Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/330/2024

ATAS/37/2025 du 22.01.2025 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/330/2024 ATAS/37/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 janvier 2025

Chambre 4

 

 

En la cause

A______

représenté par Me Robert ASSAËL, avocat

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né le ______ 1988 au Kosovo, est arrivé en Suisse le 28 mars 2013, au bénéfice d'un livret F. L'Hospice général lui accorde une aide financière depuis le 17 avril 2013.

b. Le 13 novembre 2013, l'assuré a été victime d'un accident de la voie publique.

B. a. Le 5 décembre 2016, il a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI).

b. L'OAI a instruit le cas sur le plan médical. Par avis du 4 septembre 2017, son service médical régional (SMR) a retenu, à titre d'atteinte à la santé, un traumatisme crânio-cérébral sévère sur accident de la voie publique à haute cinétique ayant entraîné des troubles exécutifs mnésiques et attentionnels, des douleurs chroniques (occipitales, épaule, genoux et colonne vertébrale), ainsi qu'un syndrome de stress post-traumatique sévère. Le SMR a conclu à une totale incapacité de travail dans toute activité depuis le 13 novembre 2013.

c. Par décision du 21 août 2018, l'OAI a reconnu l'assuré invalide à 100% à compter du 1er novembre 2014, à l'échéance du délai d'attente d'une année, mais lui a refusé le droit au versement d'une rente ordinaire ou extraordinaire, faute de remplir les conditions d'assurance.

d. Par arrêt du 30 janvier 2019 (ATAS/75/2019), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans) a déclaré irrecevable le recours contre ladite décision pour cause de tardiveté.

L'assuré n'a pas contesté cet arrêt.

e. Le 11 juillet 2019, l'OAI n'est pas entré en matière sur une demande de reconsidération de la décision du 21 août 2018.

C. a. Le 12 avril 2023, l'assuré a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l'OAI, en invoquant une incapacité de travail totale depuis le 13 novembre 2013.

b. Par avis du 8 août 2023, le SMR, sur la base des nouvelles pièces médicales au dossier, a estimé que l'incapacité de travail de l'assuré demeurait totale dans toute activité, sans nouvelle atteinte incapacitante sur le long terme.

c. Dans un projet de décision du 31 août 2023, l'OAI a annoncé à l'assuré qu'il entendait rejeter la demande de prestations, au motif que son état de santé ne s'était pas modifié de manière à influencer le droit aux prestations depuis la dernière décision. Par ailleurs, des mesures d'ordre professionnel n'étaient pas indiquées.

d. Par décision du 11 octobre 2023, l'OAI a rejeté la demande de prestations.

e. Le 12 octobre 2023, l'OAI a annulé cette décision et a accepté une prolongation du délai « d'opposition ».

f. Le 27 octobre 2023, l'assuré a contesté le projet de décision.

g. Par décision du 12 décembre 2023, l'OAI a rejeté la demande de prestations, les éléments apportés ne permettant pas de changer son appréciation.

D. a. Par acte du 29 janvier 2024, l'assuré, représenté par son avocat, a déféré cette décision auprès de la chambre de céans, en concluant, sous suite de dépens, à son annulation et à l'octroi d'une rente d'invalidité dès le 1er novembre 2014.

Il a allégué que depuis le 28 mars 2013, il résidait de manière ininterrompue en Suisse, au bénéfice d'un permis F. Le 2 mai 2018, il s'était affilié à l'assurance-vieillesse et survivants (AVS) auprès de la caisse genevoise de compensation (ci-après : la caisse) en qualité de personne sans activité lucrative. Il s'était acquitté rétroactivement des cotisations annuelles du 1er mars 2013 au 2 mai 2018, et payait, chaque année, ses cotisations à l'AVS.

