Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/77/2025 du 11.02.2025 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/1759/2024 ATAS/77/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 11 février 2025 Chambre 10 |
En la cause
A______ Représentée par Me Charles PIGUET, avocat
| recourante |
contre
ALLIANZ SUISSE SOCIÉTÉ D'ASSURANCES SA
| intimée |
A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée), née le ______ 1990, travaillait au service d'une entreprise sise dans le canton de Genève en qualité de serveuse depuis le 1er décembre 2013. À ce titre, elle était assurée contre le risque d’accident, professionnel ou non, auprès de ALLIANZ SUISSE SOCIÉTÉ D'ASSURANCES SA (ci-après : l'assureur).
b. Par déclaration du 5 mars 2014, l'employeur a indiqué que le 13 février 2014, « [l'assurée] roulait à vélo lorsqu'elle s'est fait renverser par un camion. Elle a été traînée par le camion, ce qui a abîmé ses jambes ».
c. L'assureur a pris en charge le cas.
B. a. Mandatés par l'assureur, les docteurs B______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, et C______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, du D______ (ci-après : D______), ont examiné l'assurée le 20 juillet 2020, respectivement le 21 juillet 2020.
Dans un rapport du 25 août 2020, les experts ont notamment relevé que l'assurée, qui avait été victime d'un accident de la circulation avec un dégantage cutané de la racine de la cuisse gauche à la cheville gauche, avait bénéficié en urgence de débridements locaux puis de greffes cutanées itératives, ainsi que de traitements cutanés type lipofilling. Depuis 2015, celle-ci se plaignait de pseudo-blocages au genou gauche. Une imagerie par résonnance magnétique (ci-après : IRM) avait mis en évidence une lésion méniscale interne pour laquelle un traitement conservateur avait été instauré. Une consultation en juillet 2017 avait révélé une déchirure en anse de seau du ménisque interne associée à une insuffisance du ligament croisé antérieur, ayant nécessité une suture du ménisque interne avec reconstruction chirurgicale du ligament croisé antérieur avec une allogreffe. En septembre 2019, une arthroscopie pour une résection partielle de la corne postérieure du ménisque interne avait également été pratiquée.
Les experts ont posé les diagnostics, sur le plan orthopédique, de dégantage cutané du membre inférieur gauche le 13 février 2014 et de lésion du ligament croisé antérieur avec lésion secondaire du ménisque interne gauche, et sur le plan psychique, d'état de stress post-traumatique (F43.1) et de trouble de l'adaptation avec réaction mixte, anxieuse et dépressive (F43.22).
À la question de savoir si l'atteinte à la santé invoquée était au moins partiellement la conséquence de l'accident du 13 février 2014 avec une vraisemblance prépondérante, les experts ont répondu par l'affirmative.
Ils ont précisé qu'il n'y avait aucun état antérieur à l'accident, ni sur le plan orthopédique, ni sur le plan psychique.
En ce qui concernait la capacité de travail, sur le plan orthopédique, elle était nulle dans l'activité habituelle de serveuse - en parallèle de laquelle l'assurée, à l'époque, suivait une formation pour devenir danseuse professionnelle, qu'elle avait dû arrêter. Les lésions cutanées au membre inférieur gauche entraînaient des douleurs et des œdèmes à la station debout prolongée, et la fonction du genou présentait une laxité résiduelle avec des douleurs internes ne permettant pas l'exercice de l'activité de serveuse qui nécessitait la marche avec station debout prolongée et port de plateaux. Dans une activité adaptée sédentaire permettant l'alternance de positions debout-assise sans port de charges de plus de 10 kg, avec des déplacements limités sur terrain plat, sans activité à genoux, ni accroupie, ni montées-descentes répétitives d'escaliers ou échelles, la capacité de travail était entière.
Sur le plan psychique, la capacité de travail était entière depuis mi-2015, période à compter de laquelle l'assurée avait commencé une nouvelle formation professionnelle et universitaire tout en travaillant en parallèle.
À la question de savoir si les troubles dus à l'accident avaient à eux seuls provoqué une atteinte permanente à l'intégrité physique et/ou mentale de l'assurée, les experts ont répondu que l'état définitif n'était pas atteint. Sur le plan orthopédique, il pourrait l'être dans douze mois. Il persistait au niveau de la cuisse une amyotrophie quadricipitale et au niveau du complexe suro-achilléen plantaire une rétraction. Sur le plan psychique, l'état définitif pourrait être atteint après cinq ans d'évolution, à fin 2020.
b. À la demande de l'assureur, le 8 juin 2022, l'assurée a été examinée par le Dr B_____, ainsi que le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, auprès du D______.
Dans un rapport du 5 juillet 2022, les experts ont indiqué qu’aucune intervention ou chirurgie plastique n'avait eu lieu depuis la dernière opération en septembre 2019. Sur le plan orthopédique, l'examen clinique était superposable à celui de la précédente expertise avec une contracture du complexe suro-achilléen à la cheville gauche et déficit de flexion dorsale de la cheville pouvant entraîner un verrouillage insuffisant du genou en extension. En revanche, la fonction du genou gauche était bonne en flexion/extension, mais il persistait une laxité antérieure résiduelle inchangée et une amyotrophie de la cuisse qui avait légèrement diminué depuis l'expertise de juillet 2020. L'état définitif était atteint dès leur expertise.
