélatonine pour dormir.

h. Par avis du 1er février 2024, le docteur I______, médecin auprès du service médical régional (ci-après : SMR) de l'OAI, a relevé que la psychiatre traitante ne donnait pas de précision concernant les critères, la symptomatologie et la date d'apparition de l'état dépressif qualifié de sévère, du trouble somatoforme douloureux et des troubles paniques. Les noms des antidépresseurs déjà prescrits n'étaient pas cités. Dans ce contexte, il préconisait la réalisation d'une expertise bidisciplinaire, comprenant des volets rhumatologique et psychiatrique, et cas échéant un bilan neuropsychologique.

i. Dans leur rapport d'expertise du 11 juillet 2024, le docteur J______, spécialiste en rhumatologie, et la docteure K______, spécialiste en psychiatrie, ont posé les diagnostics d'épisode dépressif moyen (F32.1), de trouble panique (F41.0), de fibromyalgies avec critères ACR-2016 (M79.70), de dorso-lombalgies chroniques avec des troubles statiques du rachis et une dysfonction du bassin prédominant à droite, de capsulite de l'épaule droite au décours évoluant dans le cadre d'un diabète insulinodépendant, de cervicalgies chroniques avec une surcharge musculaire de la ceinture scapulaire prédominant à droite et des dysfonctions cervicales, ainsi que de syndrome du tunnel carpien gauche modéré. Ils ont précisé que les éléments thymiques accentuaient les diagnostics rhumatologiques et que le fonctionnement de l'assurée semblait avoir basculé à la suite du décès de son fils. S’était développée une détérioration thymique accompagnée de douleurs qui s'étendaient et gagnaient en intensité au fil des années, mais restaient compatibles avec le fonctionnement quotidien, bien que très pauvre. Elle parvenait à gérer une partie du ménage et à s'occuper de ses enfants, toujours à la charge de son mari et elle. Tous participaient aux tâches ménagères et ce qui limitait l'assurée était davantage en lien avec son humeur plutôt que ses douleurs. Les limitations étaient donc principalement en lien avec le versant psychiatrique. Les interactions avec l'entourage étaient quasiment inexistantes et généralement mauvaises pour celles qui restaient. L'assurée ne voyait pas d'issue à sa situation qui péjorait également le pronostic en lien avec son diabète qu'elle ne parvenait pas à équilibrer, étant privée de ressources proactives dans le contexte de son atteinte thymique. La capacité de travail était nulle depuis 2015 au moins. La prise en charge psychiatrique était une condition sine qua non à la mise en œuvre des mesures proposées sur le plan rhumatologique. Dans le contexte actuel, la situation semblait piétiner depuis longtemps et il n'était pas possible d'attester de cinétique d'amélioration. Toutefois, une amélioration de la situation à moyen voir long terme était attendue et devrait faire l'objet d'une réévaluation indépendante. Dans leur appréciation des aspects liés à la personnalité et des facteurs pesants, ainsi que des ressources, les experts ont relevé que l'assurée ne travaillait plus depuis 2011, selon ses dires en raison des douleurs de la ceinture scapulaire et afin de s'occuper de ses enfants alors en bas âge. L'intéressée disait avoir une copine, quelques amis et peu de contacts extérieurs. Tout au plus, elle allait parfois boire le café à l'extérieur. Son tissu social était plutôt mince. Elle essayait de faire une heure de marche par jour et disait rester chez elle car elle ne se sentait pas bien et craignait de pouvoir rapidement « se bagarrer verbalement » avec quelqu'un si elle sortait. Les tâches domestiques étaient partagées par l'assurée et son mari. Celle-ci réalisait tout à l'exception du port de charges. Les aspects administratifs étaient assumés par son époux. Les enfants participaient également. Le manque de motivation semblait prédominer dans les limitations des tâches ménagères.

j. Le 15 juillet 2024, l'OAI a rendu un mandat d'enquête ménagère, visant à déterminer les empêchements dans le ménage.

