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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3285/2024

ATAS/238/2025 du 04.04.2025 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3285/2024 ATAS/238/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 4 avril 2025

Chambre 9

 

En la cause

A______
représenté par Me Jeffrey CONNOR, avocat

 

recourant

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l'assuré), né le ______ 1994, travaillait à plein temps en qualité de médecin-dentiste auprès du Centre Dentaire B______ (ci-après : l'ancien employeur) depuis le 6 novembre 2020.

b. Le 27 juin 2024, il a été licencié avec effet immédiat pour rupture du lien de confiance.

c. Le 3 juillet 2024, il s'est inscrit à l'office régional de placement (ci-après : l'ORP), pour un taux d'activité à 100% dès cette date, et le 15 juillet 2024, il a requis le versement d'indemnités de chômage auprès de la caisse de chômage UNIA (ci-après : la caisse).

d. Le 16 juillet 2024, l'assuré a eu son premier entretien de conseil avec sa conseillère en personnel auprès de l'ORP. Selon le procès-verbal y relatif, il avait expliqué, lors de cet entretien, qu'il était en train d'ouvrir sa propre clinique dentaire et que la caisse lui avait confirmé qu'il pourrait être indemnisé. Sa conseillère lui avait alors répondu que le service juridique allait examiner son cas.

B. a. Le 18 juillet 2024, la caisse a soumis à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l'OCE) le dossier de l'assuré pour examen de son aptitude au placement dès le 3 juillet 2024 et, si elle était retenue, du taux d'activité disponible pour le placement. Il ressortait de la lettre de licenciement adressée à l'assuré, qu'il allait démarrer une activité indépendante et qu'avant son licenciement, il avait sollicité la diminution de son temps de travail à 42%. En outre, l'assuré était inscrit au registre du commerce (ci-après : RC) en qualité d'administrateur président de la société C______ (ci-après : la société ou la clinique) depuis le 26 avril 2024. Il avait d'ailleurs déclaré, dans le formulaire de demande d'indemnités de chômage, qu'il était en train de développer sa structure dentaire et que, quand l'ancien employeur l'avait découvert, ce dernier « [avait] cherché des accusations afin de trouver un prétexte pour un licenciement avec faute grave ».

