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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1518/2024

ATAS/275/2025 du 17.04.2025 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1518/2024 ATAS/275/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 avril 2025

Chambre 9

 

En la cause

A______,
représenté par Me Duy-Lam NGUYEN, avocat

 

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assuré), né à Genève le ______ 1966, est divorcé et père d’une fille née en 1999.

b. Selon le registre de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), il est domicilié au chemin B______, C______ depuis le 1er mars 2023.

Sa mère, D______, réside au chemin B______, C______ depuis le 1er décembre 1988. A______ a vécu à cette adresse depuis cette date jusqu’au 20 décembre 1991, puis à nouveau du 24 février 1997 au 1er octobre 2019, date à laquelle il a quitté la Suisse pour vivre au chemin E______, à F______ (France).

c. Par décision du 29 novembre 2022, le Conseiller d’État a résilié les rapports de service le liant à l’assuré pour le 28 février 2023. Du fait de ses incapacités de travail pour cause de maladie, la fin des rapports de service a été reportée au 31 mars 2023.

Ces décisions ont été notifiées à l’adresse de l’assuré à F______ (France).

d. Le 18 avril 2023, il s’est inscrit à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE), en sollicitant l’indemnité de chômage dès cette date et en indiquant être domicilié à C______. Il a joint un curriculum vitae, sur lequel figurait l’adresse à F______ (France), ainsi qu’une candidature spontanée datée du 2 novembre 2022 pour l’EMS G______, dans laquelle figurait la même adresse en France.

B. a. Le 7 juillet 2023, la cellule infrastructure logistique et enquêtes de l’OCPM a rendu un rapport d’entraide administrative interdépartementale. Après plusieurs recherches, l’enquêteur avait constaté que l’assuré avait quitté l’adresse à C______ pour F______ le 1er octobre 2019. La décision de résiliation des rapports de service avait été adressée le 20 novembre 2022 à son adresse en France. Après avoir interrogé les services de la Poste, il s’avérait que l’assuré n’avait jamais annoncé son changement de domicile pour la France et que son courrier était toujours « distribuable » pour l’adresse à C______. Lors d’une visite du domicile de C______ le 4 juillet 2023, la voisine de palier avait indiqué que D______ habitait seule et que son fils lui rendait visite. Lors d’un entretien avec l’assuré, ce dernier avait indiqué que plus personne ne vivait à l’adresse en France. Il était à la recherche d’un garde-meubles et effectuait des allers-retours pour récupérer son courrier. Ses vêtements étaient encore en France, car il n’avait pas suffisamment de place à Genève « pour le moment » ; il occupait la chambre d’amis et prévoyait de l’aménager en fonction de l’évolution de la situation. La décision de revenir sur Genève trainait depuis « un moment déjà », dû aux soucis de santé de sa mère, qui se détériorait. Il soupçonnait un début d’Alzheimer.

b. Le 17 octobre 2023, l’office régional de placement (ci-après : ORP) a formé une demande de mandat d’enquête concernant la domiciliation de l’assuré. Le logement sis au chemin B______, C______ était celui de sa mère et plusieurs documents versés au dossier mentionnaient que son adresse se trouvait au chemin E______, à F______ (France). Selon le rapport d’enquête rendu par l’OCPM, un doute subsistait quant à la réalité de son domicile en Suisse.

c. Par courriel du 3 novembre 2023, le service juridique de l’OCE a invité l’assuré à lui faire parvenir un certain nombre de documents et renseignements au sujet de son domicile, dont les factures de consommation d’électricité et de chauffage concernant le logement à C______ pour les mois d’avril 2023 et suivants.

d. Par courriel du 23 novembre 2023, l’assuré a confirmé qu’il était propriétaire du bien immobilier situé à F______ (France), étant précisé qu’une vente du bien était en cours et qu’un mandat de vente avait été confié à une agence. Il a transmis un formulaire de dédouanement de son scooter et une attestation de la mairie de F______ prenant acte de son départ de la Commune. Il était hébergé chez sa mère à titre gracieux, si bien que l’assurance-ménage et les diverses factures d’électricité et de chauffage étaient à son nom. Or, malgré ses demandes, elle était réticente à les lui fournir. Il a également transmis ses factures téléphoniques suisses et françaises ainsi qu’un échéancier d’électricité daté du 30 mai 2023. Il était divorcé et sa fille, H______, avait, depuis quelques mois, quitté l’appartement pour vivre chez son ami. Son départ et l’état de santé de sa mère avaient constitué les raisons essentielles de son retour à Genève.