k. Dans une note relative au choix de la méthode d'évaluation de l'invalidité, datée du 15 juillet 2024, l'OAI a rappelé que l'assurée n'avait exercé aucune activité depuis 2011, ni démontré avoir recherché un emploi ou cherché à s'insérer dans le monde du travail. Au vu de son curriculum vitae et des dernières formations qui dataient de 1994, ainsi que de ses réponses dans le questionnaire ad hoc, un statut de pure ménagère était retenu.

l. Le 15 juillet 2024, le Dr I______ a fait siennes les conclusions du rapport d'expertise. Les diagnostics incapacitants étaient un épisode dépressif moyen, un trouble panique et une fibromyalgie. Ces atteintes entrainaient une incapacité de travail durable de 100% depuis au moins 2015, que ce soit dans l'activité habituelle de coiffeuse ou dans tout métier adapté. Sur le plan psychiatrique, l'assurée ne pouvait pas exercer une fonction impliquant des relations sociales ou un effort physique, des multitâches ou un travail nécessitant une attention ou une concentration optimale ou soutenue, ainsi qu'une planification ou une structuration complexe. Sur le plan rhumatologique, elle ne pouvait pas porter des charges de plus de 2 kg, effectuer des flexion/extension/rotation répétées ou en force du rachis cervical, des mouvements du membre supérieur droit en force ou répétés au-dessus du plan des épaules, monter et descendre des escaliers sur plus d'un étage ou de façon répétée.

m. Le 30 août 2024, le service des évaluations de l'OAI a considéré, au vu des limitations fonctionnelles retenues par le SMR, de l'évaluation décrite dans l'expertise et de l'exigibilité des membres de la famille, que les empêchements dans le ménage étaient nuls étant donné qu'aucun rendement n'était exigé dans le cadre privé et que les tâches ménagères pouvaient être réparties et/ou fractionnées différemment.

B. a. Le 3 septembre 2024, l'OAI a informé l'assurée qu'il envisageait de rejeter sa demande. Sur le plan médical, il reconnaissait la présence d'une atteinte à la santé invalidante depuis 2015. Vu le statut retenu, soit celui d'une personne entièrement occupée à ses travaux habituels, il avait procédé à une enquête économique sur le ménage, qui avait révélé que les empêchements étaient nuls au vu de l'exigibilité des membres de sa famille. Ainsi, ces empêchements déterminaient le degré d'invalidité, de sorte qu'elle n'avait pas le droit à une rente d'invalidité.

b. Le 23 septembre 2024, l'assurée a contesté ce projet de décision.

c. Par décision du 14 octobre 2024, l'OAI a rejeté la demande de l'assurée pour les motifs évoqués dans sa missive du 3 septembre 2024. Il a conclu que le droit à la rente n'était pas ouvert et que des mesures d'ordre professionnel n'étaient pas envisageables.

d. Par courrier daté 11 octobre 2024, expédié par pli « A+ » le 14 octobre 2024 et enregistré par l'OAI le 15 octobre 2024, l'assurée a souligné que ses limitations fonctionnelles affectaient toutes activités professionnelles, mais également les tâches ménagères. L'évaluation décrite dans l'expertise et l'exigibilité des membres de la famille étaient contestées, car réductrices. Compte tenu de son âge, de la continuité avérée de ses problématiques de santé sans évolution positive, la révision proposée dans les deux ans ne ferait qu'aggraver son état, car elle ne permettrait pas de prouver de nouveaux éléments. En conséquence, elle priait l'OAI de bien vouloir réévaluer sa situation et examiner plus en détails les empêchements dans le ménage et lui accorder une rente d'invalidité.

e. Le 22 octobre 2024, l'OAI a annulé sa décision du 14 octobre 2024, les observations produites dans le cadre de la procédure d'audition ayant été déposées dans le délai imparti.

f. Dans une nouvelle décision datée du 23 octobre 2024, l'OAI a refusé d'octroyer à l'assurée une rente d'invalidité et des mesures d'ordre professionnel. S'agissant du degré d'empêchement retenu dans le ménage, l'intéressée n'exposait nullement en quoi son évaluation, qui tenait compte tant des limitations fonctionnelles présentées que de l'exigibilité des membres de la famille, qui pouvait en l'espèce être répartie sur le mari et les trois enfants, ne serait pas fondée. Partant, les éléments avancés dans le cadre de l'audition n'étaient pas de nature à modifier son évaluation.

