Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/27/2025 du 20.01.2025 ( CHOMAG ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/3079/2024 ATAS/27/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 20 janvier 2025 Chambre 6 |
En la cause
A______ représentée par Me Duy-Lam NGUYÊN, avocat
| recourante |
contre
CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE
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intimée |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1962, est mariée depuis le ______ 2002 à Monsieur B______ (ci-après : l’époux de l’assurée).
b. L’assurée a été employée en qualité de secrétaire par la société
C______ (ci-après : la société) du mois de décembre 2004 au 30 avril 2024.
c. À teneur de l’extrait du registre du commerce (ci-après : RC) relatif à cette société, l’époux de l’assurée revêt la qualité d’associé-gérant avec signature individuelle depuis le 19 avril 2001, date de l’inscription de la société au RC.
d. Par courrier du 29 avril 2024, l’assurée a démissionné avec effet au 30 avril suivant, en indiquant que malgré le délai de congé de trois mois s’appliquant à ses rapports de travail, elle souhaitait quitter la société dès le 30 avril 2024. Ce courrier a été contresigné par son époux.
B. a. Le 8 mai 2024, l’assurée s’est inscrite à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) et a déposé une demande d’indemnité de chômage auprès de la Caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse), en sollicitant le versement de l’indemnité journalière à compter du 8 mai 2024.
Dans le cadre de sa demande d’indemnité de chômage, l’assurée a précisé que son dernier jour de travail effectué remontait au 27 mars 2023, qu’elle avait été contrainte de résilier les rapports de travail la liant à la société en raison de son divorce et du non-respect, par son employeur, de ses obligations et qu’elle s’était trouvée en incapacité de travail pour cause de maladie « du 27 mars 2023 au 30 avril 2023 » (sic).
b. L’assurée a communiqué à la caisse des certificats médicaux établis par le docteur D______, attestant de son incapacité de travail totale s’agissant de la période courant du 27 mars 2023 au 30 avril 2024. Selon le Dr D______, l’assurée était pleinement apte au travail à compter du 1er mai 2024, avant de se trouver à nouveau en incapacité de travail totale à compter du 16 mai 2024.
c. Le 29 mai 2024, la caisse a ajouté à son dossier un extrait de la base de données de l'office cantonal de la population et des migrations (OCPM), duquel il ressort que l’assurée était séparée de son époux depuis le 15 octobre 2014.
d. Déférant à une demande de la caisse, l’assurée a notamment transmis à cette dernière, par courrier du 5 juin 2024, l’attestation de l’employeur mentionnant que la résiliation des rapports de travail était due au divorce de l’assurée avec l’administrateur de la société et que celle-ci s’était trouvée en incapacité de travail du 28 mars 2023 au 30 avril 2024.
L’assurée a également communiqué à la caisse ses fiches de salaire relatives à la période du mois d’avril 2022 au mois de février 2023, ainsi que les décomptes de prestations de l’assurance-maladie collective de son ancien employeur s’agissant de la période courant du mois de mars 2023 au mois d’avril 2024.
e. Par courrier du 11 juin 2024, l’assurée a adressé à la caisse divers documents, dont sa demande de prestations AI pour adultes du 19 septembre 2023 et la communication de l’office cantonal de l’assurance-invalidité du 3 juin 2024, par laquelle celui-ci lui octroie un accompagnement en coaching au titre de mesure d’intervention précoce. Elle a également joint une « attestation sur l’honneur de séparation de corps amiable », datée du 1er octobre 2022 et signée par l’assurée et son époux, à teneur de laquelle ceux-ci déclarent, d’une part, avoir été mariés sous le régime de la séparation de biens et, d’autre part, avoir décidé de se séparer en date du 1er octobre 2014.
f. Par décision du 13 juin 2024, la caisse a dénié à l’assurée le droit à l’indemnité de chômage, au motif que durant son délai-cadre de cotisation, celle-ci avait été employée à plein temps au sein de la société dont son conjoint était
l’associé-gérant. Il existait ainsi un risque qu’elle continue à se consacrer à l’entreprise familiale, de sorte que sa perte de travail ne pouvait pas être contrôlée, ni déterminée. L’assurée ne pouvait donc pas bénéficier « d’indemnité en cas de réduction d’horaire de travail » (sic). Seule une cessation définitive des activités de la société de son époux, une rupture totale de ses liens avec celle-ci ou l’accomplissement d’une activité salariée dans une tierce entreprise durant au moins six mois était susceptible de lui ouvrir le droit à des indemnités de chômage.
