Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2469/2024

ATAS/317/2025 du 07.05.2025 ( LAA )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2469/2024 ATAS/317/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 7 mai 2025

Chambre 10

 

En la cause

A______

représenté par Maître Jennifer SCHWARZ

 

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assuré), né en 1963, a été engagé en qualité de grutier par l’entreprise B______ Sàrl (ci-après : l’employeur) à partir du
2 juin 2020. À ce titre, il était assuré pour les accidents professionnels et non professionnels auprès de la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : la SUVA). Il a été licencié le 26 juin 2023 pour le 31 octobre 2023 pour des motifs économiques.

b. Le 21 juillet 2023, l’assuré a consulté le docteur C______, médecin à Viry (France), lequel a diagnostiqué une entorse du ligament latéral externe de la cheville gauche suite à un accident survenu sur un chantier le 11 juillet 2023, et attesté d’une totale incapacité de travail dès le jour même.

c. La SUVA a pris en charge les suites du sinistre, en versant notamment des indemnités journalières à l’employeur.

d. L’assuré s’est soumis à plusieurs examens, dont une échographie et une radiographie de la cheville gauche le 21 juillet 2023, une échographie de la jambe gauche le 24 novembre 2023, une imagerie par résonnance magnétique (ci-après : IRM) de la cheville gauche le 7 février 2024, et une IRM des mollets le
6 mars 2024.

e. Dans une appréciation du 16 avril 2024, le docteur D______, spécialiste en chirurgie orthopédique et médecin-conseil de la SUVA, a considéré que la cheville de l’assuré était déjà altérée avant l’accident, relevant de l’arthrose avec des ostéophytes sur la malléole interne et latérale, un bec ostéophytaire au niveau du col du talus. Sur l’IRM étaient observés une atteinte du ligament talofibulaire antérieur « (entorse Grad II) », des signes de surcharge chronique autour de la cheville avec une entésopathie sur le calcanéum. L’accident avait, au degré de la vraisemblance prépondérante, causé une entorse « Grad II » de la cheville, atteinte chronique tendineuse. Une guérison était attendue à trois mois de l’événement pour l’entorse de la cheville et la symptomatologie résiduelle était en relation de causalité vraisemblable avec l’atteinte dégénérative préexistante.

B. a. Par décision du 29 avril 2024, la SUVA a mis fin aux prestations d’assurance au 30 avril 2024, retenant que l’état de santé de l’assuré tel qu’il aurait été sans l’accident du 11 juillet 2023 pouvait être considéré comme atteint trois mois après l’événement au plus tard.

b. Le 21 mai 2024, l’assuré a formé opposition à l’encontre de cette décision, relevant qu’il souffrait d’une fissure du tendon due à l’entorse, et non pas d’une dégénérescence des tissus, comme prétendu par le médecin-conseil qui ne l’avait même pas examiné.

Il a joint un rapport du docteur E______, chirurgien au Centre d’orthopédie de la clinique K______ de Bourg-en-Bresse (France), consulté le16 mai 2024 en raison de douleurs chroniques de la cheville gauche depuis l’accident de juillet 2023 limitant les activités du patient. À l’examen clinique, le médecin a constaté une tendance au valgus de l’arrière-pied avec beaucoup de mouvements parasites à l’appui, une douleur élective rétro-malléolaire et sous-malléolaire externe sur le trajet des fibulaires. Il n’y avait pas d’hyperlaxité en varus forcé. L’IRM retrouvait une fissure longitudinale subluxée du court fibulaire, qui justifiait une réparation rapide.

c. L’assuré a été opéré en ambulatoire le 27 mai 2024 par le Dr E______. Selon le protocole opératoire, le médecin avait retrouvé, lors de l’intervention, un tendon court fibulaire très volumineux avec une fissure d’environ 3 cm sous la malléole externe, laquelle avait été débridée et suturée.

d. Par courrier du 30 mai 2024, l’assuré a informé la SUVA qu’il ne percevait plus aucune indemnité, que ce soit d’organisme français ou suisse.

e. Dans un nouvel avis du 17 juin 2024, le Dr D______ a relevé que l’assuré présentait sur les radiographies une cheville diffusément arthrosique avec des signes de surcharge tibio-talique. Dans de telles circonstances, une tendinopathie chronique avec une fissuration tendineuse était « tout à fait compatible et de manière vraisemblable avec une atteinte dégénérative ». Un tendon sursollicité allait montrer une « usure sous forme d’effilochage, décrit comme une fissure » qui se faisait le long du tendon. Il n’y avait « pas à proprement parlé de perte de continuité, mais une usure comparable à celle d’un lacet de chaussure ». Dans ce cas précis, on se retrouvait, de manière vraisemblable, devant « une aggravation aigue transitoire d’un état dégénératif articulaire et abarticulaire (fissure tendineuse dans le cadre d’une tendinopathie chronique) ». L’intervention n’était pas, selon le degré de la vraisemblance prépondérante, en lien avec l’évènement déclaré. Du fait de l’état dégénératif articulaire et abarticulaire, l’événement avait effectivement fini de déployer ses effets à trois mois.

f. Par décision sur opposition du 18 juin 2024, la SUVA a rejeté l’opposition de l’assuré, sur la base des conclusions du Dr D______. Elle a en outre retiré l’effet suspensif à un éventuel recours contre cette décision.