C. a. Par acte du 25 novembre 2024, l'assurée, représentée par un avocat, a interjeté recours contre la décision précitée par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice. Elle a conclu, sous suite de frais et dépens, préalablement, à sa comparution personnelle. Principalement, elle a conclu à l'annulation de la décision entreprise, à ce qu'il soit constaté qu'elle présentait une atteinte invalidante à la santé depuis 2015 et qu'elle était invalide à 100%, et à l'octroi d'une rente d'invalidité entière dès le 1er septembre 2023. Subsidiairement, elle a conclu à l'annulation de la décision et au renvoi de la cause à l'intimé pour reprise de l'instruction. En substance, la recourante a relevé que, malgré le mandat d'enquête, aucune enquête ménagère n'avait été réalisée. L'intimé s'était uniquement fondé sur sa propre appréciation d'une brève description des activités ménagères contenue dans l'expertise pour conclure que les empêchements étaient nuls. Elle n'avait pas été auditionnée par l'intimé, et aucune visite sur place n'avait été réalisée pour évaluer ses empêchements et l'exigibilité au vu de la situation particulière de sa famille. Elle a relevé à ce propos que son époux était gravement atteint dans sa santé depuis le mois d'octobre 2022 et qu'un certificat médical de reprise de travail à 30% avait été établi depuis la fin du mois d'aout 2024 afin qu'il puisse bénéficier des mesures mises en place par l'intimé. L'exigibilité qui pouvait être retenue pour son mari était ainsi extrêmement limitée, voire nulle. En outre, la jeunesse de ses deux benjamines conduisait à une exigibilité extrêmement limitée, voire également nulle, et sa fille ainée poursuivait des études auprès de la Haute école de travail social, ce qui ne permettait pas de retenir une exigibilité. Elle a également souligné l'importance des tâches domestiques au vu du nombre de personnes vivant dans le foyer. L'anamnèse sur laquelle se fondait l'intimé était la retranscription d'une brève description qu’elle avait faite lors d'un unique entretien hors de son domicile qui ne portait pas spécifiquement sur la tenue du ménage. En outre, la situation décrite était celle ayant court après l'atteinte à la santé dont l'origine remontait, à teneur des constatations des experts, à 2015. Selon elle, le total de ses empêchements pondérés sans exigibilité s'élevait à 96% et le degré d'invalidité pour les travaux habituels avec exigibilité à 70%.

À l'appui de son écriture, la recourante a notamment produit :

-          un certificat médical établi par un médecin psychiatre attestant que son mari disposait d'une capacité de travail de 30% du 1er au 31 octobre 2024 ;

-          une communication du 28 août 2024 concernant son époux, auquel l'intimé avait indiqué prendre en charge les frais liés à une mesure de réinsertion professionnelle sous la forme d'un entrainement progressif, du 26 août 2024 au 2 mars 2025.

b. Dans sa réponse du 20 janvier 2025, l'intimé a conclu au rejet du recours. Il a rappelé la prise de position du 30 août 2024 de son service des évaluations, aux termes de laquelle la recourante présentait des empêchements modérés qui ne l'empêchaient pas d'effectuer les tâches ménagères, mais demandaient une certaine adaptation. Dans ce contexte, les empêchements rencontrés étaient compensés par l'aide exigible du mari de la recourante et de leurs trois enfants. Le tableau afférent aux empêchements présenté par la recourante était basé sur son estimation subjective et était en contradiction avec les déclarations faites lors de l'expertise. Ces éléments ne permettaient donc pas de revenir sur son appréciation.

c. Le 14 février 2025, la recourante a persisté dans ses conclusions, soulignant qu'elle sollicitait formellement sa comparution personnelle, ce à plus forte raison qu'aucune enquête ménagère n'avait été réalisée pour déterminer l'atteinte dans sa sphère ménagère.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du
6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur
l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

1.3 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).

