Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/336/2025 du 12.05.2025 ( AI ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/888/2025 ATAS/336/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 12 mai 2025 Chambre 6 |
En la cause
A______
| recourante |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE |
intimé |
A. Le 3 août 2022, A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1995, célibataire, a déposé une demande de prestations d’invalidité, en mentionnant une fibromyalgie, une spondylarthrite et une fissure capsulite, présentes depuis 2020 et suivies par les docteures B______, spécialiste FMH en médecine interne générale et médecin traitante, et C______, spécialiste FMH en rhumatologie.
B. a. À la demande de l’OAI :
- la Dre C______ a rempli un rapport médical le 24 août 2022 ;
- la Dre B______ a rendu un rapport médical le 5 septembre 2022.
b. L’assurée a suivi une mesure dans le cadre de l’assurance-chômage chez D______, du 17 au 21 octobre 2022.
c. Le 6 décembre 2022, l’OAI a requis de l’assurée des informations complémentaires et relancé l’assurée les 13 janvier et 8 février 2023.
d. Le 27 février 2023, l’assurée a communiqué des arrêts de travail signés par la Dre B______.
e. Le 27 février 2023, l’OAI a requis de la Dre C______ qu’elle remplisse un rapport médical AI et le 7 mars 2023, celle-ci a indiqué qu’elle n’avait plus revu l’assurée depuis le 26 janvier 2022.
f. Le 12 mars 2023, la Dre B______ a rempli un rapport médical AI.
g. Le 12 mai 2023, l’OAI a sollicité des renseignements médicaux du service de rhumatologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), qu’il a reçu le 31 mai 2023.
h. Le 31 mai 2023, l’OAI a sollicité de l’assurée des renseignements complémentaires.
i. Le 3 juillet 2023, la Dre B______ a rempli un rapport médical AI.
j. Le 30 juillet 2023, le service médical régional (ci-après : SMR) a estimé qu’une expertise rhumatologique et psychiatrique était nécessaire et le 2 août 2023, l’OAI a informé l’assurée qu’une expertise médicale bidisciplinaire serait ordonnée et lui a communiqué les questions de la mission d’expertise, en lui fixant un délai de 10 jours pour faire ses observations.
k. Le 8 septembre 2023, l’OAI a mandaté le E______ (ci-après : E______) pour effectuer l’expertise médicale bidisciplinaire et le 19 septembre 2023, l’OAI a communiqué à l’assurée le nom des experts et lui a imparti un délai de 10 jours pour faire valoir ses éventuels motifs de récusation.
l. Le 23 novembre 2023, l’assurée a été convoquée au E______ pour un examen médical et le 4 décembre 2023, le E______ a rendu son rapport d’expertise, concluant à une capacité de travail de l’assurée de 50% dans l’activité habituelle et de 70% dans une activité adaptée.
m. Le 11 décembre 2023, le SMR a conclu à une aptitude à la réadaptation depuis fin 2022 pour une capacité de travail de 50% dans l’activité habituelle (dès le 7 février 2022) et de 70% dans une activité adaptée dès fin 2022 au plus tard.
n. Le 12 décembre 2023, un mandat de réadaptation a été émis.
o. Le 28 février 2024, l’assurée a signé un document intitulé collaboration AI-HG et mentionnant une activité à un taux de 50% exercée en décembre 2022, pendant trois semaines.
p. Le 1er mars 2024, l’assurée a été convoquée pour un entretien auprès de la division réadaptation professionnelle, entretien reconvoqué les 14 mars et 21 mars 2024 et le 5 avril 2024, la réadaptation professionnelle a rendu un rapport du premier entretien (du 21 mars 2024), proposant une mesure d’orientation du 15 avril au 14 juillet 2024.
q. Le 18 juillet 2024, l’OAI a prolongé la mesure d’orientation professionnelle du 15 juillet au 6 octobre 2024.
r. Le 7 octobre 2024, l’assurée a débuté un stage qu’elle a interrompu le 10 octobre 2024 (arrêt maladie).
s. Le 30 octobre 2024, une tripartite a eu lieu.
t. Le 31 octobre 2024, une note de travail MOP a été rendue, invitant l’assurée à reprendre contact avec l’Hospice général (ci-après : HG).
u. Le 1er novembre 2024, un échange a eu lieu entre l’OAI et l’HG.
v. Le 20 novembre 2024, un rapport de surveillance MOP a proposé de poursuivre une mesure d’ordre professionnel, prise en charge par l’OAI du 18 novembre 2024 au 2 mars 2025.
w. Le 30 janvier 2025, une note de travail MOP a mentionné une fin de mesure à l’issue du stage en cours.
x. Le 3 février 2025, l’assurée a écrit à l’OAI, en sollicitant une décision de sa part, dans les plus brefs délais.
y. Le 20 février 2025, l’assurée a demandé à l’OAI de pouvoir prolonger son stage actuel.
z. Le 26 février 2025, l’OAI a prolongé le stage du 3 mars au 31 mars 2025 (afin de permettre à l’HG de prendre la relève pour l’accompagnement visant l’emploi, selon une note de travail MOP).