g. Le 1er juillet 2024, l’assurée a formé opposition à l’encontre de cette décision, en informant la caisse qu’elle ne vivait plus avec son époux depuis 2014 et qu’elle était actuellement en instance de divorce. Elle n’avait pas travaillé dans la société de son époux à temps plein mais à un taux de 65% et y occupait la position d’une simple employée. Elle avait décidé de démissionner car elle ne voulait plus avoir à faire à cette société, étant précisé que différents rapports médicaux attestaient du fait qu’elle ne pouvait plus y travailler. Il était donc utopique de penser qu’elle pourrait vouloir continuer à s’investir dans cette entreprise, de sorte qu’elle ne se trouvait pas dans une situation d’abus vis-à-vis de l’assurance-chômage.
À l’appui de son opposition, l’assurée a produit la première page d’un courrier de l’assurance-maladie collective de son ancien employeur du 9 octobre 2023, laquelle estimait que son activité auprès de la société n’était plus compatible avec son état de santé, ainsi qu’une déclaration non datée de la docteure
E______, spécialiste FMH en médecine interne générale, qui indiquait que l’assurée ne pouvait pas être confrontée, dans le cadre de son travail, à son époux, « un individu pervers narcissique ». Un rapport médical du 3 janvier 2024 établi par le Dr D______ était également joint à cet envoi, attestant que l’assurée bénéficiait d’un suivi médical et psychothérapeutique régulier auprès de la Clinique F______. Elle présentait un état de stress post-traumatique et son état de santé était fluctuant depuis le début du suivi, en date du 31 mars 2023. Durant son mariage, elle avait été victime de constantes humiliations, d’abus sexuels et de violence domestique. Enfin, un courrier de la Dre E______ du 23 mai 2023 était transmis par l’assurée, duquel il ressort que cette dernière était victime d’un « patron pervers narcissique manipulateur », qui était également son mari, et qu’elle se trouvait dans une situation professionnelle et privée catastrophique. Elle ne présentait pas d’incapacité de travail dans un autre contexte que celui de la société, qu’elle devait quitter dans l’immédiat.
h. L’arrêt de travail de l’assurée a été prolongé durant les mois de juin et juillet 2024.
i. Le 11 juillet 2024, l’assurée a communiqué à la caisse une attestation rédigée par son conseil, laquelle mentionne qu’une requête unilatérale en divorce avait été déposée le 2 juillet précédent à l’encontre de l’époux de l’assurée.
j. Par décision du 29 juillet 2024, la caisse a rejeté l’opposition formée par l’assurée au motif que cette dernière était, lors de son inscription à l’OCE, la conjointe de son ancien employeur, étant précisé que sa demande d’indemnité de chômage était liée à la fin de ses rapports de travail avec la société de son époux. Par ailleurs, dans la mesure où l’assurée était séparée de son conjoint depuis 2014, elle n’était pas libérée des conditions relatives à la période de cotisation. Au vu de sa position de conjointe de son ancien employeur, l’assurée ne pouvait pas bénéficier de l’indemnité de chômage tant que le divorce n’aurait pas été prononcé et pour autant qu’à cette date, elle puisse justifier d’une période de cotisation suffisante à l’ouverture du droit à l’indemnité.
C. a. Par acte du 16 septembre 2024, l’assurée a, sous la plume de son conseil, recouru par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice
(ci-après : la chambre de céans) contre cette décision, en concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à l’octroi de l’indemnité de chômage à compter du 8 mai 2024. La recourante n’avait jamais été gérante de la société, ni détenu de part sociale de cette dernière. Selon le rapport médical du Dr D______ du 3 janvier 2024, elle avait été victime de constantes humiliations, d’abus sexuels et de violences domestiques durant son mariage, ce qui avait entraîné l’apparition d’un épisode dépressif récurrent, dont l’aggravation avait conduit la recourante à connaître plusieurs crises suicidaires avec des passages à l’acte. Son état de santé était dû à la relation toxique qu’elle entretenait avec son époux. Afin d’échapper à son emprise, elle avait démissionné et introduit une requête unilatérale en divorce à son encontre. Dans ces conditions, il n’existait aucune possibilité que son époux influence sa situation, de sorte qu’elle avait définitivement perdu son statut de conjointe de son employeur dès sa démission.