2.              

2.1 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du
19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du
3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961
(RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

2.2 En l’occurrence, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait au plus tôt en août 2023, soit six mois après le dépôt de la demande du 13 février 2023
(cf. art. 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision du 23 octobre 2024, par laquelle l’intimé a nié le droit de la recourante à toute prestation.

4.             Conformément à l’art. 8 al. 1 LPGA, est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée.

Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

L’art. 4 al. 1 LAI dispose que l’invalidité (art. 8 LPGA) peut résulter d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident.

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

4.1 En vertu de l’art. 28 al. 1 LAI, l’assuré a droit à une rente aux conditions suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a) ; il a présenté une incapacité de travail
(art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) ; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c).

Selon l’art. 28a al. 2 LAI, le taux d’invalidité de l’assuré qui n’exerce pas d’activité lucrative, qui accomplit ses travaux habituels et dont on ne peut raisonnablement exiger qu’il entreprenne une activité lucrative est évalué, en dérogation à l’art. 16 LPGA, en fonction de son incapacité à accomplir ses travaux habituels.

4.2 Chez les assurés travaillant dans le ménage, le degré d'invalidité se détermine, en règle générale, au moyen d'une enquête économique sur place, alors que l'incapacité de travail correspond à la diminution, attestée médicalement, du rendement fonctionnel dans l'accomplissement des travaux habituels
(ATF 130 V 97).

L'évaluation de l'invalidité des assurés pour la part qu'ils consacrent à leurs travaux habituels nécessite l'établissement d'une liste des activités que la personne assurée exerçait avant la survenance de son invalidité, ou qu'elle exercerait sans elle, qu'il y a lieu de comparer ensuite à l'ensemble des tâches que l'on peut encore raisonnablement exiger d'elle, malgré son invalidité, après d'éventuelles mesures de réadaptation. Pour ce faire, l'administration procède à une enquête sur place et fixe l'ampleur de la limitation dans chaque domaine entrant en considération
(ATF 137 V 334 consid. 4.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_191/2021 du 25 novembre 2021 consid. 6.2.2 et les références).

Selon la jurisprudence, une enquête ménagère effectuée au domicile de la personne assurée constitue en règle générale une base appropriée et suffisante pour évaluer les empêchements dans l’accomplissement des travaux habituels. En ce qui concerne la valeur probante d’un tel rapport d’enquête, il est essentiel qu’il ait été élaboré par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il y a par ailleurs lieu de tenir compte des indications de l'assuré et de consigner dans le rapport les éventuelles opinions divergentes des participants. Enfin, le texte du rapport doit apparaître plausible, être motivé et rédigé de manière suffisamment détaillée par rapport aux différentes limitations, de même qu'il doit correspondre aux indications relevées sur place. Si toutes ces conditions sont réunies, le rapport d’enquête a pleine valeur probante. Lorsque le rapport constitue une base fiable de décision dans le sens précité, le juge n’intervient pas dans l’appréciation de l’auteur du rapport sauf lorsqu’il existe des erreurs d’estimation que l’on peut clairement constater ou des indices laissant apparaître une inexactitude dans les résultats de l’enquête (ATF 140 V 543 consid. 3.2.1 ; 129 V 67 consid. 2.3.2 publié in VSI 2003 p. 221 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_625/2017 du 26 mars 2018 consid. 6.2 et I 733/06 du 16 juillet 2007).

