Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/1/2025 du 03.01.2025 ( AI )
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/1460/2024 ATAS/1/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Ordonnance d'expertise du 3 janvier 2025 Chambre 10 |
En la cause
A______ représenté par Me Eric MAUGUÉ
| recourant |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né le ______ 1966, marié et père de deux enfants, a travaillé en tant que chauffeur de personnes à mobilité réduite pour la fondation B______ (ci-après : l’employeur) à compter du 26 février 2009.
b. Le 6 janvier 2017, l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève
(ci-après : l'OAI) a réceptionné un formulaire de demande de prestations d'assurance-invalidité (ci-après : AI) pour adultes rempli par l'assuré, indiquant un état anxieux et dépressif, ainsi qu'une hypotension orthostatique depuis 2006, et une incapacité de travail complète entre les 24 juin et 19 octobre 2016 et de 50% dès le 20 octobre 2016.
c. Dans le cadre de l'instruction de cette demande, l'OAI a recueilli plusieurs documents médicaux, faisant notamment état :
- d'une hypotension orthostatique avec épisodes de lipothymie, d'une
lombo-sciatalgie gauche, d'un névrome de Morton au pied gauche (cf. rapport du 25 janvier 2017 de la docteure C______, spécialiste FMH en médecine générale et médecin traitante de l'assuré) ;
- d'un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques (F32.3 ; cf. rapport du 20 mars 2017 du docteur D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie) ;
- d'un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen, en forte rémission (F33.1 ; cf. rapport d'expertise du 28 juin 2017 du docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, à la suite d'une expertise diligentée par l'assurance perte de gain de l'employeur).
d. Le 1er septembre 2017, l'assuré a repris son activité habituelle au taux de 100%.
e. Selon un rapport du 16 avril 2018, le service médical régional de l'OAI
(ci-après : le SMR) a considéré qu'au vu de la bonne évolution du trouble dépressif, l'incapacité de travail de l'assuré était nulle dans l'ancienne activité du 24 juin au 19 octobre 2016 et de 50% à partir du 20 octobre 2016. Dans une activité adaptée, la capacité de travail était complète à partir du 20 octobre 2016, date de la reprise à 50% dans l'ancienne activité.
f. Par décision du 2 juillet 2018, l'OAI a confirmé son projet de décision du 22 mai 2018 et refusé d'accorder une rente d'invalidité à l'assuré au motif que sa perte de gain était nulle. L'assuré n'a pas recouru contre cette décision.
B. a. Le 19 avril 2021, occupé au lavage de son véhicule et alors que le coffre était ouvert, l'assuré a glissé et reçu la portière du coffre sur la nuque, en voulant s'y retenir.
Les suites de l'accident ont été prises en charge par la SUVA caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accident (ci-après : la SUVA).
Par décision du 10 décembre 2021, confirmée sur opposition le 4 mars 2022, la SUVA a cessé de verser ses prestations avec effet au 14 novembre 2021.
Saisie d'un recours contre cette décision, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) l'a rejeté par arrêt du
31 janvier 2023 (ATAS/51/2023).
b. Le 23 novembre 2021, l'OAI a reçu un formulaire de détection précoce rempli par l'employeur, faisant état d'une incapacité de travail complète de l'assuré à compter du 19 avril 2021. L’assuré se plaignait de céphalées et de vertiges rotatoires quotidiens, et de troubles sensitifs plus focaux en distalité de la jambe gauche. Il souffrait également d'une presbyacousie légèrement prédominante à gauche.
c. Le 13 décembre 2021, l'assuré est tombé dans les escaliers. Selon le rapport initial LAA du 4 avril 2022, il a chuté sur le côté, le genou et la cheville gauches, et a subi un choc sur l'épaule gauche, en fin de chute sur un pilier, entraînant des douleurs à ces articulations.
Son activité en tant que chauffeur a été interrompue à la suite de cet événement et la SUVA a pris le cas en charge.
Par décision du 27 septembre 2022, confirmée sur opposition le 24 février 2023, la SUVA a mis fin à ses prestations avec effet au 30 septembre 2022.
À la suite d'un recours interjeté par l'assuré, la chambre de céans a confirmé cette décision par arrêt du 2 avril 2024 (ATAS/227/2024).
C. a. Le 23 décembre 2021, l'assuré a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l'OAI, faisant état de céphalées, de vertiges, de cervicalgies, de lombalgies, de douleurs aux épaules et à la cheville gauche, d'un état anxieux et dépressif, ainsi que d'une incapacité de travail complète depuis le 19 avril 2021.
b. L'OAI a récolté plusieurs documents médicaux, dont :
- une copie du dossier de la SUVA concernant les événements des 19 avril et
13 décembre 2021 ;
- un rapport du 11 janvier 2022 de la docteure F______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, psychiatre traitante de l'assuré, retenant, à titre de diagnostics ayant une répercussion sur la capacité de travail, un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère avec symptômes psychotiques (F33.3) et une personnalité émotionnellement labile, type impulsif (F60.30) ; à titre de diagnostic n'ayant pas de répercussion sur ladite capacité, était retenu un trouble obsessionnel-compulsif, avec comportements compulsifs au premier plan (F42.1) ; les limitations fonctionnelles étaient une humeur dépressive, une labilité émotionnelle, une anxiété importante, une difficulté à gérer le stress et à accepter les contraintes, ainsi qu'une fatigabilité accrue et une grande difficulté à se concentrer ; le pronostic était réservé ;
- un rapport du 27 janvier 2022 de la Dre C______ mentionnant les diagnostics de cervicalgie, de dorso-lombalgie, de céphalées post-traumatiques, de contusions du genou gauche et de l'épaule gauche, d’entorse de la cheville ipsilatérale et d’un état anxieux et dépressif ; le pronostic était réservé ; à cause de la symptomatologie somato-psychique précitée, l'assuré était en incapacité totale de travail depuis son premier accident du 19 avril 2021 ;
- des rapports des 4 et 11 février 2022 du docteur G______, spécialiste FMH en radiologie, à la suite d'une radiographie de la colonne lombaire et de la colonne cervicale, ainsi que d’imageries par résonnance magnétique
(ci-après : IRM) lombo-sacrée, sacro-iliaque, du genou et de la cheville gauches ;
- des rapports du 22 avril 2022 du docteur H______, spécialiste FMH en radiologie, à la suite d'un CT scan cérébral et de radiographies de la colonne cervicale, dorsale et lombaire ;
- des rapports du 15 juin 2022 du docteur I______, spécialiste FMH en radiologie, à la suite d'une radiographie et d'une IRM du pied gauche ;
- un rapport du 7 juillet 2022 du docteur I______, spécialiste FMH en orthopédie et traumatologie de l'appareil moteur ;
- un rapport du 11 juillet 2022 de la Dre F______ retenant un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère avec symptômes psychotiques (F33.3), une personnalité émotionnellement labile, type impulsif (F60.30) et un trouble obsessionnel compulsif, avec comportements compulsifs au premier plan (F42.1) ; au vu de la fragilité de l'état psychique de l'assuré, son incapacité de travail était de 100% ; il présentait une humeur dépressive et changeante, des angoisses, une fatigabilité importante, une anhédonie, des difficultés de concentration et de mémorisation, une incapacité à gérer le stress, ainsi que des difficultés à accepter l'autorité, et à écouter des critiques et se remettre en question ; les plaintes somatiques étaient au premier plan et comprenaient des douleurs dans les jambes, du dos, des cervicales et dans le pied ; l'assuré n'arrivait pas à rester longtemps dans une position ; l'évolution de l'état de santé psychologique était lente et très progressive.
c. Les rapports de travail entre l'assuré et son employeur ont pris fin au 31 mai 2022 (cf. questionnaire du 7 mars 2022 rempli par l'employeur).
