Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/67/2025 du 04.02.2025 ( AI ) , ADMIS
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/1102/2024 ATAS/67/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 4 février 2025 Chambre 10 |
En la cause
A______
| recourante |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1976, originaire d’Équateur, est arrivée en Suisse en 2001. Elle a travaillé depuis lors en qualité de cuisinière. Mère d’une fille née en 1997 d’une première union, elle s’est remariée en 2013. Elle est au bénéfice d’un permis C.
b. Le 30 juin 2011, l’assurée a sollicité des prestations de la part de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI), mentionnant être en incapacité totale de travail depuis le 15 mars 2011 en raison d’un cancer du sein.
c. Par rapports des 16 avril et 13 septembre 2012, la docteure B______, spécialiste FMH en oncologie, a diagnostiqué un carcinome inflammatoire du sein droit en mars 2011 et indiqué que l’assurée avait été traitée par chimiothérapie, chirurgie et radiothérapie. Elle bénéficiait encore d’une hormonothérapie et les examens sanguins avaient mis en évidence une prédisposition génétique aux cancers du sein et de l’ovaire, de sorte qu’une indication à une ovariectomie bilatérale et à une mastectomie contro-latérale prophylactique avait été discutée, avec un impact énorme au niveau psychologique. Les limitations fonctionnelles étaient liées à la persistance d’une intense fatigue et à des douleurs au niveau des membres inférieurs, qui se manifestaient par des arthralgies, myalgies et l’apparition d’œdèmes des membres inférieurs.
d. Par avis du 28 janvier 2013, la docteure C______, médecin auprès du service médical régional (ci-après : SMR) de l’OAI, a considéré que l’assurée était incapable d’exercer une activité professionnelle, quelle qu’elle soit, depuis le 14 mars 2011 et que le dossier devrait être révisé après une année.
e. Dans un rapport du 18 février 2013, la Dre B______ a indiqué à l’OAI que la patiente était en rémission complète et que les opérations évoquées dans son dernier rapport devraient intervenir dans l’année en cours. Par ailleurs, une imagerie par résonnance magnétique (ci-après : IRM) cérébrale avait révélé un anévrisme au niveau de l’artère choroïdienne gauche, qui faisait poser une indication chirurgicale, et une évaluation neurologique avait mis en évidence un tunnel carpien bilatéral. Ces perspectives chirurgicales ne permettaient pas une reprise de l’activité professionnelle. Le travail de cuisinière semblait difficilement envisageable, mais la patiente souhaitait refaire une formation professionnelle.
f. Par décision du 3 juin 2013, l’OAI a accordé à l’assurée une rente d’invalidité entière dès le 1er mars 2012, aucune activité professionnelle n’étant envisageable pour l’instant.
B. a. Dans le cadre de la procédure de révision de la rente, la Dre B______ a indiqué à l’OAI au mois d’août 2014 que l’état de santé était stationnaire depuis l’intervention neurochirurgicale pour l’anévrisme cérébral. L’assurée présentait une importante fatigue, des céphalées constantes, des polyarthtalgies et polymyalgies suite aux traitements par chimiothérapie et hormonothérapies, ainsi que des troubles de la concentration.
b. Par communication du 12 août 2014, l’OAI a constaté que la situation de l’assurée n’avait pas changé et qu’elle continuait à bénéficier de la même rente.
c. Le 28 septembre 2018, la Dre B______ a indiqué à l’OAI que l’état général de sa patiente s’était amélioré et qu’elle souhaitait pouvoir envisager une réinsertion professionnelle à temps partiel.
d. Le 15 avril 2021, la Dre B______ a attesté que l’état de santé de sa patiente lui permettait de reprendre une activité professionnelle à un taux de 20 à 30%.
e. 17 avril 2021, l’assurée a été engagée par la société D______ à raison de 12 heures par semaine, pour travailler dans les secteurs du nettoyage et de la maintenance de locaux professionnels.
f. Par rapport du 2 juin 2021, la Dre B______ a noté que l’évolution était favorable avec une amélioration progressive des douleurs diffuses liées au traitement d’hormonothérapie et post chimiothérapie. Les symptômes comprenaient quelques arthralgies, ainsi que des vertiges et céphalées intermittents post anévrisme. La capacité de travail était de 20 à 30% depuis le mois d’avril 2021. Les activités exercées en position uniquement debout, principalement en marchant, avec les bras au-dessus de la tête, accroupi ou à genoux, avec des montées d’échelles ou d’échafaudage n’étaient pas exigibles, et le port de charge était limité à 5 kg. Il convenait en outre de tenir compte de la fatigabilité et d’une capacité de concentration limitée par les céphalées.
g. Le 1er septembre 2021, la Dre B______ a rappelé que la patiente souffrait des effets secondaires chroniques des différents traitements pour son cancer, en particulier d’une importante fatigue et de douleurs musculo-séquellaires, et de céphalées chroniques suite à l’opération de l’anévrisme.
h. Par rapport du 29 octobre 2021, le docteur E______, spécialiste FMH en médecine interne, a retenu, à titre de diagnostics ayant des répercussions sur la capacité de travail, un carcinome canalaire invasif du sein droit et un état dépressif réactionnel. Il a également diagnostiqué, sans effet sur ladite capacité, une dyslipidémie, une ostéopénie et un status post anévrisme cérébral opéré. L’assurée se plaignait de fatigue, de douleurs aux bras, surtout à droite, et au dos, de céphalées pariétales gauche. Une consultation auprès d’un psychiatre avait été discutée. Les limitations fonctionnelles comprenaient le travail physique, surtout avec le bras droit. On pouvait attendre de la patiente qu’elle travaille environ trois à quatre heures par jour.
Il a notamment joint :
- un rapport de densitométrie osseuse du 8 février 2017 concluant à une ostéopénie ;
- un rapport de consultation du 5 janvier 2021 du service des maladies osseuses des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) mentionnant une péjoration de l’ostéopénie entre 2017 et 2020 au site trabéculaire du rachis lombaire ;
- un rapport du 29 juillet 2019 suite à une consultation de la mémoire aux HUG le 4 juillet 2019 ; l’examen neuropsychologique avait mis en évidence un déficit cognitif d’intensité modérée touchant les fonctions exécutives et attentionnelles, avec un ralentissement de la vitesse de traitement et des ressources diminuées ; ces difficultés influençaient les rendements dans certaines tâches, notamment de calcul ou de mémoire épisodique verbale ; la fatigabilité déclenchait des céphalées après un effort mental prolongé et pouvait influencer les rendements dans les tâches ; les difficultés cognitives objectivées étaient de nature et d’intensité à potentiellement limiter la capacité fonctionnelle lors des tâches requérant un niveau d’exigence élevé et prolongé.
i. Une échographie des deux poignets et des deux mains, réalisée le 13 avril 2022, n’a pas révélé de critère significatif de synovite, mais les radiographies des mains et des pieds effectuées le jour même ont conclu à quelques érosions
juxta-articulaires des métacarpo-phalangiennes des 3e et 4e doigts droits et
3e doigt gauche, n’excluant pas une pathologie inflammatoire.