C. a. Par acte du 22 juillet 2024, l’assuré, représenté par une avocate, a interjeté recours contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice. Il a préalablement conclu à la restitution de l’effet suspensif au recours. Principalement, il a conclu à l’annulation de la décision entreprise et à ce que l’intimée soit condamnée à reprendre immédiatement le versement des prestations avec effet rétroactif au 1er mai 2024, à s’acquitter de tous les frais de procédure et à lui payer un montant de CHF 3'850.- à titre de dépens. Subsidiairement, il a requis le renvoi du dossier à l’intimée pour nouvelle décision.

Ses chances de succès sur le fond paraissaient évidentes à première vue et son intérêt à obtenir le versement de prestations faisant l’objet du recours l’emportait sur celui de l’intimée à l’exécution immédiate de la décision.

Les pièces jointes à son écriture démontraient de manière irréfutable que l’accident assuré constituait la cause naturelle et adéquate de l’atteinte à la santé litigieuse. La décision entreprise était injustifiée, dans la mesure où elle se fondait sur un rapport médical qui présentait des erreurs de diagnostics grossières. En effet, son dossier ne comportait aucune trace d’arthrose des membres inférieurs avant le 21 juillet 2023 et les images radiographiques ne révélaient ni pincement articulaire, ni ostéophyte, ni géode sous chondrale, de sorte qu’il n’y avait pas de signe évident d’arthrose. Il n’avait jamais rencontré le moindre problème à la cheville gauche, ni n’avait consulté son médecin pour des problèmes d’arthrose avant l’accident litigieux, au cours duquel il s’était violemment tordu la cheville. Précédemment à cet événement, il était en excellente santé, pratiquait régulièrement le football et n’avait jamais eu aucun problème articulaire ou musculaire. Les conclusions du Dr D______ étaient en parfaite contradiction avec le constat du Dr E______ et le sinistre assuré apparaissait, selon une vraisemblance prépondérante, comme la condition sine qua non de la symptomatologie et de la pathologie dont il continuait de souffrir.

Il n’avait plus aucune ressource, car son employeur, devenue la société F______ Sàrl le 27 septembre 2023, était désormais en liquidation, la sécurité sociale française refusait d’entrer en matière pour l’indemniser, et France Travail ne pouvait pas intervenir étant donné qu’il était toujours en arrêt de travail.

Le recourant a notamment produit des rapports du 9 juillet 2024 du Dr E______, des 12 et 18 juillet 2024 du Dr C______, et du 22 juillet 2024 du
docteur G______, médecin à La Pesse (France).

b. En date du 31 juillet 2024, l’intimée a conclu au rejet de la requête de restitution de l’effet suspensif, au motif que l’intérêt de l’ensemble des assurés au bon fonctionnement et au financement du système des assurances sociales, associé au risque qu’elle supporterait de ne pas se voir rembourser les prestations allouées indûment, l’emportaient largement sur l’intérêt privé du recourant à continuer de bénéficier des prestations jusqu’à l’entrée en force d’une décision finale. Les chances de succès de l’intéressé n’étaient par ailleurs pas données.

c. Par arrêt incident du 7 août 2024 (ATAS/605/2024), la chambre de céans a restitué l’effet suspensif au recours et alloué au recourant une indemnité de
CHF 2'000.- à charge de l’intimée.

Le recours interjeté tardivement par cette dernière auprès du Tribunal fédéral a été déclaré irrecevable par arrêt du 20 octobre 2024 (8C_514/2024).

d. Dans sa réponse du 18 octobre 2024, l’intimée a conclu au rejet du recours. Elle a soutenu que le Dr D______, qui s’était prononcé à deux reprises sur le dossier du recourant, avait établi ses rapports en parfaite connaissance de l’anamnèse, après examen de tous les rapports au dossier et analyse de l’imagerie médicale. Un examen personnel de l’intéressé n’était donc pas nécessaire. Contrairement au Dr D______, les médecins traitants ne s’étaient pas prononcés sur la tendinopathie des fibulaires mises en évidence par l’échographie et l’IRM. Le Dr E______ n’avait pas remis en cause l’avis du Dr D______ retenant une entorse de la cheville de GRAD II et une atteinte préexistante sous la forme d’une tendinopathie des fibulaires, et n’avait pas expliqué pour quelle raison cette atteinte chronique maladive aurait pu être aggravée de manière durable par l’accident. Quant aux Drs C______ et G______, ils se contentaient de relever que le patient n’avait jamais consulté pour des troubles du membre inférieur gauche, ce qui ne permettait pas d’établir un lien de causalité naturelle. Elle avait à nouveau sollicité l’avis du Dr D______, qui avait confirmé, après avoir demandé un consilium radiologique, que l’accident avait cessé de déployer ses effets au plus tard trois mois après sa survenance.

