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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3590/2024

ATAS/269/2025 du 17.04.2025 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3590/2024 ATAS/269/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 avril 2025

Chambre 5

 

En la cause

A______

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’intéressée), née en ______ 1952, a déposé une demande de prestations complémentaires à l’AVS, que le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) a reçue en date du 1er décembre 2023. Elle mentionnait avoir été licenciée, en date du 29 septembre 2023, par la société B______ (ci-après : la société), qui l’employait à un taux de 60%. Sa situation économique s’était modifiée et elle avait des difficultés à payer ses impôts, son loyer, ses assurances et avait des dettes.

b. Dans le courrier joint à sa demande, elle exposait avoir été la dirigeante de la société, qui avait été fondée par ses parents et qu’elle avait vendue en 2016, après y avoir investi beaucoup d’argent. Elle avait dû financer le séjour de sa mère en EMS, ce qui lui avait coûté CHF 400'000.- en quatre ans et avait entraîné la vente de sa maison. Elle avait été « utilisée » par les repreneurs de la société, qui ne connaissaient rien au milieu genevois, ni aux activités de nettoyage et s’était retrouvée, à l’âge de 71 ans, sans fortune et sans revenus, ne pouvant pas vivre avec sa seule rente AVS, ce qui motivait sa demande de prestations complémentaires.

c. Le SPC a demandé à l’intéressée de lui fournir tous les documents permettant d’examiner sa situation financière et lui a notamment adressé un courrier, daté du 4 janvier 2024, par lequel il demandait des informations plus détaillées sur les comptes bancaires et notamment les justificatifs concernant la diminution des avoirs, par CHF 28 995.- entre 2020 et 2021, par CHF 101’702.- entre 2019 et 2020, par CHF 130’825.- entre 2018 et 2019 et enfin par CHF 312’910.- entre 2017 et 2018.

B. a. Par décision du 8 mai 2024, le SPC a refusé la demande de prestations complémentaires du 1er décembre 2023, au motif qu’après examen du dossier, il apparaissait que la fortune nette de l’intéressée s’élevait à CHF 2’865'483.-. Selon le tableau de calcul annexé à la décision, le SPC avait pris en compte des biens dessaisis, pour un montant de CHF 2'855'835.- au 31 décembre 2022, en appliquant un amortissement annuel de CHF 10’000.-.

b. Par courrier du 14 mai 2024, l’intéressée s’est opposée à la décision du 8 mai 2024, se plaignant préalablement, de n’avoir reçu aucune réponse à sa demande d’entretien avec le directeur du SPC. Elle exposait avoir consacré un montant de CHF 2'024'612.35 pour couvrir les frais et pertes de sa société, par postposition d’une créance qui n’avait pas été remboursée lors de la vente de sa société en juillet 2016. Elle avait dû pourvoir à l’entretien de sa mère en EMS, pendant quatre ans, ce qui lui avait coûté environ CHF 400’000.- et avait assumé les frais d’obsèques, soit CHF 16’920.-. Elle avait versé CHF 20’000.- à une agence, qui devait rechercher un acheteur pour sa société, mais n’avait pas fait son travail, puis avait dépensé CHF 153’000.- de loyer pour la période allant du mois d’août 2015 à septembre 2018, alors qu’elle venait d’être « larguée » par un homme qui l’avait laissée seule pour payer le loyer. Elle avait acheté un véhicule, pour ses déplacements professionnels, privés et politiques, pour un montant de CHF 60’780.- et avait consacré un montant de CHF 30’000.- à des services informatiques et bancaires. Elle exposait avoir également dû payer des frais pour sa fille, notamment la pose de facettes, des frais de voyage, des dépenses pour des écoles privées et sans doute plusieurs autres dépenses effectuées pour son travail et pour sa vie personnelle. Elle concluait qu’elle se retrouvait sans fortune et sans revenus et devait vivre sur sa seule rente AVS, ce qui n’était pas possible.

c. En date du 4 juillet 2024, l’intéressée a été reçue par un employé du SPC. Selon le procès-verbal dressé le même jour, elle a, en substance, répété les explications déjà données dans son courrier d’opposition du 14 mai 2024 et exposé avoir reçu un montant de CHF 15’000.- en décembre 2023 et février 2024, versé par ses anciens employeurs, comme solde de tout compte ; elle attendait également une décision en matière d’aide sociale.

d. Par décision du 30 juillet 2024, l’intéressée a reçu une décision de prestations d’aide sociale prenant en charge une partie des primes d’assurance-maladie et lui versant un montant mensuel. Parallèlement, l’intéressée a pu obtenir l’attribution d’un logement dans un immeuble avec encadrement pour personnes âgées (IEPA), à un loyer bien inférieur à celui de l’appartement qu’elle occupait actuellement.

e. Par décision sur opposition du 30 septembre 2024, le SPC a confirmé son refus d’octroyer des prestations complémentaires, en exposant que, suite à la prise en compte du montant de la fortune qui avait fait l’objet d’un dessaisissement, la fortune nette de l’intéressée dépassait le seuil de CHF 100'000.- pour les personnes seules, tel qu’il était fixé par la loi.