Depuis l'accident du 13 novembre 2013, il était atteint dans sa santé tant physique que psychique. L'atteinte la plus grave, d'ordre psychique, avait évolué drastiquement dès le mois de septembre 2019 en raison de l'augmentation importante du traitement médicamenteux. Dans la mesure où il ne travaillait pas au moment de l'accident, il avait un statut ménager. Il en a inféré que son invalidité était survenue au mois de septembre 2019 seulement, au moment où il avait perdu toute capacité à effectuer les travaux habituels consécutivement à l'aggravation de ses affections psychiques. À ce moment, il remplissait les conditions d'assurance et avait en conséquence le droit à une rente ordinaire.

Le recourant a considéré que, de toute manière, il pouvait prétendre une rente extraordinaire sur la base de l'art. 17 al. 1 de la Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la République du Kosovo du 8 juin 2018 entrée en vigueur le 1er septembre 2019 (ci-après : la Convention de sécurité sociale ; RS 0.831.109.475.1), puisque lors du dépôt de sa demande du 12 avril 2023, il résidait en Suisse de manière ininterrompue depuis cinq ans au moins.

Le recourant a produit en particulier :

-          la décision de la caisse du 2 mai 2018 l'affiliant à l'AVS en qualité de personne sans activité lucrative à partir du 1er mars 2013 ;

-          les décisions de cotisations personnelles pour personne sans activité lucrative pour les années 2013 à 2017.

b. Par réponse du 28 février 2024, l'intimé a conclu au rejet du recours.

Il a fait valoir que, dans le cadre de la nouvelle demande de prestations, la situation médicale du recourant demeurait comparable aux suites de l'accident, hormis une intervention sur varicocèle non incapacitante sur le long terme. Les atteintes présentes étaient liées à cet accident et avaient fait l'objet d'une décision entrée en force en 2018, lui refusant le droit aux prestations, à défaut de réunir les conditions d'assurance. La survenance des atteintes incapacitantes au sens de l'assurance-invalidité ne subissant pas de modification, le recourant ne remplissait pas les conditions d'assurance pour se voir accorder des prestations sous forme de rente.

c. Par réplique du 10 mai 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Il a argué que l'intimé ne tenait pas compte de la Convention de sécurité sociale qui prévoyait l'octroi d'une rente extraordinaire, conditionnée uniquement à une résidence de cinq ans. À l'appui de son argument, le recourant s'est référé au considérant 5.2 (en partie) de l'ATAS/936/2023 du 23 novembre 2023.

d. Par duplique du 30 mai 2024, l'intimé a maintenu sa position.

Il a exposé que le recourant devait remplir toutes les conditions pour l'octroi de la rente extraordinaire, identiques pour les citoyens suisses, à savoir le domicile et la résidence habituelle en Suisse mais également le même nombre d'années d'assurance que la classe d'âge. Cette dernière condition n'était pas donnée, dès lors que le recourant était arrivé en Suisse le 28 mars 2013 et qu'il avait cotisé pour la première fois lorsqu'il était âgé de 25 ans.

L'intimé a ajouté que la citation complète du considérant 5.2 précité ne permettait pas de suivre l'interprétation qu'en faisait le recourant.

e. Par écriture du 26 juin 2024, le recourant a indiqué que la Convention de sécurité sociale ne posait pas de condition supplémentaire autre que la résidence ininterrompue de cinq ans. Il a déduit de l'interprétation littérale de l'art. 17 al. 1 de ladite convention que les ressortissants kosovars auraient le même type de prestation que les ressortissants suisses. Cette solution était renforcée par une interprétation historique et téléologique. Le Message du Conseil fédéral du 30 novembre 2018 relatif à cette convention ne mentionnait aucune autre condition, l'objectif visé étant l'accès facilité des ressortissants kosovars à une rente extraordinaire.

Le recourant a joint un extrait de compte de ses cotisations personnelles du 14 juin 2024.

f. Par écriture du 29 juillet 2024, l'intimé a souligné que la position du recourant, selon laquelle les assurés étrangers bénéficieraient de conditions d'octroi plus simples que les assurés suisses, ne correspondait pas à la législation en vigueur. Par ailleurs, aucune aggravation de l'état de santé du recourant ne pouvait être retenue depuis la précédente demande de prestations.

g. Par écriture du 29 août 2024, le recourant a contesté le point de vue de l'intimé qui n'était appuyé par aucune jurisprudence ou doctrine.

h. Copie de cette écriture a été transmise à l'intimé pour information.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA, applicable par le renvoi de l'art. 1 al. 1 LAI) et le délai de trente jours (art. 60 LPGA, en particulier les 38 al. 4 let. c et al. 3 LPGA) prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d'invalidité.