b. Interrogé par l'OCE par pli du 19 juillet 2024, l'assuré a répondu par courriel le 24 juillet 2024. Il a expliqué que son associée et lui-même avaient fondé la société le 8 mai 2024 et détenaient chacun 50% des parts. Ils assumaient divers rôles au fur et à mesure du développement de la clinique, qui était en cours de création. Le rôle principal de l'assuré allait commencer le jour de l'ouverture de la clinique, le 14 octobre 2024, en tant que médecin-dentiste. Actuellement, les locaux étaient en travaux, de sorte qu'il n'était pas encore en mesure d'y exercer. Il n'avait pas encore de contrat de travail avec la société. Il avait en tête ce projet depuis un certain temps et lorsque son ancien employeur avait commencé à agir de manière inappropriée à son égard, il était allé visité des locaux commerciaux avec son actuelle associée, le 3 décembre 2023, en vue d'une future association. Depuis lors, ils avaient fait d'autres visites et le projet n'avait cessé de murir. Jusqu'ici, ils avaient recherché un local en fonction de différents critères, élaboré un business plan et un plan de financement, conclu un contrat de crédit bancaire ainsi qu'un contrat de bail commercial, recruté leur équipe avec signature des contrats et mandaté des architectes pour les travaux d'aménagement. Actuellement, ils étaient au stade du début des travaux. Pour créer la société, son associée et lui-même avaient, initialement, chacun investi CHF 50'000.- d'économies, puis, en raison d'imprévus survenus lors de la réalisation des travaux, ils avaient dû encore apporter CHF 50'000.- de fonds propres chacun. L'activité professionnelle de l'assuré avait été particulièrement intense du 3 décembre 2023 jusqu'à la date de son licenciement, le 27 juin 2024, puisqu'en plus de son travail à 100% en tant que médecin-dentiste, il consacrait environ trois heures par jour, y compris les weekends, à la gestion administrative et à la mise en place du projet. Depuis son licenciement, il se concentrait principalement sur la recherche d'un emploi à plein temps. En attendant l'ouverture de la clinique, il cherchait un poste à 100% et, après l'ouverture, il prévoyait de réduire son taux d'activité à 60% pour pouvoir exercer dans sa structure à 40%. Actuellement, il consacrait environ une heure par jour à la société, en s'occupant des appels téléphoniques, du suivi du chantier, des échanges de mails et de la gestion des commandes. Le reste de son temps était dédié à la recherche d'emploi. Son licenciement avait été imprévu et, pour des raisons financières, il souhaitait continuer à travailler tout en développant sa société. Les démarches administratives auprès de la caisse de compensation en vue de son affiliation en tant que personne de condition indépendante étaient en cours. En plus des contrats de bail, de crédit bancaire et de travail avec les employés, un contrat de leasing pour le gros matériel avait été conclu. Les contrats d'assurance allaient également prochainement l'être. Au cours des six derniers mois, alors qu'il travaillait 42 heures par semaine à soigner les patients et consacrait environ 5 heures supplémentaires à l'administratif médical pour l'ancien employeur, il avait réussi à trouver l'énergie nécessaire pour développer sa société. Il aimait profondément son métier de sorte qu'il ne comptait pas son temps. Actuellement, il était libre tous les jours, du lundi au vendredi de 8h00 à 19h00. Un emploi à temps plein ne compromettrait pas le développement de sa structure jusqu'au 14 octobre 2024. Cependant, dès cette date, il était prêt à commencer son activité dans sa société à un taux de 40% afin de pouvoir, durant le lancement de la clinique, travailler pour un autre employeur à un taux de 60%. Si les horaires venaient à être incompatibles, il ferait le nécessaire pour se rendre disponible. Il était courant, dans le métier de médecin-dentiste, de recruter des employés à temps partiel. À titre d'exemple, lorsqu'il travaillait pour son ancien employeur, il était le seul dentiste à plein temps, les autres ayant des taux variant entre le 20% et le 80%. Pour le moment, il était difficile de prévoir quels revenus il pourrait retirer de son activité, car sa rémunération serait basée sur un pourcentage du chiffre d'affaires. Ce chiffre dépendrait intrinsèquement du nombre de patients qui viendraient se faire soigner dans sa clinique.

À l'appui de ses explications, l'assuré a produit les justificatifs suivants :

-          un contrat du 31 mai 2024 de crédit bancaire, à concurrence de CHF 700'000.- en faveur de la société ;

-          un contrat du 3 juin 2024 de mise en gage des droits attachés à l'assurance-vie de l'assuré pour un montant de CHF 350'000.- ;

-          des tableaux relatifs au budget trésorerie pour les trois premières années d'activité, au plan de financement et aux bilan et compte de résultats provisionnels de la clinique ;

-          un préavis favorable délivré le 15 juillet 2024 par la direction de l'inspection du travail, relatif à la demande du 10 juin 2024 pour les travaux d'aménagement de la clinique ;

-          des captures d'écran de deux dépôts d'argent, chacun, d'une valeur de CHF 50'000.- en faveur de la société ;

-          un devis daté du 29 juin 2024 pour des travaux d'aménagement de la clinique pour un coût total de CHF 506'913.18 ;

-          un contrat de bail pour des locaux commerciaux signé le 27 février 2024 par l'assuré et son associée, pour une location débutant le 1er avril 2024 et un loyer mensuel brut fixé à CHF 11'561.35 pour une surface de 310m2 ;

-          le business plan de la société.