e. Par décision du 11 décembre 2023, le service juridique de l’OCE a nié le droit de l’assuré à une indemnité de chômage depuis le 18 avril 2023, faute d’avoir un domicile en Suisse. Hormis le dédouanement de son scooter le 5 septembre 2023 et la résiliation de son assurance-maladie dès le 1er octobre 2023, l’intéressé n’avait pas démontré qu’il avait réellement changé de domicile depuis son inscription à l’OCE le 18 avril 2023. Selon les relevés détaillés de ses deux lignes téléphoniques suisse et française sa présence en France était quasi journalière de mars à octobre 2023. Compte tenu de l’ensemble des éléments, force était de retenir que rien n’indiquait qu’il s’était, depuis le 18 avril 2023, effectivement installé à Genève chez sa mère de manière durable. Son domicile se trouvait au contraire toujours à F______ en France. Il avait vraisemblablement annoncé son retour à Genève le 1er mars 2023, après avoir vécu durant plusieurs années en France, dans l’unique but de pouvoir bénéficier des indemnités de chômage.

f. Le 29 janvier 2024, l’assuré a formé opposition à cette décision.

Sa famille, ses amis, ses activités professionnelles et sociales, son logement, son mobilier et ses affaires personnelles se situaient en Suisse. Durant la majeure partie de la semaine, et les week-ends, il séjournait chez sa compagne, I______, et participait au loyer de celle-ci, versant, chaque mois, un montant de CHF 700.- depuis avril 2023. Cela expliquait pourquoi il ne disposait que peu d’affaires personnelles chez sa mère. Si les relevés téléphoniques indiquaient un bornage fréquent en France, cela était dû à la proximité de son domicile avec la frontière française. Les antennes françaises étaient généralement plus puissantes à cet endroit. Son appartement à F______ était vidé depuis 2023 de la quasi-intégralité des meubles et n’était plus habitable depuis son déménagement. Il était en vente et faisait régulièrement l’objet de visites. Sa fille était domiciliée en Suisse. Les motifs de son déménagement résidaient ainsi dans la détérioration de l’état de santé de sa mère et le départ de sa fille. Le centre de ses intérêts personnels avait dès lors naturellement changé pour Genève. Il était enfin le propriétaire du logement, actuellement occupé par sa mère, si bien qu’il était normal qu’il souhaitait y revenir.

Il a notamment produit une attestation du 20 décembre 2023 d’I______, domiciliée à Chêne-Bougerie, confirmant que l’assuré passait « régulièrement plusieurs nuits par semaine à son domicile ainsi que tous les week-ends », des relevés de compte bancaire attestant de 20 versements entre CHF 100.- et CH 400.- d’avril à décembre 2023.

g. Par décision sur opposition du 18 mars 2024, l’OCE a maintenu sa position. Le fait qu’il rendait régulièrement visite à sa mère, dont l’état de santé s’était dégradé, à C______, et que sa fille ait déménagé à Genève, ne suffisait pas pour démontrer que le centre de ses relations personnelles avait changé pour cette ville. Il était toujours propriétaire d’un appartement en France et n’avait fourni aucune attestation de la Mairie confirmant son départ de F______. Il passait une partie de la semaine chez sa compagne et participait au paiement du loyer depuis avril 2023, sans que les justificatifs produits ne mentionnaient expressément qu’il s’agit d’une participation au loyer, et les relevés détaillés de ses deux lignes téléphoniques faisaient état d’une présence quasi quotidienne en France entre mars et octobre 2023.

C. a. Par acte du 3 mai 2024, l’assuré a formé recours devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre cette décision, concluant à son annulation.

Il avait sa famille, ses amis, ses activités professionnelles et sociales, son logement, son mobilier et ses affaires personnelles en Suisse. Ses voisins avaient attesté de sa présence régulière dans ce logement aux côtés de sa mère. Cela constituait une preuve indiscutable de sa présence en Suisse. Le rapport de l’OCPM du 7 juillet 2023 indiquait en outre que ses effets personnels étaient présents et qu’il occupait une chambre d’amis, avec un lit à moitié défait. Ces éléments montraient qu’il vivait bel et bien à C______. Il consacrait la majeure partie de sa semaine et de ses week-ends à sa compagne, I______, qui habitait à Genève. Il séjournait chez elle deux à trois fois par semaine, avec un projet d’aménagement en commun début 2024. Il participait à son loyer en versant un montant d’environ CHF 700.- par mois depuis avril 2023.