4.3 Il existe dans l'assurance-invalidité - ainsi que dans les autres assurances sociales - un principe général selon lequel l'assuré qui demande des prestations doit d'abord entreprendre tout ce que l'on peut raisonnablement attendre de lui pour atténuer les conséquences de son invalidité (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 et les références ; 140 V 267 consid. 5.2.1 et les références). Dans le cas d'une personne rencontrant des difficultés à accomplir ses travaux ménagers à cause de son handicap, le principe évoqué se concrétise notamment par l'obligation d'organiser son travail et de solliciter l'aide des membres de la famille dans une mesure convenable. Un empêchement dû à l'invalidité ne peut être admis chez les personnes qui consacrent leur temps aux activités ménagères que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies sont exécutées par des tiers contre rémunération ou par des proches qui encourent de ce fait une perte de gain démontrée ou subissent une charge excessive. L'aide apportée par les membres de la famille à prendre en considération dans l'évaluation de l'invalidité de l'assuré au foyer va plus loin que celle à laquelle on peut s'attendre sans atteinte à la santé. Il s'agit en particulier de se demander comment se comporterait une famille raisonnable si aucune prestation d'assurance ne devait être octroyée
(ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références). La jurisprudence ne pose pas de grandeur limite au-delà de laquelle l'aide des membres de la famille ne serait plus possible. L'aide exigible de tiers ne doit cependant pas devenir excessive ou disproportionnée (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3.1 et les références).

Toutefois, la jurisprudence ne répercute pas sur un membre de la famille l'accomplissement de certaines activités ménagères, avec la conséquence qu'il faudrait se demander pour chaque empêchement si cette personne entre effectivement en ligne de compte pour l'exécuter en remplacement
(ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 ; 133 V 504 consid. 4.2). Au contraire, la possibilité pour la personne assurée d'obtenir concrètement de l'aide de la part d'un tiers n'est pas décisive dans le cadre de l'évaluation de son obligation de réduire le dommage. Ce qui est déterminant, c'est le point de savoir comment se comporterait une cellule familiale raisonnable, soumise à la même réalité sociale, si elle ne pouvait pas s'attendre à recevoir des prestations d'assurance. Dans le cadre de son obligation de réduire le dommage (art. 7 al. 1 LAI), la personne qui requiert des prestations de l'assurance-invalidité doit par conséquent se laisser opposer le fait que des tiers - par exemple son conjoint [art. 159 al. 2 et 3 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC -RS 210)] ou ses enfants (art. 272 CC) - sont censés remplir les devoirs qui leur incombent en vertu du droit de la famille (arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3.2 et les références, in SVR 2023 IV n. 46 p. 156).

Le Tribunal fédéral a récemment confirmé qu'il n'y a pas de motif de revenir sur le principe de l'obligation de diminuer le dommage tel que dégagé par la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3 et les références).

5.             Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193
consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450
consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ;
125 V 351 consid. 3b/bb).

Le but des expertises multidisciplinaires est de recenser toutes les atteintes à la santé pertinentes et d'intégrer dans un résultat global les restrictions de la capacité de travail qui en découlent. L'évaluation globale et définitive de l'état de santé et de la capacité de travail revêt donc une grande importance lorsqu'elle se fonde sur une discussion consensuelle entre les médecins spécialistes participant à l'expertise. La question de savoir si, et dans quelle mesure, les différents taux liés aux limitations résultant de plusieurs atteintes à la santé s'additionnent, relève d’une appréciation spécifiquement médicale, dont le juge ne s'écarte pas, en principe (cf. ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.3 ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_162/2023 du 9 octobre 2023 consid. 2.3 et les références).

Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR
(ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du
4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

6.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

7.             En l’espèce, l’intimé a nié le droit de la recourante à toute prestation, au motif qu’elle ne subissait aucun empêchement dans le ménage, conformément aux conclusions du 30 août 2024 de son service des évaluations.

La recourante ne conteste pas le statut de personne non active retenu par l’intimé, mais reproche à ce dernier de ne pas avoir procédé à une enquête ménagère et d’avoir évalué ses empêchements sur la seule base du rapport d’expertise du
11 juillet 2024.

7.1 Dans sa prise de position du 30 août 2024, le service des évaluations de l’intimé a rappelé les diagnostics incapacitants et les limitations fonctionnelles retenus par le SMR dans ses conclusions du 15 juillet 2024, cité un passage de l’expertise portant sur le ménage, relevé que la recourante vivait avec son époux et leurs trois enfants nés en 1997, 2009 et 2011, et conclu que les empêchements dans le ménage étaient nuls, étant donné qu’aucun rendement n’était exigé dans le cadre privé, que les tâches ménagères pouvaient être réparties et fractionnées différemment, et qu’une exigibilité était retenu pour les membres de la famille.