C. a. Par courrier posté en date du 29 octobre 2024, l’intéressée a interjeté recours contre la décision sur opposition du 30 septembre 2024, auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans). Elle a exposé, en substance, l’argumentation qu’elle avait déjà développée au stade de l’opposition, en ajoutant des détails, notamment sur les circonstances dramatiques de la disparition de son père, devant ses yeux, alors qu’elle avait 20 ans ; le fait qu’elle avait entretenu un compagnon médecin qui l’avait quittée en 2015 alors qu’elle l’avait aidé financièrement ; sa nature généreuse qui l’avait amenée à aider les autres sur le plan financier avec une certaine désinvolture, qu’elle reconnaissait. Elle mentionnait n’avoir plus un sou pour vivre et bénéficier de l’aide ponctuelle d’un ou deux amis, alors qu’elle ne méritait pas de « faire l’aumône », car elle avait travaillé pendant 45 ans, sans compter son temps, avait fait de la politique et avait élevé sa fille seule. Elle concluait à l’annulation de la décision sur opposition du 30 septembre 2024 et à ce que des prestations complémentaires lui soient allouées.

b. Par réponse du 27 novembre 2024, le SPC a exposé avoir tenu compte des différentes dépenses alléguées par la recourante, ce qui l’avait amené à réduire le montant, considéré comme un dessaisissement, à hauteur de CHF 996’631.27, montant encore bien supérieur à CHF 100'000.-, ce qui justifiait le refus de prestations complémentaires.

c. Invitée à répliquer, la recourante a demandé, par courrier du 16 décembre 2024, de pouvoir « dialoguer avec un juge », car elle souhaitait être reçue et pouvoir être entendue en personne. Elle alléguait ne pas demander la charité, mais souhaitait faire valoir ses droits, dans la plus grande dignité.

d. Une audience de comparution personnelle a été appointée, le 16 janvier 2025, lors de laquelle la recourante a été entendue.

Elle a exposé avoir dû interrompre ses études universitaires, suite au décès brutal de son père, intervenu sous ses yeux, lors d’une sortie à skis. Elle avait aidé sa mère à reprendre l’entreprise familiale de nettoyage et s’était occupée de la branche commerciale dont son père s’occupait auparavant. Sa mère, quant à elle, était devenue la détentrice de la société anonyme et la comptable et lui avait cédé la société en 2008 avant d’être placé en EMS en 2012. La recourante avait alors engagé sa fille, née en 1989, dans la société, afin qu’elle reprenne l’activité commerciale. En raison de l'introduction de l’accord intercantonal sur les marchés publics (AIMP), la concurrence s’était élargie d'un coup et la recourante avait été placée devant le choix de soutenir la société ou de la laisser partir en faillite, ce qui aurait été un aveu d’échec. Comme sa fille venait de terminer l’école hôtelière et lui avait demandée de travailler dans la société, la recourante avait finalement fait le choix de maintenir la société familiale, mais au prix d’un sacrifice personnel, car elle avait dû postposer une créance personnelle d’environ CHF 2'000'000.- pour que la société puisse poursuivre son activité. Finalement, en 2016 elle avait décidé de vendre, mais les choses s’étaient mal passées, car le repreneur avait demandé à la dernière minute qu’elle réinjectât une partie du prix de vente dans la société, ce qui lui avait laissé à peine un bénéfice net de CHF 300'000.-. Parallèlement, le repreneur lui avait remboursé, peu à peu, sur une période de trois ans, le crédit commercial consenti par l’UBS et qui s’élevait à CHF 440'000.-. Grâce à ces remboursements, elle avait pu vivre jusqu’en 2018/2019. Par la suite, deux investisseurs libanais lui avaient demandé de revenir travailler dans la société, en qualité de chargée de relations, afin de s'occuper de la clientèle, de manière que la transition se passe au mieux. Elle avait donc travaillé pour ces personnes à un taux officiel de 60% (soit un salaire brut de CHF 3'000.- par mois en 2020, puis CHF 4'000.- dès 2021), alors que, dans la réalité, elle était constamment contactée et travaillait probablement à un taux plus élevé qu’elle estimait à 80%, sans compensation. On lui avait promis des bonus, qu’elle n’avait jamais perçus, mais elle était tellement contente de travailler dans son ancienne entreprise que la situation lui convenait, jusqu'au moment où elle avait été abruptement licenciée, en septembre 2023, pour fin novembre 2023, ce qui expliquait la raison pour laquelle elle avait déposé sa demande auprès du SPC en décembre 2023, sur recommandation du Conseiller d'État, C______. Elle ajoutait avoir perçu le montant de CHF 15'000.- pour solde de tout compte, ce qui englobait les salaires d'octobre et novembre 2023, plus une prime de CHF 7'000.-.