Le bien immobilier à F______ (France) était vidé depuis 2023 de la quasi-intégralité des meubles. Il n’était plus habitable de manière quotidienne depuis son déménagement. Les meubles n’avaient pas été transportés à C______, dans la mesure où le logement était déjà meublé. Ils avaient été donnés ou amenés à la déchetterie. Son véhicule était immatriculé en Suisse. Il disposait d’un numéro de téléphone suisse. Si les relevés téléphoniques indiquaient un bornage fréquent en France, cela était dû à la proximité de son domicile avec la frontière. Les antennes françaises étaient généralement plus puissantes à cet endroit.

Les raisons de son déménagement étaient la détérioration de l’état de santé de sa mère et le déménagement de sa fille à Genève. Il souhaitait en outre avoir une vie commune avec sa partenaire, qui résidait dans le canton de Genève.

Il a notamment produit des extraits de son compte bancaire, faisant état de 29 versements en faveur d’I______ de CHF 200.- à CHF 300.- pour la période de mars 2024 à décembre 2023, ainsi que des extraits Internet concernant des problématiques de réseau téléphonique en région frontalière.

b. L’OCE a conclu au rejet du recours.

c. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimé de nier au recourant le droit à l'indemnité de chômage, faute de domicile en Suisse.

2.1 En vertu de l'art. 8 al. 1 LACI, l'assuré a droit à l'indemnité de chômage s'il est sans emploi ou partiellement sans emploi (let. a), s'il a subi une perte de travail à prendre en considération (let. b), s'il est domicilié en Suisse (let. c), s'il a achevé sa scolarité obligatoire, qu'il n'a pas encore atteint l'âge donnant droit à une rente AVS et ne touche pas de rente de vieillesse de l'AVS (let. d), s'il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (let. e), s'il est apte au placement (let. f) et s'il satisfait aux exigences du contrôle (let. g). Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 218 consid. 2).

Selon la jurisprudence, la notion de domicile au sens de la LACI ne correspond pas à celle du droit civil (art. 23ss CC), mais bien plutôt à celle de la résidence habituelle (cf. circulaire du SECO sur l'indemnité de chômage (IC), état janvier 2007, B 136 dont la teneur n'a pas changé dans les directives de 2013 ; voir aussi les textes allemands et italiens de l'art. 8 al. 1er let. c LACI : « in der Schweiz wohnt », « risiede in Svizzera » ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_270/2007 du 7 décembre 2007 consid. 2.1). Sont ainsi exigées, selon cette disposition légale, la résidence effective en Suisse, ainsi que l'intention de conserver cette résidence pendant un certain temps et d'en faire, durant cette période, le centre de ses relations personnelles (ATF 125 V 469 consid. 5).

2.2 Pour avoir droit à l'indemnité, l'assuré doit remplir cette condition du « domicile » en Suisse non seulement à l'ouverture du délai-cadre, mais pendant tout le temps où il touche l'indemnité (Gustavo SCARTAZZINI/Marc HURZELER, Bundessozial-versicherungsrecht, 4e éd. 2012, p. 599, n. 59 et les références citées). Cette exigence essentielle est l'expression de l'interdiction de l'exportation des indemnités de chômage, principe instauré pour prévenir les abus. Ce dernier terme doit être compris en ce sens que la vérification et les conditions du droit aux prestations, en particulier l'existence d'une situation de chômage, est rendue plus difficile lorsque l'assuré réside à l'étranger (arrêt du Tribunal fédéral C 226/02 du 26 mai 2003, consid. 1.1 ; Thomas NUSSBAUMER. in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, Soziale Sicherheit, vol. XIV, 2e éd. 2007 p. 2233, n. 180).