À l’appui de son recours, la recourante a notamment produit les conclusions prises en tête de sa requête unilatérale de divorce du 2 juillet 2024 ainsi qu’une convocation à une audience de conciliation, de comparution personnelle et de plaidoiries finales sur provisio ad litem devant se tenir le 11 septembre 2024.
Elle a également annexé à son recours le rapport médical du 2 mai 2024 établi par la Dre E______, dont la deuxième page avait déjà été adressée par la recourante à l’intimée dans le cadre de son opposition. Ce rapport faisait notamment état de sa dépression et de ses tentatives de suicide, lesquelles avaient entraîné des hospitalisations en milieu psychiatrique.
b. Par réponse du 23 octobre 2024, l’intimée a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision querellée. La recourante ne faisait valoir aucun élément nouveau lui permettant de revoir sa position et elle avait été employée, durant son délai-cadre de cotisation, par une société à responsabilité limitée dont l’un des associés-gérants avec signature individuelle était son mari. La recourante n’avait pas accompli une période minimale de cotisation de six mois dans une entreprise tierce à la suite de sa démission et n’avait manifestement pas cotisé durant douze mois hors de l’entreprise conjugale. Compte tenu de la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’intimée ne pouvait pas revenir sur la position qui était exposée dans la décision querellée.
c. En date du 15 novembre 2024, la recourante a répliqué en soulignant qu’elle avait produit des nouveaux éléments. Les différents certificats médicaux et l’extrait de la requête unilatérale en divorce annexés à son recours démontraient la situation particulière dans laquelle elle se trouvait et devaient permettre à l’intimée de revoir sa position. La recourante ayant démissionné pour préserver son intégrité psychique et physique, elle avait rompu tout lien avec la société de son époux. Le dernier rapport du Dr D______, daté du 22 octobre 2024 mentionnait que l’état de stress post-traumatique de la recourante était le produit de traumatismes répétés survenus au cours de son activité de secrétaire pour son mari, de sorte qu’il lui avait été recommandé, par ses médecins, de quitter son emploi. Dans la mesure où la recourante n’avait jamais occupé une position assimilable à celle d’un employeur dans la société de son époux et qu’elle avait quitté cette dernière en vue de préserver son état de santé, elle devait se voir octroyer l’indemnité de chômage. La séparation des époux remontait à 2014 et était définitive, de sorte que le fait de dénier à la recourante le droit à cette indemnité au motif que son divorce n’était pas encore prononcé était constitutif d’un abus de droit.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LACI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à la LACI, à moins que la loi n’y déroge expressément.
1.3 Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA, applicable par le renvoi de
l'art. 1 al. 1 LACI) et le délai de trente jours (art. 60 al. 1 et 38 al. 4 let. b LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]) prévus par la loi, le recours est recevable.
2. Le litige porte sur le droit de la recourante à l’indemnité de chômage à la suite de sa perte d’emploi auprès de la société à responsabilité limitée dont son conjoint est l’associé-gérant avec signature individuelle.
3.
3.1 En vertu de l’art. 8 al. 1 LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il est sans emploi ou partiellement sans emploi (let. a), s’il a subi une perte de travail à prendre en considération (let. b), s’il est domicilié en Suisse (let. c), s’il a achevé sa scolarité obligatoire, qu’il n’a pas encore atteint l’âge donnant droit à une rente AVS et ne touche pas de rente de vieillesse de l’AVS (let. d), s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (let. e), s’il est apte au placement (let. f) et s’il satisfait aux exigences du contrôle (let. g).
Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 218 consid. 2).