En 2012, elle avait vendu la maison que sa mère venait de lui attribuer en pleine propriété, ce qui lui avait laissé un montant d’environ CHF 2'500'000.- après remboursement des crédits hypothécaires. Il fallait déduire de ce montant la somme de CHF 400'000.- destinée à payer l'EMS de sa mère, de 2012 à 2016. S’agissant du solde, elle n’avait plus de souvenirs très précis de cette époque, mais elle pensait que le montant avait été vraisemblablement injecté dans l’entreprise afin de soutenir cette dernière.

En fin d’audience, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Les autres faits et documents seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations complémentaires, singulièrement sur les montants retenus par l'intimé au titre de la fortune et des biens dessaisis.

3.              

3.1 Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales (ci-après : PCF) à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales
(ci-après : PCC), la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

La modification du 22 mars 2019 de la LPC est entrée en vigueur le 1er janvier 2021 (Réforme des PC, FF 2016 7249 ; RO 2020 585).

Conformément à l’al. 1 des dispositions transitoires de ladite modification, l’ancien droit reste applicable trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente modification aux bénéficiaires de prestations complémentaires pour lesquels la réforme des prestations complémentaires entraîne, dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à la prestation complémentaire annuelle. A contrario, les nouvelles dispositions sont applicables aux personnes qui n’ont pas bénéficié de prestations complémentaires avant l’entrée en vigueur de la réforme des prestations complémentaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_329/2023 du 21 août 2023 consid. 4.1).

En l’occurrence, le droit aux prestations complémentaires est né postérieurement au 1er janvier 2021. Par conséquent, les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.

3.2 Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC, ainsi que les conditions relatives à la fortune nette prévues à l’art. 9a LPC, ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de l'assurance-invalidité
(ci-après : AI) ou perçoivent des indemnités journalières de l’AI sans interruption pendant six mois au moins, conformément à l'art. 4 al. 1 let. c LPC.

S'agissant de la notion de droit propre à une rente, elle doit être interprétée de la même manière que dans l'AVS. Ainsi, l'invalide ayant droit à une rente de l'AI ou qui pourrait prétendre à son octroi (art. 4 al. 1 let. d LPC) possède un droit autonome aux prestations complémentaires. Cela n'est en revanche pas le cas pour les enfants et pour la personne pour laquelle un assuré perçoit une rente complémentaire, laquelle n'a aucun droit propre à des prestations complémentaires (hormis l'hypothèse de la séparation ou du divorce) (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, n° 10 ad art. 4).

Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 LPC).

3.3 Conformément à l’art. 9a al. 1 LPC, les personnes dont la fortune nette est inférieure aux seuils suivants ont droit à des prestations complémentaires : CHF 100’000.- pour les personnes seules (let. a) ; CHF 200'000.- pour les couples (let. b) ; CHF 50'000.- pour les enfants ayant droit à une rente d’orphelin ou donnant droit à une rente pour enfant de l’AVS ou de l’AI. Les parts de fortune visées à l’art. 11a al. 2 à 4 LPC font partie de la fortune nette au sens de l’al. 1 (art. 9a al. 3 LPC).

Il découle de cette nouvelle disposition légale, appliquée a contrario, que le droit même à des PCF est désormais exclu pour les personnes assurées dont la fortune nette dépasse l'un de ces seuils fixés à l'art. 9a LPC, soit le seuil de CHF 100'000.- dans le cas d’espèce de la recourante qui vit seule.

3.4 En vertu de l'art. 11 al. 1 LPC, les revenus déterminants comprennent notamment : deux tiers des ressources en espèces ou en nature provenant de l’exercice d’une activité lucrative, pour autant qu’elles excèdent annuellement CHF 1'000.- pour les personnes seules (let. a) ; un quinzième de la fortune nette, un dixième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, dans la mesure où elle dépasse CHF 30'000.- pour les personnes seules, CHF 50'000.- pour les couples et CHF 15'000.- pour les orphelins et les enfants donnant droit à des rentes pour enfant de l’AVS ou de l’AI ; si le bénéficiaire de PC ou une autre personne comprise dans le calcul de ces prestations est propriétaire d’un immeuble qui sert d’habitation à l’une de ces personnes au moins, seule la valeur de l’immeuble supérieure à CHF 112'500.- entre en considération au titre de la fortune (let. c) ; les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’AI (let. d).