Dans la mesure où la résidence suppose un séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits, l'occupation d'un studio une à deux fois par semaine - le reste du temps étant passé à l'étranger - ne suffit pas à établir une résidence effective en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral C 226/02 du 26 mai 2003 ; Boris RUBIN, Assurance-chômage, 2e éd. 2006, p. 173). De même un séjour tout à fait éphémère ou de pur hasard, ainsi qu'un pied-à-terre destiné uniquement à la recherche d'un emploi, ne sont pas assimilables à une résidence. Cela étant, un séjour prolongé et permanent n'est pas indispensable (arrêt du Tribunal fédéral 8C_270/2007 du 7 décembre 2007 consid. 2.2 et 3.1). Si tel n'était pas le cas, certaines personnes se trouveraient dépourvues de résidence et, partant, privées de domicile (Boris RUBIN, ibidem). Ainsi, en cas de séjour tantôt dans un endroit, tantôt dans un autre, la résidence est là où les liens sont les plus forts (ATF 87 II 7 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral C 153/03 du 22 septembre 2003). Le fait d'avoir une adresse officielle en Suisse et d'y payer ses impôts n'est pas déterminant si d'autres indices permettent de conclure à l'existence d'une résidence habituelle à l'étranger (arrêt du Tribunal fédéral C 149/01 du 13 mars 2002 consid. 3).

2.3 Le domicile fiscal, le lieu où les papiers d'identité et autres documents officiels ont été déposés (déclaration d'arrivée), ainsi que d'éventuelles indications dans des documents officiels ou des décisions judiciaires ne sont que des indices permettant de déterminer le lieu du domicile (ATF 136 II 405 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral C 149/01 du 13 mars 2002). Pour pouvoir localiser le centre des intérêts personnels, il convient notamment de chercher à savoir où se trouvent la famille, les amis, les activités professionnelles et sociales, le logement, le mobilier et les affaires personnelles. Une visite des lieux est parfois indispensable (art. 12 let. d PA). Par ailleurs, le lieu où les enfants sont scolarisés joue un rôle. Le droit à des prestations sociales nécessite souvent d'être domicilié dans le pays qui les verse, de sorte que cet aspect doit également être pris en compte (DTA 2012 p. 71 consid. 3.3 p. 74 ; Boris RUBIN, Commentaires sur la loi sur l'assurance-chômage, 2014, p. 78).

2.4 La procédure est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge, mais ce principe n'est pas absolu, sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire (art. 61 let. c LPGA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 I 183 consid. 3.2). Le devoir du juge de constater les faits pertinents ne dispense donc pas les parties de collaborer à l'administration des preuves en donnant des indications sur les faits de la cause ou en désignant des moyens de preuve (ATF 130 I 184 consid. 3.2 ; 128 III 411 consid. 3.2).

Autrement dit, si la maxime inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, elle ne les libère pas du fardeau de la preuve. En cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences (ATF 117 V 264 consid. 3), sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à son adverse partie (ATF 124 V 375 consid. 3).

2.5 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

3.             En l’espèce, l’OCE a considéré que le recourant n’était pas domicilié en Suisse au moment de son inscription au chômage, ce que celui-ci conteste.