c. Par décision du 14 août 2024, l'OCE a déclaré l'assuré inapte au placement dès le premier jour de contrôle, soit dès le 3 juillet 2024. Au vu des engagements financiers très importants consentis pour la constitution de la société et l'ouverture de la clinique mais également de la demande de diminution du taux d'activité de 100% à 42% à l'ancien employeur, l'assuré n'était pas apte au placement pour un quelconque poste salarié puisqu'il se consacrait entièrement au développement de la société. En outre, il était peu vraisemblable qu'il soit engagé par une structure à laquelle il ferait directement concurrence dès le 14 octobre 2024, jour de l'ouverture de la clinique.

d. Le 16 août 2024, l'assuré a formé opposition contre cette décision. Son licenciement immédiat et injustifié l'avait contraint à demander pour la première fois des indemnités de chômage. Il remplissait toutes les conditions pour être considéré comme apte au placement. Il était disposé à accepter toute offre d'emploi correspondant à son profil professionnel et à ses compétences, restait attentif aux opportunités d'emploi, s'efforçait de postuler aux postes adaptés et était prêt à participer à toutes les formations proposées par l'ORP. En plus d'être partiellement disponible pour le marché du travail et prêt à accepter un emploi convenable, il mettait activement en œuvre diverses démarches pour maximiser ses opportunités d'emploi en entretenant des contacts réguliers avec de potentiels employeurs et pour élargir ses compétences en participant en tant que bénévole lors de chirurgies orales. Après deux mois et demi de recherches intensives, il avait réussi à obtenir son premier entretien avec la clinique dentaire D______, prévu le 19 août 2024, pour un poste à temps partiel, ce qui témoignait de son engagement et de sa détermination. En bonne santé et sans limitation à sa capacité de travail, il était en mesure de commencer immédiatement un emploi aux conditions proposées. Il respectait ses obligations en matière de recherches d'emploi et restait informé des droits et devoirs qui lui étaient impartis en tant que demandeur d'emploi. En parallèle, il était en train de créer sa propre clinique dentaire, laquelle était encore au stade du démarrage et ne générait aucun revenu. Avant son licenciement, il avait prévu de réduire à 42% son taux d'activité auprès de son ancien employeur, afin de pouvoir travailler sur la création de sa clinique, tout en maintenant un revenu suffisant pour subvenir à ses charges. Pour le moment, il n'était pas encore en mesure de se consacrer entièrement à son activité indépendante. Son projet d'ouverture de clinique n'affectait pas sa disponibilité pour une activité salariée temporaire, puisque les engagements relatifs à ce projet étaient flexibles et pouvaient facilement être modifiés si une opportunité salariale se présentait. En attendant de générer des revenus stables, il avait l'intention de démarrer progressivement sa clinique, pour laquelle il avait pris des engagements proportionnés, tels que la location d'un local et l'acquisition de matériel, n'entravant pas sa capacité à accepter une activité salariée. Il fallait tenir compte de l'ensemble des circonstances de son cas et non pas seulement des aspects matériels pour l'évaluation de son aptitude au placement. Depuis son licenciement, il avait été proactif pour retrouver un emploi, soumettant des candidatures spontanées, rencontrant des patrons d'entreprises ainsi que des fournisseurs afin d'explorer toutes les opportunités possibles et consacrant un temps considérable à ces démarches. Il avait effectivement consenti des engagements financiers significatifs pour la création de sa société et l'ouverture de sa clinique, ce qui reflétait son investissement dans ce projet, et avait requis une diminution de son taux d'activité auprès de son ancien employeur, témoignant de son intention de consacrer à un certain pourcentage de son temps à son projet entrepreneurial. Cela étant, cette réduction n'indiquait pas nécessairement qu'il était entièrement indisponible pour une activité salariée à temps partiel. S'agissant de la question de la concurrence directe avec un potentiel employeur, il estimait qu'en occupant un poste suffisamment éloigné de sa clinique, il évitait tout conflit avec sa future activité indépendante. D'ailleurs, il postulait également dans d'autres cantons, comme Vaud ou Neuchâtel.