j. Dans un rapport du 29 avril 2022, le Dr E______ a signalé une aggravation de la situation depuis son dernier rapport, l’assurée se plaignant d’avoir davantage de douleurs aux niveaux des articulations, soit des mains, des pieds, des épaules et des genoux, surtout depuis qu’elle avait arrêté son traitement de Tamoxifen au mois de novembre 2021. Elle n’arrivait pas à dormir la nuit à cause des douleurs et d’acouphènes à l’oreille droite. Les diagnostics et l’évaluation de la capacité de travail résiduelle précédemment retenus étaient confirmés, étant ajouté que des examens complémentaires avaient permis de conclure à la présence de quelques érosions juxta-articulaires des métacarpo-phalangiennes des 3e et 4e doigts droits et 3e doigt gauche, n’excluant pas une pathologie inflammatoire. La patiente avait arrêté de consulter son psychiatre, qui était parti à la retraite. Elle travaillait deux heures par jour comme nettoyeuse, car elle n’arrivait pas à travailler davantage, étant relevé qu’il pensait qu’elle aurait des difficultés dans cette activité qui exigeait des efforts physiques.
k. Dans un rapport du 20 mai 2022, la docteure F______, spécialiste FMH en rhumatologie, a indiqué avoir été consultée les 29 mars et
10 mai 2022, et affinaient encore le ou les diagnostics. Elle a rappelé qu’à l’arrêt du traitement de Tamoxifen, la patiente avait signalé une recrudescence de douleurs polyarticulaires touchant les mains, les poignets, les épaules, les genoux, les chevilles et les pieds, et que ces douleurs s'accompagnaient de tuméfaction et de chaleur, mais pas de rougeur. La patiente mentionnait également des rachialgies diffuses. Ces douleurs étaient décrites comme permanentes, de type compressif, d'intensité variable, et occasionnaient des réveils nocturnes, plusieurs fois par nuit, et une raideur matinale de 10 minutes environ. À l'anamnèse par système, la patiente était très fatiguée, voire épuisée. Elle avait de mauvaises nuits et un sommeil non réparateur, et mentionnait aussi une perte de cheveux importante, un syndrome sec touchant les yeux et la bouche, des pharyngites fréquentes, une raucité. Au status, les amplitudes articulaires des membres supérieurs et inférieurs étaient dans la norme, sans limitations, sans signes d'arthrite et sans synovite carpite. La mobilité du rachis n'avait pas été testée. Les points de fibromyalgie étaient tous présents, soit 18 sur 18, avec également une extension du territoire douloureux. Le résultat du bilan sanguin était globalement dans la norme, avec une absence de syndrome inflammatoire, une formule sanguine complète normale, une perturbation globale des tests lipidiques et un bilan immuno-rhumatologique normal. Le rapport de radiographies avait conclu à des érosions juxtarticulaires des métacarpo-phalangiennes des 3e et 4e doigts à droite, et du 3e doigt à gauche, mais après examen des radiographies, elle n’avait pas retrouvé ces érosions sur les images, de sorte qu’elle ne partageait pas l'interprétation du radiologue. L'échographie des deux poignets et des deux mains du 13 avril 2022 était dans la norme sans évidence de synovite, carpite ou hyperémie synoviale. Dans ce contexte, elle n'avait pas de diagnostic précis avec répercussion sur la capacité de travail, mais pensait qu’il s’agissait d'un seuil de douleur abaissé, versus un trouble somatoforme douloureux chez une patiente qui avait un vécu familial et médical extrêmement lourd. Elle avait proposé à la patiente un traitement de physiothérapie à sec et en piscine, un traitement antalgique, éventuellement de l'acupuncture, et une prise en charge psychiatrique avec introduction d'un traitement antidépresseur qui modulait le seuil de la douleur. Elle ne pouvait pas se prononcer sur le pronostic, mais l'évolution lui paraissait plutôt favorable. À titre de restrictions fonctionnelles, elle a indiqué que le port de charge était limité, qu’il fallait instaurer des pauses fréquentes et des changements de posture durant la journée, que les stations debout et assise étaient limitées dans le temps, que les travaux répétitifs des membres supérieurs et inférieurs étaient à éviter. Le travail devait s’effectuer dans un endroit calme, lumineux, bien aéré et, compte tenu d'une fatigabilité qui augmentait dans la journée, être léger, sans exigence de rendement. À ce stade, une reprise professionnelle n’était pas possible, compte tenu de l’importante fatigue et des douleurs, qui submergeaient la patiente, ce qui altérait toutes les facettes de sa vie, conjugale, familiale, parentale, amicale et professionnelle.
l. Le 16 juin 2022, la docteure G______, médecin au service des maladies osseuses des HUG, a diagnostiqué une ostéopénie densitométrique non fracturaire, justifiant une surveillance régulière au vu de la péjoration des valeurs entre les examens de 2017 et 2020. Cette atteinte n’avait pas de répercussion sur la capacité de travail, entière dans une activité sans risque de chute ou port d’objets lourds.
m. Le 28 juillet 2022, la Dre B______ a rappelé les antécédents de sa patiente qui avait en outre subi une mastectomie gauche et une annexectomie bilatérale prophylactiques en juin 2016. Elle a diagnostiqué, avec des répercussions sur la capacité de travail, un syndrome douloureux chronique post chimiothérapie et hormonothérapie, et un anévrisme cérébral gauche opéré en 2013 avec des céphalées à l’effort. Elle a également mentionné un état dépressif réactionnel et une ostéoporose traitée, sans répercussion sur ladite capacité, qui s’élevait à 20 à 30%, à raison de 2 heures par jour au maximum.
n. Dans un avis du 25 août 2022, le docteur H______, médecin auprès du SMR, a considéré que la réalisation d’une expertise comportant des volets en médecine interne, oncologie, rhumatologie et psychiatrie était nécessaire.
o. Une IRM cérébrale et neuro-crâne du 6 avril 2023 a mis en évidence les stigmates post clipping de l’anévrisme.
p. L’assuré s’est soumise à un CT-scan abdominal les 25 avril 2023 qui n’a pas révélé d’anomalie pouvant expliquer les douleurs abdominales.
q. Une échographie de l’épaule gauche réalisée le 1er mai 2023 a permis de constater un aspect compatible avec une tendinopathie simple peu significative en ultrason mais peut-être « intriquée avec cervico-brachialgie ».
r. L’OAI a mis en œuvre une expertise bidisciplinaire confiée au I______ (ci-après : I______). Dans leur rapport du 4 août 2023, le docteur J______, spécialiste FMH en rhumatologie et médecine interne, et la docteure K______, psychiatre, ont retenu les diagnostics de syndrome douloureux chronique, sans cause organique, de status après carcinome inflammatoire du sein droit en mars 2011 avec chimiothérapie, mastectomie droite et curage axillaire droit le 5 août 2011, radiothérapie du 5 septembre 2009 au 7 octobre 2011, reconstruction mammaire le 28 avril 2012, ovariectomie et mastectomie gauche et reconstruction en 2014 environ, et hormonothérapie par Tamoxifène jusqu'en novembre 2021, de status après anévrisme de l'artère choroïdienne gauche clippé le 30 avril 2013, d’ostéopénie traitée, de dyslipidémie traitée. Aucun diagnostic n'était retenu au niveau psychiatrique et le diagnostic de syndrome douloureux somatoforme ne pouvait pas être admis, en l'absence de détresse psychique verbalisée et objectivée, en lien avec les plaintes somatiques. La possibilité d'une majoration des plaintes somatiques chez cette assurée pourtant motivée à reprendre une activité à temps partielle ne pouvait pas être éliminée. Un éventuel diagnostic de « Cancer related fatigue » relèverait de la médecine interne et nécessiterait une expertise dans cette spécialité.