L’intimée a joint l’appréciation du 25 septembre 2024 du Dr D______, lequel a diagnostiqué une tendinopathie chronique du court fibulaire gauche, une suture de fissure du court fibulaire gauche le 27 mai 2024, une entorse de GRAD II de la cheville gauche sans déchirure ligamentaire et une arthrose de la cheville gauche. Il a relevé, concernant la causalité naturelle de l'atteinte du ligament latéral externe, que celle-ci était probable et que l'imagerie n'avait pas mis en évidence de déchirure. Il s'agissait donc d'une entorse simple de la cheville gauche avec une guérison attendue à six-huit semaines. S’agissant de l’atteinte tendineuse, le rapport opératoire ne faisait pas mention de luxation des fibulaires dont la cause aurait pu être traumatique, mais d'une fissuration longitudinale qui avait été débridée et suturée. Ce type de lésion était typique d'une atteinte chronique, la structure tendineuse sur-sollicitée avait de la difficulté à se régénérer du fait d'une vascularisation précaire. Ces sur-sollicitations étaient liées à la morphologie de l'arrière-pied et à des surcharges chroniques objectivées tout du moins par l'atteinte dégénérative de l'articulation talocrurale visible sur l'imagerie réalisée à deux semaines de l'événement déclaré, mais également la présence d'un enthésophyte au niveau de l'insertion du tendon d'Achille et l'aponévrose plantaire classique dans les surcharges tendineuses chroniques. Ces atteintes tendineuses longitudinales se trouvaient sur toutes les structures tendineuses en souffrance. Il suffisait de s'imaginer un lacet usé proche de la rupture. Celui-ci était fissuré. L’image était tout à fait reproductible pour une structure tendineuse, qui pour rappel n'avait aucune propriété contractile, à une vascularisation souvent limitante, et dont les souffrances intrinsèques se voyaient couramment après
50 ans. Venait s’y ajouter l'atteinte chronique du fascia plantaire et de l'insertion du tendon d'Achille. La voussure rétro malléolaire observée d'emblée était probablement déjà en lien avec une inflammation au niveau de la gaine des tendons. Il n'y a pas de notion ni de description à l'échographie d'hématome ou d'hémorragie laissant suspecter une origine traumatique de cette atteinte, ce qui rendait son origine traumatique possible sans plus. Il s'agissait donc d'une entorse de la cheville gauche latérale, sans déchirure du ligament, avec une guérison attendue à six semaines. En tenant compte d'une rééducation fonctionnelle bien menée, l'événement avait fini de déployer ses effets au maximum à trois mois du traumatisme. L'intervention qui avait eu lieu le 27 mai 2024 n'était pas, selon le degré de la vraisemblance prépondérante, en lien avec l'événement déclaré. Son indication était vraisemblablement portée sur l'état chronique d'un tendon malade. Pour être exhaustif, une analyse de dossier par un spécialiste en radiologie avait été demandée, laquelle avait largement confirmé cet argumentaire, soit l’existence d’une lésion aigue du talofibulaire antérieur à type d'entorse de faible grade et atteinte tendineuse évoluant au long court sans aggravation structurelle en lien avec le sinistre déclaré.