e. Par décision sur opposition du 3 septembre 2024, l'OCE a confirmé sa décision. L'assuré n'avait apporté aucun élément nouveau permettant de revoir sa position. Depuis le 3 décembre 2023, l'intéressé avait commencé à entreprendre des démarches en vue de la création de sa propre clinique dentaire. Le 27 février 2024, il avait signé un contrat de bail pour une durée de dix ans. Le 8 mai 2024, il avait fondé la société avec son associée. Le 9 juillet 2024, il avait signé une offre de devis pour les travaux d'aménagement de la clinique pour un montant de CHF 509'913.- et son business plan prévoyait l'engagement de 22 employés. Il avait ainsi pris des dispositions dont il ne pouvait se départir rapidement, impliquant d'importants engagements financiers, de sorte qu'il convenait de retenir que depuis son inscription au registre du commerce, il s'était entièrement consacré au développement de sa structure et ne présentait dès lors plus aucune disponibilité pour prendre un emploi salarié.

C. a. Par acte du 7 octobre 2024, l'assuré a interjeté recours par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans) contre cette décision, concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et au versement des indemnités de chômage suspendues depuis le 3 juillet 2024.

À l'appui de son recours, il a notamment produit son contrat de travail de durée indéterminée signé le 6 novembre 2020 avec l'ancien employeur ainsi que son certificat de travail établi par ce dernier le 19 août 2024.

b. Dans sa réponse du 4 novembre 2024, l'intimé a conclu au rejet du recours.

c. Par pli du 20 novembre 2024, le recourant a indiqué que la réponse de l'intimé n'appelait pas de détermination particulière de sa part.

d. Copie de ce pli a été transmise à l'intimé pour information.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA, applicable par le renvoi de l'art. 1 al. 1 LACI) et le délai de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]) prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur l'aptitude au placement du recourant dès le 3 juillet 2024.

2.1 En vertu de l'art. 8 al. 1 LACI, l'assuré doit, pour bénéficier de l'indemnité de chômage, notamment être apte au placement (let. f).

Selon l'art. 15 al. 1 LACI est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d'intégration et qui est en mesure et en droit de le faire.

2.2 L'aptitude au placement comprend ainsi deux éléments : la capacité de travail d'une part, c'est-à-dire la faculté de fournir un travail – plus précisément d'exercer une activité lucrative salariée – sans que l'assuré en soit empêché pour des causes inhérentes à sa personne, et d'autre part la disposition à accepter un travail convenable au sens de l'art. 16 LACI, ce qui implique non seulement la volonté de prendre un tel travail s'il se présente, mais aussi une disponibilité suffisante quant au temps que l'assuré peut consacrer à un emploi et quant au nombre des employeurs potentiels (ATF 125 V 51 consid. 6a ; 123 V 214 consid. 3).

Est notamment réputé inapte au placement l'assuré qui n'a pas l'intention ou qui n'est pas à même d'exercer une activité salariée, parce qu'il a entrepris – ou envisage d'entreprendre – une activité lucrative indépendante, cela pour autant qu'il ne puisse plus être placé comme salarié ou qu'il ne désire pas ou ne puisse pas offrir à un employeur toute la disponibilité normalement exigible. L'aptitude au placement doit par ailleurs être admise avec beaucoup de retenue lorsque, en raison de l'existence d'autres obligations ou de circonstances personnelles particulières, un assuré désire seulement exercer une activité lucrative à des heures déterminées de la journée ou de la semaine. Un chômeur doit être en effet considéré comme inapte au placement lorsqu'une trop grande limitation dans le choix des postes de travail rend très incertaine la possibilité de trouver un emploi (ATF 112 V 326 consid. 1a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_577/2019 du 13 octobre 2020 consid. 4.1).