3.              

3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

3.1.1 En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

3.1.2 En l’occurrence, comme on le verra plus loin, le droit éventuel à une rente d’invalidité naîtrait en novembre 2014, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

3.2  

3.2.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI).

La notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I.654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

3.2.2 Lorsque la première décision de refus est fondée sur le fait que l'assuré ne satisfaisait pas aux conditions d'assurance au moment de la survenance de l'invalidité (cf. art. 6 et 36 LAI), il ne peut prétendre à une rente de l'assurance-invalidité qu'en relation avec un nouveau cas d'assurance, à savoir la survenance d'une atteinte à la santé totalement différente de celle qui prévalait au moment du premier refus et propre, par sa nature et sa gravité, à causer une incapacité de travail de 40% au moins en moyenne sur une année (ATF 136 V 369 consid. 3.1). Le principe de l'unicité de la survenance de l'invalidité cesse d'être applicable lorsque l'invalidité subit des interruptions notables ou que l'évolution de l'état de santé ne permet plus d'admettre l'existence d'un lien de fait et de temps entre les diverses phases, qui en deviennent autant de cas nouveaux de survenance de l'invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_472/2016 du 29 novembre 2016 consid. 5.2).

Une aggravation de l'état de santé ne justifie pas en principe un nouveau cas d'assurance (arrêts du Tribunal fédéral 9C_592/2015 du 2 mai 2015 consid. 3.2 et 9C_692/2018 du 19 décembre 2018 consid. 4.2.2).

Par ailleurs, il n'y a pas d'interruption notable de l'invalidité justifiant un nouveau cas d'assurance lorsque la personne concernée présente une invalidité (partielle) qui, même si elle varie dans le temps, ne disparaît pas entièrement pendant une période donnée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_692/2018 du 19 décembre 2018 consid. 4.2.3).

3.2.3 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

3.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération (ATF 144 V 427 consid. 3.2 ; 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

4.              

4.1 En l'espèce, par décision du 21 août 2018, entrée en force, l'intimé a nié au recourant, qui présentait des troubles somatiques et psychiques totalement incapacitants, le droit à une rente d'invalidité ordinaire au motif qu'il ne satisfaisait pas aux conditions d'assurance, faute de cotisations au moment de la survenance de l'invalidité en novembre 2014. Le droit à une rente extraordinaire lui a également été refusé, au motif que le recourant ne présentait pas le même nombre d'années d'assurance que les personnes de sa classe d'âge.

Il s'ensuit que, dans le cadre de la nouvelle demande de prestations du 12 avril 2023, le recourant ne peut prétendre une rente d'invalidité que si l'on peut admettre un nouveau cas d'assurance.

Il convient de rappeler que, à l'époque de la première demande de prestations, par avis du 4 septembre 2017, sur la base duquel la décision du 21 août 2018 a été rendue, le SMR avait retenu que le recourant présentait de multiples séquelles consécutives à un traumatisme crânio-cérébral sévère sur accident de la voie publique à haute cinétique le 13 novembre 2013 dont, sur le plan somatique, des troubles exécutifs, mnésiques et attentionnels, des douleurs chroniques (occipitales, épaule, genoux et colonne vertébrale), et sur le plan psychiatrique, un syndrome de stress post-traumatique sévère. Le SMR en avait conclu que la capacité de travail du recourant était nulle dans toute activité depuis le 13 novembre 2013, tout en relevant qu'il ne fallait pas s'attendre à une amélioration.

