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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3050/2023

ATAS/996/2024 du 12.12.2024 ( PC ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

 

 

 

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3050/2023 ATAS/996/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 12 décembre 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en 1988, mariée et mère d’une fille née en avril 2019, est au bénéfice d’une demi-rente d’invalidité. Elle a déposé une demande de prestations complémentaires auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC), le 4 juin 2008.

b. L’assurée s’est annoncée à l’assurance-chômage le 9 janvier 2022.

c. Le 6 décembre 2022, le SPC a établi le droit aux prestations de l’assurée dès le 1er janvier 2023. Il a précisé que le calcul des prestations selon le droit en vigueur depuis le 1er janvier 2021 était défavorable, si bien que les prestations restaient déterminées selon l’ancien droit. Dans le revenu déterminant, le SPC a notamment tenu compte d’indemnités de chômage à hauteur de CHF 33'279.95. Le droit aux prestations complémentaires fédérales n’était pas ouvert, et les prestations complémentaires cantonales s’élevaient à CHF 16'848.- par an.

d. Par décision du 19 décembre 2022 remplaçant sa précédente décision du 6 décembre, le SPC a établi le droit aux prestations dès le 1er janvier 2023, en tenant notamment compte d’un revenu hypothétique de CHF 20'100.-. Les prestations fédérales s’élevaient à CHF 16'848.- et les prestations cantonales à CHF 7'608.- par an.

e. Selon le décompte d’indemnités de chômage relatif à janvier 2023, l’assurée a perçu durant ce mois 21.7 indemnités à CHF 142.90 par jour, soit un montant total de CHF 3'143.80 bruts et de CHF 2'836.35 après déduction des cotisations sociales.

f. Le 6 mars 2023, l’assurée a communiqué au SPC que son droit aux indemnités de chômage avait pris fin le 9 février 2023, comme l’attestait le courrier joint de la caisse de chômage. De plus, elle devait se soumettre à un traitement par chimiothérapie et radiothérapie et ne pouvait par conséquent plus chercher d’emploi.

g. Par décision du 17 avril 2023, le SPC a recalculé le droit aux prestations de l’assurée du 1er janvier au 30 avril 2023. Celle-ci avait droit pour cette période à un montant de CHF 7'004.-, alors que le SPC avait déjà versé des prestations à hauteur de CHF 4'468.-. Dès le 1er mai 2023, les prestations complémentaires s’élevaient à CHF 3'155.- par mois, dont CHF 2'087.- à titre de prestations fédérales. Le plan de calcul joint ne tenait compte ni d’indemnités de chômage, ni d’un revenu hypothétique dans le revenu déterminant.

h. Par décision du 1er juin 2023, le SPC a recalculé le droit aux prestations de l’assurée du 1er janvier au 30 juin 2023, indiquant qu’en raison d’un « incident technique, il [avait] été constaté que les primes réelles d’assurance-maladie [n’avaient] pas été injectées dans le calcul [des] prestations pour l’année 2023 (sic) ». L’assurée avait droit pour cette période à un montant de CHF 10'506.-, ce qui correspondait aux prestations déjà versées. Le droit aux prestations complémentaires, dès juillet 2023, s’élevait à CHF 3'155.- par mois, dont CHF 2'087.- pour les prestations fédérales. Le plan de calcul joint ne tenait compte ni d’indemnités de chômage, ni d’un revenu hypothétique dans le revenu déterminant.

i. Par décision du 17 juillet 2023, le SPC a recalculé le droit aux prestations dès le 1er janvier 2023. Selon ce nouveau calcul, l’assurée n’avait pas droit aux prestations en janvier 2023, et à des prestations complémentaires à hauteur de CHF 10'719.- pour la période du 1er février au 31 juillet 2023. Un montant total de CHF 12'257.- lui avait déjà été versé pour la période du 1er janvier au 31 juillet 2023, dont CHF 683.- à titre de prestations fédérales et CHF 1'068.- à titre de prestations cantonales en janvier 2023. Le solde en faveur du SPC s’élevait à CHF 1'538.-, que l’assurée devait restituer. Dès le 1er août 2023, le droit aux prestations complémentaires s’élevait à CHF 3'226.- par mois, dont CHF 2'158.- pour les prestations fédérales. Le plan de calcul joint tenait compte d’indemnités de chômage de CHF 34'036.20 par an pour janvier 2023. Dès février 2023, le revenu déterminant ne comprenait ni revenu hypothétique, ni indemnités de chômage.