Il ressort de l’extrait de l’OCPM que le recourant est domicilié au chemin B______, C______, depuis le 1er mars 2023. Or, ainsi qu'il a été exposé ci-avant, le fait d’avoir une adresse officielle en Suisse n’est pas déterminant si d’autres indices permettent de conclure à l’existence d’une résidence habituelle à l’étranger. Tel est toutefois le cas en l’espèce. Certes, le recourant semble entretenir des liens privilégiés avec la Suisse, où il est né et où vivent sa mère et sa compagne, ainsi que – selon ses dires – sa fille. Il n’en demeure pas moins que la chronologie des événements, soit la perte de son emploi avec effet au 31 mars 2023 et son inscription auprès de l’assurance-chômage le 18 avril 2023, amène à questionner les motifs qui ont conduit le recourant à s’annoncer à l’OCPM le 1er mars 2023. Les constatations des enquêteurs ayant établi le rapport d’entraide administrative du 7 juillet 2023 ne plaident pas en faveur d’un déplacement du centre de ses intérêts personnels à Genève en mars 2023. Si, comme le soutient le recourant, la voisine de palier a admis l’avoir aperçu à plusieurs reprises avec sa mère, elle a expressément indiqué que cette dernière vivait seule et que son fils ne lui rendait visite que « de temps à autre ». Quant à la voisine de l’étage du dessus, elle a indiqué l’avoir « peut-être » croisé une fois jeter les poubelles en bas de l’immeuble, précisant qu’il ne venait que pour aider sa mère. Les enquêteurs ont également relevé, lors de la visite domiciliaire, qu’il ne disposait que de peu d’affaires personnelles à l’adresse de C______, en particulier deux sous-vêtements et une paire de chaussettes. Il n’est par ailleurs pas contesté qu’il ne verse aucun loyer à sa mère. Le recourant soutient en revanche qu’il verse un loyer mensuel à sa compagne en lien avec son appartement à Chêne-Bougeries. Or, outre le fait qu’on ne voit pas en quoi cet argument viendrait étayer sa position selon laquelle il aurait déménagé à l’appartement de sa mère à C______ en mars 2023, il n’est pas possible de retenir, sur la base de ces pièces, qu’un loyer serait effectivement versé. Il n’est en effet aucunement fait mention d’un paiement de loyer dans les différentes inscriptions et le montant des versements varie fortement d’un mois à l’autre (allant de CHF 250.- en novembre 2023 à CHF 1’100.- au mois de décembre 2023). En revanche, il est établi qu’à la date de la décision entreprise, le recourant était toujours propriétaire de son bien immobilier sis à F______ (France). Certes, le recourant a produit des pièces permettant de démontrer que des démarches ont été entreprises en vue de la vente du bien. Il ressort toutefois de ces pièces que le mandat de vente n’a été conclu qu’en novembre 2023 et que les premières visites n’ont eu lieu qu’à partir de cette date. Il n’est donc pas possible, sur la base de ces pièces, de retenir que le recourant aurait déménagé de son appartement en France lors de son inscription à l’OCE en avril 2023.

Enfin, les relevés détaillés de ses deux lignes téléphoniques suisse et française pour la période de mars à octobre 2023 révèlent une présence quasi quotidienne en France. Dans ses écritures, le recourant explique que cette situation est due à la proximité de son domicile avec la frontière, les antennes françaises étant généralement plus puissantes à cet endroit. Or, outre que cet argument n’est aucunement démontré en ce qui concerne sa propre situation – les extraits Internet de discussions sur le sujet n’étant pas suffisants –, il vient contredire les déclarations du recourant, selon lesquelles il passerait la majorité de la semaine et tous les week-ends chez sa compagne à Chêne-Bougeries.

La chambre de céans constate, au demeurant, que le recourant avait été invité à produire les factures de consommation d’électricité et de chauffage concernant le logement à C______ pour les mois d’avril 2023 et suivants. Dans la mesure où la consommation totale de cet appartement pour les années 2019 à 2022 figure au dossier, soit dans le rapport d’entraide administrative du 7 juillet 2023, la production des factures pour l’année 2023, voire la première moitié de 2024, aurait permis de comprendre si la consommation totale de l’appartement avait augmenté à compter de son déménagement en mars 2023. Le recourant n’a toutefois pas donné suite à cette demande, ni produit ces factures devant la chambre de céans.

Dans ces circonstances, même si on ne peut pas exclure que la situation ait évolué, cas échéant avec la vente du bien immobilier en France, il convient de retenir, au degré de la vraisemblance prépondérante, que le lieu de résidence du recourant ne se situait pas à Genève, à tout le moins lors de son inscription au chômage le 18 avril 2023.

4.             Il convient encore d’examiner si l’intéressé, qui a travaillé en Suisse, peut déduire un droit aux prestations sur la base des règles de coordination européenne en matière d'assurance-chômage.

4.1 Jusqu’au 31 mars 2012, les Parties à l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681), appliquaient entre elles le Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (ci-après : règlement n° 1408/71). Une décision n° 1/2012 du Comité mixte du 31 mars 2012 (RO 2012 2345) a actualisé le contenu de l'Annexe II à l'ALCP avec effet au 1er avril 2012 en prévoyant, en particulier, que les Parties appliqueraient désormais entre elles le Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des régimes de sécurité sociale, modifié par le Règlement CE n° 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009. Le règlement n° 883/2004 (RS 0.831.109.268.1) - qui a donc remplacé le règlement n° 1408/71 - n'ouvre toutefois aucun droit pour la période antérieure à la date de son application (ATF 138 V 392 consid. 4.1.3) et l'examen du juge se limite (au plus tard) à la période précédant la décision sur opposition (ATF 128 V 315). Le présent litige doit donc être examiné à la lumière du règlement n° 883/2004.