C. a. Le 14 mars 2025, l’assurée a saisi la chambre de assurances sociales de la Cour de justice d’un recours pour déni de justice, en faisant valoir que le 4 février 2025 elle avait demandé à l’OAI une décision, sans aucun retour de sa part. L’OAI devait rendre une décision dans les meilleurs délais.
b. Le 10 avril 2025, l’OAI a conclu au rejet du recours, en relevant que le dossier était en cours d’instruction et que vu les mesures ordonnées et l’instruction médicale effectuée, la durée de l’instruction n’était pas abusive.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. En vertu de la LPGA, un recours peut être formé lorsque l'assureur, malgré la demande de l'intéressé, ne rend pas de décision ou de décision sur opposition (art. 56 al. 2 LPGA).
Selon la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA). Une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l’article 4 alinéa 4 (art. 62 al. 6 LPA).
En l’espèce, le recours pour déni de justice, interjeté par-devant l’autorité compétente (art. 58 al. 1 LPGA), est recevable.
3. Aux termes de l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.
Le droit de recours de l'art. 56 al. 2 LPGA sert à mettre en œuvre l'interdiction du déni de justice formel prévue par l'art. 29 al. 1 Cst. Le retard injustifié à statuer, également prohibé par l'art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) – qui n'offre à cet égard pas une protection plus étendue que la disposition constitutionnelle (ATF 103 V 190 consid. 2b) –, est une forme particulière du déni de justice formel (ATF 119 Ia 237 consid. 2).
3.1 L’art. 29 al. 1 Cst. consacre notamment le principe de la célérité ou, en d'autres termes, prohibe le retard injustifié à statuer. L'autorité viole cette garantie constitutionnelle lorsqu'elle ne rend pas la décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans un délai que la nature de l'affaire ainsi que toutes les autres circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 144 I 318 consid. 7.1 et les références ; 131 V 407 consid. 1.1 et les références). Entre autres critères sont notamment déterminants le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige pour l'intéressé ainsi que le comportement de ce dernier et celui des autorités compétentes (ATF 143 IV 373 consid. 1.3.1 et les références) mais aussi la difficulté à élucider les questions de fait (expertises, par ex. ; arrêt du Tribunal fédéral C 53/01 du 30 avril 2001 consid. 2.2), mais non des circonstances sans rapport avec le litige, telle une surcharge de travail de l'autorité (ATF 130 I 312 consid. 5.2 ; 125 V 188 consid. 2a). À cet égard, il appartient au justiciable d'entreprendre certaines démarches pour inviter l'autorité à faire diligence, notamment en incitant celle-ci à accélérer la procédure ou en recourant pour retard injustifié. Si on ne peut reprocher à l'autorité quelques « temps morts », celle-ci ne saurait en revanche invoquer une organisation déficiente ou une surcharge structurelle pour justifier la lenteur de la procédure ; il appartient en effet à l'État d'organiser ses juridictions de manière à garantir aux citoyens une administration de la justice conforme aux règles (ATF 130 I 312 consid. 5.1 et 5.2 et les références). Dans le cadre d'une appréciation d'ensemble, il faut également tenir compte du fait qu'en matière d'assurances sociales le législateur accorde une importance particulière à une liquidation rapide des procès (ATF 126 V 244 consid. 4a). Peu importe le motif qui est à l’origine du refus de statuer ou du retard injustifié ; ce qui est déterminant, c’est le fait que l’autorité n’ait pas agi ou qu’elle ait agi avec retard (ATF 124 V 133 ; 117 Ia 117 consid. 3a et 197 consid. 1c ; arrêts du Tribunal fédéral I 819/02 du 23 avril 2003 consid. 2.1 ; C 53/01 du 30 avril 2001 consid. 2).
3.2 Il y a notamment un retard injustifié si l'autorité reste inactive pendant plusieurs mois, alors que la procédure aurait pu être menée à son terme dans un délai beaucoup plus court. Des périodes d'activités intenses peuvent cependant compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de côté en raison d'autres affaires et on ne saurait reprocher à l'autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure ; lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut. Un certain pouvoir d'appréciation quant aux priorités et aux mesures à prendre pour faire avancer l'instruction doit aussi être reconnu à l'autorité. Selon la jurisprudence, apparaissent comme des carences choquantes une activité de treize ou quatorze mois au stade de l'instruction ou encore un délai de dix ou onze mois pour que le dossier soit transmis à l'autorité de recours (arrêt du Tribunal fédéral 8C_162/2022 du 9 août 2022 consid. 5.1 et les références).