Les médecins ont retenu une atteinte du ligament croisé antérieur au genou gauche avec instabilité résiduelle, un status après résection du ménisque interne, une atteinte dégénérative débutante du compartiment interne, potentiellement évolutive, et une contracture du triceps sural gauche.
Selon la table 6 de la SUVA relative à l'atteinte à l'intégrité en cas d'instabilité articulaire, il existait une laxité antérieure résiduelle symptomatique du genou gauche qui ouvrait le droit à un taux d'indemnisation de 5%. En raison d'une aggravation prévisible, ce taux devait être augmenté de 5%. Au total, les experts ont fixé l'indemnité pour atteinte à l'intégrité à 10%. La capacité de travail, nulle dans l'activité de serveuse, était entière dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles. Il était précisé que l'assurée travaillait 17 heures par semaine dans deux entreprises de production de compagnie de spectacle vivant. Il s'agissait d'un travail administratif assis, sans port de charges ni déplacements itératifs.
Sur le plan psychique, l'état définitif n'était pas atteint, car il persistait une dysthymie et de rares symptômes résiduels d'état de stress post-traumatique (évitement de conduire un vélo, hypervigilance quant à la survenue d'un nouvel accident). Il pouvait être attendu, au moyen de la psychothérapie, une amélioration d'ici six mois, soit à la fin 2022. L'atteinte actuelle psychique pouvait être estimée comme légère. La capacité de travail était entière dans toute activité.
c. Dans une appréciation du 25 mars 2023, le docteur F______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation, en rhumatologie et en médecine interne générale, et médecin-conseil de l'assureur, a considéré que le taux de l'indemnité pour l'atteinte à l'intégrité arrêté par les experts était correct. Quant à la peau, en se référant à la table 18 de la SUVA relative à l'atteinte à l'intégrité en cas de lésions de la peau, il a indiqué que les jambes étaient des parties couvertes, et que la comparaison avec la perte du nez (30%) ou du pavillon de l'oreille (10%) ne justifiait pas d'augmenter le taux de l'indemnité.
d. Par décision du 29 mars 2023, l'assureur, en considérant que l'état définitif avait été atteint au plus tard à la fin 2022, a mis un terme au versement des indemnités journalières et à la prise en charge du traitement médical au 31 décembre 2022. La comparaison des revenus de valide (CHF 49'259.60) et d'invalide (CHF 64'586.99) n'aboutissait à aucune perte de gain, de sorte que l'assurée n'avait pas droit à une rente d'invalidité. Par contre, il lui a reconnu le droit à une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 10%, correspondant à un montant de CHF 12'600.-.
e. Par courrier du 28 avril 2023, l'assurée s'est opposée à cette décision, en faisant valoir que le taux de l’indemnité pour atteinte à l'intégrité devait être porté à 45%, au vu de son dommage esthétique, ainsi que de son atteinte psychique légère, éléments qui n'avaient pas été pris en compte.
f. Par décision du 22 avril 2024, l'assureur a rejeté l'opposition. Il a exposé que l'état de santé définitif de l'assurée sur le plan psychique n'était pas atteint, raison pour laquelle une indemnité pour atteinte à l'intégrité ne pouvait pas encore être déterminée sous cet angle. Les experts avaient pris en considération les atteintes cutanées dans l'évaluation de ladite indemnité et le médecin-conseil avait expliqué dans son appréciation du 25 mars 2023 les motifs pour lesquels il ne se justifiait pas d'augmenter le taux de l’indemnité.
C. a. Par acte du 23 mai 2024, l'assurée, représentée par un avocat, a recouru contre cette décision sur opposition auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en concluant, sous suite de frais et dépens, préalablement, à la mise en œuvre d'une expertise dermatologique, et principalement, à l'annulation de cette décision et au versement d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité d'un taux de 45%.
La recourante a reproché à l'intimée de s'être contentée d'interroger le
médecin-conseil au sujet de son préjudice esthétique. Ce médecin, qui ne l'avait jamais examinée, avait pu tout au plus se prononcer sur la base de photographies. Aucun constat dermatologique consécutif à un examen médical ne figurait au dossier, à l'exception du rapport du 17 juin 2022 de la docteure G_____, dermatologue en France. Or, son atteinte dermatologique/cosmétique aurait dû être investiguée par des experts sur la base d'un examen complet. Elle en a conclu qu'une expertise par un spécialiste en dermatologie devait être ordonnée pour que le taux de l'atteinte à l'intégrité résultant de ses séquelles cosmétiques soit évalué. Cette expertise pourrait également être complétée par un psychiatre, à charge pour lui de déterminer si l'état médical était stabilisé sur ce plan, car tel n'était pas le cas en 2022.
La recourante n'a pas contesté le taux de l’indemnité de 10% fixé par les experts en tant qu'il se rapportait aux seules séquelles orthopédiques. En revanche, elle a répété que ce taux ne tenait pas compte de ses séquelles psychiques, ni de son préjudicie esthétique.
Elle a rappelé souffrir d'une atteinte psychique qui avait été qualifiée de légère par les experts du D______ en 2022, plus de huit ans après l'accident, justifiant de retenir un taux d'indemnité de 20% selon la table 19 de la SUVA relative à l'atteinte à l'intégrité pour séquelles psychiques d'accidents. Elle a précisé que le lien de causalité entre son état psychique actuel et l'accident lors duquel elle avait été « happée par un camion » ayant occasionné un dégantage extrêmement impressionnant et douloureux, n'avait jamais été remis en doute par l'intimée. Elle avait dû subir un nombre important d'opérations et sa convalescence avait été longue. Son incapacité de travail avait été totale et permanente dans son ancienne activité. Elle avait dû abandonner son projet de devenir danseuse professionnelle.
Sur le plan dermatologique, elle a allégué que sa jambe gauche présentait un aspect visuel durablement modifié avec de multiples creux et gonflements ainsi qu'une vulnérabilité accrue. Sa cicatrice s'étendait sur toute la jambe et avait indéniablement des conséquences tant sur sa vie personnelle que professionnelle puisqu'elle l'entravait dans ses activités artistiques. En considérant qu'une dermatose généralisée sans atteinte au visage correspondait à un taux de 40% selon la table 18 de la SUVA relative à l'atteinte à l'intégrité en cas de lésions de la peau, elle estimait qu'un taux de 15% devrait être retenu dans son cas, compte tenu du caractère partiel de son atteinte. Elle en a inféré que le taux total de l’indemnité était de 45%, lequel ne paraissait pas excessif au regard de l'arrêt 8C_929/2015 du 5 décembre 2016 dans lequel le Tribunal fédéral avait admis un taux global de 58% dans des circonstances relativement similaires, si ce n'était que l'atteinte psychique avait été plus lourde et qu'il existait un état antérieur.
b. Par réponse du 24 juillet 2024, l'intimée a conclu, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours.
Elle a contesté la nécessité de mettre en œuvre une expertise, dès lors qu'aucune pièce médicale au dossier ne remettait en cause l'appréciation des experts selon laquelle le taux de l’indemnité pour atteinte à l'intégrité était de 10%.
En ce qui concernait l'atteinte à l'intégrité sur le plan psychique, l'intimée a renvoyé à la décision sur opposition litigieuse.
S'agissant des atteintes cutanées, elle a répété qu'elles avaient été prises en compte par les experts, qui avaient examiné la recourante. Elle s'est de nouveau référée à l'appréciation de son médecin-conseil du 25 mars 2023, et a ajouté que selon la table 18 de la SUVA, la limite inférieure d'un dommage cutané à indemniser devrait en principe correspondre, en termes de gravité, au moins à la perte d'un doigt (5%). Aucun doute sérieux ne pouvait être soulevé quant à l'appréciation effectuée par les experts et le médecin-conseil, quand bien même ils n'étaient pas spécialisés en dermatologie.
c. Par réplique du 23 août 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.
Elle a fait valoir que l'expertise pluridisciplinaire du 8 juin 2022 ne faisait pas mention du rapport de Madame H______, psychologue, du 4 juin 2022, ni du rapport d'écho-doppler veineux des membres inférieurs du 4 juin 2022, qui avaient pourtant été adressés à l'intimée et au D______ le 6 juin 2022. Elle ignorait dans quelle mesure le premier document aurait pu influer sur le point de vue de l'expert psychiatre quant aux séquelles subies.
Elle a répété ne pas remettre en cause l'appréciation des experts sur le plan orthopédique. En revanche, aucune des deux expertises orthopédiques et psychiques ne traitait des questions dermatologiques et de leurs conséquences. À cet égard, la simple mention des séquelles cutanées dans le volet orthopédique du rapport du 5 juillet 2022 ne suffisait pas. Les experts n'étaient d'ailleurs pas compétents au vu de leur spécialisation pour se prononcer sur ces séquelles. L'appréciation du médecin-conseil, succincte et manifestement erronée, ne pouvait pas non plus être suivie. Celui-ci avait interprété de manière très restrictive la table 18 de la SUVA. Il ne pouvait pas conclure que le taux de 10% fixé par les experts était suffisant s'agissant des lésions cutanées, alors que ce taux était retenu pour ses séquelles sur le plan orthopédique seulement, soit un autre aspect de son atteinte. Compte tenu de la gravité de ses lésions et des séquelles importantes qui subsisteraient, l'absence de toute reconnaissance de préjudice esthétique et/ou dermatologique heurtait fortement le sentiment de justice et d'équité. Elle a renvoyé la chambre de céans aux différentes photographies au dossier, aux soins constants et permanents qu'elle devait apporter à sa jambe et aux cicatrices très importantes qu'elle porterait à vie. L'expert orthopédiste lui avait d'ailleurs déclaré lors de l'examen qu'il n'était pas en mesure de se positionner sur les lésions cutanées qui sortaient de son domaine de compétence. En tant que de besoin, elle sollicitait le versement au dossier de l'enregistrement de l’expertise.
La recourante a allégué que sa cicatrice l'avait empêchée de participer au tournage d'un projet de film publicitaire. Elle a joint à cet égard un échange de courriels des 7 et 10 juin 2024 avec un employeur potentiel, ainsi qu'un courriel du
22 août 2024 qu'elle avait adressé à son avocat dans lequel elle exprimait l'injustice qu'elle ressentait. Elle a ajouté que la perte d'un doigt (5%), qui était la limite inférieure du dommage cutané à indemniser selon la table 18 de la SUVA, ne l'aurait pas privée de poursuivre sa carrière de danseuse. Elle en a conclu que son préjudice dermatologique n'était pas inférieur en gravité à la perte d'un doigt.
Sur le plan psychique, elle ne contestait pas non plus l'appréciation des experts. Selon leur dernier rapport, l'état définitif serait peut-être atteint fin 2022. Aucune investigation médicale n'avait toutefois été effectuée postérieurement audit rapport. Elle a répété que, dans la mesure où son atteinte psychique était qualifiée de légère à cette époque, elle avait en principe droit à une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 20%. Elle en a tiré la conclusion que, soit l'intimée devait retenir ce taux sur la base de cette expertise, soit elle devait requérir un complément d'expertise pour évaluer l'état définitif.
d. Invitée à dupliquer, l'intimée ne s'est pas manifestée dans le délai imparti.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).
Selon l'art. 58 LPGA (applicable par le renvoi de l'art. 1 al. 1 LAA), le tribunal des assurances compétent est celui du canton de domicile de l’assuré ou d’une autre partie au moment du dépôt du recours (al. 1). Si l’assuré ou une autre partie sont domiciliés à l’étranger, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de leur dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de leur dernier employeur suisse ; si aucun de ces domiciles ne peut être déterminé, le tribunal des assurances compétent est celui du canton où l’organe d’exécution a son siège (al. 2).
En l'occurrence, la recourante est domiciliée en France, mais son ancien employeur est situé dans le canton de Genève. Partant, la chambre de céans est compétente à raison de la matière et du lieu pour juger du cas d'espèce.
1.2 Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA) prévus par la loi, le recours est recevable.
2. Le litige porte sur la question de savoir si la recourante a droit à une indemnité pour atteinte à l’intégrité supérieure au taux de 10% retenu par l'intimée.
3. Aux termes de l'art. 6 LAA, l'assureur-accidents verse des prestations à l'assuré en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.
La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).
3.1 Selon l'art. 24 LAA, si par suite d'un accident, l'assuré souffre d'une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique, il a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l'intégrité (al. 1). L'indemnité est fixée en même temps que la rente d'invalidité ou, si l'assuré ne peut prétendre une rente, lorsque le traitement médical est terminé (al. 2).
D'après l'art. 25 LAA, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité est allouée sous forme de prestation en capital (al. 1, 1re phrase) ; elle ne doit pas excéder le montant maximum du gain annuel assuré à l'époque de l'accident et elle est échelonnée selon la gravité de l'atteinte à l'intégrité (al. 1, 2e phrase). Elle est également versée en cas de maladie professionnelle (cf. art. 9 al. 3 LAA). Le Conseil fédéral édicte des prescriptions détaillées sur le calcul de l'indemnité (al. 2).
3.2 L'indemnité pour atteinte à l'intégrité vise à compenser le préjudice immatériel (douleurs, souffrances, diminution de la joie de vivre, limitation des jouissances offertes par l'existence etc.) qui perdure au-delà de la phase du traitement médical et dont il y a lieu d'admettre qu'il subsistera la vie durant (ATF 133 V 224 consid. 5.1 et les références). Elle se caractérise par le fait qu'elle est exclusivement fixée en fonction de facteurs médicaux objectifs, valables pour tous les assurés, et sans égard à des considérations d'ordre subjectif ou personnel. En cela, elle se distingue de l'indemnité pour tort moral du droit civil, qui procède de l'estimation individuelle d'un dommage immatériel au regard des circonstances particulières du cas. Cela signifie que pour tous les assurés présentant un status médical identique, l'atteinte à l'intégrité est la même, et sans égard à des considérations d'ordre subjectif ou personnel (ATF 115 V 137 consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_656/2022 du 5 juin 2023 consid. 3.2 et les références ; 8C_703/2008 du 25 septembre 2009 consid. 5.1 et les références).
L'atteinte à l'intégrité au sens de l'art. 24 al. 1 LAA consiste généralement en un déficit corporel (anatomique ou fonctionnel) mental ou psychique. La gravité de l'atteinte, dont dépend le montant de l'indemnité, se détermine uniquement d'après les constatations médicales. L'évaluation incombe donc avant tout aux médecins qui doivent, d'une part, constater objectivement quelles limitations subit l'assuré et, d'autre part, estimer l'atteinte à l'intégrité en résultant (arrêt du Tribunal fédéral 8C_656/2022 du 5 juin 2023 consid. 3.4 et les références).
Contrairement à l’évaluation du tort moral, la fixation de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité peut se fonder sur des critères médicaux d’ordre général, résultant de la comparaison de séquelles similaires d’origine accidentelle, sans qu’il soit nécessaire de tenir compte des inconvénients spécifiques qu’une atteinte entraîne pour l’assuré concerné. En d’autres termes, le montant de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité ne dépend pas des circonstances particulières du cas concret, mais d’une évaluation médico-théorique de l’atteinte physique ou mentale, abstraction faite des facteurs subjectifs (ATF 115 V 147 consid. 1 ; 113 V 218 consid. 4b et les références ; voir aussi 125 II 169 consid. 2d).
3.3 Selon l’art. 36 de l’ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202), édicté conformément à la délégation de compétence de l’art. 25 al. 2 LAA, une atteinte à l'intégrité est réputée durable lorsqu'il est prévisible qu'elle subsistera avec au moins la même gravité pendant toute la vie (al. 1, 1re phrase) ; elle est réputée importante lorsque l'intégrité physique, mentale ou psychique subit, indépendamment de la diminution de la capacité de gain, une altération évidente ou grave (al. 1, 2e phrase). L’indemnité pour atteinte à l'intégrité est calculée selon les directives figurant à l'annexe 3 à l'OLAA (al. 2).
Cette disposition a été jugée conforme à la loi en tant qu'elle définit le caractère durable de l'atteinte (ATF 133 V 224 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral U. 401/06 du 12 janvier 2007 consid. 2.2). Le caractère durable de l'atteinte doit être à tout le moins établi au degré de la vraisemblance prépondérante
(ATF 124 V 29 consid. 4b/cc). Quant au caractère important de l'atteinte, le ch. 1 de l'annexe 3 à l'OLAA précise que les atteintes à l'intégrité qui sont inférieures à 5% selon le barème ne donnent droit à aucune indemnité. Il faut en conclure qu'une atteinte est réputée importante si elle atteint au moins ce pourcentage (Thomas FREI et Juerg P. BLEUER, Évaluation d'atteintes à l'intégrité multiples, in SUVA Medical 2012, p. 202).
3.4 L'évaluation de l'atteinte à l'intégrité se fonde sur les constats médicaux, de sorte qu'il incombe, dans un premier temps, au médecin de se prononcer, en tenant compte des atteintes énumérées à l'annexe 3 de l'OLAA et dans les tables de la SUVA, sur la question de savoir si, et dans quelle mesure, il existe un dommage. Il appartient toutefois à l'administration ou au tribunal de procéder à l'évaluation juridique, sur la base des constatations médicales, de l'existence d'une atteinte à l'intégrité, de déterminer si le seuil de gravité est atteint et, dans l'affirmative, l'étendue de l'atteinte. Bien que l’administration et le tribunal doivent s'en tenir aux données médicales, l'évaluation de l'atteinte à l'intégrité, en tant que fondement du droit aux prestations, relève, en fin de compte, de leur domaine de compétence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_746/2022 du 18 octobre 2023
consid. 4.2 et les références ; sur la répartition des tâches entre le médecin et l'administration ou le tribunal, cf. également ATF 140 V 193 consid. 3.2).
L’annexe 3 à l'OLAA comporte un barème - reconnu conforme à la loi et non exhaustif (ATF 124 V 29 consid. 1b et les références ; 124 V 209 consid. 4a/bb et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_745/2022 du 29 juin 2023 consid. 3.2 et la référence) - des lésions fréquentes et caractéristiques, évaluées en pour cent (ATF 124 V 209 consid. 4bb).
L'indemnité allouée pour les atteintes à l'intégrité énumérées à cette annexe est fixée, en règle générale, en pour cent du montant maximum du gain assuré (ch. 1 al. 1 de l'annexe 3).
Pour les atteintes à l'intégrité spéciales ou qui ne figurent pas dans la liste, le barème est appliqué par analogie, en fonction de la gravité de l'atteinte (ch. 1 al. 2 annexe 3 OLAA). On procédera de même lorsque l’assuré présente simultanément plusieurs atteintes à l’intégrité physique, mentale ou psychique. Les atteintes à l’intégrité pour lesquelles un taux inférieur à 5% serait appliqué selon le barème ne donnent droit à aucune indemnité. Les atteintes à l’intégrité sont évaluées sans les moyens auxiliaires - à l’exception des moyens servant à la vision (ch. 1 al. 2 de l'annexe 3). La perte totale de l’usage d’un organe est assimilée à la perte de
celui-ci. En cas de perte partielle d’un organe ou de son usage, l’indemnité pour atteinte à l’intégrité est réduite en conséquence ; toutefois aucune indemnité ne sera versée dans les cas où un taux inférieur à 5% du montant maximum du gain assuré serait appliqué (ch. 2 de l'annexe 3).
3.5 La Division médicale de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents a établi plusieurs tables d'indemnisation des atteintes à l'intégrité selon la LAA (disponibles sur www.suva.ch). Ces tables n'ont pas valeur de règles de droit et ne sauraient lier le juge. Toutefois, dans la mesure où il s'agit de valeurs indicatives, destinées à assurer autant que faire se peut l'égalité de traitement entre les assurés, elles sont compatibles avec l'annexe 3 à l'OLAA (ATF 132 II 117 consid. 2.2.3 ; 124 V 209 consid. 4a/cc ; 116 V 156 consid. 3a).
En cas de concours de plusieurs atteintes à l’intégrité physique, mentale ou psychique, dues à un ou plusieurs accidents, l’indemnité pour atteinte à l’intégrité est fixée d’après l’ensemble du dommage. L’indemnité totale ne peut dépasser le montant maximum du gain annuel assuré. Il est tenu compte, dans le taux d’indemnisation, des indemnités déjà reçues en vertu de la loi (art. 36
al. 3 OLAA).
Aux termes de l'art. 36 al. 4 OLAA, il est équitablement tenu compte des aggravations prévisibles de l'atteinte à l'intégrité ; une révision n'est possible qu'en cas exceptionnel, si l'aggravation est importante et n'était pas prévisible.
3.6 Des troubles psychiques consécutifs à un accident ouvrent droit à une indemnité pour atteinte à l'intégrité lorsqu'il est possible de poser de manière indiscutable un pronostic individuel à long terme qui exclut pratiquement pour toute la vie une guérison ou une amélioration (ATF 124 V 209 consid. 2b ;
124 V 29 consid. 3). Pour se prononcer sur le caractère durable de l'atteinte à l'intégrité et sur la nécessité de mettre en œuvre une instruction d'ordre psychiatrique, on se fondera sur la pratique applicable à la question de la causalité adéquate en cas de troubles psychiques consécutifs à un accident (ATF 115 V 133 consid. 6 ; 115 V 403 consid. 5).
Conformément à cette jurisprudence et à la doctrine psychiatrique majoritaire, le droit à une indemnité pour atteinte à l'intégrité doit en principe être nié en cas d'accident insignifiant ou de peu de gravité, même si l'existence d'un lien de causalité adéquate est exceptionnellement admise. En cas d'accident de gravité moyenne également, le caractère durable de l'atteinte doit, en règle générale, être nié sans qu'il soit nécessaire de mettre en œuvre dans chaque cas une instruction plus approfondie au sujet de la nature et du caractère durable de l'atteinte psychique. Il ne convient de s'écarter de ce principe que dans des cas exceptionnels, à savoir lorsque l'on se trouve à la limite de la catégorie des accidents graves, pour autant que les pièces du dossier fassent ressortir des indices évidents d'une atteinte particulièrement grave à l'intégrité psychique, qui ne paraît pas devoir se résorber. On doit voir de tels indices dans les circonstances qui sont en connexité étroite avec l'accident et qui servent de critères lors de l'examen de la causalité adéquate (ATF 115 V 133 consid. 6c ; 115 V 403 consid. 5c), pour autant qu'ils revêtent une importance et une intensité particulières et qu'en tant que facteurs stressants, ils ont, de manière évidente, favorisé l'installation de troubles durables pour toute la vie. Enfin, en cas d'accidents graves, le caractère durable de l'atteinte à la santé psychique doit toujours être examiné, au besoin par la mise en œuvre d'une expertise psychiatrique, pour autant qu'il n'apparaisse pas déjà évident sur le vu des éléments ressortant du dossier (ATF 124 V 29 consid. 5c ; 124 V 209 consid. 4b).
En présence d'une ou de plusieurs atteintes à l'intégrité physique et d'une atteinte à l'intégrité psychique, dont les conditions d'indemnisation sont réalisées, la réglementation posée à l'art. 36 al. 3 OLAA ne permet pas de considérer que les troubles psychiques sont déjà indemnisés par l'octroi d'une indemnité pour l'atteinte à l'intégrité physique. Certes, le but de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité est de compenser par le versement d'un montant en espèces les souffrances physiques, ainsi que psychiques ressenties par l'assuré ensuite d'une atteinte à son intégrité. Elle s'apparente ainsi à l'indemnité pour tort moral selon le droit privé. Toutefois, lorsque les troubles psychiques constituent une atteinte particulièrement grave, justifiant une indemnisation selon les art. 24 al. 1 LAA et 36 al. 1 OLAA, on ne saurait admettre que celle-ci est pleinement réalisée par le seul versement d'une indemnité pour l'atteinte à l'intégrité physique qui est à l'origine des souffrances psychiques (arrêt du Tribunal fédéral 8C_917/2010 du 28 septembre 2011 consid. 5.4).
4. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références ; 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39
consid. 6. 1 et la référence).
Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I.751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).
5. En l'espèce, l'intimée a accordé à la recourante une indemnité pour atteinte à l’intégrité d'un taux de 10% en s'appuyant sur le rapport d'expertise orthopédique et psychiatrique du 5 juillet 2022, ainsi que sur l'appréciation de son
médecin-conseil du 25 mars 2023.
Contrairement à ce que semble croire la recourante, les experts ont pris connaissance du rapport du 4 juin 2022 de H______, psychologue, ainsi que du rapport d'écho-doppler veineux des membres inférieurs du même jour
(cf. rapport d'expertise précité p. 21 ; dossier intimée p. 89, 98-100).
Comme le relève l'intimée, en tant que la recourante estime que le taux de l’indemnité devrait être porté à 45%, elle émet sa propre appréciation (subjective), sans fournir aucune pièce médicale à l'appui de son raisonnement.
