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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4262/2023

ATAS/268/2025 du 16.04.2025 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4262/2023 ATAS/268/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 16 avril 2025

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

représentée par APAS-Association pour la permanence de défense des patients et des assurés, mandataire

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1992, mariée, est mère de trois enfants nés en 2012, 2015 et 2018.

b. Le 26 janvier 2000, le représentant légal de l’assurée a déposé une demande de prestations AI pour assuré(e)s âgé(e)s de moins de 20 ans révolus.

B. a. Le 28 septembre 2000, le service médico-pédagogique (ci-après : SMP) a posé les diagnostics d’autres troubles de la personnalité de type immature, de trouble de l’acquisition du langage de type expressif et de trouble mixte des acquisitions scolaires. L’assurée présentait un retard d’environ deux ans et demi et une formation scolaire spéciale était nécessaire, avec poursuite du traitement logopédique.

b. Elle a bénéficié, par décision de l’office de l’assurance invalidité (ci-après : OAI) du 12 octobre 2000, d’une formation scolaire spéciale et d’un traitement logopédique, prolongés par décisions des 25 mai 2004, 8 décembre 2005, 30 août 2006 et 4 juillet 2007.

c. Le 2 novembre 2007, le SMP a posé les diagnostics d’autres troubles spécifiques de la personnalité immature, de trouble de l’acquisition du langage type expressif, de trouble mixte des acquisitions scolaires et de trouble envahissant du développement (en référence à un rapport d’août 2006).

d. Le 20 novembre 2007, le service médical régional (ci-après : SMR) a estimé que l’atteinte justifiait une formation professionnelle initiale (ci-après : FPI) dans un travail adapté.

e. Le 20 mai 2008, la réadaptation professionnelle a constaté que l’assurée présentait des troubles cognitifs et du langage qui empêchaient une formation scolaire / professionnelle ordinaire.

f. Le 20 mai 2008, l’OAI a pris en charge une orientation professionnelle (stage pratique à l’institut B______) du 26 mai au 6 juin 2008.

g. Le 9 janvier 2009, l’OAI a rejeté la demande de mesures professionnelles, en constatant que l’assurée était prise en charge pour une scolarité post-obligatoire au Centre éducatif de formation initiale (ci-après : CEFI) du 25 août 2008 au 25 juin 2010.

h. Le 9 janvier 2009, le CEFI a estimé qu’au niveau global un centre de formation spécialisé serait plus adapté pour l’assurée qu’une formation initiale en milieu ouvert.

i. Du 16 novembre au 4 décembre 2009, l’assurée a effectué un stage comme aide-soignante au foyer C______. Selon le rapport de celui-ci du 3 décembre 2009, elle s’était montrée motivée, disponible et intéressée aux activités d’animation et de cuisine proposées aux hôtes du foyer et, progressivement, elle avait pu prendre certaines responsabilités dans le cadre de situations préparées et connues.

j. Du 8 février au 5 mars 2010, l’assurée a effectué un stage à D______. Le rapport d’évaluation du 5 mars 2010 concluait à un stage excellent, l’assurée ayant toutes les aptitudes pour faire une formation d’employée en intendance.

k. Le 17 juin 2010, l’assurée a signé un contrat d’apprentissage (employée en intendance) pour la période du 30 août 2010 au 29 août 2012 avec la Fondation D______.

l. Le rapport de sortie du CEFI du 21 juin 2010 mentionne que l’assurée a fourni un travail conséquent, tant au niveau scolaire que dans la réalisation de ses deux stages. Son investissement avait été exemplaire.

m. Le 1er décembre 2010, l’OAI a pris en charge l’apprentissage précité au titre de FPI.

n. Le 1er mars 2011, l’assurée a déposé une demande de prestations d’invalidité.

o. Une note téléphonique du 18 mai 2011 (avec un intervenant de D______) de l’OAI mentionne que l’assurée a fait une décompensation avec une énorme dépression à la suite du décès de son père ; un suivi psychologique était suggéré.

p. Un courriel de la conseillère en réadaptation du 5 décembre 2011 relève que l’assurée serait capable de réussir une AFP.

q. Dès le 13 février 2012, l’assurée a présenté un arrêt de travail en raison d’une grossesse. Elle a accouché le 27 mars 2012.

r. Un courriel d’un intervenant de D______ du 29 février 2012 relève que l’objectif était que l’assurée termine sa formation AFP d’employée en intendance et qu’elle avait d’importantes difficultés scolaires, mais de bonnes compétences pratiques. Elle avait un faible rendement en raison d’une anémie.