L’intimée a également produit le courrier du 23 août 2024 du Dr D______ sollicitant un avis de la lecture du bilan radiologique du recourant, ainsi que la réponse du 10 septembre 2024 du docteur H______, spécialiste en radiologie et médecin au Centre Imagerive. Celui-ci a noté, à l’examen de l'échographie du 21 juillet 2023, une ténosynovite de la gaine des tendons fibulaires avec l'impression de quelques fissures longitudinales du court fibulaire expression d'une tendinopathie, sans déchirure, sans lésion manifeste du rétinaculum, sans lésion d'allure traumatique tendineuse objectivable ; un discret remaniement du ligament talofibulaire antérieur possible expression d'une entorse. Sur l'échographie du 24 novembre 2023, il a relevé l'impression d'une résolution partielle de la ténosynovite des fibulaires. Sur l'IRM du 7 février 2024, il a observé une ténosynovite des fibulaires particulièrement étendue avec un important épanchement liquidien, une nette synovite d'accompagnement, une tendinopathie du court fibulaire ayant évolué vers un amincissement du tendon avec un clivage et un foyer de déchirure évoluant sous la forme d'un nodule ovalaire de 18 mm de longueur sur 10 mm de diamètre de structure hétérogène, d'aspect dévascularisé l'aspect restant intègre de leur rétinaculum ; un discret épaississement d'aspect séquellaire fibrocicatriciel du ligament talofibulaire antérieur à focalisation proximale ; une hétérogénéité des fibres du ligament tibiotalien au versant médiat en regard de son insertion sur la malléole médiale prédominant au secteur profond avec quelques remaniements hypervascularisés suggérant les séquelles d'une lésion par contrecoup conséquence d'un traumatisme en varus ; l'intégrité des autres structures ligamentaires ; une hétérogénéité localisée de l'os sous-chondral à la marge supérolatérale du dôme du talus siège de discrets remaniements de type œdémateux hypervascularisés avec un cartilage discrètement hétérogène en regard compatible avec la séquelle d'une lésion ostéochondrale ; l'absence d'autre particularité. À la question de savoir s’il existait une atteinte préexistante au niveau de la cheville gauche, il a répondu que l'échographie du « 21 juin 2023 » apportait des arguments pour une pathologie préexistante des fibulaires constituée par la ténosynovite et la tendinopathie fissuraire du court fibulaire. La sémiologie observée n'apportait pas d'argument pour une atteinte tendineuse post-traumatique. Interrogé sur la possibilité d’affirmer de manière vraisemblable des indices d'une atteinte aiguë traumatique sur les différentes imageries de la cheville et sur l’existence de signes d'une atteinte chronique, il a exposé que les remaniements constatés sur l'échographie du « 21 juin 2023 » étaient compatibles avec une lésion aiguë du ligament talofibulaire antérieur à type d’entorse de faible grade, évoluant vers un status cicatriciel documenté par l'IRM du 7 février 2024. Cette IRM illustrait également les traces de lésion par contrecoup d'une entorse en varus au niveau du ligament tibiotalien et d'une lésion ostéochondrale marginale supérolatérale du dôme du talus dont l'imputabilité au traumatisme initial ne pouvait être déterminée avec certitude étant donné l’intervalle libre écoulé depuis l'accident. La pathologie observée concernant les tendons fibulaires et leur gaine apportait des arguments pour une atteinte évoluant au long cours, chronique. Enfin, à la question de savoir si l'atteinte tendineuse constatée était secondaire au traumatisme ou en lien avec une atteinte chronique selon la vraisemblance prépondérante au vu de l'imagerie à disposition, il a considéré que l'analyse du dossier transmis n'apportait pas d'argument pour une étiologie post-traumatique à la pathologie tendineuse constatée au niveau des fibulaires. Elle présentait toutes les caractéristiques d'une atteinte évoluant au long cours.

e. Dans sa réplique du 12 novembre 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions, requérant que l’intimée soit condamnée à lui payer un montant de CHF 6'461.80 à titre de dépens. Contrairement à ce que prétendait l’intimée, ses médecins traitants s’étaient prononcés sur la tendinopathie des fibulaires, puisque le Dr E______ avait indiqué, dans son rapport du 9 juillet 2024, qu’il n’existait pas de lien établi en pathologie ostéo-articulaire entre une arthrose de cheville et une pathologie tendineuse de voisinage. L’accident subi était donc en soi tout à fait susceptible de provoquer la symptomatologie et la pathologie dont il souffrait, à savoir une tendinopathie du court fibulaire de la cheville gauche. Ce médecin avait en outre exposé que les pathologies fibulaires étaient « classiquement », soit de manière probable, liées à une instabilité dynamique de la cheville après entorse. Par ailleurs, à teneur du rapport du Dr C______, il ressortait de la radiologie du 21 juillet 2023 une absence d’arthrose. Le Dr E______ avait rendu un rapport complémentaire le 7 novembre 2024, duquel il ressortait clairement que la tendinopathie préexistante asymptomatique avait été, selon un degré de vraisemblance prépondérante, déclarée et aggravée par l’entorse et l’instabilité même mineure qu’il avait gardée. En d’autres termes, l’association « classique » entre entorse et tendinopathie de la cheville permettait d’imputer, selon le degré de la vraisemblance prépondérante, l’évolution péjorative de cette tendinite asymptomatique, qui avait nécessité une opération et des soins prolongés, à l’entorse et à la boiterie. Le lien de causalité entre les symptômes présentés et l’accident ne pouvait être nié que lorsque l’état maladif antérieur était revenu au stade où il se trouvait avant l’accident ou s’il était parvenu au stade d’évolution qu’il aurait atteint sans l’accident. Or, sa tendinopathie préexistante était asymptomatique et n’avait jamais nécessité la moindre intervention de ses médecins. Elle avait été déclarée et aggravée par l’entorse et l’instabilité qu’il avait gardée, ce qui permettait de retenir un lien de causalité incontestable entre les symptômes présentés et l’accident. L’argumentation de l’intimée était incohérente. En effet, elle se permettait de considérer que le fait que l’évolution en pathologies chroniques des fibulaires était classiquement liée à une instabilité dynamique de la cheville après entorse ne rendait pas l’événement probable, mais constituait une simple possibilité, alors même qu’elle estimait que l’évolution des entorses qui cessait habituellement de déployer ses effets au maximum à trois mois du traumatisme constituait une suite non pas seulement possible, ni même probable, mais certaine de l’accident. S’il ne s’était pas violemment tordu la cheville en trébuchant sur une passerelle en bois le 11 juillet 2023, le dommage ne se serait tout simplement pas produit, de sorte que la décision litigieuse devait être annulée.