3.2 Aux termes de l'art. 10 LACI, est réputé sans emploi celui qui n’est pas partie à un rapport de travail et qui cherche à exercer une activité à plein temps (al. 1). Est réputé partiellement sans emploi celui qui n'est pas partie à un rapport de travail et cherche à n’exercer qu’une activité à temps partiel, ou occupe un emploi à temps partiel et cherche à le remplacer par une activité à plein temps ou à le compléter par une autre activité à temps partiel (al. 2). Seul celui qui cherche du travail qui est inscrit aux fins d'être placé est réputé sans emploi ou partiellement sans emploi (al. 3).
3.3 Selon l'art. 31 al. 3 LACI, n'ont pas droit à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail : les travailleurs dont la réduction de l’horaire de travail ne peut être déterminée ou dont l’horaire de travail n’est pas suffisamment contrôlable (let. a) ; le conjoint de l’employeur, occupé dans l’entreprise de celui-ci (let. b) ; les personnes qui fixent les décisions que prend l'employeur - ou peuvent les influencer considérablement - en qualité d'associé, de membre d'un organe dirigeant de l'entreprise ou encore de détenteur d'une participation financière de l'entreprise ; il en va de même des conjoints de ces personnes, qui sont occupés dans l’entreprise (let. c LACI).
Le Tribunal fédéral a jugé que les exclusions de l'art. 31 al. 3 LACI s'appliquent par analogie à l'octroi de l'indemnité de chômage (ATF 123 V 234 consid. 7b). Un travailleur qui jouit d'une situation professionnelle comparable à celle d'un employeur n'a pas droit à l'indemnité de chômage lorsque, bien que licencié formellement par une entreprise, il continue de fixer les décisions de l'employeur ou à influencer celles-ci de manière déterminante. Le Tribunal fédéral a identifié un risque de contournement de la clause d'exclusion de l'art. 31 al. 3 let. c LACI lorsque dans un contexte économique difficile, ces personnes procèdent à leur propre licenciement et revendiquent l'indemnité de chômage tout en conservant leurs liens avec l'entreprise. Dans une telle configuration, en effet, il est toujours possible pour elles de se faire réengager dans l'entreprise ultérieurement et d'en reprendre les activités dans le cadre de son but social. Ce n'est pas l'abus avéré comme tel que la loi et la jurisprudence entendent sanctionner, mais le risque d'abus que représente le versement d'indemnités à un travailleur jouissant d'une situation comparable à celle d'un employeur ; il suffit qu'une continuité des activités soit possible pour que le droit doive être nié en raison d'un risque de contournement de la loi (arrêt du Tribunal fédéral 8C_384/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3.1).
Bien que cette jurisprudence puisse paraître très sévère, il y a lieu de garder à l'esprit que l'assurance-chômage n'a pas pour vocation à indemniser la perte ou les fluctuations de gain liées à une activité indépendante mais uniquement la perte de travail, déterminable et contrôlable, du travailleur ayant un simple statut de salarié qui, à la différence de celui occupant une position décisionnelle, n'a pas le pouvoir d'influencer la perte de travail qu'il subit et pour laquelle il demande l'indemnité de chômage (arrêt du Tribunal fédéral 8C_574/2017 du 4 septembre 2018
consid. 5.1).
Lorsque l'administration statue pour la première fois sur le droit à l'indemnité d'un chômeur, elle émet un pronostic quant à la réalisation des conditions prévues par l'art. 8 LACI. Aussi longtemps qu'une personne occupant une fonction dirigeante maintient des liens avec sa société, non seulement la perte de travail qu'elle subit est incontrôlable mais la possibilité subsiste qu'elle décide d'en poursuivre le but social. Dans un tel cas de figure, il est donc impossible de déterminer si les conditions légales sont réunies sauf à procéder à un examen a posteriori de l'ensemble de la situation de l'intéressé, ce qui est contraire au principe selon lequel cet examen a lieu au moment où il est statué sur les droits de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral C 163/04 du 29 août 2005 consid.2.2 et les références).
3.4 La situation est en revanche différente quand le salarié, se trouvant dans une position assimilable à celle de l'employeur, quitte définitivement l'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci ; en pareil cas, on ne saurait parler d'un comportement visant à éluder la loi. Il en va de même lorsque l'entreprise continue d'exister mais que le salarié, par suite de la résiliation de son contrat, rompt définitivement tout lien avec la société. Dans un cas comme dans l'autre, l'intéressé peut en principe prétendre à des indemnités de chômage (ATF 123 V 234 consid. 7b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_448/2018 du 30 septembre 2019 consid. 3).
Lorsqu'il s'agit de déterminer quelle est la possibilité effective d'un dirigeant d'influencer le processus de décision de l'entreprise, il convient de prendre en compte les rapports internes existant dans l'entreprise. On établira l'étendue du pouvoir de décision en fonction des circonstances concrètes. La seule exception à ce principe concerne les membres des conseils d'administration car ils disposent ex lege (art. 716 à 716b CO) d'un pouvoir déterminant au sens de l'art. 31 al. 3
let. c LACI. Pour les membres du conseil d'administration, le droit aux prestations peut dès lors être exclu sans qu'il soit nécessaire de déterminer plus concrètement les responsabilités qu'ils exercent au sein de la société (ATF 122 V 270 consid. 3). Il en va de même, dans une société à responsabilité limitée, des associés, respectivement des associés-gérants lorsqu'il en a été désigné, lesquels occupent collectivement une position comparable à celle du conseil d'administration d'une société anonyme (arrêt du Tribunal fédéral 8C_515/2007 du 8 avril 2008
consid. 2.2 et les références).
Le Tribunal fédéral a également étendu ce principe aux membres de la direction d'une association. L'art. 69 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC -RS 210) dispose en effet que la direction a le droit et le devoir de gérer les affaires de l'association et de la représenter en conformité des statuts. En vertu de cette disposition, la direction assume la gestion des affaires de l'association, dans la mesure où un autre organe, comme l'assemblée générale (cf. art. 65 al. 1 CC), n'en a pas la compétence. À ce titre, la direction de l'association occupe donc une position comparable à celle du conseil d'administration d'une société anonyme (art. 716 à 716b CO), en ce sens que les membres de la direction disposent ex lege du pouvoir de fixer les décisions que l'association est amenée à prendre comme employeur ou, à tout le moins, de les influencer considérablement au sens de l'art. 31 al. 3 let. c LACI. Aussi, leur droit à l'indemnité de chômage peut-il être exclu sans qu'il soit nécessaire de déterminer plus concrètement les responsabilités qu'ils exercent au sein de l'association (arrêt du Tribunal fédéral 8C_515/2007 du 8 avril 2008 consid. 3.2 et la référence ; voir également l'arrêt du Tribunal fédéral 8C_537/2019 du 22 octobre 2020 consid. 3.3.3 et 6.2).
Lorsque le salarié est membre d'un conseil d'administration ou associé d'une société à responsabilité limitée, l'inscription au registre du commerce constitue en règle générale le critère de délimitation décisif. La radiation de l'inscription permet d'admettre sans équivoque que l'assuré a quitté la société. Autrement, en effet, la possibilité demeure que celui-ci réactive l'entreprise et se fasse réengager (arrêt du Tribunal fédéral 8C_1016/2012 du 19 août 2013 consid. 4.3).
3.5 Le conjoint de la personne qui occupe, dans une entreprise, une position assimilable à celle d'un employeur, n'a pas non plus droit à l'indemnité de chômage lorsque, bien que licencié par ladite entreprise, il conserve des liens avec celle-ci au travers de sa situation de conjoint d'un dirigeant de l'entreprise. Pour que le motif d'exclusion s'applique, il faut, par analogie avec les situations visées à l'art. 31 al. 3 let. c LACI, que le conjoint licencié ait été employé par l'entreprise précitée, à savoir celle dirigée par son conjoint. La possibilité facilitée de réengager le conjoint licencié fait apparaître son chômage comme une réduction de l'horaire de travail potentielle. Il se justifie par conséquent d'appliquer à cette situation de chômage les mêmes règles restrictives qu'en cas de réduction de l'horaire de travail (Boris RUBIN, Droit à l'indemnité de chômage des personnes occupant une position assimilable à celle d'un employeur, in DTA 2013 1, p. 6). Selon la jurisprudence, il est justifié de refuser le droit à l'indemnité de chômage au conjoint concerné jusqu'au prononcé du divorce, indépendamment du point de savoir si et depuis combien de temps les conjoints vivent séparés de fait ou de droit ou si des mesures de protection de l'union conjugale ont été ordonnées par un juge, au vu du risque d'abus, eu égard à leurs intérêts économiques (ATF 142 V 263 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_574/2017 du 4 septembre 2018 consid. 5.2). Cette jurisprudence n'est pas limitée à des sociétés de capitaux mais s'applique aussi aux associations, peu importe qu'elles poursuivent une activité à but non lucratif ou commerciale, ainsi qu’aux entreprises individuelles (arrêt du Tribunal fédéral 8C_102/2018 du 21 mars 2018 consid. 6.1 ; Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 27 ad art. 10 et les références citées).