3.3 La sanction du dépassement du délai raisonnable ou adéquat consiste d'abord dans la constatation de la violation du principe de célérité, qui constitue une forme de réparation pour celui qui en est la victime. Cette constatation peut également jouer un rôle sur la répartition des frais et dépens, dans l’optique d’une réparation morale (ATF 130 I 312 consid. 5.3 ; 129 V 411 consid. 1.3). Pour le surplus, l'autorité saisie d'un recours pour retard injustifié ne saurait se substituer à l'autorité précédente pour statuer au fond. Elle ne peut qu'inviter l'autorité concernée à statuer à bref délai (ATF 130 V 90 ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_162/2022 du 9 août 2022 consid. 4.2 et les références). L’art. 69 al. 4 LPA prévoit que si la juridiction administrative admet le recours pour déni de justice ou retard injustifié, elle renvoie l’affaire à l’autorité inférieure en lui donnant des instructions impératives.
3.4 Le Tribunal fédéral a nié l’existence d'un retard injustifié notamment dans un cas où il s'était écoulé environ quinze mois entre le moment où l'assurée avait requis la prise en charge de son reclassement professionnel et la décision de la Caisse suisse de compensation. Pendant ce laps de temps, cette autorité avait procédé à une trentaine d'interventions, qui s'étaient échelonnées à un rythme soutenu d'une à plusieurs mesures par mois (envoi de questionnaires, production de pièces, consultation du dossier de l'assurance accident, soumission du cas au médecin-conseil, examen de divers problèmes : capacité résiduelle, comparaison des revenus, éventuel droit à une rente). La cause revêtait en outre une certaine complexité en raison de la nationalité et du domicile de l'assurée ainsi que de l'application d'une convention internationale de sécurité sociale (arrêt du Tribunal fédéral 5A.8/2000 du 6 novembre 2000). Le Tribunal fédéral avait rappelé que l'exigence de célérité ne pouvait l'emporter sur la nécessité d'une instruction complète (ATF 119 Ib 311 consid. 5b). Il avait considéré que, tout au plus, on aurait pu reprocher à la Caisse de compensation d'avoir mené ses investigations de façon peu systématique. Il était ainsi étonnant qu'il ait fallu cinq mois pour constituer un dossier complet à l'intention du médecin-conseil. Une étude préalable et approfondie du cas aurait permis d'éviter les démarches ultérieures en complément d'informations et production de radiographies et, partant, de gagner un certain temps. Ces atermoiements n'avaient cependant, à ce stade, pas retardé de façon intolérable la procédure, ce d'autant plus qu'ils étaient en partie imputables à l'assurée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_448/2014 du 4 septembre 2014 consid. 4.2).
Il en a fait de même dans un cas où il y avait eu un intervalle d'environ 21 mois entre le moment où l’OAI avait été en mesure de statuer, soit dans les semaines qui avaient suivi la réception de l'avis du SMR, jusqu'au dépôt du recours. Il a considéré que l’OAI avait activement mené son instruction, ainsi que cela ressortait des rapports médicaux régulièrement versés au dossier jusqu'au dépôt du recours pour déni de justice et que les investigations mises en œuvre n'apparaissaient pas superflues au point de constituer un déni de justice (arrêt du Tribunal fédéral 9C_448/2014 du 4 septembre 2014)
4. En l’occurrence, la recourante reproche à l’intimé un retard à rendre une décision, suite à sa demande de prestations du 3 août 2022, ce que l’intimé conteste.
Il ressort du dossier de la recourante que l’intimé a mené l’instruction du cas, depuis le dépôt de la demande de prestations du 3 août 2022 jusqu’à ce jour, de telle manière qu’on ne saurait lui reprocher un retard intolérable.
En effet, l’intimé a sollicité des renseignements médicaux auprès des médecins traitants peu après le dépôt de la demande de prestations. Il a également requis de la recourante des informations complémentaires. Ces renseignements ont ensuite permis au SMR de se prononcer dans un avis du 30 juillet 2023, soit moins d’un mois après le dernier rapport médical de la Dre B______ du 3 juillet 2023, en estimant qu’une expertise bidisciplinaire était nécessaire. Celle-ci a été ordonnée sans retard, le 8 septembre 2023 et le rapport a été rendu dans un délai raisonnable, le 4 décembre 2023. Un mandat de réadaptation s’en est suivi le 12 décembre 2023 et des mesures de réadaptation professionnelle ont été mises en place peu après, du 15 avril au 9 octobre 2024, puis du 18 novembre 2024 au 31 mars 2025.
Dans ces conditions, aucun retard au sens de la jurisprudence précitée ne peut être imputé à ce jour à l’intimé, lequel a par ailleurs indiqué qu’un projet de décision serait prochainement rendu, étant encore relevé que la recourante a requis, pour la première fois, une décision de l’intimé le 3 février 2025, soit prématurément puisqu’elle était encore au bénéfice d’une mesure d’ordre professionnel.
5. Partant, le recours ne peut qu’être rejeté.
Eu égard à la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 69 al. 1bis de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 [LAI - 831.20] a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Dit que la procédure est gratuite.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le