d. Dans un avis du 7 septembre 2022, le docteur K______, médecin au SMR, a retenu que l'assuré, connu pour un diabète de type 2, une hypercholestérolémie et une hypotension orthostatique traités, avait présenté une symptomatologie douloureuse persistante avec des céphalées, des cervico-brachialgies, des gonalgies, des douleurs à la cheville et au pied, des lombo-sciatalgie gauches avec Lasègue positif, à la suite de accidents des 19 avril et 13 décembre 2021, associée à des vertiges et des acouphènes connus de longue date pour lesquelles il avait bénéficié d'un traitement antalgique. L'évolution était peu favorable et avait été marquée sur le plan psychiatrique par l'apparition d'une symptomatologie anxio-dépressive dès novembre 2021, traitée par un suivi psychothérapeutique et sur le plan pharmacologique. Il n'était pas en mesure de se prononcer sur la capacité de travail et son évolution, ni d'apprécier la sévérité et la notion de durabilité des limitations fonctionnelles en lien avec les atteintes neurologiques, rhumatologiques et psychiatriques. Une expertise pluridisciplinaire neurologique, rhumatologique et psychiatrique était préconisée.
e. L'OAI a confié un mandat d'expertise au centre d'expertise L______. Dans leur rapport reçu par l'OAI le 5 juin 2023, les docteurs M______, spécialiste FMH en médecine interne générale, N______, spécialiste FMH en neurologie, O______, psychiatre, et P______, rhumatologue, ont diagnostiqué un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen avec syndrome somatique (F33.11), des cervicalgies sans irradiation dans les membres supérieurs sur une discopathie (M54.2), des lombalgies sans irradiation dans les membres inférieurs sur une discopathie (M54.5), des douleurs du genou gauche sur une très légère atteinte dégénérative fémoro-tibial interne (M17), des douleurs du pied gauche sur une très légère atteinte dégénérative du premier orteil gauche (M19.87), des douleurs de la hanche gauche sur une atteinte dégénérative modérée (M16), des apnées du sommeil de degré modéré avec un score d'Epworth pathologique à 12/24 (G47.3), un diabète de type 2 déséquilibré actuellement (E11), un status après un traumatisme crânien (NA0Z) avec une commotion cérébrale (NA07.0) et une possible perte de connaissance le 19 avril 2021, des vertiges ressentis (AB32.0) sans dysfonction vestibulaire possiblement en relation avec une distorsion cervicale, en voie de résolution, et des céphalées après un traumatisme crânien (8A84.Y) de faible prévalence et de faible intensité. Les limitations fonctionnelles comprenaient, sur le plan rhumatologique, l’effort de soulèvement de plus de 5 kg à partir sol, le port de charge proche du corps limité à 10 kg, le porte-à-faux du buste, les positions à genoux ou accroupie, le travail en hauteur, les montées et descentes d'escaliers répétées. Au niveau psychiatrique, une activité adaptée impliquait un travail répétitif, sans prise de décision immédiate, sans traitement d'information simultanée et sans conduite automobile professionnelle. Sur le plan de la médecine interne, les limitations fonctionnelles concernaient la fatigabilité, le travail de chauffeur professionnel et l’endormissement diurne. La capacité de travail était nulle dès juin 2016 dans l'activité habituelle, mais qu’elle était de 50% de juin 2016 à octobre 2017, de 100% d'octobre 2017 à avril 2021, et de 50% à compter du mois d'avril 2021, dans une activité adaptée. L'incapacité de travail actuelle était liée à des atteintes psychiatriques.
f. Par avis du 13 juin 2023, le docteur Q______, médecin du SMR, a retenu, à titre d'atteinte principale, un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen, avec syndrome somatique (F33.11), et comme autres atteintes, des apnées du sommeil de degré modéré, avec un score d'Epworth pathologique à 12/24 (G47.3), des cervicalgies sans irradiation dans les membres supérieurs sur une discopathie (M54.2) et des lombalgies sans irradiation dans les membres inférieurs sur une discopathie (M54.5). La capacité de travail dans l'activité habituelle était nulle depuis avril 2021. Dans une activité adaptée, elle avait été nulle à partir du mois d’avril 2021, puis de 50% dès novembre 2021. Les limitations fonctionnelles concernaient, au E______ psychiatrique, le travail répétitif, la prise de décision immédiate, le traitement d'information simultanée et la conduite automobile professionnelle ; au E______ de la médecine interne, la fatigabilité, le travail de chauffeur professionnel, l’endormissement diurne ; et au E______ rhumatologique, l'effort de soulèvement de plus de 5 kg à partir du sol, le port de charge proche du corps limité à 10 kg, le de porte-à-faux du buste, les positions à genoux ou accroupie, le travail en hauteur, les montées et descentes d'escalier répétées.
Le Dr Q______ a indiqué que le SMR faisait siennes les conclusions des experts sur le plan somatique, mais non celles de l'expert psychiatre. D'une part, ce dernier avait pris en compte la période précédant la décision de refus de rente entrée en force le 2 juillet 2018. D'autre part, ses conclusions ne tenaient pas compte des diagnostics de la psychiatre traitante, qui avait qualifié le trouble dépressif récurrent d'épisode actuel sévère avec symptômes psychotiques et avait retenu une personnalité émotionnellement labil, de type impulsif, et estimé que la capacité de travail était nulle dans son activité habituelle. Le Dr Q______ a conclu à un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen, avec syndrome somatique posé durant l'expertise.
g. Par projet de décision du 4 août 2023, l'OAI a conclu que l'assuré avait droit à une rente s'élevant à 56% d'une rente entière d'invalidité et que des mesures professionnelles n'étaient pas indiquées.
h. Par courrier du 13 septembre 2023, l'assuré, représenté par un avocat, s'est opposé à ce projet, concluant à l'octroi d'une rente d'invalidité entière. Il contestait la valeur probante de l'expertise pluridisciplinaire, en particulier l'expertise psychiatrique. L'incapacité de travail retenue à concurrence de 50% semblait minimisée.
i. Par décision du 15 mars 2024, l'OAI a accordé à l'assuré une rente s'élevant à 56% d'une rente entière d'invalidité du 1er juin 2022 au 31 décembre 2023. Dès le 1er janvier 2024, il avait droit à une rente de 61% d'une rente entière d'invalidité.
D. a. Par acte du 30 avril 2024, l'assuré, représenté par son avocat, a interjeté recours auprès de la chambre de céans à l'encontre de la décision du 15 mars 2024, concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à l'octroi d'une rente entière d'invalidité à compter du 1er juin 2022, avec intérêts moratoires à 5% l'an sur les arriérés dès le 24ème mois suivant l'exigibilité. Préalablement, il sollicitait la production de l'intégralité de son dossier, l'audition des parties et de la Dre F______, ainsi que la mise en œuvre d'une expertise psychiatrique.
Le recourant a contesté les conclusions de l'expertise psychiatrique. Il a tout d'abord soulevé le fait que le Dr O______ s'était présenté, dans le cadre de l'expertise, comme étant titulaire de la certification en appréciation de la capacité de travail SIM, alors qu'il était introuvable sur le site internet de la plateforme « médecine d'assurance suisse », qui recensait les médecins certifiés d'appréciation de la capacité de travail. Il apparaissait en outre que le Dr O______ exerçait en qualité de psychiatre à Clermont-Ferrand, en parallèle de son activité pour le compte de L______.
Sur le fond, le recourant a fait état de plusieurs contradictions et erreurs d'appréciation figurant dans la partie du rapport d'expertise du Dr O______, comme relevé par la Dre F______. Notamment, l'expert avait retenu la présence de possibles hallucinations auditives et d'éléments possiblement psychotiques, mais affirmé ensuite qu'il ne s'agissait pas de véritables hallucinations pouvant être considérées comme des éléments psychotiques associés. Il avait en outre exclu le diagnostic d'épisode dépressif sévère au prétexte qu'il ne présenterait pas de « scénarisation de mort », alors que sa psychiatre traitante avait expliqué que la présence des idées de suicide manifestes n'était pas obligatoire pour retenir un tel diagnostic. L'expert n'avait pas retenu de troubles obsessionnels compulsifs, alors que sa psychiatre avait indiqué que cette assertion entrait en contradiction avec l'anamnèse établie par l'expert lui-même. L'expert n'avait pas non plus retenu le diagnostic de trouble de la personnalité émotionnellement labile, type impulsif, contrairement à sa psychiatre traitante. Sa capacité de travail était considérée comme nulle par cette dernière. À cela s'ajoutait le fait que l'appréciation du SMR du 13 juin 2023 s'écartait de celle du Dr O______, dans la mesure où ce dernier avait estimé que sa capacité de travail dans une activité adaptée s'élevait à 50% dès le mois d'avril 2021, alors que le SMR avait retenu que cette capacité n'existait qu'à compter du mois de novembre 2021. De plus, le SMR avait fait siennes les conclusions du L______ à l'exception de celles du Dr O______, lui reprochant d'avoir pris en considération la période précédant la première décision de refus du 2 juillet 2018 et de ne pas avoir tenu compte du diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère avec symptômes psychotiques, tel que retenu par la psychiatre traitante.