j. Dans un courrier du 20 juillet 2023 intitulé « opposition demande de restitution », l’assurée a derechef informé le SPC qu’elle était en traitement en raison d’un cancer, ce qui impliquait des déplacements et des frais de garde supplémentaires pour sa fille. Elle n’était ainsi pas en mesure de rembourser la somme de CHF 1'538.- réclamée par le SPC.

k. Par décision du 26 juillet 2023, le SPC a recalculé le droit aux prestations complémentaires depuis le 1er février 2023. L’assurée avait droit pour la période du 1er février au 31 juillet 2023 à des prestations complémentaires à hauteur de CHF 4'017.-, alors qu’un montant de CHF 10'506.- lui avait été versé pour cette période. Le solde en faveur du SPC s’élèverait à CHF 6'489.-. Dès le 1er août 2023, le droit aux prestations complémentaires s’élèverait à CHF 2'109.- par mois, dont CHF 1'404.- pour les prestations fédérales. Le plan de calcul joint tenait compte d’un revenu hypothétique de CHF 20'100.-.

l. Le 4 août 2023, l’assurée s’est opposée à la décision du 26 juillet 2023, en reprenant les arguments développés dans sa précédente opposition.

m. Par décision du 24 août 2023, le SPC a écarté les oppositions de l’assurée. Il a retenu que la dette que celle-ci devait lui rembourser s’élevait à CHF 1'538.- pour la période du 1er janvier 2023 au 31 juillet 2023 et à CHF 6'489.- pour la période du 1er février 2023 au 31 juillet 2023, soit en tout à CHF 8'027.-. La demande de restitution de CHF 1'538.- ressortant de la décision du 17 juillet 2023 était imputable à la prise en compte, en janvier 2023, des indemnités de chômage. La décision du 26 juillet 2023 avait tenu compte d’un revenu hypothétique pour l’assurée, au vu de la fin du droit aux indemnités de chômage. Selon la dernière décision de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI) dont disposait le SPC, le taux d’invalidité de l’assurée s’élevait à 50%. Le SPC a ajouté avoir constaté une anomalie nécessitant un nouveau décompte des prestations pour des raisons comptables. En effet, les deux décisions frappées d’opposition avaient été rendues au cours du même mois, et la seconde aurait dû reprendre le calcul des prestations dès le 1er janvier 2023, en remplaçant celle du 17 juillet 2023, et pas seulement à partir du 1er février 2023. Ce décompte était le suivant : du 1er janvier au 31 juillet 2023, l’assurée s’était vu verser des prestations fédérales de CHF 683.- par mois, et des prestations cantonales de CHF 1'068.- par mois, ce qui représentait un total de CHF 12'257.-. Le droit aux prestations selon le nouveau calcul n’était pas ouvert en janvier 2023. Pour la période suivante, l’assurée n’avait plus droit qu’à des prestations complémentaires cantonales, qui s’élevaient à CHF 634.- par mois du 1er février au 30 avril 2023, soit en tout à CHF 1'902.-, et à CHF 705.- par mois du 1er mai au 31 juillet 2023, soit en tout à CHF 2'115.-. Les prestations complémentaires réellement dues se montaient ainsi à CHF 4'017.- du 1er janvier au 31 juillet 2023. La différence avec le montant versé révélait un trop-perçu de CHF 8'240.-. Le SPC accordait néanmoins à l’assurée la remise de la différence de CHF 213.- par rapport au montant à restituer selon ses décomptes de juillet 2023, mais il confirmait la demande de restitution du solde de CHF 8'027.-.

B. a. L’assurée a interjeté recours contre cette décision par courrier du 19 septembre 2023 à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans). Elle a indiqué souffrir d’un cancer agressif diagnostiqué en janvier 2023, qui l’empêchait de travailler. Elle a évoqué ses difficultés financières.

Elle a produit une attestation du 8 septembre 2023 d’un médecin du département d’oncologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) faisant état d’un suivi et de traitements réguliers, et d’une incapacité de travail totale pour une durée indéterminée.

b. Dans sa réponse du 9 octobre 2023, l’intimé a conclu au rejet du recours. Il a précisé qu’il serait loisible à la recourante de lui transmettre la décision de l’OAI tranchant la demande de révision de son droit à la rente. L’intimé pourrait alors corriger le calcul des prestations dues.

c. La chambre de céans a informé la recourante qu’elle envisageait de suspendre la procédure et l’a invitée à lui faire parvenir une attestation de son oncologue indiquant à quelle date le cancer avait été diagnostiqué, ainsi qu’une copie de la demande de révision de sa rente à l’OAI.

d. Par courrier du 2 novembre 2023, la recourante a transmis à la chambre de céans une réponse de l’OAI du 14 septembre 2023 à sa demande de révision de son droit à la rente, ainsi qu’une attestation d’un médecin du département d’oncologie des HUG mentionnant des symptômes en lien avec la récidive tumorale à partir du mois de novembre 2022, investigués en janvier 2023. La recourante a précisé contester les rappels de l’intimé, à qui elle avait toujours adressé les documents nécessaires en temps utile.

e. Le 14 novembre 2023, l’intimé a persisté dans ses conclusions. Il a ajouté que les rappels que la recourante contestait n’étaient pas des décisions, mais de simples courriers, et étaient vraisemblablement sans lien avec la présente cause.

f. Par arrêt incident du 22 novembre 2023 (ATAS/898/2023), la chambre de céans a suspendu l’instance dans l’attente de la détermination de l’OAI sur la capacité de travail de la recourante, du 1er février au 31 juillet 2023.

g. La chambre de céans ayant requis de la recourante des informations sur la procédure en cours devant l’OAI, celle-ci lui a transmis, par courrier du 12 septembre 2023, la deuxième page d’un document de l’OAI constatant une incapacité (recte : capacité) de travail nulle dès janvier 2023 à la suite d’une dégradation de son état de santé.

h. Le 16 septembre 2024, la chambre de céans a informé les parties de la reprise de l’instance.

i. Dans ses déterminations du 4 octobre 2024, l’intimé a requis la production de l’intégralité de la décision de l’OAI. Il s’est dit disposé à supprimer le gain hypothétique imputé à la recourante du 1er février au 31 août 2023 en fonction de cette décision. Le montant augmenté de la rente d’invalidité, dès le 1er septembre 2023, encore inconnu, devrait conduire à un nouveau calcul des prestations complémentaires dès cette date.

j. À la demande de la chambre de céans, la recourante a produit, en date du 15 octobre 2024, une décision du 19 mars 2024 de l’OAI lui octroyant une rente entière d’invalidité, assortie d’une rente pour enfant, dès le 1er septembre 2023, contenant la motivation déjà produite le 12 septembre 2023.

k. L’intimé s’est déterminé le 6 novembre 2024. Il a proposé de supprimer tout revenu hypothétique imputé à la recourante du 1er février au 31 août 2023, eu égard à la décision de l’OAI. Il a précisé qu’une nouvelle décision avait été rendue par ses soins le 12 mars 2024, rétroagissant au 1er septembre 2023 et intégrant les rentes d’invalidité augmentées dès cette date.

l. La chambre de céans a transmis copie de cette écriture à la recourante le 11 novembre 2024.

m. À la même date, la chambre de céans a informé les parties que la cause était gardée à juger.

 

 

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30).

Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 56ss LPGA).

2.             La chambre de céans rappelle ce qui suit au sujet de l’établissement du droit aux prestations complémentaires.

2.1 La réforme du droit aux prestations complémentaires faisant l’objet de la modification légale du 22 mars 2019 (Réforme des PC) est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Cette novelle a introduit plusieurs modifications pouvant induire une diminution du droit aux prestations, dont notamment de nouveaux montants abaissés pour la couverture des besoins vitaux pour les enfants de moins de 11 ans et une prise en compte du revenu du conjoint du bénéficiaire à hauteur de 80%, contre deux tiers selon le droit en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020.

Selon l’alinéa premier des dispositions transitoires relatives à la réforme des PC, l’ancien droit reste applicable pendant trois ans à compter de l’entrée en vigueur de cette modification aux bénéficiaires de prestations complémentaires pour lesquels la réforme entraîne, dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à la prestation complémentaire annuelle.