À l'appui de cette appréciation, il ressortait notamment du rapport des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) du 28 avril 2017 (dossier AI p. 48) que les principales séquelles présentées par le recourant étaient les troubles mnésiques et langagiers accompagnés d'un déficit attentionnel à mettre dans le contexte post-traumatique crânio-cérébral, un syndrome douloureux complexe post-traumatique et une atteinte des voies visuo-oculomotrices centrales avec vertiges résiduels. En particulier, le recourant présentait des douleurs prédominantes au niveau de l'épaule droite, des céphalées chroniques, des gonalgies droites, des vertiges avec instabilité pour lesquels un bilan otoneurologique complet mettait en évidence une atteinte des voies visuo-occulo-motrices centrales avec une faible participation d'un déficit vestibulaire bilatérale très partiel, une obstruction nasale chronique avec déviation septale ayant nécessité une prise en charge chirurgicale, et en parallèle, un syndrome de stress post-traumatique.

Dans un rapport du 15 juillet 2017 (p. 75), les HUG indiquaient que la capacité de travail du recourant était inexistante.

Dans le cadre de la nouvelle demande de prestations du 12 avril 2023, objet de la présente procédure, par avis du 8 août 2023, le SMR a retenu que l'état de santé du recourant ne s'était pas modifié depuis le précédant avis. L'incapacité de travail demeurait totale dans toute activité, sans nouvelle atteinte incapacitante sur le long terme.

Pour parvenir à cette conclusion, le SMR observait que dans les rapports des 27 mars et 4 mai 2023, les atteintes mentionnées par les HUG étaient superposables à celles annoncées en post-traumatique, soit des troubles mnésiques et attentionnels, et un syndrome de douleurs complexes chroniques, notamment des céphalées, des vertiges, et une obstruction nasale chronique. Les HUG relevaient, sur le plan urologique, une orchi-épididymite en 2016 et une opération d'une varicocèle gauche en 2020 (présence de douleurs séquellaires sur sensibilisation centrale dans le contexte du syndrome douloureux chronique), sur le plan orthopédique, une chondropathie rotulienne droite, une bursite de l'épaule droite, des dorsalgies et une déformation de l'hémithorax droite, sur le plan psychiatrique, le recourant présentait à la suite de l'accident un PTSD (trouble du stress post-traumatique) persistant, avec une probable modification durable de la personnalité dans le cadre du PTSD avec des traits paranoïaques.

Le SMR indiquait que, dans un rapport du 30 mars 2023, l'orthopédiste traitant faisait état de douleurs de l'épaule droite, du dos et de lombosciatalgies droites dans le contexte d'une bascule du bassin, et de gonalgies droites. Le 25 avril 2023, ce médecin rapportait que le recourant ne présentait aucun changement dans l'évolution de son état de santé depuis l'accident.

Le SMR ajoutait que, dans un rapport du 5 mai 2023, la neurologue traitante déclarait que l'évolution était stationnaire dans l'ensemble. Les céphalées occipitales demeuraient inchangées, tout comme la survenue épisodique de vertiges. Les séquelles cognitives et neurocomportementales, auxquelles s'ajoutaient l'ESPT (état de stress post-traumatique) et un syndrome douloureux chronique empêchaient la reprise de toute activité professionnelle.

Sur cette base, le SMR concluait à l'absence d'amélioration des troubles neuropsychologiques, psychiatriques et du syndrome douloureux chronique. Les vertiges et l'obstruction nasale étaient consécutives à l'accident. La seule nouvelle atteinte concernait l'opération de varicocèle, qui n'était pas incapacitante sur le long terme.