s. Le 27 août 2012, l’OAI a pris en charge la prolongation du contrat d’apprentissage de l’assurée du 30 août 2012 au 29 août 2013.

t. Une note téléphonique de l’OAI du 21 janvier 2013 (avec un intervenant de D______) mentionne que l’assurée a de plus en plus d’absences et que son anxiété l’empêche de passer les examens.

u. Selon un rapport d’entretien du 5 février 2023, l’assurée présentait de nombreuses absences dues au difficultés à gérer sa situation familiale. Elle avait les capacités à faire les choses correctement. Avec un soutien psychologique, elle serait capable d’augmenter son rendement qui était de 50%. L’assurée avait perdu confiance en elle et en ses capacités.

v. Selon un courriel du 3 mai 2013 de l’intervenant de D______, l’assurée n’arrivait plus à gérer son apprentissage et sa vie privée, et souhaitait arrêter sa formation. Une attestation de travail lui serait fournie afin qu’un futur employeur puisse l’engager. Elle devrait pour cela diminuer sa charge de mère de famille et régulariser sa situation familiale.

w. L’assurée a interrompu son apprentissage le 31 mai 2013 pour des raisons de santé.

x. À la demande de l’OAI, le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie, a rendu le 23 janvier 2014 un rapport d’expertise, concluant à des diagnostics non incapacitants de dépendance au THC, de dépendance et/ou abus d’alcool actuellement abstinente sans médication aversive, d’immaturité sur fond de traits de fonctionnement limite et d’antécédents de graves carences affectives et de maltraitances et de difficultés liées à la naissance d’un enfant.

y. Par décision du 2 juin 2014, l’OAI a rejeté la demande de prestations, en considérant que l’expertise du Dr E______ était probante.

C. a. Le 6 novembre 2020, l’assurée a déposé une nouvelle demande de prestations.

b. Le 26 novembre 2020, le docteur F______, médecin interne au département de santé mentale des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) a attesté d’un trouble dépressif récurrent, d’un suivi au CAPPI depuis avril 2019 et d’une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée.

c. Le 9 juin 2021, le Dr F______ a fait état d’une anhédonie et aboulie en lien avec la dépression qui impactaient les activités de loisirs et sociales. Un taux de travail progressif jusqu’à 50% dans une activité adaptée était possible.

d. Le 15 juillet 2021, le SMR a retenu une aggravation de l’état de santé de l’assurée et une capacité de travail de 50% dès le 1er avril 2019 dans une activité adaptée.

e. Le 22 septembre 2021, l’assurée a rempli un questionnaire statut, en indiquant qu’en bonne santé elle n’exercerait pas d’activité professionnelle.

f. Le 23 novembre 2021, un rapport d’enquête économique sur le ménage, suite à une visite au domicile de l’assurée du 18 novembre 2021, a conclu à un empêchement dans le ménage de 12% et nul avec exigibilité de l’époux. Le rapport mentionne que « selon ses dires, sans atteinte à la santé, l’assurée resterait femme au foyer. Elle a fait le choix de s’occuper de ses trois enfants ».

g. Le 29 septembre 2021, l’OAI a retenu un statut de ménagère.

h. Par projet de décision du 2 décembre 2021, l’OAI a rejeté la demande de prestations.

i. Le 20 décembre 2021, l’assurée a contesté son statut de ménagère, en indiquant qu’en bonne santé elle aurait travaillé à 50% pour partager son temps entre son travail et sa famille. Elle ne se rappelait pas avoir discuté lors de l’enquête ménagère de sa volonté de travailler en bonne santé. Ses empêchements avaient été sous-évalués et elle a conclu à « au minimum » une demi-rente d’invalidité.

j. Le 14 janvier 2022, le docteur G______, spécialiste FMH en médecine interne, a attesté de carences en fer, d’apnées du sommeil engendrant de la fatigue et d’un état dépressif. La reprise d’une activité professionnelle était pour l’instant inappropriée.

k. Le 28 janvier 2022, le Dr F______ a indiqué qu’il était plausible que la capacité de travail de l’assurée soit diminuée en raison du syndrome d’apnées du sommeil sévère mais l’assurée estimait être capable de travailler à 50%.

l. Le 21 mars 2022, l’OAI a admis un statut mixte de l’assurée, 50% active et 50% ménagère.