Selon la jurisprudence, l'assuré qui exerce une activité indépendante pendant son chômage n'est apte au placement que s'il peut exercer cette activité indépendante en dehors de l'horaire de travail normal. L'assuré, qui après avoir perdu son travail, exerce une activité indépendante à titre principal n'est pas apte au placement. Il en va autrement, lorsque selon les circonstances, l'activité indépendante est peu importante et qu'elle peut être exercée en dehors du temps de travail ordinaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_577/2019 précité consid. 4.2).  

Un assuré qui exerce une activité indépendante n'est pas d'entrée de cause inapte au placement. Il faut bien plutôt examiner si l'exercice effectif d'une activité lucrative indépendante est d'une ampleur telle qu'elle exclut d'emblée toute activité salariée parallèle. Pour juger du degré d'engagement dans l'activité indépendante, les investissements consentis, les dispositions prises et les obligations personnelles et juridiques des indépendants qui revendiquent des prestations sont déterminants et doivent ainsi être examinés soigneusement. L'aptitude au placement doit donc être niée lorsque les dispositions que doit prendre l'assuré pour mettre sur pied son activité indépendante entraînent des obligations personnelles et juridiques telles qu'elles excluent d'emblée toute activité salariée parallèle. Autrement dit, seules des activités indépendantes dont l'exercice n'exige ni investissement particulier, ni structure administrative lourde, ni dépenses importantes peuvent être prises en considération à titre de gain intermédiaire. On examinera en particulier les frais de matériel, de location de locaux, de création d'une entreprise, l'inscription au registre du commerce, la durée des contrats conclus, l'engagement de personnel impliquant des frais fixes, la publicité faite etc. (arrêt du Tribunal fédéral 8C_342/2010 du 13 avril 2011 consid. 3.2 et 3.3).

On précisera également que l'assurance-chômage n'a pas pour but de couvrir les risques inhérents aux risques d'exploitation tels qu'ils se présentent pour l'assuré qui souhaite développer une activité indépendante durable (arrêt du Tribunal fédéral 8C_49/2009 du 21 novembre 2008, publié in DTA 2009 p. 336).

Lorsque l’activité indépendante commence juste après le début du chômage, l’aptitude au placement doit être admise si cette activité a été entreprise dans le but de diminuer le dommage à l’assurance (c’est-à-dire en réaction face au chômage), après une phase de recherches d’emploi sérieuses, et ne correspond pas à un objectif poursuivi de toute façon et décidé déjà bien avant le début du chômage. Dans ces conditions précises, le fait que le chômeur ne soit disponible pour être placé comme salarié que durant une brève période ne le prive pas de droit à l'indemnité (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 26 ad art. 15 LACI). Dans une telle situation, un chômeur doit encore – pour être réputé apte au placement – être disponible pour prendre un emploi temporaire avant le commencement de son activité indépendante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_130/2010 du 20 septembre 2010 consid. 5).

L'appréciation de l'aptitude au placement d'un assuré dont la disponibilité est restreinte dans le temps doit se baser à la fois sur le genre d'activité qu'il convoite et ses chances réelles d'être engagé dans la branche économique où il effectue ses recherches d'emploi. Il peut en effet se présenter des cas dans lesquels certaines entreprises s'efforcent précisément de trouver en priorité des employés disposés à travailler durant une brève période. Plus la demande est forte sur le marché de l'emploi à prendre en considération, plus les exigences relatives à la disponibilité dans le temps sont réduites. Les circonstances locales peuvent également jouer un rôle à cet égard. Dans certaines régions en effet, les possibilités d'être engagé durant une brève période sont assez nombreuses, spécialement en période de haute saison (arrêt du Tribunal fédéral 8C_130/2010 du 20 septembre 2010 consid. 5.1).

2.3 L'aptitude au placement n'est pas sujette à fractionnement, en ce sens qu'il existerait des situations intermédiaires entre l'aptitude et l'inaptitude au placement (par exemple une aptitude seulement « partielle ») auxquelles la loi attacherait des conséquences particulières. Lorsqu’un assuré est disposé à n’accepter qu’un travail à temps partiel – jusqu’à concurrence au moins de 20% d’un horaire de travail complet (cf. art. 5 OACI) –, il convient non pas d’admettre une aptitude au placement partielle pour une perte de travail de 100%, mais à l’inverse, d’admettre purement et simplement l’aptitude au placement de l’intéressé dans le cadre d’une perte de travail partielle (ATF 136 V 95 consid. 5.1 ; 126 V 124 consid. 2 ; 125 V 51 consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_908/2014 du 18 mai 2015 consid. 3). C’est sous l'angle de la perte de travail à prendre en considération (cf. art. 11 al. 1 LACI) qu'il faut, le cas échéant, tenir compte du fait qu'un assuré au chômage ne peut ou ne veut pas travailler à plein temps (ATF 126 V 124 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_908/2014 précité consid. 3 ; RUBIN, op. cit., n. 5 ad art. 15 LACI).

2.4 En ce qui concerne la preuve, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1).

3.              

3.1 En l'espèce, l'intimé estime que le recourant était inapte au placement dès son inscription au chômage le 3 juillet 2024. Selon lui, l'intéressé se consacrait entièrement au développement de la société, ce qui résultait des engagements financiers très importants consentis pour la constitution de la société et l'ouverture de la clinique, ainsi que de la demande à l'ancien employeur de diminution du taux d'activité de 100% à 42%. Il considère en outre comme peu vraisemblable qu'il soit engagé par une structure à laquelle il ferait directement concurrence dès le 14 octobre 2024, jour de l'ouverture de la clinique.

Le recourant conteste cette position, estimant être apte au placement, à tout le moins, à un taux de 42%. Il rappelle avoir manifesté de manière claire et répétée son intention de rechercher activement un emploi salarié. Selon lui, le simple fait d'avoir demandé la réduction de son taux d'activité à son ancien employeur ne saurait justifier, à lui seul, son inaptitude au placement. Il fait valoir qu'une disponibilité à temps partiel n'est pas synonyme d'inaptitude surtout lorsque cette réduction correspond à des opportunités existantes sur le marché de l'emploi. Il explique, d'ailleurs, qu'une clinique dentaire, la clinique E______, avait exprimé son intérêt pour sa candidature à un poste de médecin-dentiste au taux d'activité de 42% et qu'il attendait une réponse prochainement en vue d'une potentielle collaboration. Il considère que cela témoigne de sa disponibilité et de son attractivité sur le marché du travail. En outre, il allègue que le fait d'avoir entamé des démarches sérieuses en vue d'une future activité indépendante n'exclue pas la possibilité d'un emploi salarié en parallèle, ce d'autant plus que les principaux préparatifs au lancement de son activité indépendante ont été effectués alors qu'il occupait encore son poste auprès de son ancien employeur, à temps plein. Enfin, il déclare n'avoir aucune limitation physique ou psychique susceptible de l'empêcher d'exercer une activité salariée.

3.2 Il convient donc de déterminer si l'activité indépendante du recourant a des conséquences sur sa disponibilité pour un emploi salarié à partir du 3 juillet 2024.

Force est de constater que les engagements du recourant pour la création de sa clinique dentaire sont particulièrement conséquents. Il a personnellement investi CHF 100'000.- dans la société, conclu un contrat de crédit bancaire, avec son associée, à hauteur de CHF 700'000.- et mis en gage sa propre assurance-vie. Son associée et lui-même ont signé, déjà en février 2024, un contrat de bail à loyer d'un local commercial d'une surface de 310m2 pour un loyer mensuel brut de plus de CHF 11'000.- et ont prévu des travaux d'aménagement, dont le devis s'élevait à plus de CHF 500'000.-. En outre, le recourant a déclaré à l'intimé le 19 juillet 2024 que son associée et lui-même avaient recruté leur équipe, avec signature des contrats. Les engagements du recourant, tant financiers que juridiques, pour la création de sa société et l'ouverture de sa clinique sont d'une ampleur telle, qu'ils paraissent peu conciliables, au vu de la jurisprudence précitée, avec une activité salariée, même à taux partiel.