Les experts ont relaté que l’assurée se plaignait de polyarthralgies-myalgies quotidiennes, importantes, touchant l'ensemble du corps, qui s'accompagnaient de fatigue et parfois de céphalées. Sur l'échelle visuelle analogique l'intensité des douleurs était cotée haut. Les douleurs n'avaient pas de caractéristique inflammatoire et la mobilité articulaire était conservée. L’assurée affirmait prendre régulièrement un anti-inflammatoire non stéroïdien en raison des douleurs, mais se contredisait et ajoutait prendre un antalgique environ une fois par semaine. Elle continuait la physiothérapie dans l'eau et de l'acupuncture, ce qui la soulageait, et appliquait également du TENS avec un effet bénéfique. Elle assumait les tâches ménagères et était active comme bénévole pour la
Croix-Rouge et dans une église. Elle pensait qu'elle pourrait travailler à temps partiel dans une activité légère.
Du point de vue objectif, les experts ont relevé un comportement partiellement démonstratif avec des signes de majoration des symptômes lors de l'examen physique. L’assurée décrivait un œdème du membre supérieur droit qui n'était pas objectivé. De nombreux points du corps étaient déclarés douloureux lors de la mobilisation ou de la palpation, ce qui allait au-delà de ce qu'on rencontrait habituellement lors d'une fibromyalgie. Il n'y avait sinon pas d'élément objectif pathologique, par exemple des troubles articulaires dégénératifs des articulations périphériques, de signe d'irritation radiculaire ou de déficit neurologique périphérique ou de signe évoquant une rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule par exemple. Les contrôles oncologiques étaient satisfaisants et il n'y avait jamais eu d'argument pour une récidive ou pour une évolution métastatique du carcinome du sein. La symptomatologie douloureuse avait débuté avant l'introduction de l'hormonothérapie et n'avaient pas variés suite l'arrêt de cette médication plus d'un an et demi auparavant. Les experts ne pouvaient pas indiquer dans quelle mesure cette hormonothérapie avait participé aux plaintes douloureuses, mais elle ne pouvait en l’état plus être retenue comme responsable vu la longue durée qui s'était écoulée depuis son arrêt. Concernant l'anévrisme de l'artère choroïdienne, l'évolution était satisfaisante et le neurochirurgien avait préconisé le prochain contrôle dans cinq ans seulement. Il n'y avait pas de cause rhumatologique pour expliquer les plaintes douloureuses. La rhumatologue traitante ne décrivait pas d'élément objectif pour une arthropathie inflammatoire lors des différents examens cliniques ni paracliniques, et n'avait pas de diagnostic précis quant à l'origine des douleurs et de la fatigue. L'hypothèse la plus probable était la présence d'un seuil de douleur abaissé versus un trouble somatoforme douloureux. Depuis ce rapport, il n'y avait pas d'élément clinique nouveau permettant de remettre en doute cette appréciation, et l’expert en rhumatologie n’avait retrouvé aucun élément en faveur d'une arthropathie inflammatoire ou d'une maladie auto-immune au sens large et la dernière CRP était dans les limites de la norme. Pour cette raison, les experts n'avaient pas jugé utile de faire d'autres investigations, en particulier radiologiques. L'ostéopénie méritait d'être traitée, mais cette affection n'expliquait pas la symptomatologie douloureuse et n'influençait pas la capacité de travail. En conclusion, l’assurée se plaignait d'une symptomatologie douloureuse chronique sans substrat organique clair permettant de l'expliquer. Des limitations fonctionnelles pouvaient être retenues pour les sollicitations importantes du membre supérieur droit en raison du curage axillaire, mais il n'y avait pas de pathologie justifiant une incapacité de travail.
Au niveau psychique, l’assurée ne présentait pas d'antécédents personnels significatifs, mais des antécédents familiaux, en particulier un frère décédé par suicide il y a un an, et probablement un oncle maternel précédemment. L'histoire de la maladie était essentiellement somatique, en particulier sur le plan oncologique, et elle avait bénéficié d'un suivi psychologique dans ce cadre dès 2014 avec un travail d'acceptation de la pathologie cancéreuse et des transformations physiques séquellaires de la chirurgie. Elle avait également bénéficié d'un traitement par Cipralex prescrit initialement par son oncologue.
Aucun rapport médical n’était à disposition concernant ce suivi psychologique, qui avait duré environ cinq ans, jusqu'au départ en retraite de la thérapeute. L'assurée expliquait avoir été réticente à reprendre un suivi, puis avait accepté de voir une psychiatre, depuis environ un an, à la suite du suicide d'un de ses frères. Le traitement était inchangé, avec une faible posologie de Cipralex, et les entretiens hebdomadaires consistaient essentiellement en une psychothérapie d'étayage, très positive selon l'assurée. Le bilan neuropsychologique pratiqué aux HUG en 2019 avait mis en évidence un déficit cognitif modéré avec un manque de flexibilité mentale, qui auraient été de nature à diminuer la capacité de travail pour des tâches à haut niveau d'exigence, étant observé que les tests de validité n'avaient pas été effectués. Lors de l’expertise, aucun déficit cognitif ou exécutif n'apparaissait cliniquement décelable. L'assurée se plaignait de tristesse permanente, qu'elle reliait surtout au décès de son frère, mais il n'était pas identifié de franches hypothymie et anhédonie. De plus, le reste de l'examen psychiatrique n'était pas contributif. Elle ne verbalisait pas de limitations fonctionnelles sur le plan psychique à une reprise d'une activité professionnelle et ils ne retrouvaient pas de plainte thymique significative en lien avec les plaintes douloureuses. Les plaintes de fatigue ne pouvaient être reliées à une pathologie psychiatrique, mais pouvaient être en lien avec un « Cancer related fatigue ».
Interrogés sur l’évolution de la cohérence et de la plausibilité, les experts ont considéré qu’il n'y avait pas d'incohérence entre les éléments rapportés au dossier et les plaintes de l’assurée. À l'examen physique, ils avaient retenu des éléments évoquant une majoration des plaintes et un comportement partiellement démonstratif. Ils n'avaient pas noté de signe de fatigue, qui était aussi une des plaintes majeures, ni retrouvé de limitations psychiques dans la gestion de la vie quotidienne, ni identifié lors de l'entretien de manifestations thymiques ou anxieuses ni d'anhédonie. L'assurée apparaissait autonome dans les actes de la vie quotidienne, n’était pas majorante sur le plan des plaintes psychiques, ce qui n'éliminait pas la possibilité d'une majoration des plaintes somatiques en particulier les douleurs et la fatigue.
Ainsi, l'assurée était apte à travailler à plein temps dans l'activité exercée en dernier lieu, sans réduction de performance. La capacité de travail était ainsi de 100% dans l’activité habituelle, étant précisé que l'incapacité de travail totale en 2011 était tout à fait justifiée par l'affection oncologique. Dans une activité adaptée ne comportant pas de mouvements répétitifs importants ou nécessitant des efforts avec le même membre supérieur droit (gauchère), la capacité de travail était de 100%. L’assurée se voyait d'ailleurs travailler dans le domaine du nettoyage, activité qui n'était pas très différente en ce qui concernait les sollicitations mécaniques de celles d'aide de cuisine qu'elle exerçait auparavant.
s. Dans une appréciation du 15 aout 2023, le Dr H______ a considéré que le rapport d’expertise était convaincant et qu’il n’y avait pas lieu de s’en écarter. L’état de santé de l’assurée s’était amélioré dès le 4 août 2023, date à partir de laquelle les atteintes à la santé diagnostiquées n’avaient plus de répercussion sur la capacité de travail, entière dans toute activité, notamment dans celles d’aide de cuisine ou de nettoyeuse. L’intéressée ne devait pas effectuer des mouvements répétitifs importants ou qui nécessitaient des efforts avec le membre supérieur gauche.