7.1.1 La chambre de céans constate tout d’abord que cette détermination ne tient pas compte de l’ensemble des atteintes à la santé dont souffre la recourante.

En effet, le Dr J______ a posé les diagnostics de fibromyalgie, avec répercussion sur la capacité de travail, mais également de dorso-lombalgies chroniques avec des troubles statiques du rachis et une dysfonction du bassin prédominant à droite, de capsulite de l'épaule droite au décours évoluant dans le cadre d'un diabète insulinodépendant, de cervicalgies chroniques avec une surcharge musculaire de la ceinture scapulaire prédominant à droite et des dysfonctions cervicales, et de syndrome du tunnel carpien gauche modéré, sans incidence sur la capacité de travail (rapport p. 37). Si ces troubles ont bien été repris par le Dr I______ dans son avis du 15 juillet 2024 à titre de diagnostics non incapacitants, ils n’ont toutefois pas été mentionnés dans les conclusions de cet avis, sur lesquelles s’est fondé le service des évaluations de l’intimé.

En outre, l’expert rhumatologue a retenu que l’intéressée présentait des limitations pour le port de charges de plus de 5 kg et de plus de 2 kg en cas de répétitions, les mobilisations du rachis cervical, les efforts du membre supérieur droit au-dessus de l’horizontale, et les montées et descentes d’escaliers (rapport p. 40). Dans le métier de coiffeuse, la capacité de travail était entière, mais la performance réduite de 50% en raison de la fatigue liée aux douleurs (contexte de fibromyalgie) et des restrictions précitées (rapport p. 41). Dans une activité adaptée, la performance était diminution de 30% considérant « l’important état de fatigue » décrit par l’expertisée (rapport p. 42). Il a conclu que la capacité de travail était de 70% depuis 2020, en raison de l’accentuation des douleurs depuis quatre ans (rapport
p. 42). Or, le SMR, qui a indiqué faire siennes les conclusions de l’expertise, a retenu que les contre-indications visaient, sur le plan rhumatologique, le port de charges de plus de 2 kg, les flexion/extension/rotation répétées ou en force du rachis cervical, les mouvements du membre supérieur droit en force ou répétés
au-dessus du plan des épaules, les montées et descentes d’escaliers sur plus d'un étage ou de façon répétée. Il a donc omis de mentionner la fatigue liée aux douleurs dans le contexte de la fibromyalgie, alors que cette symptomatologie a précisément justifié une diminution de la capacité de travail.

7.1.2 En ce qui concerne le passage cité par le service des évaluations au sujet de la tenue du ménage, il s’agit de l’appréciation de l’expert rhumatologue (rapport p. 23). Ce dernier a noté que l’ensemble de l’administratif était effectué par le mari et que l’intéressée ne présentait pas de « vraie limitation » pour l’entretien du ménage « de base », hormis des « problèmes pour les ports de charges ». Tout le monde participait à la préparation des repas pour mettre/nettoyer la table, et les courses importantes étaient faites par le mari, parfois la fille aînée. S'agissant de l'entretien du logement ou de la maison, il a rapporté que l'intéressée disait avoir un aspirateur « adapté », soit léger, électrique et à traction. Elle bénéficiait de l'aide de son mari ou des filles pour les travaux lourds, mais se disait capable « dans la globalité » de tout faire. Toutefois, elle n'avait « envie de rien faire ». Les limitations étaient, « de temps en temps », des douleurs à l'effort, mais surtout la fatigue. Les courses quotidiennes et les achats plus importants pouvaient être faits par l’expertisée, sous réserve de quelques limitations pour le port de charges. L'intéressée pouvait également s'occuper de la lessive et de l'entretien des vêtements, étant précisé qu'elle avait déclaré ne pas aimer repasser. Elle n'avait par ailleurs pas de problèmes concernant les soins aux enfants ou aux autres membres de la famille. À la question de savoir de quelle façon avait évolué la réalisation du ménage, l'expert a noté que les problèmes consistaient essentiellement en la fatigue, parfois les douleurs à l'effort.