Il a transmis le rapport du 7 novembre 2024 du Dr E______, lequel a certifié avoir pris en charge le patient depuis le 16 mai 2024 dans un contexte de pathologie des fibulaires, secondaire à un accident de travail du mois de juillet 2021. S’agissant du lien entre l’accident et la pathologie actuelle, il a relevé que l'échographie réalisée à dix jours de l’entorse retrouvait effectivement une image en rapport avec une ténosynovite des fibulaires. Néanmoins, elle n'était pas symptomatique à ce moment-là. Il fallait savoir qu'une entorse même de grade débutant pouvait laisser une instabilité minime qui de manière chronique pouvait être à l'origine d'une souffrance des fibulaires par sur-sollicitation. Concernant les examens initiaux qui retrouvaient des calcifications au niveau du tendon d'Achille et de l'aponévrose plantaire, cela ne représentait en aucun cas un facteur prédisposant à développer une pathologie similaire au niveau des tendons fibulaires, ceux-ci ne fonctionnant pas du tout dans le même plan. On pouvait tout à fait présenter une tendinopathie d'Achille sans tendinopathie des fibulaires et inversement. Pour sa part, le patient présentait effectivement une tendinopathie préexistante asymptomatique qui avait été déclarée et aggravée par l'entorse et l'instabilité même minime qu'il avait gardée.

Le recourant a également annexé un avis d’arrêt de travail et un état de frais de son avocate mentionnant 21h35 d’activités effectuées au tarif horaire de
CHF 300.-, soit un total de CHF 6'461.80.

f. Le 5 décembre 2024, l’intimée a maintenu ses conclusions. Tous les médecins s’accordaient sur le fait que l’accident n’avait entrainé qu’une entorse bénigne de la cheville gauche chez un assuré qui présentait un état préexistant caractérisé par une tendinopathie chronique du court fibulaire gauche et une tendinopathie d’Achille. L’hypothèse du Dr E______, selon laquelle l’accident avait décompensé cet état chronique, était confirmée par les Drs D______ et H______, qui avaient toutefois précisé qu’il s’agissait d’une décompensation transitoire. Sur ce point, le Dr E______ n’apportait aucun argument permettant de contredire l’analyse de ses confrères, spécialistes en matière assécurologique. L’appréciation du Dr D______ remplissait tous les réquisits relatifs à la valeur probante d’un tel document.

L’intimée a produit une nouvelle appréciation rendue le 4 décembre 2024 par le Dr D______, invité à se déterminer sur le rapport du Dr E______. Le médecin d’assurance a maintenu que l’atteinte tendineuse évoluant au long cours sans aggravation structurelle en lien avec le sinistre déclaré confirmait un état dégénératif préexistant chronique, ce qui permettait d’établir sans réserve un statu quo sine à trois mois. Le rapport du Dr E______ confirmait la situation sans apporter d’argument permettant de suivre sa démarche. Il avait même précisé que l’atteinte était chronique. L’événement avait donc entrainé une aggravation aigue transitoire d’un état préexistant, ce qui était clairement indiqué dans son appréciation du 25 septembre 2024.

g. Le 2 avril 2025, la chambre de céans a informé les parties qu'elle entendait confier une mission d'expertise judiciaire au docteur I______, spécialiste en chirurgie du pied et de la cheville, et au docteur J______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, et leur a communiqué les questions qu’elle soumettrait aux experts.

h. Le 10 avril 2025, l’intimée a indiqué ne pas avoir de motif de récusation, ni de remarques sur la mission d’expertise.

i. En date du 29 avril 2025, le recourant a relevé ne pas avoir de motif de récusation, ni d’observations quant au libellé des questions. Il a précisé que son médecin traitant demeurait le Dr G______, le Dr C______ ayant uniquement remplacé ce dernier durant l’été 2024.

Il a produit deux attestations du 14 avril 2025 du Dr G______, la première certifiant la forte probabilité du lien de causalité entre l’accident de juillet 2023 et la tendinopathie ayant abouti à une chirurgie en mai 2024, arguments à l’appui, la seconde concernant les arrêts de travail prescrits.

 

 

EN DROIT

 

1.             La compétence de la chambre de céans et la recevabilité du recours ont été examinées dans l'arrêt incident du 7 août 2024. Il suffit d'y renvoyer.

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision sur opposition du 18 juin 2024, par laquelle l’intimée a mis fin à ses prestations au 30 avril 2024 et conclu que le
statu quo sine avait été atteint le 11 juillet 2023 au plus tard.

3.             Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.

Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA ;
ATF
142 V 219 consid. 4.3.1 ; 129 V 402 consid. 2.1).

La notion d'accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable, le caractère soudain de l'atteinte, le caractère involontaire de l'atteinte, le facteur extérieur de l'atteinte et, enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur ; il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 ; 129 V 402 consid. 2.1 et les références).