m. Le 4 octobre 2022, la psychologue, conseillère en réadaptation professionnelle de l’OAI, a considéré que l’assurée n’était pas en mesure d’intégrer le marché du travail ordinaire.

n. Le 21 octobre 2022, le Dr F______ a estimé que le marché du travail ordinaire lui paraissait effectivement hors de portée. Une expertise était peut-être pertinente.

o. À la demande de l’OAI, le docteur H______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a rendu un rapport d’expertise le 14 avril 2023, lequel retient des diagnostics de trouble dépressif moyen avec syndrome somatique depuis avril 2019 au présent, de dépendance éthylique et au cannabis actuellement abstinente, de trouble de la personnalité émotionnellement labile et anxieuse actuellement non décompensé ainsi qu’une capacité de travail de 70% depuis avril 2019, dans toute activité.

p. Le 12 mai 2023, le SMR a considéré que l’expertise du Dr H______ était probante et que l’assurée présentait une capacité de travail de 70% depuis avril 2019. Les limitations fonctionnelles étaient de la fatigue et du manque de motivation.

q. Par décision du 4 décembre 2023, l’OAI a rejeté la demande de prestations, en constatant que le taux d’invalidité était de 15% (soit une perte économique de 30%, ramenée à un statut d’active de 50%).

D. a. Le 26 décembre 2023, l’assurée, représentée par un avocat, a recouru à l’encontre de la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en concluant à l’octroi d’une rente entière d’invalidité. Elle contestait son statut mixte et la valeur probante de l’expertise du Dr H______. Dans un complément du 9 février 2024, elle a contesté également la valeur probante de l’expertise du Dr E______ et rappelé qu’elle était considérée comme invalide puisqu’elle avait bénéficié d’une FPI.

b. Le 12 mars 2024, l’OAI a conclu au rejet du recours, en relevant que l’expertise du Dr H______ était probante, principalement concordante avec les médecins psychiatres de la recourante. Le statut mixte devait être confirmé, dès lors que la recourante avait indiqué qu’en bonne santé elle aurait travaillé à 50%.

c. Le 30 avril 2024, la recourante a répliqué, en sollicitant une audience de comparution personnelle et en relevant que son insertion sur le marché primaire était mise en échec par l’interruption de sa FPI. L’intimé devait reconsidérer sa décision du 2 juin 2014, erronée car fondée sur l’expertise du Dr E______.

d. Le 9 septembre 2024, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

La recourante a déclaré qu’en bonne santé elle aurait souhaité travailler d’abord à 50%, pour s’habituer à un environnement professionnel, puis à 100%. Elle aurait aimé faire un apprentissage pour aider les personnes âgées.

e. Le 13 décembre 2024, la recourante a communiqué plusieurs rapports du service de pneumologie des HUG, attestant d’un syndrome d’apnée obstructive du sommeil (SAOS) d’intensité très sévère, posé le 18 octobre 2021, entrainant une fatigue très sévère, diminuée par le traitement de CPAP. Le Dr H______ n’avait pas tenu compte de la fatigue induite par le SAOS et n’avait pas instruit son retard de développement.

f. Le 7 janvier 2025, le SMR a estimé que le SAOS qui provoquait de la fatigue pouvait être traité par CPAP, traitement exigible et efficace, et qu’il n’entrainait pas d’incapacité de travail durable. Par ailleurs, la fatigue était prise en compte dans la capacité de travail réduite à un taux de 70%, telle qu’évaluée par l’expert psychiatre.

g. Le 14 janvier 2025, l’OAI s’est rallié à l’avis du SMR précité et a indiqué que les mesures accordées en raison d’un retard de développement de langage ne justifiaient pas une invalidité automatique.

h. La chambre de céans a demandé des renseignements complémentaires aux médecins traitants :

-     le 7 février 2025, les Dres I______, médecin interne, et J______, médecin adjointe, au CAPPI K______, ont indiqué que l’assurée avait souhaité clôturer son suivi au CAPPI en raison de la difficulté face au changement annuel de médecin ;

-     le 18 février 2025, le Dr L______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a indiqué qu’il suivait l’assurée depuis le 9 janvier 2025 pour un trouble dépressif récurrent, épisode actuel de sévérité moyenne, ainsi qu’une déficience intellectuelle légère. Une insertion dans le marché du travail ordinaire était improbable. Un cadre de travail protégé était réaliste.

i. Le 13 mars 2025, l’OAI a communiqué un avis du SMR du même jour, lequel a maintenu l’appréciation précédente.

j. Le 1er avril 2025, la chambre de céans a informé les parties qu’elle entendait ordonner un bilan neuropsychologique, lequel serait confié à M______, MAS en neuropsychologie clinique.

k. Les 10 et 11 avril 2025, l’OAI et la recourante ont indiqué qu’ils n’avaient pas de cause de récusation à l’égard de l’experte.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante a une rente d’invalidité, singulièrement sur son statut et l’évaluation de sa capacité de travail.