Le recourant a produit un bordereau de pièces contenant notamment un rapport du 16 janvier 2024 de la Dre F______, qu'il avait invitée à se prononcer sur le rapport d'expertise. La psychiatre traitante a contesté le diagnostic et la capacité de travail retenus par l'expert, relevant des erreurs d'appréciation et des incohérences. Elle a expliqué et argumenté les raisons pour lesquelles elle concluait à un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère avec symptômes psychotiques, à un trouble obsessionnel compulsif et à une personnalité émotionnelle labile, type impulsif. Les limitations fonctionnelles concernaient l'humeur dépressive avec une apathie et une anhédonie, la labilité émotionnelle, l'irritabilité et l'anxiété importante. Le recourant présentait une fatigue et une fatigabilité accrue, des difficultés de concentration, de mémorisation, de gestion du stress et des tâches professionnelles. La capacité de travail du patient était nulle depuis avril 2021.
b. Dans sa réponse du 29 mai 2024, l'intimé a conclu au rejet du recours. Le SMR avait suivi l'expertise psychiatrique dans la mesure où celle-ci avait considéré que le recourant était capable de travailler à 50% dans une activité adaptée.
S'agissant de l'expert psychiatre, le recourant avait eu la possibilité de le récuser, ce qu'il n'avait pas fait. Quant à la plateforme SIM, celle-ci comportait uniquement les experts ayant délibérément accepté d'y figurer, de sorte qu'elle n'était pas exhaustive. S'agissant du contenu de l'expertise, s'il était vrai que le SMR s'était écarté de l'expert psychiatre, il ne l'avait fait que sur le plan temporel, car l'expert s'était prononcé sur une période plus longue que ce que prévoyait le mandat. Les autres constatations faites par l'expert psychiatre avaient été suivies dans l’avis du 13 juin 2023. L’expert avait expliqué ses divergences avec la psychiatre traitante et celles concernant les diagnostics avaient une portée limitée dans la mesure où l'expert avait bien tenu compte de tous les éléments médicaux constitutifs présents de sorte que leur labellisation n'était finalement pas déterminante. Les critiques du recourant à l'encontre de l'expertise psychiatrique ne lui permettaient pas de lui renier la force probante dont elle disposait.
L'intimé a joint un avis du 7 mai 2023 du Dr Q______, maintenant ses conclusions précédentes après avoir pris connaissance du dernier rapport de la
Dre F______. S'agissant du diagnostic de trouble dépressif récurrent avec syndrome somatique, épisode actuel sévère avec symptômes psychotiques, il a relevé que l'expert avait conclu à l’absence de symptômes psychotiques, ne retenant pas de phénomènes hallucinatoires, puisqu'il n'existait pas de trouble paranoïaque associé ni de syndrome dissociatif. Les idées suicidaires ne faisaient pas parties des critères de diagnostics principaux pour l'évaluation du degré de sévérité d'un épisode dépressif, et leur présence ne suffisait pas à qualifier un épisode de sévère. Le recourant bénéficiait d'un bon entourage familial et n'avait pas été hospitalisé, ni mis en incapacité de travail pour des idées suicidaires. Quant au trouble obsessionnel compulsif mentionné par la Dre F______, celui-ci n'avait pas été retenu par l'expert. Les symptômes cités pour conclure à un tel diagnostic avaient été attribués par l'expert à une peur de contracter une maladie infectieuse grave ou d'avoir un problème cardiaque. Quant à la personnalité émotionnellement labile, type impulsif, diagnostiquée par la psychiatre traitante, elle n'avait pas été retenue par l'expert, qui n’avait pas constaté d'instabilité dans les relations aux autres lors de l'examen. Il était surpris que la psychiatre traitante n'ait jamais rapproché le suivi psychiatrique, qu'aucun dosage sérique de l'antidépresseur n'ait été réalisé, qu'aucun changement de traitement antidépresseur n'ait été effectué et qu'aucune hospitalisation n'ait été discutée, alors qu'elle considérait la situation psychiatrique comme sévère. Sur le plan des limitations fonctionnelles, la fatigue et la fatigabilité accrue avec une grande difficulté de concentration rapportées par la Dre F______ avaient été prises en considération par l'expert. Ainsi, le taux de 50% de la capacité de travail retenu par l'expert l'avait été pour tenir compte des troubles cognitifs, de la fatigue et de la fatigabilité.
c. Par réplique du 5 août 2024, le recourant a intégralement persisté dans ses conclusions, notamment s'agissant de la mise en place d'une expertise judiciaire psychiatrique. Il demeurait incertain à ce stade si le Dr O______ disposait de la certification SIM requise. Contrairement à ce qu'affirmait l'intimé, le SMR avait également reproché à l'expert psychiatre de ne pas avoir tenu compte du diagnostic posé par sa psychiatre traitante, soit le trouble dépressif récurrent épisode actuel sévère avec symptômes psychotiques. S'agissant du trouble obsessionnel du comportement, le SMR n'avait pas pris position sur les arguments avancés par sa psychiatre traitante. Concernant les limitations fonctionnelles et la capacité résiduelle de travail, le SMR ne s'était pas non plus prononcé sur la contradiction entre l'appréciation des capacités, des ressources et des difficultés d'une part, et l'évaluation de la capacité de travail d'autre part.
d. Copie de cette écriture a été transmise à l'intimé le 7 août 2024.
e. Par courrier du 26 novembre 2024, la chambre de céans a informé les parties de son intention de confier une expertise psychiatrique à la docteure R______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.
f. Le 9 décembre 2024, l’intimé a indiqué ne pas avoir de motif de récusation à faire valoir, ni de questions complémentaires à lui soumettre.
g. Par courrier du 17 décembre 2024, le recourant a relevé qu'il n’avait pas de motif de récusation à l’encontre de l'experte annoncée, ni de commentaires à formuler sur les questions libellées dans la mission d’expertise.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du
6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur
l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 et 60 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques inclusivement (art. 38 al. 4 let. a LPGA et art. 89C let. a LPA), le recours est recevable.
2.
2.1 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.
2.2 Dans le cadre du développement continu de l’AI, la LAI, le règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité (RAI - RS 831.201) et l'art. 17 LPGA notamment ont été modifiés avec effet au 1er janvier 2022 (modifications des
19 juin 2020 et 3 novembre 2021 ; RO 2021 705 et RO 2021 706).
En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2 et les références).
Dans les cas de révision selon l'art. 17 LPGA, il convient d’évaluer, selon la situation juridique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si une modification déterminante pour le droit à la rente est intervenue jusqu’à cette date. Si tel est le cas, les dispositions de la LAI et celles du RAI dans leur version valable jusqu'au 31 décembre 2021 sont applicables. Si la modification déterminante est intervenue après cette date, les dispositions de la LAI et du RAI dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2022 sont applicables. La date de la modification se détermine selon l'art. 88a RAI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2 ; 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).
2.3 En l’occurrence, la décision querellée porte sur le droit à la rente à compter du 1er juin 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.
3. Le litige porte sur la quotité de la rente d'invalidité à laquelle peut prétendre le recourant de la part de l'intimé à compter du 1er juin 2022.
4.
4.1 En application de l’art. 87 al. 2 et 3 RAI, lorsque la rente a été refusée parce que le degré d’invalidité était insuffisant, la nouvelle demande ne peut être examinée que si l’assuré rend plausible que son invalidité s’est modifiée de manière à influencer ses droits.
Lorsque l’administration entre en matière sur une nouvelle demande, après avoir nié le droit à une prestation (art. 87 al. 3 RAI), l’examen matériel doit être effectué de manière analogue à celui d'un cas de révision au sens de l'art. 17
al. 1 LPGA (ATF 141 V 585 consid. 5.3 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_12/2023 du 22 août 2023 consid. 3.2). Elle doit donc traiter l'affaire au fond et vérifier que la modification du degré d'invalidité rendue plausible par l'assuré est réellement intervenue (examen « allseitig »). Lorsque les faits déterminants pour le droit à la rente se sont modifiés, le degré d'invalidité doit ainsi être fixé à nouveau sur la base d'un état de fait établi de manière correcte et complète, sans référence à des évaluations antérieures de l'invalidité
(ATF 141 V 9 consid. 6.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_498/2023 du 11 décembre 2023 consid. 5.1 et les références).
4.2 L’art. 17 al. 1 LPGA dispose que la rente d'invalidité est, d'office ou sur demande, révisée pour l'avenir, à savoir augmentée, réduite ou supprimée, lorsque le taux d'invalidité de l'assuré subit une modification d'au moins 5 points de pourcentage (let. a), ou atteint 100% (let. b).
Tout changement important des circonstances, propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3 ; 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s’améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 consid. 4.1). Il n’y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas
(ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; 112 V 371 consid. 2b ; 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l’art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références).
Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. En effet, la base de comparaison déterminante dans le temps pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une révision de la rente est constituée par la dernière décision entrée en force qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit (ATF 147 V 167 consid. 4.1 et la référence).
5.
5.1 L'art. 8 LPGA prévoit qu'est réputée invalidité l'incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. L'art. 4 LAI précise que l'invalidité peut résulter d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident.
Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).
À teneur de l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à une rente aux conditions suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a) ; il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) ; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c). L'art. 28 al. 1bis LAI précise qu'une rente n'est pas octroyée tant que toutes les possibilités de réadaptation au sens de l'art. 8 al. 1bis et 1ter n'ont pas été épuisées.
En vertu de l’art. 28b LAI, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2) ; pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). Pour les taux d’invalidité compris entre 40 et 49%, la quotité de la rente s’échelonne de 25 à 47.5% (al. 4)
Il y a lieu de préciser que, selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).
5.2 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I 786/04 du
19 janvier 2006 consid. 3.1).
5.2.1 La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).
Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).
5.2.2 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).
Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).
- Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),
A. Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)
Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).
B. Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2)
C. Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)
- Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4)
Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).
Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).
5.2.3 Selon la jurisprudence rendue jusque-là à propos des dépressions légères à moyennes, les maladies en question n'étaient considérées comme invalidantes que lorsqu'on pouvait apporter la preuve qu'elles étaient « résistantes à la thérapie » (ATF 140 V 193 consid 3.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_841/2016 du
8 février 2017 consid. 3.1 et 9C_13/2016 du 14 avril 2016 consid. 4.2).
Dans l'ATF 143 V 409 consid. 4.2, le Tribunal fédéral a rappelé que le fait qu'une atteinte à la santé psychique puisse être influencée par un traitement ne suffit pas, à lui seul, pour nier le caractère invalidant de celle-ci; la question déterminante est en effet celle de savoir si la limitation établie médicalement empêche, d'un point de vue objectif, la personne assurée d'effectuer une prestation de travail. À cet égard, toutes les affections psychiques doivent en principe faire l'objet d'une procédure probatoire structurée au sens de l'ATF 141 V 281 (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Ainsi, le caractère invalidant des atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_142/2018 du 24 avril 2018 consid. 5.2).
Le Tribunal fédéral a récemment rappelé qu’en principe, seul un trouble psychique grave peut avoir un caractère invalidant. Un trouble dépressif de degré léger à moyen, sans interférence notable avec des comorbidités psychiatriques, ne peut généralement pas être défini comme une maladie mentale grave. S'il existe en outre un potentiel thérapeutique significatif, le caractère durable de l'atteinte à la santé est notamment remis en question. Dans ce cas, il doit exister des motifs importants pour que l'on puisse néanmoins conclure à une maladie invalidante. Si, dans une telle constellation, les spécialistes en psychiatrie attestent sans explication concluante (éventuellement ensuite d'une demande) une diminution considérable de la capacité de travail malgré l'absence de trouble psychique grave, l'assurance ou le tribunal sont fondés à nier la portée juridique de l'évaluation médico-psychiatrique de l'impact (ATF 148 V 49 consid. 6.2.2 et les références).
6.
6.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).
Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).
6.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.
Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ;
125 V 351 consid. 3b/bb).
Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR
(ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).
En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du
4 mai 2012 consid. 3.2.1).
On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).
7. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4).
8. En l’espèce, il est rappelé que, par décision du 2 juillet 2018, l’intimé a nié le droit du recourant à toute prestation, au motif qu’il ne subissait aucune perte de gain. Suite à sa nouvelle demande du 23 décembre 2021, l’intimé lui a reconnu, dans la décision entreprise, le droit à une rente d'invalidité s'élevant à 56% d'une rente entière du 1er juin 2022 au 31 décembre 2023 et à une rente de 61% dès le 1er janvier 2024, une déduction forfaitaire de 20% ayant été prise en compte conformément à l'art. 26bis al. 3, 2e phrase, RAI. Se ralliant à l'avis du SMR du
13 juin 2023, l'intimé a considéré que l’intéressé présentait une incapacité de travail totale dans son activité habituelle dès le mois d'avril 2021, mais qu’il disposait d’une capacité de travail médico-théorique raisonnablement exigible de 50% sans baisse de rendement dans une activité adaptée respectant strictement ses limitations fonctionnelles depuis le mois de novembre 2021.
Le recourant conteste cette appréciation et considère avoir droit à une rente entière à partir du 1er juin 2022. Il soutient que son incapacité de travail est totale dans toute activité.
8.1 La chambre de céans constate tout d'abord que l'incapacité de travail dans l'activité habituelle à compter du mois d'avril 2021 n'est pas contestée ni contestable, au vu des documents médicaux au dossier.
En outre, dans la mesure où la seconde demande de prestations a été déposée le
23 décembre 2021 et qu'il n'est pas contesté que le recourant a présenté une incapacité de travail d'au moins 40% durant une année sans interruption à compter du 1er avril 2021, c'est à juste titre que l'intimé a fixé le début du droit à la rente en juin 2022 (cf. art. 28 al. 1 let. b et 29 al. 1 LAI).
8.2 La décision querellée repose sur l'avis du SMR du 13 juin 2023, lui-même essentiellement fondé sur le rapport d'expertise du 5 juin 2023 du L______, bien qu'il comporte quelques divergences concerantn les diagnostics incapacitants retenus.
Il convient donc de déterminer la force probante de ladite expertise.
8.2.1 La chambre de céans observe que, sur le plan formel, le rapport d'expertise répond aux exigences posées par la jurisprudence pour qu'on puisse lui accorder une pleine valeur probante. En effet, l'expertise a été conduite par des médecins qui ont chacun pris connaissance du dossier complet du recourant, présenté des anamnèses détaillées, recueilli les plaintes et résumé leurs propres constatations. Ils ont également examiné le recourant et ont requis les examens complémentaires estimés nécessaires. Ils ont en outre énoncé les diagnostics retenus et répondu aux questions posées dans le cadre du mandat d'expertise.
Elle relève en outre que la critique du recourant quant au fait que l'expert psychiatre ne serait pas apte à procéder à une expertise faute d'être titulaire d'une certification émanant de l'association Médecine d'assurance suisse (Swiss Insurance Medicine, SIM) n'est pas pertinente. En effet, bien que le nouvel art. 7m al. 2 de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances (OPGA – RS 830.11) pose cette exigence, la disposition transitoire de la modification du 3 novembre 2021 précise que, si une certification SIM au sens de l'article précité est requise, elle doit être obtenue dans les cinq ans qui suivent l'entrée en vigueur de la modification du 3 novembre 2021. À ce jour, l'exigence d'une certification SIM n'est pas exigible.