C. a. Le 5 octobre 2023, l’OAI a informé l’assurée qu’il envisageait de supprimer son droit à la rente pour le premier jour du deuxième mois suivant sa décision prochaine, dès lors qu’une amélioration notable de son état de santé pourrait être retenue dès le 1er décembre 2023.
b. Par courrier du 1er novembre 2023, la Dre F______ indiqué à l’OAI que plusieurs éléments nouveaux étaient survenus depuis son précédent rapport. En effet, il y avait une augmentation de l'intensité des douleurs à 9/10, avec une extension du territoire douloureux avec des lombo-fessalgies prédominant à gauche, des atteintes des petites articulations des mains et des pieds avec des signes d'arthrite, à savoir une tuméfaction et une chaleur essentiellement ciblées sur les mains et les pieds, des dactylites occasionnelles et des talagies. La raideur matinale de 10 minutes avait augmenté à une heure chaque matin, et les réveils nocturnes occasionnels étaient désormais présents chaque nuit. Il y avait également une aggravation de la fatigue profonde et la présence de sang dans les selles, d’acouphènes, de xérophtalmie et la patiente mentionnait également des angines à répétition, soit plus de trois par année, avec une raucité de la voix. Dans ce contexte, des investigations complémentaires étaient prévues, comprenant un large bilan sanguin, une recherche de calprotectine fécale, un bilan radiologique avec des radiographies des mains et des pieds avec comparatif des clichés de 2022, une IRM des deux mains, une IRM lombaire et des sacro-iliaques, ainsi qu'une échographie de l'épaule droite. La décision de suppression de la rente avait induit chez la patiente un profond découragement, étant rappelé qu’elle avait elle-même proposé à sa médecin traitant, avant l’expertise, d'augmenter de 20 à 30% son temps de travail malgré l'aggravation de ses symptômes dans le but de donner un sens à sa vie, de se sentir utile et bien évidemment également pour des raisons financières.
c. En date du 2 novembre 2023, l’assurée a contesté la position de l’OAI.
d. Dans un rapport du 14 novembre 2023, la Dre B______ a résumé la situation médicale de sa patiente.
e. Par rapport du 15 novembre 2023, la docteure L______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a indiqué que la patiente avait entamé avec elle un suivi psychiatrique psychothérapeutique en août 2022, en raison d'un épisode dépressif moyen (F32.1), avec comme symptômes une humeur basse, une abrasion des affects, un manque de motivation et de plaisir, une pauvre estime d'elle-même, une incapacité à se projeter dans l'avenir et un retrait social. La patiente relatait avoir eu plusieurs épisodes dépressifs par le passé, à partir de 2013, dans le contexte d'un cancer du sein. Elle avait bénéficié d'entretiens psychiatriques psychothérapeutiques hebdomadaires et d'un traitement médicamenteux d’Escitalopram 10 mg, diminué par la suite à 5 mg en raison des effets secondaires. En août 2023 elle avait interrompu son suivi en raison d'une amélioration de son état, mais elle avait récemment à nouveau demandé un suivi, car elle présentait une recrudescence des symptômes dépressifs. Compte tenu de sa fragilité psychique, combinée à toutes les limitations dues à ses problèmes physiques, l'interruption de la rente d’invalidité ne semblait pas indiquée dans son cas.
f. Le 11 décembre 2023, le Dr H______ a rendu un avis médical. Après avoir résumé les pièces transmises par l’assurée, il a constaté que des examens complémentaires étaient en cours dans le contexte d'une aggravation de l'état de santé annoncée par la rhumatologue traitante. Sur le plan purement oncologique, les nouvelles pièces médicales n'apportaient aucun élément médical nouveau. Le spécialiste de la douleur évoquait qu'une activité adaptée aux problèmes de santé de l'assurée était bénéfique. Sur le plan psychiatrique, l'appréciation de la psychiatre traitante sortait de son champ de compétence étant donné qu'elle considérait que « compte tenu de fragilité psychique, combinée à toutes les limitations dues à ses problèmes physiques, l'interruption de la rente AI ne semblait pas indiquée dans son cas ». Par ailleurs, le fait que le traitement demeurait inchangé, avec une faible posologie de Cipralex qui avait été pris en compte par l'expert psychiatre, allait à l'encontre d'une aggravation psychique. Le rapport de la consultation de la mémoire aux HUG du 29 juillet 2019 avait été pris en compte par les experts dans leur évaluation. Il proposait de solliciter une copie du rapport des examens complémentaires en cours.
g. Le 1er février 2024, l’OAI a reçu des rapports relatifs :
- à une IRM de la colonne lombaire et des sacro-iliaques du 9 novembre 2023 ayant conclu à des discopathies L4-L5 et L5-S1 modérées sans hernie discale ni conflit radiculaire, et à un discret remaniement inflammatoire du coin antéro-supérieur de L4 restant non spécifique ;
- à des radiographies des mains et des pieds du 9 novembre 2023 ayant mis en exergue une minime calcification punctiforme en regard de l’extrémité distale de l’ulna à droite non spécifique pour une chondrocalcinose au niveau des deux mains ;
- à une échographie de l’épaule droit du 9 novembre 2023 faisant état de signes en faveur d’une tendinopathie du sus-épineux ;
- à une IRM de la main droite du 10 novembre 2023 n’ayant pas montré de franc signe de synovite ou de ténosynovite, ni d’érosion osseuse ;
- à une IRM de la main gauche du 10 novembre 2023 n’ayant pas montré de franc signe de synovite ou de ténosynovite, ni d’érosion osseuse ;
- à une échographie de l’épaule gauche du 16 novembre 2023 concluant à une tendinose marquée du tendon supra-épineux avec des signes de conflit
sous-acromial lors des manœuvres dynamiques ;
- à des résultats d’analyse sanguine.
h. Par avis du 15 février 2024, le Dr H______ a relevé une aggravation de l’état de santé de l’assurée au vu des atteintes des épaules, essentiellement à gauche, et remarqué que les nouveaux documents ne rendaient pas plausible la présence d’un rhumatisme inflammatoire du type spondylarthrite ankylosante. Ainsi, l’état de santé s’était amélioré dès le 4 août 2023 puis s’était aggravé dès le
9 novembre 2023. L’atteinte principale était une tendinose du sus-épineux avec des signes de conflit sous-acromial à l’épaule gauche et une tendinopathie du sus-épineux de l’épaule droite, lesquelles avaient des effets sur la capacité de travail. Outre les limitations fonctionnelles déjà retenues, les activités nécessitant l’utilisation des membres supérieurs au-dessus du niveau des épaules et de la tête, et le port de charge de plus de 5 kg devaient être évitées. La capacité de travail était nulle dans l’activité habituelle de nettoyeuse ou d’aide de cuisine dès le
9 novembre 2023, mais entière dans une activité adaptée à partir du 4 août 2023.
i. Par décision du 13 mars 2024, l’OAI a supprimé le droit à la rente de l’assurée, au motif qu’elle disposait d’une entière capacité de travail dans une activité adaptée dès le 4 août 2023 et que la comparaison des revenus sans invalidité
(CHF 48'413.-) et avec invalidité (CHF 48'799.-) ne révélait aucune perte de gain. Une amélioration notable pouvait donc être retenue dès le 1er décembre 2023 et la rente serait supprimée pour le premier jour du deuxième mois suivant cette décision.