3.              

3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a certes été rendue postérieurement au 1er janvier 2022. Toutefois, la demande de prestations ayant été déposée en 2020 et le recourant invoquant une incapacité de travail depuis toujours, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait antérieurement au 1er janvier 2022 (cf. art. 28 al. 1 let. b et 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

3.2 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

3.3 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

3.4  

3.4.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

3.4.2 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).

3.4.3 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

3.4.4 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

3.4.5 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

3.5 En ce qui concerne les facteurs psychosociaux ou socioculturels et leur rôle en matière d'invalidité, ils ne figurent pas au nombre des atteintes à la santé susceptibles d'entraîner une incapacité de gain au sens de l'art. 4 al. 1 LAI. Pour qu'une invalidité soit reconnue, il est nécessaire, dans chaque cas, qu'un substrat médical pertinent, entravant la capacité de travail (et de gain) de manière importante, soit mis en évidence par le médecin spécialisé. Plus les facteurs psychosociaux et socioculturels apparaissent au premier plan et imprègnent l'anamnèse, plus il est essentiel que le diagnostic médical précise s'il y a atteinte à la santé psychique qui équivaut à une maladie. Ainsi, il ne suffit pas que le tableau clinique soit constitué d'atteintes qui relèvent de facteurs socioculturels; il faut au contraire que le tableau clinique comporte d'autres éléments pertinents au plan psychiatrique tels, par exemple, une dépression durable au sens médical ou un état psychique assimilable, et non une simple humeur dépressive. Une telle atteinte psychique, qui doit être distinguée des facteurs socioculturels, et qui doit de manière autonome influencer la capacité de travail, est nécessaire en définitive pour que l'on puisse parler d'invalidité. En revanche, là où l'expert ne relève pour l'essentiel que des éléments qui trouvent leur explication et leur source dans le champ socioculturel ou psychosocial, il n'y a pas d'atteinte à la santé à caractère invalidant (ATF 127 V 294 consid. 5a in fine).

3.6 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

3.7 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst. ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d).

3.8 Tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il faut examiner sous l'angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient d'appliquer (art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 27 ss RAI). Le choix de l'une des trois méthodes entrant en considération (méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces trois catégories en fonction de ce qu'il aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 144 I 28 consid. 2.3 ; 137 V 334 consid. 3.2 ; 117 V 194 consid. 3b ; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assurée, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l'arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).

Selon la pratique, la question du statut doit être tranchée sur la base de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l'éventualité de la reprise d'une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de vraisemblance prépondérante (ATF 144 I 28 consid. 2.3 et les références ; 141 V 15 consid. 3.1 ; 137 V 334 consid. 3.2 ; 125 V 146 consid. 2c et les références).

3.9 Chez les assurés travaillant dans le ménage, le degré d'invalidité se détermine, en règle générale, au moyen d'une enquête économique sur place, alors que l'incapacité de travail correspond à la diminution - attestée médicalement - du rendement fonctionnel dans l'accomplissement des travaux habituels (ATF 130 V 97).

L'évaluation de l'invalidité des assurés pour la part qu'ils consacrent à leurs travaux habituels nécessite l'établissement d'une liste des activités que la personne assurée exerçait avant la survenance de son invalidité, ou qu'elle exercerait sans elle, qu'il y a lieu de comparer ensuite à l'ensemble des tâches que l'on peut encore raisonnablement exiger d'elle, malgré son invalidité, après d'éventuelles mesures de réadaptation. Pour ce faire, l'administration procède à une enquête sur place et fixe l'ampleur de la limitation dans chaque domaine entrant en considération. En vertu du principe général de l'obligation de diminuer le dommage, l'assuré qui n'accomplit plus que difficilement ou avec un investissement temporel beaucoup plus important certains travaux ménagers en raison de son handicap doit en premier lieu organiser son travail et demander l'aide de ses proches dans une mesure convenable. La jurisprudence pose comme critère que l'aide ne saurait constituer une charge excessive du seul fait qu'elle va au-delà du soutien que l'on peut attendre de manière habituelle sans atteinte à la santé. En ce sens, la reconnaissance d'une atteinte à la santé invalidante n'entre en ligne de compte que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies le sont par des tiers contre rémunération ou par des proches et qu'elles constituent à l'égard de ces derniers un manque à gagner ou une charge disproportionnée (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_191/2021 du 25 novembre 2021 consid. 6.2.2 et les références).