En cas de continuation du mariage, le droit à une indemnité de chômage ne peut pas prendre naissance, en raison d'un risque de contournement de la loi, même lorsque la volonté de divorcer des conjoints vivant séparés depuis longtemps apparaît absolument déterminée (ATF 142 V 263 consid. 5.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_574/2017 du 4 septembre 2018 consid. 5.2).
Après la perte d'une activité salariée exercée pendant au moins six mois dans une entreprise tierce, les assurés ayant le statut de quasi-employeur et leurs conjoints doivent se voir reconnaître le droit à l'indemnité de chômage, même si le statut de quasi-employeur perdure dans la première entreprise (arrêt du Tribunal fédéral 8C_87/2023 du 14 septembre 2023 consid. 2.2 et les références). Lorsqu’une telle durée d’emploi comme salarié sans position dirigeante dans une entreprise tierce a été atteinte, il faut admettre que le rapport de travail ouvrant le droit au chômage n'était pas destiné à masquer une réduction de l’horaire de travail (Boris RUBIN, op. cit., 2014, n. 35 ad art. 10). La directive LACI IC du Secrétariat d'État à l'économie (SECO) prévoit en outre que le droit à l'indemnité de chômage existe aussi lorsque la personne qui a quitté l'entreprise, que son conjoint continue de diriger, a acquis une période minimale de cotisation de douze mois hors de celle‑ci (ch. B31, état au 1er janvier 2024).
4.
4.1 En l’espèce, la recourante est d’avis que la date de la rupture de ses liens avec l’entreprise de son conjoint devrait coïncider avec la date de sa démission, et non avec celle de son divorce à venir, comme l’a retenu l’intimée. À l’appui de ce grief, la recourante fait valoir que sa démission a été causée par la relation toxique qu’elle entretenait avec son époux, comme en témoignent les différents rapports médicaux qu’elle a annexés à ses écritures. En vue de s’affranchir de l’emprise de son conjoint, la recourante a également introduit une requête unilatérale en divorce. Elle soutient ainsi avoir perdu sa qualité de conjointe de l’employeur dès sa démission.
La recourante indique également, en se référant à plusieurs jurisprudences, que le droit à l’indemnité de chômage a été reconnu à des assurés liés par un lien conjugal ou de proche parenté à leur ancien employeur. Selon elle, la négation du droit à l’indemnité de chômage du conjoint d’un employeur jusqu’au jugement de divorce n’est pas une règle absolue lorsque l’examen des circonstances concrètes du cas d’espèce permet d’écarter tout abus potentiel.
4.2 L’intimée estime quant à elle que la recourante est la conjointe de son ancien employeur et qu’elle n’a pas accompli une période minimale de cotisation de six mois après son départ de l’entreprise de son conjoint, ni cotisé durant douze mois hors de l’entreprise conjugale. D’après elle, les circonstances particulières du cas d’espèce ne peuvent pas permettre à la recourante d’être exemptée de l’application analogique de l’art. 31 al. 3 let. c LACI, compte tenu de la jurisprudence du Tribunal fédéral en la matière.
4.3 En l’occurrence, il est établi que la recourante a été employée en qualité de secrétaire par la société C______ du mois de décembre 2004 au 30 avril 2024.