5.1 Cela étant, l’intimée ne saurait être suivie lorsqu’elle soutient que les séquelles cutanées ont été dûment prises en considération par les experts dans la détermination du taux de l’indemnité.
Il est vrai que ces médecins ont indiqué, dans leur rapport du 25 août 2020, que
« les multiples greffes cutanées [étaient] cicatrisées avec des adhérences, des brides cutanées, des troubles de la sensibilité et des œdèmes chroniques nécessitant le port d'un bas à varices » (p. 27).
Ils ont également mentionné, dans leur rapport du 5 juillet 2022, que la recourante présentait « une fragilité cutanée des régions greffées avec des croûtes récurrentes et des démangeaisons qu'elle [soignait] par application de crème cutanée hydratante. (…) En raison des séquelles définitives notamment cutanées et des raideurs notamment au niveau de la cheville gauche, un traitement à long terme de kinésithérapie à but d'assouplissement cutané, articulaire et de renforcement musculaire [était] à prendre en compte pour une période d'au moins cinq ans, puis à réévaluer selon l'évolution. Dans ce but, quatre séries de neuf séances annuelles [étaient] admissibles. En ce qui [concernait] les lymphœdèmes chroniques, le port de bas à varices [était] actuellement nécessaire et à charge de l'assurance LAA. Le taux d'atteinte à l'intégrité [était] de 10% (cf. 3.2) » (p. 23-24). Toutefois, au chiffre 3.2 de leur rapport (p. 27), qui porte expressément sur l’indemnité pour atteinte à l'intégrité, les experts ont énuméré les diagnostics sur le plan orthopédique, à savoir l’atteinte du ligament croisé antérieur gauche, le status après résection du ménisque interne, l’atteinte dégénérative débutante du compartiment interne et la contracture du triceps sural gauche, sans toutefois rappeler les lésions cutanées en rapport de causalité naturelle certain avec l’accident assuré (p. 23). De plus, ils ont expliqué les motifs pour lesquels ils retenaient un taux de 10% en se référant uniquement à la table 6 de la SUVA relative à l'atteinte à l'intégrité en cas d'instabilité articulaire, sans la moindre mention de la table 18 relative à l'atteinte à l'intégrité en cas de lésions de la peau.
Dans ces circonstances, force est de constater que les experts ont omis de se prononcer sur une éventuelle indemnisation pour l'affection de la peau.
Les cicatrices ne sont pas mentionnées en tant que telles dans les barèmes des indemnités pour atteinte à l'intégrité à l'annexe 3 de l'OLAA. En revanche, en cas de très grave défiguration, l'atteinte à l'intégrité est fixée à 50%. Dans la table 18 de la SUVA, outre la très grave défiguration, figurent diverses descriptions d'atteinte à l'intégrité en cas de dermatose, ainsi que des cicatrices en cas de brûlures. En fonction de leur gravité et de leur étendue, l'atteinte à l'intégrité se situe entre 5% et 50%, les cicatrices du visage et des mains constituant des atteintes nettement plus graves que des parties couvertes. Il convient aussi de tenir compte du handicap fonctionnel causé par la cicatrice, en raison de rétractations, de la vulnérabilité accrue de la peau, ainsi que de la diminution durable de la sensibilité cutanée (ATAS/132/2006 du 25 janvier 2006 consid. 5).
Contrairement aux indications du médecin-conseil de l'intimée, le fait que la cicatrice de la recourante se situe sur une partie du corps (membre inférieur gauche) qui est couverte n'exclut pas une indemnisation, puisque la table 18 précitée prévoit une indemnisation en cas de grave dermatose des pieds, soit une partie du corps qui est généralement couverte. Au demeurant, dans un arrêt U. 143/02 du 25 octobre 2002, le Tribunal fédéral a admis qu'une indemnité de 10% était appropriée pour des cicatrices étendues sur une partie du corps qui n'était au moins pas régulièrement couverte (consid. 4.2). Ce cas concernait une atteinte à l'intégrité sur le plan esthétique consécutive à une brûlure sur la peau (jambe et pied droits).
Certes, la recourante n'a pas été brûlée. Mais elle a souffert d'un dégantage cutané de la racine de la cuisse gauche à la cheville gauche et a dû bénéficier de greffes cutanées, à l’instar des victimes de graves brûlures. Au vu des photographies au dossier, sa cicatrice semble être une atteinte importante à l'intégrité du point de vue esthétique et paraît également durable. Il a en effet été relevé dans le rapport d'expertise du 5 juillet 2022 qu'aucune autre intervention chirurgicale ni traitement de chirurgie plastique n'étaient prévus et que les séquelles cutanées étaient définitives (p. 23). Il n'est donc pas exclu que l'état de la recourante sur le plan dermatologique puisse donner lieu à une indemnité en application par analogie de la table 18 de la SUVA. L'appréciation du médecin-conseil du
25 mars 2023, très succincte, ne permet pas de comprendre les raisons pour lesquelles la cicatrice de la recourante, en comparaison avec la perte du nez (30%) ou du pavillon de l'oreille (10%), ne justifierait pas une indemnité, alors que ladite table stipule qu'en fonction de leur gravité et de leur étendue, les cicatrices consécutives à des brûlures graves peuvent donner lieu à une indemnisation entre 5% et 50%. En tant que l'intimée fait valoir que la limite inférieure d'une atteinte cutanée indemnisable doit correspondre en gravité à la perte d'un doigt (5%), elle substitue in casu son appréciation à celle d'un médecin. Or, le taux (éventuel) d'une atteinte à l'intégrité doit être évalué avant tout sur la base de données médicales.