3.10 Selon l’art. 27bis RAI en vigueur depuis le 1er janvier 2018 jusqu’au 31 décembre 2021, pour les personnes qui exercent une activité lucrative à temps partiel et accomplissent par ailleurs des travaux habituels visés à l'art. 7 al. 2 de la loi, le taux d'invalidité est déterminé par l'addition des taux suivants : a. le taux d'invalidité en lien avec l'activité lucrative ; b. le taux d'invalidité en lien avec les travaux habituels (al. 2). Le calcul du taux d'invalidité en lien avec l'activité lucrative est régi par l'art. 16 LPGA, étant entendu que : a. le revenu que l'assuré aurait pu obtenir de l'activité lucrative exercée à temps partiel, s'il n'était pas invalide, est extrapolé pour la même activité lucrative exercée à plein temps ; b. la perte de gain exprimée en pourcentage est pondérée au moyen du taux d'occupation qu'aurait l'assuré s'il n'était pas invalide (al. 3). Pour le calcul du taux d'invalidité en lien avec les travaux habituels, on établit le pourcentage que représentent les limitations dans les travaux habituels par rapport à la situation si l'assuré n'était pas invalide. Ce pourcentage est pondéré au moyen de la différence entre le taux d'occupation visé à l'al. 3 let. b et une activité lucrative exercée à plein temps (al. 4).

Sous l’empire de l’art. 27bis al. 2 à 4 RAI modifié, le calcul du taux d’invalidité pour la partie concernant l’activité lucrative demeure régi par l’art. 16 LPGA. L’élément nouveau est que le revenu sans invalidité n’est plus déterminé sur la base du revenu correspondant au taux d’occupation de l’assuré, mais est désormais extrapolé pour la même activité lucrative exercée à plein temps. La détermination du revenu d’invalide est, quant à elle, inchangée. La perte de gain exprimée en pourcentage du revenu sans invalidité est ensuite pondérée au moyen du taux d’occupation auquel l’assuré travaillerait s’il n’était pas invalide.

Le taux d’invalidité en lien avec les travaux habituels est, comme c’était le cas auparavant, déterminé au moyen de la méthode de comparaison des types d’activités prévue à l’art. 28a al. 2 LAI. De même que pour les assurés qui accomplissent des travaux habituels à plein temps, l’invalidité est calculée en fonction de l’incapacité de l’assuré à accomplir ses travaux habituels. La limitation ainsi obtenue est pondérée au moyen de la différence entre le taux d’occupation de l’activité lucrative et une activité à plein temps. Le taux d’invalidité total est obtenu en additionnant les deux taux d’invalidité pondérés (cf. Ralph LEUENBERGER / Gisela MAURO, Changements dans la méthode mixte, in Sécurité sociale / CHSS n. 1/2018 p. 45)

4.             En l’occurrence, l’intimé s’est fondé, pour rendre la décision litigieuse, sur l’expertise du Dr H______ du 14 avril 2023. La recourante conteste la valeur probante de cette expertise et fait valoir l’avis de son psychiatre traitant, le Dr L______, ainsi que son statut d’invalide, en relevant qu’il avait été reconnu par l’intimé dès lors qu’elle avait bénéficié d’une FPI.

En l’état, au vu des conclusions du psychiatre traitant, lequel estime qu’un bilan neuropsychologique apporterait une vision plus globale du fonctionnement intellectuel et des éventuels déficits cibles de la recourante ainsi que de l’absence d’un tel bilan lors de l’expertise du Dr H______, il se justifie d’ordonner un examen neuropsychologique de la recourante auprès de Madame M______, MAS en neuropsychologie clinique.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

1.        Ordonne un examen neuropsychologique auprès de Madame M______, MAS en neuropsychologie clinique.

2.        Invite l’experte à déposer, dans les meilleurs délais, un rapport en trois exemplaires auprès de la chambre de céans.

3.        Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties le