Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/82/2025 du 10.02.2025 ( LPP ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/2808/2024 ATAS/82/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 10 février 2025 Chambre 6 |
En la cause
FONDATION COLLECTIVE LPP D'ALLIANZ SUISSE SOCIETE D'ASSURANCES SUR LA VIE
| demanderesse |
contre
A______
|
défenderesse |
A. a. Le 30 août 2024, la Fondation collective LPP d’Allianz Suisse société d’assurances sur la vie (ci-après : la demanderesse) a déposé auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) une demande à l’encontre de A______ (ci-après : la défenderesse), concluant à la condamnation de celle-ci à lui verser CHF 2'631.50 avec intérêt à 5% dès le 1er janvier 2019 ainsi que CHF 500.- de frais de réquisition de poursuite, CHF 149.50 de frais de poursuite et CHF 1'500.- de frais de démarches.
La défenderesse avait signé le 26 septembre 2008 un contrat d’affiliation en vigueur du 1er mai 2008 au 21 avril 2017, date de sa résiliation. Selon le dernier décompte le montant de CHF 2'631.50 correspondait au solde dû au 31 décembre 2018.
b. Le 21 octobre 2024, la défenderesse a indiqué que son comptable préparait les décomptes pour le retard de cotisation LPP, de sorte qu’un délai supplémentaire lui a été imparti au 30 novembre 2024 pour répondre à la demande en paiement.
c. Le 3 décembre 2024, la défenderesse a requis un arrangement de paiement en s’excusant pour le retard de paiement.
d. Le 6 janvier 2025, la demanderesse a refusé tout arrangement de paiement, dès lors que sa créance était impayée depuis plusieurs années.
e. Le 16 janvier 2025, la demanderesse a indiqué que la défenderesse avait versé, le 13 janvier 2025, CHF 2'631.50, mais que les frais et intérêts restaient dus.
f. Sur quoi la cause a été gardée à juger.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce ou de dissolution du partenariat enregistré, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO - RS 220] ; art. 52, 56a al. 1 et art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 [LPP - RS 831.40] ; ancien art. 142 du Code civil [CC - RS 210]).
Aux termes de l'art. 73 LPP, chaque canton désigne un tribunal qui connaît, en dernière instance cantonale, des contestations opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit (al. 1, 1ère phrase). Le for de l'action est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l'exploitation dans lequel l'assuré a été engagé (al. 3).
1.2 En l’espèce, la présente cause oppose une institution de prévoyance professionnelle à une employeuse, dont le siège se situe dans le canton de Genève, en lien avec les cotisations dues par cette dernière.
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.3 L'ouverture de l'action prévue à l'art. 73 al. 1 LPP n'est soumise, comme telle, à l'observation d'aucun délai (ATAS/630/2023 du 23 août 2023 ; ATAS/929/2017 du 18 octobre 2017 consid. 2 et les références citées).
La demande respecte en outre la forme prévue à l’art. 89B al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) qui régit la procédure en matière de prévoyance professionnelle à Genève.
Partant, elle est recevable.
2.
2.1 En matière de prévoyance professionnelle, le juge saisi d’une action doit se prononcer sur l’existence ou l’étendue d’un droit ou d’une obligation dont une partie prétend être titulaire contre l’autre partie (arrêt du Tribunal fédéral B 91/05 du 17 janvier 2007 consid. 2.1).
L’objet du litige devant la juridiction cantonale est déterminé par les conclusions de la demande introduite par l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral B 72/04 du
31 janvier 2006 consid. 1.1). C’est ainsi la partie qui déclenche l’ouverture de la procédure qui détermine l’objet du litige (maxime de disposition). L’état de fait doit être établi d’office selon l’art. 73 al. 2 LPP seulement dans le cadre de l’objet du litige déterminé par la partie demanderesse. La maxime inquisitoire ne permet pas d’étendre l’objet du litige à des questions qui ne sont pas invoquées
(ATF 129 V 450 consid. 3.2). Le juge n’est toutefois pas lié par les conclusions des parties ; il peut ainsi adjuger plus ou moins que demandé à condition de respecter leur droit d’être entendu (arrêt du Tribunal fédéral B 59/03 du
30 décembre 2003 consid. 4.1).
2.2 Le litige porte sur le bien-fondé de la requête de la demanderesse, par laquelle cette dernière réclame le paiement de CHF 2'631.50 avec intérêt à 5% dès le 1er janvier 2019 ainsi que CHF 500.- de frais de réquisition de poursuite, CHF 149.50 de frais de poursuite et CHF 1'500.- de frais de démarches, étant relevé que la défenderesse s’est acquittée d’un montant de CHF 2'631.50 le 13 janvier 2025.
3. La LPP institue un régime d'assurance obligatoire des salariés (art. 2 al. 1 LPP).
Selon l’art. 11 al. 1 LPP, tout employeur occupant des salariés soumis à l’assurance obligatoire doit être affilié à une institution de prévoyance inscrite dans le registre de la prévoyance professionnelle.
La convention dite d'affiliation d'un employeur à une fondation collective ou à une fondation commune est un contrat sui generis fondé sur l'art. 11 LPP
(ATF 120 V 299 consid. 4a et les références).
L'employeur affilié à une institution de prévoyance par un tel contrat est tenu de verser à celle-ci les cotisations qu'elle fixe dans ses dispositions réglementaires (art. 66 al. 1, 1ère phrase LPP).
3.1 Conformément à l’art. 66 al. 2 LPP, l’employeur est le débiteur de la totalité des cotisations envers l’institution de prévoyance. Celle-ci peut majorer d’un intérêt moratoire les cotisations payées tardivement.
Le taux d’intérêt se détermine en premier lieu selon la convention conclue par les parties dans le contrat de prévoyance et, à défaut, selon les dispositions légales sur les intérêts moratoires des art. 102 ss CO (SVR 1994 BVG n° 2 p. 5
consid. 3b/aa ; RSAS 1990 p. 161 consid. 4b).
Aux termes de l'art. 102 al. 1 CO, le débiteur d'une obligation exigible est mis en demeure par l'interpellation du créancier. Lorsque le jour de l'exécution a été déterminé d'un commun accord, ou fixé par l'une des parties en vertu d'un droit à elle réservé et au moyen d'un avertissement régulier, le débiteur est mis en demeure par la seule expiration de ce jour (art. 102 al. 2 CO). Le débiteur qui est en demeure pour le paiement d'une somme d'argent doit l'intérêt moratoire à 5% l'an, dans la mesure où un taux d'intérêt plus élevé n'a pas été convenu par contrat (art. 104 al. 1 et 2 CO ; ATF 130 V 414 consid. 5.1 ; 127 V 377 consid. 5e/bb et les références). Des intérêts ne peuvent être portés en compte pour cause de retard dans les intérêts moratoires (art. 105 al. 3 CO ; RSAS 2003 p. 500 consid. 6.1).
4. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération
(ATF 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 et les références ; 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).
En matière de prévoyance professionnelle, la maxime inquisitoire est applicable. Elle ne dispense toutefois pas les parties de leur obligation de collaborer et en conséquence d’apporter à la procédure, dans la mesure où cela apparait raisonnablement exigible, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués (ATF 139 V 176 consid. 5.2 ; 138 V 86 consid. 5.2.3 ; voir également en ce qui concerne l’art. 43 LPGA : ATF 145 V 90 consid. 3.2). En outre, la maxime inquisitoire ne libère pas les parties du principe du fardeau de la preuve ; autrement dit, en cas d'absence de preuve d’un fait, c'est à la partie qui en a le fardeau d'en supporter les conséquences, sauf si l'impossibilité de prouver ce fait peut être imputée à la partie adverse (ATF 139 V 176 consid. 5.2 ; 117 V 261 consid. 3b ; 115 V 133 consid. 8a).
Dans cette optique, il est possible de s’inspirer du principe général consacré à l’art. 8 CC selon lequel chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (en ce sens : ATF 146 V 51 consid. 5.1 ; 145 V 90 consid. 3.2 ; 115 V 133 consid. 8a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_412/2011, du 30 avril 2012 consid. 3.2). En conséquence, la partie qui fait valoir un droit doit prouver les faits fondant ce dernier, tandis que le fardeau de la preuve relatif aux faits supprimant le droit, respectivement l'empêchant, incombe à la partie qui affirme la perte du droit ou qui conteste son existence ou son étendue (ATF 141 III 241 consid. 3 ; 139 III 13 consid. 3.1.3.1 ; 139 III 7 consid. 2.2).
5. En l'espèce, en sa qualité d'employeuse occupant des salariés, la défenderesse devait être affiliée à une caisse de prévoyance professionnelle.
5.1 Selon le contrat d'affiliation, signé par la défenderesse le 26 septembre 2008 et entré en vigueur le 1er mai 2008, l’employeur doit à la fondation les primes qui lui sont facturées par Allianz Suisse Vie en vertu du contrat d’assurance collective selon le ch. 5.1 et qui se composent des bonifications de vieillesse, des coûts de l’assurance risque ainsi que de toutes autres contributions légales ou réglementaires (art. 10.1). En plus des primes, des frais supplémentaires peuvent être perçus conformément au règlement des frais. La fondation peut en tout temps adapter le règlement des frais à de nouvelles conditions. Toute modification des dispositions et des données du règlement des frais est annoncée à l’avance à l’employeur (art. 10.4).
Le règlement sur les frais de gestion, auquel renvoie le contrat d’affiliation, valable dès le 1er janvier 2011, prévoit expressément des frais relatifs à l’envoi d’une sommation (CHF 100.-), à l’établissement d’une convention de paiement (CHF 250.-), à une réquisition de poursuite (CHF 500.-) et à des frais de plainte (CHF 1'500.-).
5.2 Il ressort des pièces produites par la demanderesse et de l'absence de toute contestation de la défenderesse, que celle-ci était tenue de verser les primes convenues avec la demanderesse durant cette période, selon le contrat d’affiliation.
5.3 S'agissant de la somme de CHF 2'631.50 réclamée dans la demande, elle correspond au solde retenu dans le décompte de la demanderesse (pièce demanderesse n°16) et comprend les primes impayées. Ce montant est admis par la défenderesse dès lors qu’elle en a effectué le versement le 13 janvier 2025.
Par ailleurs, la chambre de céans observe que les différents frais retenus par la demanderesse sont effectivement prévus dans le règlement sur les frais de gestion (CHF 100.- par lettre de sommation recommandée, CHF 250.- par convention de paiement, CHF 500.- par réquisition de poursuite et CHF 1'500.- par plainte), de sorte que celle-ci était en droit de les retenir, sans avoir à démontrer l'ampleur du dommage subi.
Quant aux intérêts sur la créance en capital, ils sont dus en vertu des art. 66 al. 2 LPP et 104 al. 1 CO. En revanche, les frais de poursuite de CHF 149.80 ne sont pas établis et ne seront pas retenus.
5.4 Partant, la chambre de céans tiendra pour établi que la défenderesse doit encore à la demanderesse les intérêts à 5% l’an dès le 1er janvier 2019 sur le montant de CHF 2'631.50, ainsi que des frais de CHF 2'000.- (CHF 1'500.- + CHF 500.-). La demande sera partiellement admise dans ce sens.
5.5 L'art. 73 al. 2 LPP précise que les cantons doivent prévoir une procédure simple, rapide et, en principe, gratuite.
En sa qualité d'institution chargée d'une tâche de droit public, la demanderesse n'a en principe pas droit à des dépens, sous réserve des cas où l'adverse partie procède à la légère ou de manière téméraire (ATF 128 V 323 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_927/2010 du 4 août 2011 consid. 6 et les références citées), ce qui n’est pas réclamé en l’espèce.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare la demande recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Condamne la défenderesse à verser à la demanderesse les montants suivants :
- les intérêts à 5% l’an dès le 1er janvier 2019 sur le montant de CHF 2'631.50,
- CHF 2'000.-.
4. Dit que la procédure est gratuite.
5. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le