L’intimée ne prétend pas que la recourante occupait une position assimilable à celle d’un employeur au sein de la société de son époux et ne lui a d’ailleurs pas dénié le droit à l’indemnité de chômage pour cette raison-là.
En effet, l’intimée considère que la recourante ne peut pas être mise au bénéfice de l’indemnité de chômage en raison de sa qualité de conjointe de son ancien employeur, par application analogique de l’art. 31 al .3 let. c LACI.
À cet égard, il ressort du dossier de la cause que la recourante a été employée, durant son délai-cadre de cotisation, par une société à responsabilité limitée dont l’un des deux associés-gérants avec signature individuelle est son époux.
Bien que la recourante ait démissionné avec effet au 30 avril 2024, elle conserve des liens avec la société de son époux en raison de sa qualité de conjointe d’une personne disposant ex lege d’une influence prépondérante sur la société.
Dans la mesure où la société de son conjoint poursuit son activité et que celui-ci y détient toujours la place d’associé-gérant, la recourante conserve la possibilité théorique d’y être réengagée.
Partant, l’intimée a retenu à raison qu’elle revêtait la qualité de conjointe de son ancien employeur et que l’art. 31 al. 3 let. c LACI devait lui être appliqué par analogie.
4.4 Il convient encore de déterminer si, comme le soutient la recourante, les circonstances dans lesquelles sa démission est intervenue justifient que
l’art. 31 al. 3 let. c LACI ne lui soit pas appliqué.
La recourante invoque deux arrêts de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal fribourgeois, dans lesquels celle-ci aurait accordé l’indemnité de chômage à des assurés liés à leur ancien employeur par un lien conjugal ou de proche parenté (arrêts de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal fribourgeois 605 2019 300 du 27 août 2020 ; 605 2019 241 du 16 juillet 2020).
Dans ces deux situations dont la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal fribourgeois a eu à connaître, l’assurance-chômage avait considéré qu’un risque d’abus existait compte tenu du lien familial qui liait l’assuré à son ancien employeur. La Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal fribourgeois a toutefois estimé que l’assurance-chômage n’avait pas procédé à un examen des circonstances concrètes permettant de retenir que l’assuré avait conservé un pouvoir d’influence sur son ancien employeur, de sorte que le droit à l’indemnité de chômage ne pouvait pas leur être refusé pour ce motif (TC FR 605 2019 300,
consid. 4.2.2 à 4.2.4 ; TC FR 605 2019 241, consid. 4.3 et 4.4).
Contrairement à ce qu’indique la recourante, les deux arrêts précités ne concernent pas une situation dans laquelle le lien familial unissant l’assuré à l’ancien employeur était de nature conjugale.
Dans le premier cas, le père et la sœur de l’assuré occupaient une position assimilable à celle d’un employeur au sein de la société qui l’avait employé, tandis que dans le second, l’assuré était le fils de son ancien employeur (TC FR 605 2019 300, consid. A ; TC FR 605 2019 241, consid. A)
Les situations visées par les deux arrêts susmentionnés diffèrent ainsi sensiblement du cas d’espèce, dès lors que la recourante est la conjointe de son ancien employeur.
À cet égard, le Tribunal fédéral a récemment précisé que l’art. 31 al. 3 let. c LACI, dans la mesure où il ne fait aucune mention de la parenté de l’employeur en dehors de son conjoint, ne constitue pas une base légale suffisante permettant de dénier automatiquement le droit à l’indemnité de chômage à d’autres membres de sa famille (arrêt du Tribunal fédéral 8C_230/2024 du 21 octobre 2024
consid. 6.3.3).
Par conséquent, c’est à bon droit que la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal fribourgeois a reproché à l’assurance-chômage de ne pas avoir tenu compte des circonstances concrètes afin de déterminer si des assurés, qui n’étaient pas les conjoints de leurs anciens employeurs, exerçaient encore une influence sur ces derniers.