Au vu de ce qui précède, force est de constater que la symptomatologie présentée par le recourant à l'appui de la nouvelle demande de prestations existait déjà au moment où la première décision du 21 août 2018 avait été rendue. Le recourant ne conteste du reste pas que ses séquelles neurologiques, oto-rhino-laryngologiques, orthopédiques, de même que son PTSD, sont liées à l'accident, étant précisé que la probable modification durable de la personnalité avec des traits paranoïaques est en lien avec le PTSD, de sorte qu'il existe une connexité factuelle entre ces deux dernières atteintes. Par ailleurs, aucune interruption de l'incapacité de travail n'a été attestée, qui est demeurée totale depuis le 13 novembre 2013. Quant aux douleurs chroniques sur le plan urologique, il ressort du rapport des HUG du 4 mai 2023 que leur origine restait indéterminée mais que les spécialistes de la douleur chronique retenaient une composante de sensibilisation centrale (au niveau du système nerveux central) dans le cadre des douleurs chroniques post-traumatiques déjà préexistantes. Dans ces circonstances, on n'est pas en présence d'un nouveau cas d'assurance ni sous l'angle somatique ni sous l'angle psychiatrique, étant souligné que l'aggravation, de l'atteinte psychique (initiale), aux dires du recourant, en raison de l'importance de son traitement médicamenteux, ne constitue pas un nouveau cas d'assurance.

Dès lors que la chambre de céans est liée par la décision du 21 août 2018, entrée en force, le statut du recourant (actif ou ménager comme il l'invoque) importe peu. Faute de nouveau cas d’assurance, il y a toujours lieu de retenir que son invalidité était survenue en novembre 2014. En dépit de l'affiliation rétroactive du recourant à l'AVS et du paiement des cotisations avec effet rétroactif au mois de mars 2013, celui-ci ne comptait pas au moins trois années de cotisations lors de la survenance de l’invalidité. Aussi n'a-t-il pas le droit à une rente ordinaire d'invalidité (art. 36 al. 1 LAI).

Par surabondance, aucun rapport au dossier ne remet en cause l'appréciation du SMR selon laquelle l'opération de varicocèle (atteinte urologique) ne constitue pas une atteinte à la santé incapacitante durable. C'est le lieu de rappeler qu'une atteinte à la santé n'est en soi pas décisive pour pouvoir bénéficier des prestations en matière d'assurance-invalidité. Faut-il encore que l'atteinte à la santé ait une répercussion sur la capacité de travail (ou dans l'accomplissement des travaux habituels pour les personnes sans activité rémunérée) et de gain.

4.2 Le recourant, de nationalité kosovare, requiert subsidiairement le versement d'une rente extraordinaire d'invalidité en s'appuyant sur la Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la République du Kosovo, entrée en vigueur le 1er septembre 2019.

4.2.1 Selon son art. 17 al. 1, tout ressortissant kosovar a droit, aux mêmes conditions qu’un ressortissant suisse, à une rente extraordinaire de survivant ou d’invalidité, ou à une rente extraordinaire de vieillesse succédant à une rente extraordinaire de survivant ou d’invalidité, si, immédiatement avant la date à partir de laquelle il demande la rente, il a résidé en Suisse de manière ininterrompue pendant cinq ans au moins.

L'art. 4 al. 1 de cette convention stipule que, à moins qu'elle n’en dispose autrement, les ressortissants de l’un des États contractants, les membres de leur famille et leurs survivants ont, en ce qui concerne l’application des dispositions légales de l’autre État contractant, les mêmes droits et obligations que les ressortissants de cet État, les membres de leur famille et leurs survivants.

4.2.2 La question de savoir si la condition de la résidence ininterrompue en Suisse pendant cinq ans est remplie en l'occurrence peut demeurer ouverte.

En effet, contrairement à ce que prétend le recourant, le texte de l’art. 17 al. 1 de la Convention de sécurité sociale est clair et ne prête pas à interprétation : un ressortissant kosovar a droit à une rente extraordinaire de l'assurance-invalidité « aux mêmes conditions » que les ressortissants suisses si, par ailleurs, la condition de la résidence ininterrompue en Suisse pendant la période de carence prévue est remplie.

En vertu des art. 39 al. 1 LAI et 42 al. 1 1re phrase de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), les ressortissants suisses qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse ont droit à une rente extraordinaire s'ils ont le même nombre d'années d'assurance que les personnes de leur classe d'âge, mais n'ont pas droit à une rente ordinaire parce qu'ils n'ont pas été soumis à l'obligation de verser des cotisations pendant une année entière au moins.