4.2 D'après l'art. 1 let. f du règlement n° 883/2004, le terme « travailleur frontalier » désigne toute personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre et qui réside dans un autre État membre où elle retourne en principe chaque jour ou au moins une fois par semaine.

Les personnes auxquelles le règlement n° 883/2004 est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre (art. 11 par. 1 du règlement n° 883/2004). Selon l'art. 11 par. 3 let. c du règlement n° 883/2004, la personne qui bénéficie de prestations de chômage conformément aux dispositions de l'art. 65, en vertu de la législation de l'État membre de résidence, est soumise à la législation de cet État membre.

En vertu de l'art. 65 du règlement n° 883/2004, la personne en chômage complet qui, au cours de sa dernière activité salariée ou non salariée, résidait dans un État membre autre que l'État membre compétent et qui continue à résider dans le même État membre ou qui retourne dans cet État membre se met à disposition des services de l'emploi de l'État membre de résidence. Sans préjudice de l'art. 64, une personne en chômage complet peut, à titre complémentaire, se mettre à la disposition des services de l'emploi de l'État membre où elle a exercé sa dernière activité salariée ou non salariée. Une personne en chômage, autre qu'un travailleur frontalier, qui ne retourne pas dans l’État membre de sa résidence se met à la disposition des services de l'emploi de l’État membre à la législation duquel elle a été soumise en dernier lieu (par. 2). Le chômeur visé au paragraphe 2, 1ère et 2phrases, bénéficie des prestations selon les dispositions de la législation de l'État membre de résidence, comme s'il avait été soumis à cette législation au cours de sa dernière activité salariée ou non salariée. Ces prestations sont servies par l'institution du lieu de résidence (par. 5 let. a). En outre, l'État d'emploi rembourse la totalité du montant des prestations servies durant les trois premiers mois d'indemnisation. Ce remboursement est toutefois limité au montant des prestations qu'il aurait servi sur son territoire (par. 6 1re et 2e phrases).

Il convient également de se référer au règlement n° 987/2009 qui prévoit, en son considérant 13, des mesures et des procédures destinées à favoriser la mobilité des travailleurs et des chômeurs. Les travailleurs frontaliers se trouvant au chômage complet peuvent se mettre à la disposition du service de l'emploi tant de leur pays de résidence que du pays où ils ont travaillé en dernier lieu. Toutefois, ils ne devraient avoir droit qu'aux prestations servies par l'État membre de résidence.

Dans un arrêt du 11 avril 2013 (C-443/11), la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que, par suite de l'entrée en vigueur du règlement n° 883/2004 CE, les dispositions applicables en matière d'assurance-chômage (art. 65) ne devaient pas être interprétées à la lumière de l'arrêt Miethe (exceptionnellement, le travailleur frontalier au chômage complet peut également faire valoir son droit à des indemnités de chômage dans l’État où il a exercé sa dernière activité professionnelle, à condition qu’il ait conservé dans l’État du dernier emploi à la fois des liens personnels et des liens professionnels propres à lui donner les meilleures chances de réinsertion dans ce pays). S'agissant d'un travailleur frontalier se trouvant au chômage complet, qui a conservé avec l'État membre de son dernier emploi des liens personnels et professionnels tels qu'il dispose dans cet État des meilleures chances de réinsertion professionnelle, l'art. 65 doit être compris en ce sens qu'il permet à un tel travailleur de se mettre de manière complémentaire à la disposition des services de l'emploi dudit État non pas en vue d'obtenir dans ce dernier des allocations de chômage, mais uniquement aux fins d'y bénéficier des services de reclassement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2013 du 23 avril 2014 consid. 3.2.4 ; ATAS/909/2013).

4.3 En application de la jurisprudence précitée, quand bien même l'intéressé aurait conservé avec la Suisse des liens personnels et professionnels tels qu'il disposerait dans cet État de meilleures chances de réinsertion professionnelle, c'est son pays de résidence, la France, qui doit lui verser des indemnités de chômage.

C’est ainsi à juste titre que l’intimé a nié le droit à l’indemnité de chômage au recourant. Le recours doit donc être rejeté.

5.             Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA et 89H al. 1 LPA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le