A contrario, la jurisprudence constante du Tribunal fédéral se montre beaucoup plus restrictive vis-à-vis d’un assuré conjoint de son ancien employeur et lui refuse le droit à l’indemnité de chômage jusqu’au prononcé du divorce, indépendamment du point de savoir si et depuis combien de temps les conjoints vivent séparés de fait ou de droit ou si des mesures de protection de l'union conjugale ont été ordonnées par un juge, au vu du risque d'abus, eu égard à leurs intérêts économiques (ATF 142 V 263 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_574/2017 du 4 septembre 2018 consid. 5.2).
La recourante, qui est la conjointe de son ancien employeur, ne peut donc pas se prévaloir des jurisprudences cantonales fribourgeoises susmentionnées pour en déduire qu’un droit à l’indemnité de chômage devrait lui être reconnu.
4.5 La recourante fait encore valoir que les circonstances de fait à la base l’arrêt de principe ATF 142 V 263 ne permettaient pas d’exclure un risque d’abus.
En outre, elle se réfère à l’arrêt ATAS/611/2017 rendu par la chambre de céans en date du 30 juin 2017 pour en conclure que la négation du droit à l’indemnité de chômage du conjoint d’un employeur jusqu’au jugement de divorce ne constitue pas une règle absolue, notamment lorsque l’examen des circonstances concrètes permet d’écarter tout potentiel abus.
Dans l’arrêt de principe ATF 142 V 263, le Tribunal fédéral a estimé, comme il l’a été rappelé ci-avant, qu’il est justifié de refuser le droit à l'indemnité de chômage à l’assuré conjoint de son ancien employeur jusqu'au prononcé du divorce, indépendamment du point de savoir si et depuis combien de temps les conjoints vivent séparés de fait ou de droit ou si des mesures de protection de l'union conjugale ont été ordonnées par un juge, au vu du risque d'abus, eu égard à leurs intérêts économiques.
Quant à l’ATAS/611/2017, la chambre de céans avait reconnu, dans cet arrêt, le droit de l’assurée à l’indemnité de chômage alors que son époux occupait encore une position assimilable à celle d’un employeur au sein de la société qui l’employait précédemment, en tenant compte des circonstances tout à fait particulières du cas d’espèce. L’époux de l’assurée avait en effet été incarcéré en raison des violences qu’il avait perpétrées à son encontre et celle-ci avait dû se réfugier, avec ses enfants, dans plusieurs structures d’accueil. Dans ce contexte, une interdiction d’approcher l’assurée et leurs enfants avait été prononcée à l’encontre de son époux, de sorte que la chambre de céans avait estimé qu’à compter de l’incarcération de l’époux de l’assurée, le droit de cette dernière à l’indemnité de chômage ne pouvait pas être nié en raison de sa qualité de conjointe de son ancien employeur (ATAS/611/2017 consid. 14).
La recourante perd toutefois de vue que le Tribunal fédéral, saisi d’un recours à l’encontre de l’arrêt précité, a estimé que la portée de l’ATF 142 V 263 ne saurait être restreinte à la situation spécifique qui en était à l’origine. La probabilité d’une reprise de la vie commune des époux ne constituait pas un élément déterminant, de sorte qu’il n’y avait pas lieu d’examiner la possibilité d’une réconciliation, malgré les circonstances exceptionnelles que constituaient la mesure d’éloignement et la détention de l’époux de l’assurée. Le Tribunal fédéral a ainsi admis le recours de la caisse sur ce point (arrêt du Tribunal fédéral 8C_574/2017 du 4 septembre 2018 consid. 5.2).
Compte tenu de ce qui précède, la recourante ne peut pas se voir reconnaître le droit à l’indemnité de chômage tant que son divorce n’est pas prononcé, ce malgré les faits qu’elle relate en vue d’expliquer que ses liens avec son époux et sa société de son ancien employeur sont irrémédiablement rompus.
Pour le surplus, la recourante ne prétend pas avoir accompli une période minimale de cotisation de six mois après son départ de l’entreprise de son conjoint, ni cotisé durant douze mois hors de l’entreprise conjugale, de sorte que l’art. 31 al. 3 let. c LACI lui est applicable par analogie.
Par conséquent, c’est à bon droit que l’intimée a nié le droit à l’indemnité de chômage de la recourante dans la décision litigieuse.
5. Le recours sera donc rejeté.
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Dit que la procédure est gratuite.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le