3.1 L’art. 6 al. 2 LAA prévoit que l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu’elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie : les déchirures du ménisque (let. c).

Selon la jurisprudence, lorsque l'assureur-accidents a admis l'existence d'un accident au sens de l'art. 4 LPGA et que l'assuré souffrait d'une lésion corporelle au sens de l'art. 6 al. 2 LAA, l'assureur-accidents doit prendre en charge les suites de la lésion en cause sur la base de l'art. 6 al. 1 LAA. En revanche, en l'absence d'un accident au sens juridique, le cas doit être examiné sous l'angle de l'art. 6
al. 2 LAA (ATF 146 V 51 consid. 9.1 ; arrêt 8C_445/2021 du 14 janvier 2022 consid. 3.1 et les références).

3.2 La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

La condition relative au lien de causalité naturelle est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière (ATF 148 V 356 consid. 3 ; 148 V 138 consid. 5.1.1). Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte
(ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; 119 V 335 consid. 1 et 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.

Selon la jurisprudence, l'utilisation par un médecin du terme « post-traumatique » ne suffit pas, à elle seule, à reconnaître un lien de causalité entre un accident et des troubles. En effet, on peut entendre par une affection « post-traumatique » des troubles qui ne sont pas causés par l'accident mais qui ne sont apparus qu'après l'accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_493/2023 du 6 février 2024 consid. 4.2 et la référence).

3.3 En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident.

Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il s'est manifesté à l'occasion de l'accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). En principe, on examinera si l'atteinte à la santé est encore imputable à l'accident ou ne l'est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1), étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (ATF 146 V 51 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_331/2024 du
29 novembre 2024 consid. 4.2).

À cet égard, le Tribunal fédéral a rappelé dans un arrêt récent qu'à supposer l'implication chez l'assuré de troubles dégénératifs préexistants, si leur origine exclusivement maladive n'a pas été établie, même s'il existait un état maladif antérieur, l'assureur-accidents est tenu de prendre en charge les suites de l'accident aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli (arrêt du Tribunal fédéral 8C_461/2023 du 8 février 2024 consid. 4.3.1.1).

En principe, on examinera si l'atteinte à la santé est encore imputable à l'accident ou ne l'est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1 et les références).

Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations d'assurance sociales, le fardeau de la preuve incombe en principe à l'assureur-accidents (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). Cette règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit entre seulement en considération s'il n'est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l'accident. Il est encore moins question d'exiger de l'assureur-accidents la preuve négative, qu'aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.3). Á cet égard, est seul décisif le point de savoir si, au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 146 V 271 consid. 4.4), les causes accidentelles d'une atteinte à la santé ne jouent plus aucun rôle, ne serait-ce même que partiel (ATF 142 V 435 consid. 1), et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_343/2022 du 11 octobre 2022 consid. 3.2 et les références).

Selon la jurisprudence, fixer le délai du retour au statu quo sine en se référant à l'évolution prévisible de l'atteinte à la santé d'une manière abstraite et théorique ne suffit pas pour établir, au degré de la vraisemblance prépondérante, l'extinction du lien de causalité avec l'accident en cause (arrêts du Tribunal fédéral 8C_481/2019 du 7 mai 2020 consid. 3.4 ; 8C_97/2019 du 5 août 2019 consid. 4.3.1 et 4.3.2 ; 8C_473/2017 du 21 février 2018 consid. 5).

4.             La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450
consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ;
142 V 58 consid. 5.1 et les références ; 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon
l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du
4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

5.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations d'assurance sociales, le fardeau de la preuve incombe en principe à l'assureur-accidents (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). Cette règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit entre seulement en considération s'il n'est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l'accident. Il est encore moins question d'exiger de l'assureur-accidents la preuve négative, qu'aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.3). À cet égard, est seul décisif le point de savoir si, au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 146 V 271 consid. 4.4), les causes accidentelles d'une atteinte à la santé ne jouent plus aucun rôle, ne serait-ce même que partiel
(ATF 142 V 435 consid. 1), et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_343/2022 du 11 octobre 2022 consid. 3.2 et les références).

Le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4).

6.             En l’espèce, l’intimée s’est fondée sur les appréciations de son médecin-conseil et a conclu que les troubles présentés par le recourant au niveau de sa cheville gauche n’étaient plus en relation de causalité naturelle avec le sinistre du
11 juillet 2023, à trois mois de l’événement accidentel.

Le recourant conteste cette appréciation et se réfère aux rapports de ses médecins.

6.1 Dans son arrêt incident du 7 août 2024, la chambre de céans a considéré que la décision litigieuse semblait, prima facie, manifestement infondée.