Sont déterminants pour le calcul de la PC annuelle les revenus obtenus au cours de l’année civile, parallèlement aux revenus probables convertis en revenu annuel, et l’état de la fortune au 1er janvier de l’année pour laquelle la prestation est servie (DPC ch. 3413.01).

3.5 S’agissant des prestations complémentaires cantonales, y ont droit les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable (art. 4 LPCC).

Dans un arrêt de principe, la chambre de céans a retenu que le seuil de fortune déterminant pour l’octroi des prestations complémentaires fédérales en vigueur depuis le 1er janvier 2021 est également applicable en matière de prestations complémentaires cantonales (ATAS/521/2023 du 29 juin 2023 consid. 12.5), soit le seuil de CHF 100'000.- dans le cas d’espèce d’une personne vivant seule.

4.              

4.1 La réforme des prestations complémentaires a introduit un nouvel art. 11a LPC, relatif à la renonciation à des revenus ou parts de fortune, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2021. Conformément à celui-ci, les autres revenus, parts de fortune et droits légaux ou contractuels auxquels l'ayant droit a renoncé sans obligation légale et sans contre-prestation adéquate sont pris en compte dans les revenus déterminants comme s'il n'y avait pas renoncé (al. 2). Un dessaisissement de fortune est également pris en compte si, à partir de la naissance d'un droit à une rente de survivant de l'AVS ou à une rente de l'AI, plus de 10% de la fortune est dépensée par année sans qu'un motif important ne le justifie, étant précisé que si la fortune est inférieure ou égale à CHF 100'000.-, la limite est de CHF 10'000.- par année, et que le Conseil fédéral règle les modalités, en définissant en particulier la notion de « motif important » (al. 3). L'al. 3 s'applique aux bénéficiaires d'une rente de vieillesse de l'AVS également pour les dix années qui précèdent la naissance du droit à la rente (al. 4). Selon l'al. 3 des dispositions transitoires de la modification du 22 mars 2019, l'art. 11a al. 3 et 4 LPC ne s'applique qu'à la fortune qui a été dépensée après l'entrée en vigueur de la présente modification (arrêt du Tribunal fédéral 9C_329/2023 du 21 août 2023 consid. 4.2).

Selon l’art. 17b de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance‑vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC‑AVS/AI ‑ RS 831.301), entré en vigueur le 1er janvier 2021, il y a dessaisissement de fortune lorsqu’une personne aliène des parts de fortune sans obligation légale et que la contre-prestation n’atteint pas au moins 90% de la valeur de la prestation (let. a) ou lorsqu’une personne a consommé, au cours de la période considérée, une part de fortune excédant ce qui aurait été admis sur la base de l’art. 11a al. 3 LPC (let. b). Si un dessaisissement de fortune a eu lieu au cours de la période considérée en raison de l’aliénation de parts de fortune, au sens de l’art. 17b let. a OPC-AVS/AI, le montant des parts de fortune dessaisies, réduit de CHF 10'000.- par année (art. 17e al. 1 OPC-AVS/AI) doit être ajouté à la fortune effective pour la détermination de la consommation admise (DPC ch. 3533.10).

Selon l'art. 17c OPC-AVS/AI, le montant du dessaisissement, en cas d’aliénation, correspond à la différence entre la valeur de la prestation et la valeur de la contre-prestation.

Selon l’art. 17d al. 1 et 2 OPC-AVS/AI, le montant du dessaisissement en cas de consommation excessive de la fortune correspond à la différence entre la consommation effective de la fortune et la consommation admise pour la période considérée (al. 1). La consommation admise de la fortune est calculée en appliquant à chaque année de la période considérée la limite de la consommation de la fortune autorisée à l’art. 11a al. 3 LPC et en additionnant les montants annuels ainsi obtenus (al. 2).

Selon l’art. 17e OPC-AVS/AI, le montant de la fortune qui a fait l’objet d’un dessaisissement au sens de l’art. 11a al. 2 et 3 LPC et qui doit être pris en compte dans le calcul de la prestation complémentaire est réduit chaque année de CHF 10'000 (al. 1). Le montant de la fortune au moment du dessaisissement doit être reporté tel quel au 1er janvier de l’année suivant celle du dessaisissement pour être ensuite réduit chaque année (al. 2). Est déterminant pour le calcul de la prestation complémentaire annuelle le montant réduit de la fortune au 1er janvier de l’année pour laquelle la prestation est servie (al. 3).