Dès lors que l'éventuelle indemnité pour atteinte à l’intégrité sur le plan dermatologique/esthétique n'a pas été investiguée (à satisfaction) par l'intimée, il convient de lui renvoyer le dossier pour qu'elle mette en œuvre un complément d'expertise auprès du Dr B______, orthopédiste, qui connaît bien la situation médicale de la recourante. C'est le lieu de relever que des spécialistes en chirurgie orthopédique peuvent se déterminer sur l’indemnité pour atteinte à l’intégrité esthétique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_444/2013 du 20 janvier 2014 consid. 5.1). Dans l'éventualité où ce médecin ne pourrait pas le faire, il appartiendrait à l'intimée de solliciter l'avis d'un spécialiste en dermatologie ou d'un chirurgien en plastique reconstructive.
5.2 Sur le plan psychique, les experts psychiatres ont reconnu le lien de causalité naturelle entre l'état psychique de la recourante et l'accident du 13 février 2014. En revanche, l'intimée ne s'est pas encore déterminée sur la causalité adéquate, question qui relève du droit et non du fait (arrêt du Tribunal fédéral 8C_410/2016 du 19 avril 2017 consid. 5.2). Or, dans la mesure où l'intimée a mis fin aux prestations provisoires (indemnités journalières et traitement médical) au
31 décembre 2022, au motif qu'il n'y avait plus de traitement médical susceptible d'améliorer de manière notable l'état de santé somatique de la recourante, qui était stabilisé, il lui incombait d'examiner à ce moment le caractère adéquat du lien de causalité (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_683/2017 du 24 juillet 2018 consid. 5) compte tenu de certains critères en relation avec l'accident (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa).
À cet égard, la chambre de céans constate que les documents que l'intimée a sollicités de la Police (dossier intimée p. 909) ne figurent pas au dossier, lesquels auraient, cas échéant, permis de connaître le déroulement précis de l'accident ayant impliqué la recourante (cycliste) et un camion, ainsi que l'effet des forces en présence, et de pouvoir ainsi qualifier l'évènement assuré (dans la catégorie des accidents de gravité moyenne stricto sensu, moyens à la limite des accidents graves, ou graves).
Par ailleurs, dans le cadre de son opposition, la recourante avait fait valoir que son atteinte psychique n'avait pas été prise en compte dans l'évaluation de son atteinte à l'intégrité. Dans la décision sur opposition litigieuse du 22 avril 2024, l'intimée s'est contentée de déclarer que l'état de santé définitif sur le plan psychique n'était pas encore atteint. Pourtant, dans leur rapport du 5 juillet 2022, les experts avaient relevé qu'une amélioration sur le plan psychique pouvait être attendue fin 2022. Près d'une année et demie s'est écoulée depuis lors jusqu'à avril 2024. Or, avant de rendre la décision sur opposition litigieuse, l'intimée aurait dû procéder aux mesures d'instruction complémentaires (art. 43 et 44 LPGA) qui découlaient des objections contenues dans l'opposition (ATF 132 V 368 consid. 6.2 ; Valérie DÉFAGO GAUDIN, in Commentaire romand de la loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 28 ad art. 52 LPGA), ce qu'elle n'a pas fait.
L'on ajoutera que le simple fait que les experts ont qualifié l'atteinte psychique de légère lors de l'expertise en juin 2022 ne signifie pas encore que la recourante peut prétendre à une indemnité pour atteinte à l’intégrité sous cet angle. Encore faut-il que le médecin évalue ladite atteinte résultant du trouble psychique, question qui est en l'état sans réponse.
Par conséquent, il y a lieu de renvoyer le dossier à l'intimée pour qu'elle détermine si les séquelles psychiques de la recourante sont en lien de causalité adéquate avec l'accident. Dans le cas où ce lien de causalité devait être établi, il incomberait alors à l'intimée de mettre en œuvre un complément d'expertise, de préférence auprès de l'un des deux experts psychiatres du D______ ayant déjà examiné la recourante, pour estimation de l'éventuelle atteinte à l'intégrité sur le plan psychique.
6. Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis, la décision litigieuse annulée et la cause renvoyée à l'intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.
La recourante, représentée par un avocat, obtenant partiellement gain de cause, une indemnité lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]), fixée en l'espèce à CHF 1'500.-.
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L'admet partiellement.
3. Annule la décision sur opposition du 22 avril 2024.
4. Renvoie la cause à l'intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.
5. Alloue à la recourante une indemnité de CHF 1'500.- à titre de dépens, à la charge de l'intimée.
6. Dit que la procédure est gratuite.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Melina CHODYNIECKI |
| La présidente
Joanna JODRY |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le