En ne se référant qu’à ce passage, l’appréciation du service des évaluations est manifestement incomplète. Elle omet en particulier de prendre en considération les limitations relevées par le Dr J______ dans d’autres parties de son rapport. L’expert a par exemple noté que l’expertisée se plaignait d'avoir des difficultés pour porter les charges en raison d'un sentiment de diminution de la force et surtout d’un sentiment d'intense fatigue, qu’elle faisait état de crises douloureuses dans la région cervicale pouvant être intenses et apparaissant lors d'efforts comme passer l'aspirateur, ou lors de ports de charges (rapport p. 13). On ne saurait donc déduire du rapport d’expertise rhumatologique que la recourante ne présente aucun empêchement dans la sphère ménagère.

Mais surtout, il sied de relever que la Dre K______ s’est également déterminée sur le « ménage » et que son appréciation n’a pas du tout été évoquée par le service des évaluations. L’experte psychiatre a diagnostiqué un épisode dépressif moyen et retenu des symptômes de lignée dépressive, dont une humeur dépressive, une diminution de l’intérêt, un apragmatisme franc, une asthénie dès le réveil (rapport p. 48 et 49). À l'anamnèse personnelle, elle a noté que la fille aînée, avec laquelle l’expertisée déclarait ne pas bien s'entendre, aidait à la maison, notamment au ménage ou à la vaisselle, et que la benjamine aimait cuisiner et l'aidait plus (rapport p. 53). Dans la partie dévolue au ménage, l'experte psychiatre a écrit que la recourante était très aidée dans son quotidien par les différents membres de sa famille. Son mari s'occupait des courses et tout le monde participait au ménage. Elle ne nettoyait pas la chambre de ses filles, car il y avait trop de « bazar », ce qui la faisait hurler. Les enfants faisaient la cuisine, surtout la benjamine qui aimait beaucoup cela. Son mari aidait parfois à la cuisine et faisait les courses avec les filles. Elle avait précisé en avoir marre de cuisiner turc, car ses filles voulaient manger des pizzas ou des tacos. S'agissant de l'entretien du logement ou de la maison, tout le monde participait au ménage, et la fille aînée aidait à la vaisselle. Son mari et ses filles s'occupaient de faire des achats en tout genre et l’époux gérait les tâches administratives. L’expertisée s'occupait du linge, mais ne repassait pas car elle trouvait que ses filles n'étaient pas soigneuses de leurs vêtements (rapport p. 56).

Si ces descriptions suggèrent que la recourante réalise, avec la coopération des membres de sa famille, la plupart des tâches ménagères, à l’exception des courses et des activités administratives, les réponses apportées par l’experte aux questions concernant les empêchements ménagers permettent de retenir le contraire. En effet, la psychiatre a noté que l'apragmatisme, le manque d'envie et le manque de reconnaissance faisaient que la recourante ne faisait que « peu de choses ». Elle ne se contraignait pas à aller faire les courses, trouvant cela trop pénible. Elle n'avait pas particulièrement envie d'entretenir son logement, sauf pour nettoyer derrière son beau-frère, dans une réaction assez colérique de rejet. Elle ne souhaitait pas s'énerver de tout le monde se trouvant dans les magasins, de sorte qu'elle ne faisait pas d'achat. Elle effectuait la lessive, mais ne repassait pas, car elle trouvait que les membres de sa famille ne soignaient pas assez leur linge quand elle le leur repassait (rapport p. 74). La Dre K______ a mentionné, concernant l'appréciation des capacités, ressources, difficultés et limitations fonctionnelles, que la recourante n'accomplissait « que peu de choses actuellement ». Elle faisait « un peu » de ménage, cuisinait « occasionnellement ». Elle n'aimait plus le faire, car ses enfants ne voulaient plus manger les plats turcs qu'elle préparait. Elle restait alors chez elle à regarder son natel et n'avait pas de centre d'intérêt spécifique (rapport p. 69).