Partant, le rapport d'expertise pluridisciplinaire remplit, sur le plan formel, les exigences jurisprudentielles pour se voir reconnaître une pleine valeur probante.
8.2.2 S'agissant du fond, le recourant ne remet pas en cause les conclusions de l'expertise au E______ somatique. Il en va de même de l'intimé, puisque le SMR a indiqué faire siennes les conclusions des experts en neurologie, rhumatologie et médecine interne.
Dans ces conditions, les appréciations de ces spécialistes peuvent être confirmées, en particulier concernant les atteintes retenues, les limitations fonctionnelles qui en découlent et leurs répercussions sur la capacité de travail de l’intéressé.
À toutes fins utiles, la chambre de céans relèvera que les diagnostics invalidants retenus par le SMR ne correspondent pas à ceux de l'expert rhumatologue. En effet, le Dr Q______ a indiqué que les douleurs du genou gauche sur une très légère atteinte dégénérative fémoro-tibial interne, les douleurs du pied gauche sur une très légère atteinte dégénérative du premier orteil gauche et douleurs de hanche sur une atteinte dégénérative modérée correspondaient à des troubles non incapacitants, alors que l'expert rhumatologue les a retenues à titre d'atteintes incapacitantes. Cette divergence, non expliquée par le Dr Q______ et qui ne repose sur aucun élément concret, est toutefois sans incidence, puisque le SMR a admis toutes les limitations fonctionnelles énoncées par l’expert.
8.2.3 Sur le plan psychiatrique, le recourant soutient que l'expertise du
Dr O______ du 5 juin 2023 n'est pas convaincante, du fait de plusieurs contradictions et erreurs d'appréciation. Il lui oppose les rapports de sa psychiatre traitante qui le suit depuis le 22 novembre 2021.
L’expert a retenu le diagnostic incapacitant de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen, avec syndrome somatique (F33.11). Selon lui, la capacité de travail du recourant avait toujours été de 100% dans son activité de chauffeur jusqu'au mois de juin 2016, date à laquelle il avait présenté un nouvel état dépressif. Depuis lors, l'activité habituelle n'était plus adaptée en raison de troubles de vigilance, de la concentration, de la fatigue et de la fatigabilité. Dans une activité répétitive, sans prise de décision immédiate et sans sollicitation intellectuelle, la capacité de travail avait toujours été de 100% jusqu'en juin 2016. De juin 2016 à octobre 2017, l’intéressé avait présenté un épisode dépressif moyen et était capable de travailler à 50%. D'octobre 2017 à avril 2021, il avait pu travailler à 100%. À partir d'avril 2021, époque de l’apparition d'un épisode dépressif moyen, la capacité de travail s’élevait à 50% compte tenu des troubles cognitifs, de la fatigue et de la fatigabilité. Une activité adaptée qui respecterait les limitations fonctionnelles psychiatriques impliquerait un travail répétitif, sans prise de décision immédiate, sans traitement d'information simultanée et sans conduite automobile professionnelle.
L'expert psychiatre a expliqué avoir retenu un épisode dépressif moyen au motif qu'il existait une méfiance excessive, une culpabilité, une honte, un refus de sortir par peur du jugement d'autrui, une impression d'incurabilité, avec des idées suicidaires non scénarisées. Il existait également des « éléments possiblement psychotiques », avec la sensation mal définie d'une personne qui lui parlait. Selon l'expert, il ne s'agissait toutefois pas de « véritables hallucinations pouvant être considérées comme des éléments psychotiques associés ». Le recourant présentait également une fatigue et une fatigabilité importantes. Il ronflait la nuit et un syndrome des apnées du sommeil devrait être éliminé. Il s'était presque endormi durant l'entretien. Il présentait une anhédonie, une aboulie et la présentation clinique allait de pair avec la description d'une journée type, à savoir qu'il ne faisait quasiment rien de toute la journée. L'expert a précisé ne pas avoir retenu d'épisode dépressif sévère devant l'absence de « scénarisation de mort » (cf. expertise p. 12). Il a exclu un trouble affectif bipolaire, ainsi qu'une anxiété généralisée, précisant toutefois trouver « dans l'ensemble, des éléments anxieux importants qui [s'inscrivaient] dans un contexte de dépression sévère ». Il a écarté le trouble obsessionnel compulsif et la nosophobie, dans la mesure où il ne s'agissait pas d'une entité anxieuse nosophobique à part entière et où il n'existait pas de rituels de vérification. Il a éliminé les traits de personnalité anankastique, car les vérifications étaient ponctuelles, en fonction des éléments vécus, sans rituel précis permanent et le recourant avait surtout peur de contracter une maladie infectieuse grave ou d'avoir un problème cardiaque. Il a également écarté un trouble somatoforme, expliquant que le recourant craignait de tomber malade, d'avoir des problèmes cardiaques ou de tomber dans la rue, mais qu’il s'agissait d'une expression de son anxiété. Il n'y avait pas de sollicitation accrue de l'entourage, l’intéressé ayant plutôt honte de sa situation. L'expert a retenu une méfiance excessive et une tendance à l'isolement, qui représentait le reflet de sa dépression, sans de traits de personnalité paranoïaque. Il a également exclu l'état de stress post-traumatique, le trouble de personnalité évitante, le trouble de personnalité dépendante et le trouble de l'addiction. Il ne trouvait pas de trouble de personnalité émotionnellement labile, dans la mesure où il n'observait pas d'instabilité dans les relations aux autres. Dans la discussion des rapports au dossier, il s'est déterminé sur le rapport du Dr D______ du 20 mars 2017, qui avait retenu un trouble dépressif récurrent avec un épisode actuel sévère, sans symptômes psychotiques, et fait état d'un trouble de personnalité émotionnellement labile et de traits de personnalité paranoïaque, et qui avait conclu à une capacité de travail de 50%. L'expert psychiatre a relevé qu'il était étrange de retenir un tel taux de capacité de travail pour un patient avec un diagnostic d'épisode dépressif sévère. Selon son analyse, l'épisode dépressif était plutôt moyen, mais justifiait une incapacité de travail à 50%. Il a également commenté le rapport de la Dre F______ du 11 février 2022 aux termes duquel étaient retenus un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère avec symptômes psychotiques (F33.3), une personnalité émotionnellement labile, de type impulsif (F60.30) et un trouble obsessionnel-compulsif, avec comportements compulsifs au premier plan (F42.1). Il retenait, au même titre que la
Dre F______, des colères et une irritabilité. S'agissant des symptômes hallucinatoires retenus par la Dre F______, il ne s'agissait pas de phénomènes hallucinatoires, puisqu'il n'y avait pas de trouble paranoïaque associé, ni de syndrome dissociatif. La Dre F______ avait noté des idées suicidaires sans scénarisation, ce que confirmait l'expert psychiatre. Dans l'ensemble, ce dernier estimait qu'il s'agissait d'un épisode dépressif moyen mais avec une perte d'intérêt importante, des difficultés d'organisation de la pensée, fatigue et une fatigabilité qui avaient un impact sur la capacité de travail. S'agissant du rapport du 11 juillet 2022 de la Dre F______, l'expert a dénoté une présentation clinique assez identique avec une évolution lentement progressive. La psychiatre traitante avait retenu une labilité émotionnelle, confirmée par l'expert, mais ce dernier a précisé qu'il n'existait pas de trouble obsessionnel compulsif, ni de nosophobie, dans la mesure où les vérifications et les demandes de vérification s'inscrivaient dans un contexte plus général d'anxiété entrant dans le cadre d'un épisode dépressif. Il n'y avait pas de rituel de vérifications très précis ni de comptage. S'agissant des chances de guérison, il faudrait changer de classe de médicament puisque, depuis novembre 2021, l'évolution n'était pas bonne (cf. rapport d'expertise pp. 13-14). Dans la rubrique « appréciation des capacités, des ressources et des difficultés », l'expert a indiqué que la planification et structuration des tâches étaient difficiles, que le recourant présentait une désorganisation de la pensée et qu’il existait un envahissement du champ de pensées par des événements à forte teneur émotionnelle et par sa crainte de contracter une maladie grave. L'activité spontanée était très faible, la journée type étant très pauvre. La persévérance était également très faible, le recourant n'avait pas confiance en lui. Il présentait une anhédonie, était pessimiste et n'avait aucun intérêt particulier ; il déléguait la plupart des activités à son entourage (cf. rapport d'expertise p. 15).