D. a. En date du 2 avril 2024, l’assurée a interjeté recours contre cette décision
par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice. Se référant à l’appréciation de ses médecins traitants, elle a souligné que les conclusions du SMR quant à sa capacité de travail ne correspondaient pas du tout à la réalité de son état de santé.
La recourante a produit, outre des rapports déjà au dossier :
- le compte-rendu d’une IRM de la colonne lombaire et du genou droit du
21 février 2024 ayant conclu, au niveau lombaire, à quelques remaniements dégénératifs associés à une anomalie de signal du coin antéro-supérieur de L4 et dans une moindre mesure du coin antéro-supérieur de L5, compatible avec un Modic inflammatoire, ainsi qu’à une arthrose interfacettaire postérieure bilatérale légère à modérée aux étages L4-L5 et L5-S1 ; au niveau du genou, a été relevée une anomalie sous-chondrale rétropatellaire sur le versant latérale pouvant être compatible avec une lésion ostéochondrale versus un défect dorsal patellaire, à corréler à la clinique ;
- un certificat médical du 26 février 2024 du docteur M______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, attestant d’une totale incapacité de travail du 27 février au 7 avril 2024 ;
- un rapport du 25 mars 2024 de Monsieur N______, infirmier spécialisé en oncologie, relevant le caractère volontaire de la patiente, dont l’état de santé justifiait une réduction du taux d’activité professionnelle.
b. Dans sa réponse du 23 mai 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours. Il a rappelé que la rente avait été octroyée en raison de l’atteinte oncologique, laquelle ne justifiait plus d’incapacité de travail au vu de la rémission. Les atteintes incapacitantes retenues et les empêchements en découlant ne compromettaient pas l’exercice d’une activité adaptée. Les limitations fonctionnelles ne semblaient pas pouvoir exclure de retrouver un emploi correspondant et même le cumul des limitations n’empêchait pas la réintégration de la recourante dans le circuit économique. D’ailleurs, l’intéressée avait repris un emploi à raison de 12 heures par semaine.
L’intimé a communiqué un avis du 7 mai 2024, dans lequel le SMR s’est déterminé sur les nouveaux rapports produits par la recourante. Le Dr H______ a rappelé que l'expert rhumatologue avait constaté que le tonus musculaire de l’expertisée était normal, qu'il n'y avait pas d'amyotrophie, que le testing de la force n'était pas optimal mais que l'expertisée ne semblait pas faire d'effort maximal et annonçait assez vite des douleurs. La mobilité des genoux était conservée et il n'y avait pas de signe d'arthrite, pas de signe pour une méniscopathie et pas de kyste de Baker perçu par l’expert. L’évaluation des genoux de la part de l'expert en rhumatologie ne concordait pas avec l'indication retenue pour la réalisation de l'IRM du genou droit le 21 février 2024, dont le rapport avait été adressé au Dr M______. Le SMR considérait qu'une activité épargnant le genou droit représentait une activité adaptée sans baisse de rendement étant rappelé que le Dr M______ n'avait pas retenu d’incapacité de travail notable et durable. Au niveau du rachis lombaire, l'IRM avait mis en évidence des atteintes dégénératives peu significatives sans sténose canalaire ou foraminale qui n'étaient pas susceptibles de modifier les conclusions des experts. Concernant le rapport de N______, les experts s'étaient prononcés de manière précise et exhaustive concernant les douleurs généralisées, connues depuis le début des traitements oncologiques, en constatant d'un point de vue objectif un comportement partiellement démonstratif de l’intéressée avec des signes de majoration des symptômes lors de l'examen physique. Ils avaient expliqué qu'il n'y avait pas d'élément objectif pathologique, que les contrôles oncologiques étaient satisfaisants sans aucun argument pour une récidive ou pour une évolution métastatique du carcinome du sein, et que l'hormonothérapie ne pouvait plus être retenue comme responsable de la symptomatologie vu la longue durée qui s'était écoulée depuis son arrêt. Il n'y avait pas de cause rhumatologique pour expliquer les plaintes douloureuses, étant relevé que la rhumatologue traitante ne décrivait pas d'élément objectif pour une arthropathie inflammatoire, et que l'évaluation effectué lors de l'expertise ne retrouvait pas d'élément en faveur d'une arthropathie inflammatoire ou d'une maladie auto-immune au sens large. Sur le plan psychiatrique, aucun diagnostic n'avait été retenu par l'expert. En conclusion l’infirmier en oncologie avait procédé à une appréciation différente de la capacité de travail dans le cadre d'une même situation médicale. Partant, les nouvelles pièces médicales n'avaient pas apporté d'éléments cliniques objectifs tendant à remettre en question ses conclusions du 15 février 2024.
c. Le 22 mai 2024, la recourante a transmis un nouveau certificat d’arrêt de travail à 100% du Dr E______ et une ordonnance de lunettes.
d. La recourante n’a pas répliqué dans le délai prolongé à cet effet à sa demande.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.
1.3 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.
2. Le litige porte sur le bien-fondé de la décision du 13 mars 2024 par laquelle l’intimé a supprimé le droit à la rente de la recourante pour le premier jour du deuxième mois suivant ladite décision.
3.
3.1 Dans le cadre du développement continu de l’AI, la LAI, le règlement du
17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité (RAI - RS 831.201) et l'art. 17 LPGA notamment ont été modifiés avec effet au 1er janvier 2022 (modifications des
19 juin 2020 et 3 novembre 2021 ; RO 2021 705 et RO 2021 706).
En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2 et les références).
Dans les cas de révision selon l'art. 17 LPGA, conformément aux principes généraux du droit intertemporel (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), il convient d’évaluer, selon la situation juridique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si une modification déterminante pour le droit à la rente est intervenue jusqu’à cette date. Si tel est le cas, les dispositions de la LAI et celles du RAI dans leur version valable jusqu'au 31 décembre 2021 sont applicables. Si la modification déterminante est intervenue après cette date, les dispositions de la LAI et du RAI dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2022 sont applicables. La date de la modification se détermine selon l'art. 88a RAI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2 ; 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).
3.2 En l’occurrence, il n’est pas contesté que le droit à la rente de la recourante est né antérieurement au 1er janvier 2022. Toutefois, la question litigieuse est de savoir si un motif de révision est survenu, selon l’art. 88a RAI, à compter de cette date, de sorte que les dispositions applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.
4. Conformément aux art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI, est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident.
Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).
En vertu de l’art. 28 al. 1 LAI, a droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins.
La notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).
5. L’art. 17 al. 1 LPGA dispose que la rente d'invalidité est, d'office ou sur demande, révisée pour l'avenir, à savoir augmentée, réduite ou supprimée, lorsque le taux d'invalidité de l'assuré subit une modification d'au moins 5 points de pourcentage, ou atteint 100%.
5.1 Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon
l’art. 17 LPGA (ATF 149 V 91 consid. 7.5 et les références). La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important. Tel est le cas lorsque la capacité de travail s'améliore grâce à l'accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 147 V 167 consid. 4.1 et les références).
Une amélioration de la capacité de gain ou de la capacité d'accomplir les travaux habituels de l'assuré n'est déterminante pour la suppression de tout ou partie du droit aux prestations qu'à partir du moment où l'on peut s'attendre à ce que l'amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période. Il en va de même lorsqu'un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu'une complication prochaine soit à craindre
(art. 88a al. 1 RAI). Le fardeau de la preuve quant à cette amélioration de la capacité de travail incombe à l’administration (arrêt du Tribunal fédéral 8C_510/2020 du 15 avril 2021 consid. 2.2 et les références).