Elle a constaté que le contenu de la pensée restait très vide et que le discours était très pauvre. Elle a fait état d’une grande labilité émotionnelle, d’une humeur triste, d’une irritabilité et de moments de colère importants, et retrouvé des sentiments de culpabilité, de probables idées de dévalorisation faute d’avoir pu sauver son fils (rapport p. 60). Elle a rappelé que la recourante avait déjà été mère au foyer à partir de 2002, par choix, et qu’il apparaissait que son fonctionnement au domicile différait « drastiquement ». Son investissement dans le quotidien n'était plus le même. Elle a souligné l'absence d'élan vital et d'intérêt pour tout, depuis ses enfants jusqu'au fonctionnement de la maison (rapport p. 62).

L’experte a estimé que les impacts de la dépression et des attaques de panique étaient similaires dans tous les domaines de la vie et les limitations fonctionnelles invoquées étaient plausibles. Il ne semblait pas exister de bénéfices secondaires de la maladie, la passivité de l’expertisée s’inscrivant plus dans un fonctionnement (rapport p. 65).

Compte tenu de ces éléments, les conclusions du service des évaluations, aux termes desquelles la recourante ne présentait pas d’empêchement dans le ménage, aux motifs qu’aucun rendement n’était exigé dans le cadre privé et que les tâches ménagères pouvaient être réparties et fractionnées différemment, ne sauraient en l’état être suivies. Les troubles psychiques diagnostiqués semblent au contraire entrainer des limitations dans la sphère ménagère.

7.1.3 S’agissant de l’exigibilité des membres de la famille, il ressort de l’expertise que la recourante a déclaré au Dr J______ que son mari percevait des allocations pertes de gain, qui arriveraient à échéance au mois de septembre 2024 (rapport
p. 21), et qu’il était en incapacité de travail prolongée (rapport p. 22).

Le service des évaluations n’avait pas connaissance de ce fait, qui est susceptible de remettre en cause l’exigibilité retenue pour l’époux de la recourante.

7.2 Il appert donc que la brève appréciation du 30 août 2024 n’a pas été rendue en pleine connaissance des pathologies dont souffre la recourante et des limitations fonctionnelles qui en découlent. Elle ne tient en outre pas compte de l’important état de fatigue et des intenses douleurs admises par les experts, ni de la passivité de la recourante qui semble résulter de son état de santé psychique. De plus, cette prise de position ne repose pas sur une enquête diligentée au domicile de la recourante et ne tient donc pas compte de situation locale et spatiale. Enfin, elle ne contient pas la moindre indication sur la pondération des différents champs d'activités, ni aucune comparaison entre les activités ménagères réalisées avant et après les atteintes à la santé.

7.3 Au vu de la nature des troubles retenus et des limitations fonctionnelles admises, l’intimé ne pouvait pas exclure d'emblée tout empêchement dans la tenue du ménage en se rapportant de façon abstraite à l’exigibilité des membres de la famille, d'autant moins que l’intéressée a déclaré que son époux était en incapacité de travail.

Partant, la chambre de céans considère qu’une enquête ménagère est indispensable, afin d’évaluer la capacité de la recourante d’effectuer ses travaux ménagers et son rendement, ainsi que le pourcentage d’aide exigible de la part de son époux et de ses enfants.

Dans ces conditions, il convient d'annuler la décision litigieuse et de renvoyer la cause à l’intimé pour qu'il complète l'instruction, en mettant en œuvre une enquête ménagère visant à déterminer l'impact des atteintes à la santé somatique et psychiatrique dans la sphère ménagère et à évaluer précisément le taux d'invalidité, puis rende une nouvelle décision.

8.             Eu égard à tout ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision du 23 octobre 2024 annulée.

La recourante obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de
CHF 2'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.      Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.      L’admet partiellement.

3.      Annule la décision du 23 octobre 2024 et renvoie la cause à l’intimé au sens des considérants.

4.      Condamne l'intimé à verser à la recourante une indemnité de CHF 2'000.- à titre de dépens.

5.      Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.

6.      Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente

 

 

 

Joanna JODRY

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le