8.2.4 Dans son rapport du 16 janvier 2024, la Dre F______ a émis plusieurs critiques à l'encontre de l'analyse de l'expert psychiatre.
Elle a noté une incohérence concernant l'absence de symptômes psychotiques associés à l'épisode actuel mentionnée par l'expert. En effet, ce dernier avait retenu « une méfiance et de possibles hallucinations auditives assez complexes à déterminer », ainsi qu'une culpabilité et une impression d'incurabilité avec des idées suicidaires non scénarisées. Il avait fait état d' « éléments possiblement psychotiques, avec la sensation mal définie d'une personne qui lui [parlait] ». Sans aucune explication, il avait ensuite indiqué qu' « il ne [s'agissait] toutefois pas de véritables hallucinations pouvant être considérées comme des éléments psychotiques associés ». Elle a rappelé qu’elle avait indiqué, dans son rapport du 12 janvier 2022, que les symptômes hallucinatoires du patient étaient présents depuis environ deux, trois mois sous forme de voix qui chuchotaient en albanais, surtout le soir ou lorsqu'il était seul. Il interprétait ces voix comme étant malveillantes envers lui, même s'il ne comprenait pas ce qu'elles disaient. Dans son rapport du 11 juillet 2022, elle avait à nouveau noté que le recourant décrivait occasionnellement des chuchotements, « comme si des gens [parlaient] de lui ». Le fait que ces symptômes n'étaient pas présents avant l'épisode dépressif étaient plutôt en faveur d'une symptomatologie psychotique associée à l'épisode dépressif en cours. Ces symptômes psychotiques, incongruents à l'humeur, étaient
entre-autres à l'origine du fait que l’intéressé présentait « un refus de sortir » non seulement « par peur du jugement d'autrui », comme noté par l'expert, mais aussi car il avait peur que quelqu'un puisse lui vouloir du mal. Si la présence de symptômes psychotiques (congruents ou non à l'humeur) impliquait d'emblée un épisode dépressif sévère, son absence pouvait laisser le doute sur l'intensité de l'épisode. Cependant, en aucun cas, on ne pouvait exclure un épisode dépressif sévère devant « l'absence de la scénarisation de mort » comme noté par l'expert psychiatre. Ee fondant sur la CIM-10, dans le cadre d'un épisode dépressif sévère, le tableau clinique était habituellement dominé par une perte de l'estime de soi, des idées de dévalorisation ou des sentiments de culpabilité, et comportait souvent des idées de suicides manifestes. Ces idées suicidaires étaient souvent, mais pas obligatoirement, présentes et en aucun cas il n’était fait de distinction entre les idées suicidaires scénarisées ou non. Dans le cas du patient, les idées suicidaires étaient présentes, comme noté également par l'expert. Il n'allait pas plus loin dans ces pensées en raison de ses croyances religieuses et de la présence de sa famille. Une scénarisation impliquait un degré d'urgence psychiatrique et la nécessité d'une mise à l'abri contre un passage à l'acte, ce qui pouvait se retrouver dans des dépressions aussi moins graves mais plus « agies » en lien avec différents facteurs liés à la personnalité ou au contexte. Pour ces différentes raisons, elle estimait que l'épisode dépressif actuel était sévère avec des symptômes psychotiques. Elle a relevé également une contradiction de l'expert, puisque ce dernier s'était référé à l'anxiété du recourant en expliquant qu'il trouvait « des éléments anxieux importants qui s'inscrivaient dans un contexte de dépression sévère », alors qu’il avait précédemment affirmé qu'il s'agissait d'un épisode dépressif moyen.
La psychiatre traitante a ensuite rappelé que l'expert n'avait pas retenu son diagnostic de trouble obsessionnel compulsif, avec comportements compulsifs au premier plan. Il avait estimé que les vérifications s'inscrivaient dans un contexte plus général d'anxiété entrant dans le cadre d'un épisode dépressif et qu'il n'y avait pas de rituels de vérifications très précis, ni de comptage. Il avait également affirmé que même si le recourant avait peur de contracter une maladie infectieuse grave ou d'avoir un problème cardiaque, il ne s'agissait pas d'une entité anxieuse nosophobique à part entière. Cette appréciation était en contradiction avec l'anamnèse psychiatrique effectuée par l'expert lors de laquelle il avait noté que l’intéressé « se lavait les mains plus de dix fois par jour et il prenait quatre douches par jour. Il se [sentait] obligé de s'essuyer les mains dès qu'il [touchait] une poignée de porte ou autre chose. Il [allait] prendre une douche dès qu'il [sentait] une mauvaise odeur. Il [vérifiait] à plusieurs reprises que la porte [était] bien fermée, il [tenait] toujours à être sûr que les plaques de four [étaient] bien éteintes, il [vérifiait] à plusieurs reprises. Néanmoins, il n'y [avait] pas de rituels de vérifications ». En outre, dans la CIM-10, la définition du trouble obsessionnel compulsif reposait sur la mise en évidence de pensées obsédantes et/ou de comportements compulsifs récurrents. Les pensées obsédantes étaient des idées, des représentations ou des impulsions récurrentes, persistantes, non désirées et anxiogènes. Les compulsions (appelées également rituels obsessionnels) étaient des actions particulières ou des actes mentaux que des personnes se sentaient obligées d'effectuer de manière répétée, pour tenter d'atténuer ou de prévenir l'anxiété causée par les obsessions. La plupart des comportements compulsifs concernaient la propreté, des vérifications répétées pour éviter la survenue d'une situation qui pourrait être dangereuse, ou un souci excessif de l'ordre et du rangement. Le comportement du sujet était sous-tendu par une crainte consistant habituellement dans l'appréhension d'un danger, encouru ou provoqué par le sujet, et l'activité rituelle constituait un moyen inefficace ou symbolique pour écarter ce danger. L'expert semblait confondre les termes de compulsion ou rituel (obsessionnel), dont faisaient partie les lavages et les vérifications, avec la compulsion ou le rituel de comptage qui faisaient que le sujet devait répéter une action un certain nombre de fois. De même, les rituels pouvaient être effectués d'une manière précise suivant des règles strictes, mais cela n'était pas obligatoire. Lorsque les compulsions étaient liées de manière logique à l'obsession, elles étaient clairement excessives. Ceci signifiait qu'il n'était pas nécessaire d'avoir un rituel de comptage ou que les rituels soient effectués de manière stricte pour que les vérifications ou les lavages soient considérés à part entière comme des compulsions faisant partie d'un trouble obsessionnel compulsif. Une évaluation effectuée le 22 octobre 2023 avec l'échelle de Yale-Brown sur le trouble obsessionnel compulsif avait mis en évidence un score total de 20 qui équivalait à un trouble obsessionnel compulsif sévère. Le recourant présentait principalement des obsessions de contamination, avec une inquiétude majeure concernant la saleté et les microbes, mais aussi d'autres contaminants environnementaux, qui pourraient le rendre malade et lui provoquer le cancer. Il évitait de toucher les poignées des portes et présentait des compulsions de propreté/lavage (il se lavait les mains et la bouche dès qu'il touchait quelque chose et se sentait obligé de prendre une douche plusieurs fois par jour, il portait des gants jetables lorsqu'il allait faire les achats et nettoyait des objets de manière répétée). Selon l'index des symptômes de Yale Brown pour le trouble obsessionnel compulsif, le recourant présentait également des « obsessions d'agressivité et somatique avec la peur d'être malade ». De plus, les symptômes obsessionnels étaient présents depuis des années et avaient débuté peu après son arrivée en Suisse. Leur présence en-dehors de périodes de dépression était une justification supplémentaire pour le maintien du diagnostic séparé de celui de la dépression. La dégradation de l’état psychique à la suite de l'accident et la décompensation dépressive étaient des facteurs d'aggravation des symptômes.