Elle a relevé que le Dr D______ avait considéré que la cheville de l’intéressé était déjà altérée avant l’accident, faisant état d’arthrose avec des ostéophytes sur la malléole interne et latérale, et d’un bec ostéophytaire au niveau du col du talus (avis du 16 avril 2024). Il avait retenu que le recourant présentait sur les radiographies une cheville « diffusément arthrosique » avec des signes de surcharge tibio-talique (avis du 17 juin 2024). Toutefois, le rapport d’échographie et de radiographie du 21 juillet 2021 ne mentionnait pas la présence d’arthrose. De plus, le Dr C______ avait expliqué que le compte-rendu du radiologue du
21 juillet 2023 mentionnait que les interlignes articulaires étaient respectés et qu’il n’y avait pas de lésion ostéochondrale, ce qui parlait en faveur de l’absence d’arthrose. En outre, il n’avait pas constaté, sur les images radiographiques, de pincement articulaire, d’ostéophyte, ou de géode sous chondrale. Selon lui, il n’y avait donc pas de signe évident d’arthrose, étant encore relevé que le recourant n’avait pas non plus évoqué d’antécédent d’arthrose de sa cheville gauche lors des consultations (rapport du 18 juillet 2023). De même, le Dr E______ avait relevé, après relecture des examens complémentaires, notamment de l’IRM du
7 février 2024, qu’il n’y avait pas d’arthrose évoluée sur le pied et sur la cheville du recourant (rapport du 9 juillet 2024). Enfin, le Dr G______ avait pour sa part indiqué avoir repris le suivi du patient en 2018 et détenir le dossier de son prédécesseur remontant à 2003, et attesté que ledit dossier ne comportait aucune trace d’arthrose des membres inférieurs avant l’accident assuré (rapport du
22 juillet 2024).

En outre, le médecin-conseil de l’intimée n’avait pas du tout motivé son estimation, selon laquelle l’atteinte du ligament talofibulaire antérieur causée par l’accident assuré devait être considérée comme guérie à trois mois de l’événement (avis du 16 avril 2024). Il avait uniquement affirmé, sans argumentation aucune, que l’événement avait effectivement fini de déployer ses effets à trois mois du fait de l’état dégénératif articulaire et abarticulaire (avis du 17 juin 2024). Ce faisant, il apparaissait que le Dr D______ s’était référé à l'évolution prévisible de l'atteinte à la santé retenue à défaut d'autres éléments objectifs dans le dossier médical, et qu’il avait ainsi déterminé l'avènement du statu quo sine d'une manière abstraite et théorique, ce qui ne suffisait pas pour établir, au degré de la vraisemblance prépondérante, l'extinction du lien de causalité avec l'accident assuré, conformément à la jurisprudence précitée.

Partant, la chambre de céans a considéré, à première vue, que les chances de succès du recours paraissent évidentes, dès lors que la décision litigieuse reposait exclusivement sur les deux avis succincts du Dr D______, qui retenaient une atteinte à la santé écartée par plusieurs autres médecins et qui fixaient la date du retour au statu quo sine de façon abstraite et théorique.

6.2 Depuis lors, les parties ont produit de nouvelles pièces afin d’étayer leur position respective.

La chambre de céans relèvera en particulier que le Dr D______ a maintenu que le recourant avait subi une entorse simple de la cheville dont la guérison était attendue à huit semaines au plus tard de l’évènement (avis des
25 septembre 2024). Le statu quo sine avait été atteint à trois mois, dès lors que l’intéressé présentait une atteinte tendineuse évoluant au long cours sans aggravation structurelle. L’évènement avait seulement entrainé une aggravation aigüe transitoire d’un état dégénératif préexistant (avis du 4 décembre 2024). Le délai de guérison retenu n’a fait l’objet d’aucune justification médicale ou référence à la littérature spécialisée. Le médecin-conseil n’a en particulier pas exposé les raisons lui permettant de conclure que la fissure du court fibulaire n’aurait pas été provoquée ou aggravée par l’entorse subie le 11 juillet 2023.

Le Dr H______ a notamment indiqué que l’IRM du 7 février 2024 illustrait les traces de lésion par contrecoup d'une entorse en varus au niveau du ligament tibiotalien et d'une lésion ostéochondrale marginale supérolatérale du dôme du talus dont l'imputabilité au traumatisme initial ne pouvait être déterminée « avec certitude » étant donné l’intervalle libre écoulé depuis l'accident (rapport du
10 septembre 2024). Or, il convient d’examiner si l’atteinte à la santé en cause est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus sur le critère de la vraisemblance prépondérante.

Quant au Dr E______, lequel a opéré le recourant, il a expliqué qu’une entorse pouvait laisser une instabilité qui pouvait être à l’origine d’une souffrance des fibulaires par sur-sollicitation. Il estimait que le patient présentait une tendinopathie préexistante asymptomatique qui avait été déclarée et aggravée par l’entorse et l’instabilité qu’il avait gardée (certificat du 7 novembre 2024).

6.3 En présence d’avis médicaux contradictoires, la question du statu quo ante vel sine est douteuse et la disparition du lien de causalité retenue par l’intimée ne saurait être considérée comme établie.