Un motif de révision a été retenu notamment lorsqu’une méthode différente d’évaluation de l’invalidité s’applique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_716/2022 du 5 juillet 2023 consid. 4.2), lors d’un changement de poste de travail (arrêt du Tribunal fédéral 9C_33/2016 du 16 août 2016 consid. 8.1) et lorsqu’une mesure de réadaptation a réussi (arrêt du Tribunal fédéral 9C_231/2016 du 1er juin 2016 consid. 2.1).
En revanche, il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 147 V 167 consid. 4.1 et les références). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références). Le simple fait qu'un diagnostic ne soit plus retenu à la suite d'un examen ultérieur ne saurait justifier, à lui seul, la révision du droit à la rente, dans la mesure où un tel constat ne permet pas d'exclure l'existence d'une appréciation différente d'un état de fait qui, pour l'essentiel, est demeuré inchangé. Une modification sensible de l'état de santé ne saurait être admise que si le nouveau diagnostic est corroboré par un changement clairement objectivé de la situation clinique et par l'amélioration, voire la disparition des limitations fonctionnelles précédemment décrites (arrêts du Tribunal fédéral 9C_353/2020 du 5 mai 2021 consid. 2.2 et les références ; 9C_860/2015 du 1er juin 2016 consid. 4.3).
Les constatations et conclusions médicales dans le cadre d’une révision doivent porter précisément sur les changements survenus par rapport à l’atteinte à la santé et à ses effets depuis l’appréciation médicale antérieure déterminante. La valeur probante d’une expertise réalisée dans le cadre de la révision du droit à la rente dépend donc essentiellement de la question de savoir si elle contient des explications suffisantes sur la mesure dans laquelle une modification de l’état de santé a eu lieu. Demeurent réservées les situations dans lesquelles il est évident que l’état de santé s’est modifié (arrêt du Tribunal fédéral 8C_385/2023 du
30 novembre 2023 consid. 4.2.3 et les références).
5.2 La base de comparaison déterminante dans le temps pour l'examen d'une modification du degré d'invalidité lors d'une révision de la rente est constituée par la dernière décision entrée en force qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit (ATF 147 V 167 consid. 4.1 et la référence).
Lorsque les faits déterminants pour le droit à la rente se sont modifiés au point de faire apparaître un changement important de l'état de santé motivant une révision, le degré d'invalidité doit être fixé à nouveau sur la base d'un état de fait établi de manière correcte et complète, sans référence à des évaluations antérieures de l'invalidité (ATF 141 V 9).
Lorsque la comparaison des états de fait déterminants dans le temps met en évidence une modification des circonstances pertinentes, le droit à la rente doit être examiné à nouveau sous tous ses aspects factuels et juridiques (« allseitige Prüfung »), sans que les évaluations antérieures ne revêtent un caractère obligatoire. Il n'est pas nécessaire que ce soit l'élément de fait qui s'est modifié qui conduise à fixer différemment le droit à la rente. Selon la jurisprudence, il suffit qu'à la suite de la modification d'une circonstance, un autre élément déterminant résultant de l'examen complet du droit à la prestation entraîne une augmentation, une diminution ou une suppression de la rente. Ainsi, le Tribunal fédéral a retenu que, dans le cadre de la nouvelle évaluation de l'état de santé et de la capacité de travail, un trouble de santé s'ajoutant au tableau clinique existant ne fait pas obstacle à une suppression de la rente. Sont susceptibles de faire l'objet d'une nouvelle évaluation, éventuellement divergente, les aspects qui font l'objet d'une hypothèse, par exemple les revenus sans et avec invalidité et les hypothèses qui les sous-tendent, l'état de santé ou la capacité de travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_240/2023 du 14 mars 2024 consid. 7.1.2 et les références).
5.3 Aux termes de l'art. 88a al. 1 RAI, si la capacité de gain ou la capacité d’accomplir les travaux habituels de l’assuré s’améliore ou que son impotence ou encore le besoin de soins ou le besoin d’aide découlant de son invalidité s’atténue, ce changement n’est déterminant pour la suppression de tout ou partie du droit aux prestations qu’à partir du moment où on peut s’attendre à ce que l’amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période. Il en va de même lorsqu’un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu’une complication prochaine soit à craindre.
En vertu de l’art. 88bis al. 2 let. a RAI, la diminution ou la suppression de la rente notamment prend effet, au plus tôt le premier jour du deuxième mois qui suit la notification de la décision.
Selon la jurisprudence, le sens et le but de l'art. 88a al. 1 RAI est notamment de donner au bénéficiaire de la rente une certaine assurance en ce qui concerne le versement régulier de ses prestations. Des modifications temporaires des facteurs qui fondent le droit à la rente ne doivent pas conduire à une adaptation par la voie de la révision ; au regard de la sécurité du droit, l'octroi d'une rente entré en force se doit d'avoir une certaine stabilité. En cas de modification de la capacité de gain, la rente doit être supprimée ou réduite avec effet immédiat si la modification paraît durable et par conséquent stable (1ère phrase de l'art. 88a al. 1 RAI) ; on attendra en revanche trois mois au cas où le caractère évolutif de l'atteinte à la santé, notamment la possibilité d'une aggravation, ne permettrait pas un jugement immédiat (2e phrase de la disposition). En règle générale, pour examiner s'il y a lieu de réduire ou de supprimer la rente immédiatement ou après trois mois, il faut examiner pour le futur si l'amélioration de la capacité de gain peut être considérée comme durable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_78/2018 du 26 juin 2018 consid. 4.1 et les références).
6. Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193
consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).
Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450
consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).
Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.
Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ;
125 V 351 consid. 3b/bb).
Le but des expertises multidisciplinaires est de recenser toutes les atteintes à la santé pertinentes et d'intégrer dans un résultat global les restrictions de la capacité de travail qui en découlent. L'évaluation globale et définitive de l'état de santé et de la capacité de travail revêt donc une grande importance lorsqu'elle se fonde sur une discussion consensuelle entre les médecins spécialistes participant à l'expertise. La question de savoir si, et dans quelle mesure, les différents taux liés aux limitations résultant de plusieurs atteintes à la santé s'additionnent, relève d’une appréciation spécifiquement médicale, dont le juge ne s'écarte pas, en principe (ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_162/2023 du 9 octobre 2023 consid. 2.3 et les références).
Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR
(ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).
En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du
4 mai 2012 consid. 3.2.1).
On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).
7. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
8. En l’espèce, la décision litigieuse, par laquelle l’intimé a retenu que l’état de santé de la recourante s’était notablement amélioré dès le 1er décembre 2023 et que celle-ci disposait d’une entière capacité de travail dans une activité adaptée dès le 4 août 2023, repose sur le rapport d’expertise du 4 août 2023, ainsi que sur les avis du SMR des 15 août et 11 décembre 2023 et du 15 février 2024.
8.1 S’agissant de la valeur probante de l’expertise du I______, la chambre de céans constate d’emblée qu’en dépit des recommandations du SMR, le mandat d’expertise n’a pas compris des volets en médecine interne et en oncologie.
Elle relève également que les experts n’avaient pas à disposition un dossier complet lorsqu’ils ont examiné la recourante, soit le 4 juillet 2023 pour le
Dr J______ et le 10 juillet 2023 pour la Dre K______, puisque le premier n’a pas mentionné les examens radiologiques effectués les 6 et 25 avril et le 1er mai 2023, et que la seconde ne disposait d’aucun rapport établi par les spécialistes ayant été consultés par la recourante.
8.1.1 Sur le plan somatique, l’expert rhumatologue a diagnostiqué un syndrome douloureux chronique sans cause organique, un status après carcinome inflammatoire du sein droit en mars 2011, un status après anévrisme de l'artère choroïdienne gauche clippé le 30 avril 2013, une ostéopénie traitée et une dyslipidémie traitée, et considéré que ces atteintes n’avaient aucune influence sur la capacité de travail, entière dans toute activité.
Le Dr J______ a en outre mentionné un éventuel « Cancer related fatigue », précisant qu’un tel diagnostic nécessiterait une expertise en médecine interne. La chambre de céans s’étonne donc qu’un tel examen n’ait pas été ordonné dans le cadre de l’expertise, à défaut subséquemment par le SMR, lequel avait pourtant considéré qu’une expertise en médecine interne était pertinente.
L’expert a relevé que les douleurs avaient débuté avant l’introduction de l’hormonothérapie et n’avaient pas varié depuis la fin de ce traitement, lequel ne pouvait plus être tenu pour responsable des douleurs vu le laps de temps écoulé depuis sa fin. Toutefois, il est rappelé que la Dre B______ a attribué les douleurs diffuses au traitement d’hormonothérapie, mais aussi « post chimiothérapie » (cf. rapport des 2 juin 2021), ce qu’elle a maintenu après la fin de l’hormonothérapie (cf. rapport du 28 juillet 2022). Il aurait été utile que l’expert s’entretienne avec l’oncologue traitante avant de prendre des conclusions dans un domaine qui ne relève pas de sa spécialisation. S’il l’avait fait, il aurait pu constater que l’oncologue est d’avis que les douleurs musculo-squelettiques sont des séquelles du traitement du cancer, notamment de la chimiothérapie (cf. rapport du 14 novembre 2023). Dans ces circonstances, les explications de l’expert, qui ne s’est pas entouré de tous les avis pertinents, ne sont pas convaincantes.
C’est le lieu de constater que le Dr J______ n’a pas non plus jugé nécessaire de prendre des renseignements auprès de la rhumatologue traitante, relevant que cette dernière n’avait pas de diagnostic précis quant à l’origine des douleurs et de la fatigue. Toutefois, la Dre F______ avait expressément indiqué qu’elle affinait encore le ou les diagnostics (cf. rapport du 20 mai 2022), ce qui aurait dû inciter l’expert à la contacter.
L’expert n’a pas discuté le diagnostic de fibromyalgie, affirmant uniquement que de nombreux points étaient déclarés douloureux à la palpation et à la mobilisation, ce qui allait au-delà de ce qui était habituellement rencontré lors d’une fibromyalgie. Cette explication paraît insuffisante pour écarter le diagnostic de fibromyalgie au profit d’un syndrome douloureux chronique sans cause organique.
À cet égard, elle observe encore que le Dr J______ a considéré que des examens complémentaires ne se justifiaient pas et que l’intéressée adoptait un comportement partiellement démonstratif avec des signes de majoration des symptômes. Il a noté que la recourante avait signalé des douleurs lors de la réalisation de plusieurs exercices, ainsi qu’à la percussion ou à la palpation, notamment aux niveaux des genoux, du dos et des épaules. Or, à cette époque, une tendinopathie avait déjà été suspectée (cf. rapport d’échographie du 2 mai 2023) et les examens d’imagerie ordonnés par les médecins traitants à peine quelques mois après l’expertise ont confirmé une tendinopathie du sus-épineux de l’épaule droite (cf. rapport d’échographie du 9 novembre 2023) et révélé une tendinose marquée du tendon supra-épineux avec des signes de conflit sous-acromial de l’épaule gauche (cf. rapport d’échographie du 16 novembre 2023), des discopathies L4-L5 et L5-S1 (cf. rapport d’IRM du 9 novembre 2023), des remaniements dégénératifs de la colonne lombaire et une arthrose aux étages L4-L5 et L5-S1, avec des signes compatibles avec un Modic inflammatoire (cf. rapport d’IRM du 21 février 2024), ainsi qu’une anomalie sous-chondrale rétropatellaire du genou droit (cf. rapport d’IRM du 21 février 2024).
Si les plaintes de la recourante ont certes été rapportées par l’expert, ce dernier les a minimisées, en raison d’un comportement considéré comme « partiellement démonstratif » et d’une « majoration des symptômes ». Or, comme déjà relevé, les investigations complémentaires ordonnées par les médecins traitants ont permis d’objectiver plusieurs atteintes somatiques dont l’expert n’avait pas connaissance. De plus, il ressort de l’anamnèse réalisée par le Dr J______ que la recourante a signalé des vertiges, ajoutant que ce n’était « pas trop important », qu’elle avait eu cinq jours auparavant une hémorragie dans l’œil droit et que le médecin vu la veille lui avait dit qu’il n’y avait « rien de grave », qu’elle présentait un acouphène, qu’elle tolérait « mieux » lorsqu’il y avait un peu de bruit. Elle ne semble donc pas avoir exagéré ses plaintes, dont certaines n’ont pas été prises en considération.
Partant, la chambre de céans considère que les diagnostics physiques retenus par l’expert ne résultent pas d’examens complets et d’une étude fouillée, et que les douleurs n’ont pas été suffisamment prises en considération.
8.1.2 Au niveau psychique, la Dre K______ n’a retenu aucun diagnostic et a indiqué que celui de syndrome douloureux somatoforme ne pouvait pas être admis, en l’absence d’une détresse psychique verbalisée et objectivée.
À nouveau, la chambre de céans constate que l’experte ne s’est pas déterminée en pleine connaissance du dossier, puisqu’elle a indiqué ne disposer d’aucun rapport médical concernant le suivi psychologique, que ce soit du précédent thérapeute qui avait suivi la recourante durant environ cinq ans, ou de la nouvelle psychiatre consultée depuis environ une année à raison d’une séance par semaine.
Si l’appréciation de l’experte quant à l’état psychologique de l’intéressée au jour de l’examen semble avoir été confirmée par la Dre L______, qui a relaté une amélioration de l’état de santé en août 2023 (cf. rapport du 15 novembre 2023), ses conclusions quant à l’absence d’antécédents personnels significatifs ne sont en revanche pas confortées par la psychiatre traitante. Cette dernière a en effet attesté que sa patiente relatait plusieurs épisodes dépressifs depuis 2013 et que celui pour lequel elle avait commencé à la suivre au mois d’août 2022 était de gravité moyenne (cf. rapport du 15 novembre 2023). On rappellera en outre que de nombreux somaticiens ont préconisé un traitement psychiatrique, relevant un état dépressif réactionnel (cf. rapports du 29 octobre 2021 du Dr E______, du
20 mai 2022 de la Dre F______, du 28 juillet 2022 de la Dre B______). Ainsi, les conclusions de l’experte psychiatre, qui ne reposent pas sur une anamnèse complète et détaillée, ne sont pas suffisamment motivées.
La Dre K______ a écarté tout trouble cognitif ou exécutif, au motif que son examen clinique n’avait pas décelé de tels déficits. Cette explication parait également insuffisante, étant rappelé que la recourante s’est soumise à un examen neuropsychologique à la consultation de la mémoire, lequel a révélé des difficultés cognitives (cf. rapport du 29 juillet 2019). L’experte aurait donc dû faire réaliser un nouveau bilan objectif et approfondi avant d’écarter les conclusions des spécialistes des HUG.
8.1.3 Les experts ont notamment indiqué qu’ils n’avaient pas retrouvé de signe de fatigue, qui était une des plaintes majeures, et que la fatigue ne pouvait pas être reliée à une pathologie psychiatrique, mais pouvait être en lien avec un « Cancer related fatigue ».
Outre le fait que ce dernier diagnostic n’a fait l’objet d’aucune investigation, il sied de constater que les pièces au dossier font état de troubles du sommeil dus aux douleurs (cf. rapport du 29 avril 2022 du Dr E______), de réveils nocturnes et d’un sommeil non réparateur (cf. rapport du 20 mai 2022 de la
Dre F______), de réveils nocturnes quotidiens et d’une aggravation de la fatigue profonde (cf. rapport du 1er novembre 2023 de la Dre F______). Il aurait été souhaitable que les experts se déterminent sur les troubles du sommeil et leurs éventuelles répercussions, étant relevé que la recourante leur a clairement indiqué que son sommeil était perturbé par les douleurs, qu’elle avait de la peine à s’endormir et se réveillait ensuite.
Il sera d’ailleurs encore observé que les médecins de la consultation de la mémoire ont rapporté que l’importante fatigabilité déclenchait des céphalées après un effort mental prolongé (cf. rapport des HUG du 29 juillet 2019), doléances qui ont été confirmées par la recourante lors de l’expertise du I______. Les experts n’en ont cependant pas tenus compte, ni dans leurs diagnostics, ni dans les limitations fonctionnelles.
Les experts ont également relevé, dans leur rapport commun, que l’intéressée apparaissait autonome dans les actes de la vie quotidienne, sans toutefois préciser qu’elle leur avait notamment déclaré qu’elle nettoyait chez elle « peu à peu », « doucement », et qu’elle se reposait durant la journée, se couchait parfois et se massait pour soulager ses douleurs.
8.1.4 S’agissant de l’évaluation de la capacité de travail, la chambre de céans rappellera encore que la recourante a repris une activité professionnelle avant le début de la procédure de révision de sa rente, ce dont elle a dûment informé l’intimé, et qu’elle a confirmé aux experts qu’elle pensait être apte à travailler à temps partiel dans une activité légère. Que l’intéressée ait repris sa précédente activité de nettoyeuse à raison de 2 heures par jour ne permet en aucun cas de conclure qu’elle serait en mesure d’exercer cette profession à temps complet, ni que celle-ci serait adaptée à son état de santé. Elle révèle plutôt la motivation de la recourante à travailler à nouveau.
8.1.5 Dans ces conditions, la chambre de céans considère que le rapport d’expertise ne remplit pas les réquisits jurisprudentiels pour se voir attribuer une quelconque valeur probante.
8.2 En ce qui concerne les rapports du SMR, il convient de rappeler que des exigences strictes doivent être posées en matière de preuve.
8.2.1 Dans son avis du 11 décembre 2023, le Dr H______ a considéré que l’appréciation de la Dre L______ « sortait de son champ de compétence », puisqu’elle avait mentionné que la suppression de la rente ne lui semblait pas « indiquée » et que la faible posologie du traitement médicamenteux parlait en défaveur d’une aggravation psychique.
Ces assertions n’emportent pas conviction, puisque la psychiatre traitante a fait état d’une recrudescence des symptômes. Lors du début de sa prise en charge, en août 2022, elle avait notamment constaté une humeur basse, une abrasion des affects, un manque de motivation et de plaisir, une pauvre estime de soi, une incapacité à se projeter dans l’avenir et un retrait social. Si cette symptomatologie s’est améliorée en août 2023, elle s’est péjorée à l’automne 2023 selon la
Dre L______. Le SMR ne pouvait écarter l’aggravation signalée en raison de la posologie du traitement, sans autre argument.
8.2.2 Le 15 février 2024, le Dr H______ s’est prononcé sur les résultats des investigations radiologiques réalisées postérieurement à l’expertise. Il a admis une atteinte au niveau des épaules, essentiellement à gauche, et considéré que ces troubles justifiaient des limitations fonctionnelles supplémentaires, lesquelles n’étaient pas compatibles avec l’activité habituelle.
Toutefois, le SMR n’a pas du tout tenu compte des discopathies L4-L5 et L5-S1 et de la mise en évidence d’un discret remaniement inflammatoire.
8.2.3 Par avis du 7 mai 2024, le Dr H______ s’est déterminé sur les nouveaux documents produits par la recourante.
Concernant le genou droit, il a retenu qu’une activité épargnant cette articulation était adaptée, tout en soulignant que le rapport du Dr M______ parlait contre une atteinte à la santé notable et durable. Il a également considéré que l’évaluation des genoux par l’expert rhumatologue ne concordait pas avec l’indication retenue pour l’IRM réalisée le 21 février 2024. En effet, le Dr J______ avait constaté une mobilité conservée, l’absence de signe d’arthrite, de méniscopathie et de kyste, et considéré que l’intéressée ne semblait pas faire l’effort maximal et annonçait assez vite des douleurs, sous-entendant ainsi que cette atteinte serait postérieure à l’examen du I______. Toutefois, il ressort de l’examen clinique de l’expert que la recourante avait déclaré qu’il lui serait difficile de s’accroupir, qu’elle avait interrompu le mouvement et s’était plainte de douleurs aux jambes et aux genoux. Il a douté de ces doléances, relevant qu’elle s’était accroupie rapidement en fin d’examen, disait avoir mal en se tenant les chevilles et s’était relevée sans difficulté. L’expert a relevé que l’examen était un peu laborieux « car l’expertisée se défend ». Or, comme déjà observé, les examens complémentaires requis par les médecins traitants ont révélé plusieurs atteintes somatiques, et ce aux niveaux des épaules, du rachis et du genou droit, lesquelles ont été ignorées par l’expert qui a considéré que la recourante majorait ses plaintes. S’agissant du Dr M______, aucune conclusion ne saurait être tirée de son certificat du 25 mars 2024 destiné uniquement a attesté d’un arrêt de travail.
S’agissant du rachis lombaire, le SMR a estimé que les troubles mis en évidence à l’IRM du 21 février 2024 n’étaient pas susceptibles de modifier les conclusions de l’expertise, car il s’agissait d’atteintes dégénératives peu significatives sans sténose canalaire ou foraminale. Cette explication ne saurait suffire, dès lors que les experts ont écarté toute cause organique aux douleurs, alors que des examens complémentaires ont précisément permis d’objectiver des troubles. Le
Dr H______ aurait donc dû justifier les raisons pour lesquelles il concluait que ces atteintes, dont une arthrose légère à modérée et des signes compatibles avec un Modic inflammatoire, étaient peu significatives et n’entrainaient pas de
contre-indications supplémentaires.
8.2.4 Dans ces circonstances, les différents avis du SMR se révèlent également dénués de toute force probante.
8.3 Partant, les pièces médicales produites dans le cadre de la présente procédure n’établissent pas, au degré de la vraisemblance prépondérante requis, que l’état de santé de la recourante se serait notablement amélioré dès le 1er décembre 2023, ni que celle-ci serait apte à exercer une activité adaptée à 100% dès le 4 août 2023.
La suppression du droit à la rente se révèle donc infondée.
9. Eu égard à tout ce qui précède, le recours sera admis et la décision du
13 mars 2024 annulée.
Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet.
3. Annule la décision du 13 mars 2024.
4. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.
5. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Melina CHODYNIECKI |
| La présidente
Joanna JODRY |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le