La psychiatre traitante a également observé que le diagnostic de personnalité émotionnellement labile, type impulsif, n'était pas retenu par l'expert sur la base de l'absence d'instabilité dans les relations aux autres. Cependant, la stabilité relationnelle n'avait pas toujours été présente dans le passé, que ce soit avec la famille, les relations amoureuses ou professionnelles. Il existait toujours une impulsivité et une labilité émotionnelle avec une difficulté de gestion émotionnelle, même si le patient arrivait mieux à contrôler, étant relevé qu’avec l'âge, les éléments d'instabilité et d'impulsivité pouvaient diminuer. De plus, la profondeur de l'épisode dépressif actuel, l'apathie et le manque de réactivité pouvaient couvrir et limiter en partie l'impulsivité. En outre, le fait que toute sa famille était très proche et le soutenait beaucoup, tant sur le plan pratique qu'affectif, pouvait calmer les précédents sentiments d'abandon. Ceci pouvait limiter en partie les effets, mais ne modifiait pas le diagnostic en lui-même qui se basait sur un mode de fonctionnement durable.
Les limitations fonctionnelles consistaient en une humeur dépressive avec une apathie et une anhédonie, une labilité émotionnelle et une irritabilité, une anxiété importante, une fatigue et une fatigabilité accrue, ainsi qu'une grande difficulté à se concentrer. Cela entrainait une difficulté à gérer le stress, des difficultés de mémorisation et de gestion des tâches professionnelles. La capacité de travail était nulle depuis avril 2021. Elle a souligné qu'il était étonnant que l'expert ait pu retenir une capacité de travail à 50% dès avril 2021 alors que dans l'appréciation des capacités, ressources et difficultés, il avait indiqué que « planifier et structurer les tâches [était] difficile. Il [présentait] une désorganisation de la pensée et il [existait] un envahissement du champ de pensées par des événements à forte teneur émotionnelle et par sa crainte de contracter une maladie grave ». Concernant l'activité spontanée, l'expert avait noté que celle-ci [était] « très faible. La journée type [était] très pauvre ». Concernant la persévérance, il avait écrit que celle-ci « [était] également très faible. Il n'[avait] pas confiance en lui. Il [présentait] une anhédonie. Il [était] pessimiste et il n'[avait] aucun intérêt particulier. Il [déléguait] la plupart des activités à son entourage ». Il était difficilement compréhensible qu'une personne qui n'arrive même pas à s'occuper du minimum à domicile soit capable d'exercer une activité, quelle qu'elle soit, même à 50%.
8.2.5 La chambre de céans considère que les critiques émises par la Dre F______ sont pertinentes et que ses rapports, notamment celui du 16 janvier 2024, contiennent plusieurs éléments objectifs propres à remettre en cause le bien-fondé de l'expertise du Dr O______.
S'agissant du diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen avec syndrome somatique (F33.11) retenu par l'expert psychiatre, des éléments concrets soulevés par la Dre F______ ainsi que des incohérences dans l'expertise remettent en cause ce diagnostic.
Tout d'abord, l'expert psychiatre a exclu le diagnostic d'épisode actuel sévère avec symptômes psychotiques en raison de l'absence de « scénarisation de mort », sans donner d'explications claires et détaillées. La psychiatre traitante, quant à elle, a exposé les motifs pour lesquelles l'on ne pouvait exclure un épisode dépressif sévère devant une absence de « scénarisation de mort ». Pour argumenter son point de vue, elle s’est référée à la CIM-10 et a relevé que, dans un cas d'épisode dépressif sévère, le tableau clinique comporte souvent des idées de suicide manifestes mais que ces idées suicidaires sont souvent, mais pas obligatoirement, présentes. Elle a précisé que la CIM-10 ne distinguait pas les idées suicidaires scénarisées des non scénarisées pour établir ou exclure un épisode dépressif sévère. L’appréciation de l'expert est ainsi sérieusement remise en doute par le rapport de la psychiatre traitante.
Le Dr O______ a retenu, d'une part, des « éléments possiblement psychotiques » avec la sensation mal définie d'une personne qui lui parlait, tout en indiquant qu'il ne s'agissait pas de « véritables hallucinations pouvant être considérées comme des éléments psychotiques associés ». Il a ensuite expliqué que les symptômes hallucinatoires auditifs n’étaient pas des phénomènes hallucinatoires « car il n'y a pas de trouble paranoïaque associé, ni de syndrome dissociatif ». Ces appréciations sont contradictoires et insuffisamment développées, comme relevé à juste titre par la Dre F______. Il est en effet rappelé que des symptômes hallucinatoires ont été relevés à maintes reprises par la psychiatre, qui les a décrits de manière précise dans ses différents rapports. Ces éléments permettent de douter de l'appréciation de l'expert selon laquelle il n'existerait pas de véritables hallucinations considérées comme des éléments psychotiques associés.
Il convient en outre de relever, à l'instar de la Dre F______, que l'expert s’est contredit en indiquant trouver, dans l'ensemble, « des éléments anxieux qui s'inscrivent dans un contexte de dépression sévère », tout en concluant à un épisode dépressif moyen.
Quant au diagnostic d'épisode actuel sévère avec symptômes psychotiques retenu par la Dre F______, la chambre de céans constate que celui-ci repose sur des observations objectives découlant de ses consultations régulières débutées le
22 novembre 2021. Elle avait indiqué, dans son rapport du 11 juillet 2022, que le patient présentait une humeur dépressive persistante, ce trouble s'étant déjà manifesté par trois fois dans le passé, avec un score de 28 au questionnaire d'Hamilton (HAMD-21) qui confirmait la gravité des symptômes dépressifs. Plus de trois critères majeurs de la dépression selon la CIM-10 étaient toujours des symptômes bien présents, à savoir une tristesse de degré anormal, pratiquement jour et nuit, une réduction de l'énergie, une augmentation de la fatigabilité et un manque de plaisir. Elle avait également relevé une importante méfiance envers les autres, une forte irritabilité, une labilité émotionnelle, une dévalorisation et un sentiment de perte d'espoir, ainsi qu'une forte anxiété. Depuis son accident, le patient s'était vu devenir de plus en plus malade, inactif, impuissant face à cette situation qu'il ne contrôlait plus. Il s'agissait d'une grande vulnérabilité dépressive, qui se traduisait par un épisode dépressif sévère. Les entretiens avaient également mis en évidence ses difficultés à contrôler son comportement et gérer des situations de stress ou de contraintes. Il répondait à ce genre de difficultés par des émotions de colère, de l'impulsivité et de l'agressivité. Il avait de la difficulté à accepter l’autorité et à respecter les règles et les limites. Tous ces symptômes et difficultés dont étaient des restrictions et limitations bien réelles, qui handicapaient son quotidien.
L'expert psychiatre n’a pas motivé de façon suffisante les raisons pour lesquelles il n’a pas retenu le diagnostic de personnalité labile. Il a constaté qu'il n'existait pas de trouble de personnalité émotionnellement labile, au motif qu'il n'y avait pas d'instabilité dans les relations aux autres (cf. rapport d'expertise p. 13). Toutefois, il a également indiqué retenir, à l'instar de la Dre F______, une labilité émotionnelle (cf. rapport d'expertise p. 14), ce qui parait de prime abord contradictoire. Qui plus est, au vu des éléments étayés et a priori cohérents relevés par la psychiatre dans son rapport du 16 janvier 2024, l'explication de l'expert quant à l'exclusion d'un tel diagnostic est insuffisante.