La chambre de céans n’étant pas en mesure, sans connaissances médicales spécialisées, de départager les prises de position figurant au dossier, une expertise se révèle nécessaire.

Il convient donc de mettre en œuvre une expertise orthopédique, laquelle sera confiée au docteur I______, spécialiste en chirurgie du pied et de la cheville, et au docteur J______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur.

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

 

Préparatoirement :

I. Ordonne une expertise médicale de la recourante et la confie
au docteur I______, spécialiste en chirurgie du pied et de la cheville et au docteur J______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur.

Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

A. Prendre connaissance du dossier de la cause.

B. Si nécessaire prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée, notamment les Drs G______, C______ et E______.

C. Examiner la personne expertisée et, si nécessaire, ordonner d'autres examens.

D. Établir un rapport comprenant les éléments et les réponses aux questions suivants :

1. Anamnèse détaillée

2. Plaintes de la personne expertisée

3. Status et constatations objectives

4. Diagnostics

4.1 Avec répercussion sur la capacité de travail

4.1.1 Dates d'apparition

4.2 Sans répercussion sur la capacité de travail

4.2.2 Dates d'apparition

4.3 L’état de santé de la personne expertisée est-il stabilisé ?

4.3.1 Si oui, depuis quelle date ?

4.4. Les atteintes et les plaintes de la personne expertisée correspondent-elles à un substrat organique objectivable ?

5. Causalité

5.1 Les atteintes constatées sont-elles dans un rapport de causalité avec l’accident ? Plus précisément ce lien de causalité est-il seulement possible (probabilité de moins de 50%), probable (probabilité de plus de 50%) ou certain (probabilité de100 %) ?

5.1.1 Veuillez motiver votre réponse pour chaque diagnostic posé.

5.1.2 Le statu quo ante a-t-il été atteint (moment où l’état de santé de la personne expertisée est similaire à celui qui existait immédiatement avant l’accident) ? Si oui, à partir de quel moment ?

5.1.3 Veuillez indiquer la date du statu quo ante pour chaque diagnostic posé.

5.2 L’accident a-t-il décompensé un état maladif préexistant ?

5.2.1 Si oui, à partir de quel moment le statu quo sine a-t-il été atteint (moment où l’état de santé de la personne expertisée est similaire à celui qui serait survenu tôt ou tard, même sans l’accident par suite d’un développement ordinaire) ?

5.3 L’intervention réalisée le 27 mai 2024 a-t-elle été justifiée par des troubles en lien de causalité avec l’accident assuré ?

6. Limitations fonctionnelles

6.1. Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic.

6.1.1 Dates d'apparition

7. Capacité de travail

7.1 Quelle est la capacité de travail de la personne expertisée dans son activité habituelle, compte tenu des seules atteintes en rapport de causalité (au moins probable - probabilité de plus de 50%) avec l’accident et comment cette capacité de travail a-t-elle évolué depuis l’accident ? Faut-il compter avec une diminution de rendement ? Si oui, de quel taux et quelle est finalement la capacité de travail exigible ?

7.1.1 Si la capacité de travail est seulement partielle, quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ? Depuis quelle date sont-elles présentes ?

7.2 Quelle est la capacité de travail de la personne expertisée dans une activité adaptée, compte tenu des seules atteintes en rapport de causalité (au moins probable - probabilité de plus de 50%) avec l’accident ? Faut-il compter avec une diminution de rendement ? Si oui, de quel taux et quelle est finalement la capacité de travail exigible ?

7.2.1 Si cette capacité de travail est seulement partielle, quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ? Depuis quelle date sont-elles présentes ?

 

8. Traitement

8.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.

8.2 Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée.

8.3 Peut-on attendre de la poursuite du traitement médical une notable amélioration de l’état de santé de la personne expertisée ?

8.4 Si non, à partir de quel moment ne peut-on plus attendre de la continuation du traitement médical une notable amélioration de l’état de santé de la personne expertisée (état final atteint) ?

9. Atteinte à l’intégrité

9.1 La personne expertisée présente-t-elle une atteinte à l’intégrité définitive, en lien avec les atteintes en rapport de causalité au moins probable (probabilité de plus de 50%) avec l’accident ?

9.2 Si oui, quel est le taux applicable selon les tables de la SUVA ?

9.3 Si une aggravation de l’intégrité physique est prévisible, veuillez en tenir compte dans l’évaluation de l’atteinte à l’intégrité et l’expliquer en détaillant le pourcentage dû à cette aggravation, étant précisé que seules les atteintes à la santé en lien probable (probabilité de plus de 50%) avec l’accident doivent être incluses dans le calcul du taux de l’indemnité.

E. Invite l’expert à déposer son rapport en trois exemplaires dans les meilleurs délais auprès de la chambre de céans.

F. Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

 

La greffière

 

 

 

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente

 

 

 

Joanna JODRY

 

Une copie conforme de la présente ordonnance est notifiée aux parties par le greffe le