4.2 Pour les bénéficiaires d’une rente de survivants de l’AVS ou d’une rente de l’AI, la période à prendre en considération commence le 1er janvier de l’année qui suit la naissance du droit à la rente, mais au plus tôt le 1er janvier 2021 (DPC ch. 3533.04). La période à prendre en considération se termine le 31 décembre de l’année précédant l’année civile pour laquelle le calcul de la prestation complémentaire est effectué (DPC ch. 3533.07).

S'agissant des conditions relatives à la fortune, prévues, depuis le 1er janvier 2021, par le nouvel art. 9a al. 1 LPC, le Tribunal fédéral a, dans un cas, considéré, après avoir rappelé que les éléments auxquels une personne a renoncé font également partie de la fortune (cf. Directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (DPC) de l'OFAS, valables depuis le 1er avril 2011, état au 1er janvier 2023, ch. 2512.02), qu'il y a lieu de prendre en compte dans la détermination de la fortune nette pour l'année 2022, les montants de la fortune dont les intéressés s’étaient dessaisis en 2005 et en 2013, sous déduction de CHF 10'000.- par année (arrêt du Tribunal fédéral 9C_329/2023 du 21 août 2023 consid. 5.3).

5.              

5.1 Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a et la référence).

5.2 Par ailleurs, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend, en particulier, l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). En particulier, dans le régime des prestations complémentaires, l'assuré qui n'est pas en mesure de prouver avec une vraisemblance prépondérante que ses dépenses ont été effectuées moyennant contre-prestation adéquate ne peut pas se prévaloir d'une diminution (supérieure à la moyenne) correspondante de sa fortune, mais doit accepter que l'on s'enquière des motifs de cette diminution et, en l'absence de la preuve requise, que l'on tienne compte d'une fortune hypothétique (ATF 146 V 306 consid. 2.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral P 65/04 du 29 août 2005 consid. 5.3.2 ; 9C_377/2021 du 22 octobre 2021 consid. 3.3 et les références ; 9C_246/2022 du 6 décembre 2022 consid. 3.4). Mais avant de statuer en l'état du dossier, l'administration devra avertir la partie défaillante des conséquences de son attitude et lui impartir un délai raisonnable pour la modifier ; de même devra-t-elle compléter elle-même l'instruction de la cause s'il lui est possible d'élucider les faits sans complications spéciales, malgré l'absence de collaboration d'une partie (ATF 117 V 261 consid. 3b ; 108 V 229 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral P 59/02 du 28 août 2003 consid. 3.3 et les références).

6.             En l'espèce, la recourante admet avoir bénéficié d’une situation financière confortable et d’une fortune conséquente, qu’elle a dépensé avec une certaine « désinvolture », pour reprendre ses propres termes.

6.1 Il est indéniable que la situation financière de la recourante s’est considérablement péjorée après la vente de la société, suivie de son licenciement.

Il ressort des griefs de la recourante que cette dernière considère avoir accordé beaucoup de son temps à son entreprise et à sa communauté, par le biais de son militantisme politique et de n’en être pas remerciée aujourd’hui, alors qu’elle se trouve dans une situation financière difficile.

Ce grief, qui peut trouver un certain appui dans des considérations d’ordre moral, ne peut toutefois être retenu lorsqu’il s’agit de déterminer si une personne a droit à des prestations complémentaires, ces dernières dépendant principalement de considérations financières, indépendamment de l’activité que l’intéressée a pu déployer au service de la société.

La recourante admet s’être comportée de façon désinvolte avec une partie des biens qui lui appartenaient et s’en être dessaisis, sans contrepartie, au gré de sa générosité. Sous l’angle des prestations complémentaires, ce comportement, bien que généreux, est sanctionné, dès lors que les biens dont on s’est dessaisis sans contrepartie sont considérés comme n’ayant pas quitté le patrimoine de la personne.

6.2 Sur le plan des calculs opérés par le SCP, la recourante ne les conteste pas en tant que tels et ils n’apparaissent pas non plus contestables ; on relèvera qu’après avoir pris en compte certaines dépenses, afin de les exclure du montant du dessaisissement, le montant de ce dernier reste encore plus de neuf fois supérieur au seuil de CHF 100'000.- fixé par la loi pour une personne seule.

7.

7.1 Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans n’a d’autre choix que de rejeter le recours.

7.2 Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF ‑ RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le