Ainsi, la Suisse garantit l'octroi de la rente extraordinaire aux personnes kosovares domiciliées et résidant habituellement sur son territoire, aux mêmes conditions qu'à ses propres ressortissants. Dans la mesure où une rente extraordinaire serait octroyée à un ressortissant suisse, elle doit également pour éviter une discrimination directe fondée sur la nationalité, être accordée à une personne de nationalité kosovare pouvant se prévaloir du principe d'égalité de traitement, comme si cette personne possédait la nationalité suisse. En revanche, un ressortissant kosovar, qui ne compte pas un nombre d'années d'assurance égal à celui des personnes de sa classe d'âge, ne peut pas prétendre à une rente extraordinaire d'invalidité. Cela, sans subir aucune inégalité de traitement, car un ressortissant suisse se trouvant dans la même situation que lui (lacune d'assurance) ne peut pas non plus prétendre à une rente extraordinaire.

En ce qui concerne la nécessité de présenter le même nombre d’années d’assurance que les personnes de la même classe d’âge, cette exigence ne vise pas toutes les années d'assurance dès la naissance, mais seulement celles pour lesquelles la loi prévoit une obligation générale de cotiser, telles qu'elles sont en principe déterminantes pour le calcul d'une rente ordinaire. Il s'agit donc des années d'assurance accomplies dès le 1er janvier qui suit la date où la personne a eu 20 ans révolus (cf. art. 2 LAI en corrélation avec l'art. 3 al. 1 LAVS dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2023 ici applicable ; ATF 131 V 390 consid. 2.4).

Une personne perd sa qualité d'assurée à l’AVS/AI suisse lorsqu'elle cesse son activité professionnelle en Suisse ou n'y réside plus (art. 1b LAI en corrélation avec les art. 1a et 2 LAVS ; ATAS/944/2018 du 17 octobre 2018 consid. 9a).

En l'espèce, le recourant compte une lacune d’assurance du fait de son non-assujettissement à l’AVS/AI pendant une certaine période de sa vie à compter du 1er janvier suivant la date où il a eu 20 ans révolus, puisqu'il s'est constitué un domicile en Suisse (art. 1a al. 1 let. a LAVS), au plus tôt le 28 mars 2013 lorsqu'il est arrivé dans ce pays, alors qu'il était âgé de 25 ans.

Contrairement à ce que semble croire le recourant, le considérant 5.2 de l'ATAS/936/2023 du 23 novembre 2023, rendu en matière de prestations complémentaires, n'est pas pertinent. En effet, l'art. 5 de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30) intitulé « Conditions supplémentaires pour les étrangers » prévoit des délais de carence (d'attente) avant que soit ouvert le droit aux prestations complémentaires fédérales. Ainsi, selon l'art. 5 LPC, les étrangers n’ont droit à des prestations complémentaires que s’ils séjournent de manière légale en Suisse. Ils doivent y avoir résidé de manière ininterrompue pendant les dix années précédant immédiatement la date à laquelle ils demandent la prestation complémentaire (al. 1). Pour les réfugiés et les apatrides, le délai de carence est de cinq ans (al. 2). Pour les étrangers qui auraient droit à une rente extraordinaire de l’AVS ou de l’AI en vertu d’une convention de sécurité sociale, le délai de carence est de cinq ans s’ils ont droit à une rente de l’AI ou qu’ils y auraient droit s’ils justifiaient de la durée de cotisation minimale requise à l’art. 36 al. 1 LAI (al. 3 let. a, auquel se réfère le considérant 5.2 de l'arrêt précité). L'art. 5 LPC ne pose pas les conditions d'octroi des prestations de l'assurance-invalidité.

Par conséquent, le recourant n'a pas droit à une rente extraordinaire d'invalidité.

5.             Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Le recourant, qui succombe, n'a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).

Il convient de renoncer à la perception d'un émolument, le recourant étant au bénéfice de l'assistance juridique (art. 69 al. 1bis LAI et 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Renonce à percevoir un émolument.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le