Il en va de même du diagnostic d'un trouble obsessionnel compulsif, exclu par le Dr O______, car les vérifications et les demandes de vérification s'inscrivaient dans un contexte plus général d'anxiété entrant dans le cadre d'un épisode dépressif et qu'il n'y avait pas de rituel de vérifications très précis ni de comptage. La psychiatre s'est appuyée sur la CIM-10 pour expliquer que le comportement décrit par l’expert relevait d'un trouble obsessionnel compulsif. Elle a expliqué que lorsque les compulsions étaient liées de manière logique à l'obsession, celles-ci étaient clairement excessives. Il n'était donc pas nécessaire d'avoir un rituel de comptage ou que les rituels soient effectués de manière stricte. En outre, elle a indiqué qu'une évaluation effectuée le 22 octobre 2023 avec l'échelle de Yale-Brown avait mis en évidence un score total de 20, équivalant à un trouble obsessionnel compulsif sévère. Selon l'index de symptômes de Yale Brown, il présentait également des « obsessions d'agressivité et somatique avec la peur d'être malade ». Par conséquent, ces éléments objectifs, qui n'ont au demeurant pas été développés par l'expert psychiatre, sont suffisamment étayés par la psychiatre et suffisent à remettre en cause la conclusion de l'expert quant à l'exclusion d'un diagnostic de trouble obsessionnel compulsif.
La chambre de céans observera encore que l'expert psychiatre a indiqué dans son rapport que l’intéressé présentait une fatigue et fatigabilité importantes, constatant même qu’il s'était presque endormi durant l'entretien, et qu'un syndrome des apnées du sommeil devrait être éliminé (cf. rapport expertise p. 12), car il pourrait expliquer l'anhédonie, la fatigue, la fatigabilité et le trouble de vigilance plus important que tous ceux attendus dans le cadre d'un épisode dépressif habituellement moyen (cf. rapport d'expertise p. 14). Or, dans leur évaluation consensuelle de l'expertise, le syndrome d'apnées du sommeil de degré modéré est bien mentionné à titre de diagnostic (cf. rapport d'expertise p. 4), ce qui semble avoir échappé à l’expert psychiatre.
Pour ces diverses raisons, le rapport d'expertise du Dr O______ ne saurait se voir attribuer une pleine valeur probante.
8.3 En ce qui concerne les rapports de la Dre F______, bien que
ceux-ci soient bien étayés et comportent des conclusions claires, ils ne permettent pas non plus de trancher le litige, compte tenu de l'absence d'une analyse suivant les principes jurisprudentiels applicables. De plus, il y a lieu de garder à l’esprit la relation de confiance qui unit la psychiatre traitante et son patient.
8.4 Eu égard de tout ce qui précède, la chambre de céans ne peut que constater que la situation médicale, sur le plan psychiatrique, n’est pas établie, au degré de la vraisemblance prépondérante requis, en particulier s’agissant des atteintes présentées par le recourant, des limitations fonctionnelles qui en découlent et de leur influence sur la capacité de travail.
8.5 Partant, il est indispensable de compléter l'instruction médical en ordonnance une expertise psychiatrique judiciaire, laquelle est confiée à la Docteure R______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant préparatoirement
I. Ordonne une expertise psychiatrique de Monsieur A______ et commet à ces fins la docteure R______, FMH en psychiatrie et psychothérapie, ______ Genève.
II. Dit que la mission d’expertise sera la suivante :
A. Prendre connaissance du dossier de la cause.
B. Si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée, en particulier la docteure F______.
C. Examiner et entendre la personne expertisée et si nécessaire, ordonner d’autres examens.
D. Charge l’expert d’établir un rapport détaillé comprenant les éléments suivants :
1. Anamnèse détaillée (avec la description d’une journée-type)
2. Plaintes de la personne expertisée
3. Status clinique et constatations objectives
4. Diagnostics (selon un système de classification reconnu)
Précisez quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogénèse).
4.1 Avec répercussion sur la capacité de travail.
4.1.1 Dates d'apparition.
4.2 Sans répercussion sur la capacité de travail.
4.2.1 Dates d'apparition.
4.3 Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?
4.4 L'état de santé de la personne expertisée s'est-il amélioré/détérioré depuis le mois de juillet 2018 ?
4.5 Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par la personne expertisée).
4.6 Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?
4.7 Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?
5. Limitations fonctionnelles
5.1. Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic.
5.1.1 Dates d'apparition.
5.2 Les plaintes sont-elles objectivées ?
6. Cohérence
6.1 Est-ce que le tableau clinique est cohérent, compte tenu du ou des diagnostic(s) retenu(s) ou y a-t-il des atypies ?
6.2 Est-ce que ce qui est connu de l'évolution correspond à ce qui est attendu pour le ou les diagnostic(s) retenu(s) ?
6.3 Est-ce qu'il y a des discordances entre les plaintes et le comportement de la personne expertisée, entre les limitations alléguées et ce qui est connu des activités et de la vie quotidienne de la personne expertisée ? En d’autre termes, les limitations du niveau d’activité sont-elles uniformes dans tous les domaines (professionnel, personnel) ?
6.4 Quels sont les niveaux d’activité sociale et d’activités de la vie quotidienne (dont les tâches ménagères) et comment ont-ils évolué depuis la survenance de l’atteinte à la santé ?
6.5 Dans l’ensemble, le comportement de la personne expertisée vous semble-t-il cohérent et pourquoi ?
7. Personnalité
7.1 Est-ce que la personne expertisée présente un trouble de la personnalité selon les critères diagnostiques des ouvrages de référence et si oui, lequel ? Quel code ?
7.2 Est-ce que la personne expertisée présente des traits de la personnalité pathologiques et, si oui, lesquels ?
7.3 Le cas échéant, quelle est l'influence de ce trouble de personnalité ou de ces traits de personnalité pathologiques sur les limitations éventuelles et sur l'évolution des troubles de la personne expertisée ?
7.4 La personne expertisée se montre-t-elle authentique ou y a-t-il des signes d'exagération des symptômes ou de simulation ?
8. Ressources
8.1 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur le plan somatique ?
8.2 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur les plans :
a) psychique,
b) mental,
c) social et familial. En particulier, la personne expertisée peut-elle compter sur le soutien de ses proches ?
9. Capacité de travail
9.1 Dater la survenance de l’incapacité de travail durable dans l’activité habituelle pour chaque diagnostic, indiquer son taux pour chaque diagnostic et détailler l’évolution de ce taux pour chaque diagnostic.
9.2 La personne expertisée est-elle capable d’exercer son activité lucrative habituelle ?
9.2.1 Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?
9.2.2 Depuis quelle date sa capacité de travail est-elle réduite/ nulle ?
9.3 La personne expertisée est-elle capable d’exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles ?
9.3.1 Si non, ou dans une mesure restreinte, pour quels motifs ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?
9.3.2 Si oui, quel est le domaine d’activité lucrative adaptée ? À quel taux ? Depuis quelle date ?
9.3.3 Dire s’il y a une diminution de rendement et la chiffrer.
9.4 Comment la capacité de travail de la personne expertisée a-t-elle évolué depuis le mois de juillet 2018 ?
9.5 Des mesures médicales sont-elles nécessaires préalablement à la reprise d’une activité lucrative ? Si oui, lesquelles ?
9.5 Quel est votre pronostic quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative ?
10. Traitement
10.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.
10.2 Est-ce que la personne expertisée s'est engagée ou s'engage dans les traitements qui sont raisonnablement exigibles et possiblement efficaces dans son cas ou n'a-t-elle que peu ou pas de demande de soins ?
10.3 En cas de refus ou mauvaise acceptation d’une thérapie, cette attitude doit-elle être attribuée à une incapacité de la personne expertisée à reconnaître sa maladie ?
10.4 Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée.
11. Appréciation d'avis médicaux du dossier
11.1 Êtes-vous d’accord avec l’avis du docteur O______ (expertise psychiatrique du 5 juin 2023) ? En particulier avec les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles constatées et l’estimation d’une capacité de travail de 50% à partir d'avril 2021 ? Si non, pourquoi ?
11.2 Êtes-vous d'accord avec les avis de la Dre F______ (rapports des 11 janvier, 11 juillet 2022 et 16 janvier 2024) ? En particulier avec les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles constatées et l'estimation d'une incapacité de travail totale dans toute activité ? Si non, pourquoi ?
12. Quel est le pronostic ?
13. Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles envisageables ?
14. Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.
III. Invite l’expert à déposer, dans les meilleurs délais, son rapport en trois exemplaires auprès de la chambre de céans.
IV. Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.
La greffière
Melina CHODYNIECKI |
| La présidente
Joanna JODRY |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le