Par ailleurs, il ressort du business plan de la société que le recourant et son associée souhaitaient planifier une mise en place progressive de la clinique, par l'installation au fur et à mesure des fauteuils dentaires et équipement des salles de soins, parallèlement à la croissance de la demande et des fonds acquis par la société. À noter que le but escompté était l'installation de l'ensemble des salles de soins, soit sept salles et, au total, neufs fauteuils dentaires, dans un délai de 18 à 24 mois après l'ouverture de la clinique. Au lancement de la clinique, il était prévu d'exploiter trois salles de soins équipées pour un taux d'occupation optimisé de la manière suivante : la première salle dédiée aux soins d'hygiéniste pratiqués par deux employés salariés et rémunérés au pourcentage du chiffre d'affaires avec un planning a priori ouvert du lundi au vendredi de 8h à 19h ; une deuxième salle dédiée aux soins dentaires pratiqués par le recourant lui-même, sur rendez-vous du lundi au samedi ; une troisième salle dédiée aux soins dentaires pratiqués par l'associée du recourant, sur rendez-vous deux jours et demi par semaine.

Ainsi, dès l'ouverture de la clinique le 14 octobre 2024, il était prévu que le recourant exerce au sein de celle-ci, sur rendez-vous du lundi au samedi, dans une salle qui lui était entièrement consacrée. Une activité salariée, même à un taux partiel, apparait dès lors peu crédible. Une telle structure, d'autant plus au début de son exploitation, nécessite en effet un engagement particulièrement important de la part d'un associé, qui plus est, exerçant en son sein en qualité de médecin-dentiste. On rappellera au demeurant que l'assurance-chômage n’a pas pour but de couvrir les risques inhérents aux risques d'exploitation tels qu'ils se présentent pour l'assuré qui souhaite développer une activité indépendante durable, comme c'est le cas pour le recourant.

Dans ces conditions, on ne saurait admettre que le recourant puisse offrir à un employeur toute la disponibilité normalement exigible dans le cadre d'une activité salariée, de sorte que l'aptitude au placement du recourant ne peut en tout cas pas être reconnue à partir de la prise de son activité indépendante telle que prévue le 14 octobre 2024.

Quant à la période qui précède l'ouverture de la clinique, soit entre son inscription au chômage le 3 juillet et le 13 octobre 2024, on ne peut que constater qu'il s'agit d'une période maximum de trois mois et demi. Par ailleurs, et compte tenu du fait que le recourant a sollicité de son ancien employeur une diminution de son taux d'activité de 100% à 42%, sa disponibilité n’aurait été qu'à un taux partiel, probablement inférieur à 50%. Enfin, il ressort des formulaires de preuves de recherches des mois de juillet et août 2024 remplis par le recourant et figurant au dossier, que l'intéressé s’est limité à rechercher des postes de médecin-dentiste, auprès de cabinets et cliniques dentaires et que, ceux-ci, se trouvent, potentiellement, en directe concurrence avec sa propre clinique. Ces différentes limitations rendaient ainsi illusoires ses chances d’être engagé (cf. dans le même sens : arrêt du Tribunal fédéral 8C_130/2010 précité consid. 5.2).

Au vu de l'ensemble de ces limitations, qui ne ressortent certainement pas du dossier de candidature du recourant, le fait d'avoir réussi à obtenir deux entretiens, comme il l'allègue, ne signifie pas encore qu'un employeur soit prêt à l'engager. De même, bien qu'il ait fait quelques recherches dans d'autres cantons pour éviter le problème de la concurrence avec sa clinique, il parait peu probable qu'un potentiel employeur soit prêt à l'engager pour une période aussi limitée.

En conséquence, l'aptitude au placement doit également être niée sous l'angle de la prise d'un emploi temporaire et la décision litigieuse ne peut qu'être confirmée.

4.             Le recours sera rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA).

 

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le