2.2 La circulaire concernant les dispositions transitoires de la réforme des prestations complémentaires (C-R PC), édictée par l’Office fédéral des assurances sociales et valable dès le 1er janvier 2021, dispose qu’afin de déterminer si l’ancien ou le nouveau droit est plus favorable aux cas en cours au 1er janvier 2021, il faut dresser une comparaison en établissant un calcul selon l’ancien droit et un autre selon le nouveau droit. Un calcul comparatif doit être établi pour les cas où des prestations complémentaires sont versées le 31 décembre 2020 et continueront vraisemblablement d’être versées après le 1er janvier 2021, ou lorsque des prestations complémentaires sont octroyées après l’entrée en vigueur de la réforme des PC avec effet rétroactif au mois de décembre 2020 ou à une date antérieure (ch. 2101 et 2102).

2.3 En l’espèce, la réforme des PC entraîne une diminution des prestations pour la recourante selon les calculs comparatifs de l’intimé, de sorte que l’ancien droit reste applicable à leur établissement jusqu’au 31 décembre 2023.

Le droit sera ainsi cité selon sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020.

3.             Le litige porte sur le montant des prestations complémentaires du 1er janvier au 31 juillet 2023, et sur la restitution qui découle des nouveaux calculs auxquels l’intimé a procédé.

On relèvera au vu de la proposition de l’intimé de renoncer à l’imputation d’un gain hypothétique dès février 2023 que selon l’art. 53 al. 3 LPGA, jusqu’à l’envoi de son préavis à l’autorité de recours, l’assureur peut reconsidérer une décision ou une décision sur opposition contre laquelle un recours a été formé. A contrario, si l'assureur a déjà envoyé sa réponse, il ne peut plus reconsidérer sa décision (arrêt du Tribunal fédéral 8C_1/2011 du 5 septembre 2011 consid. 1.1 et les références). Si la nouvelle décision rendue pendente lite fait entièrement droit aux conclusions du recourant, en d'autres termes donne entière satisfaction à celui-ci, le recours devient sans objet et la cause doit être radiée du rôle, la décision y afférente de l’autorité de recours devant au surplus statuer sur les frais et dépens en tenant compte de l’intervention des deux parties. Dans le cas contraire, la procédure se poursuit à propos du litige, sans qu’il soit nécessaire de recourir contre la nouvelle décision (arrêt du Tribunal fédéral 8C_1036/2012 du 21 mai 2013 consid. 3.3).

Dans un arrêt de principe du 29 avril 2021, la chambre de céans a modifié sa pratique relative à la reconsidération pendente lite en ce sens qu’une nouvelle décision de l’autorité intimée rendue après sa première réponse ou premier préavis, mais dans le cadre d’un échange d’écritures prévu par le droit de procédure ou ordonné par la chambre de céans, doit être considérée comme une décision dont il n’y a pas à contrôler la conformité au droit si elle donne entière satisfaction à la partie recourante (ATAS/393/2021 consid. 3f).

En l’espèce, la proposition de l’intimé de renoncer à la prise en compte d’un revenu hypothétique du 1er février au 31 juillet 2023 ne fait pas entièrement droit aux conclusions de la recourante, et elle n’a du reste pas été émise sous forme de décision. Partant, le litige subsiste, en tant qu’il porte sur le droit aux prestations en janvier 2023.

Dans la mesure où la recourante fait notamment valoir des motifs financiers pour s’opposer à la restitution des prestations exigée par l’intimé, on rappellera qu’aux termes de l’art. 4 al. 5 de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11), la remise fait l’objet d’une décision. Dans la mesure où la demande de remise ne peut être traitée sur le fond que si la décision de restitution est entrée en force, la remise et son étendue font en principe l'objet d'une procédure distincte de la décision de restitution (arrêt du Tribunal fédéral 8C_589/2016 du 26 avril 2017 consid. 3.1).

La remise éventuelle des prestations à restituer ne fait ainsi pas l’objet de la présente procédure.

Enfin, les rappels que la recourante déclare contester – sans les désigner exactement – ne constituent pas des décisions sujettes à opposition ou à recours, et ne font ainsi pas non plus partie du litige. La chambre de céans note néanmoins que le dossier produit par l’intimé révèle que celui-ci a, à plusieurs reprises, adressé des demandes de pièces, suivies de rappels portant sur des informations qui lui avaient pourtant été déjà communiquées par la recourante, notamment l’existence d’un compte bancaire.

4.             Dans le cas d’espèce, la chambre de céans relève en préambule que l’intimé a multiplié les décisions portant partiellement sur des périodes qui se chevauchent. Il a en effet rendu pas moins de six décisions en dates des 6 décembre, 19 décembre 2022, 17 avril, 1er juin, 17 juillet et 26 juillet 2023 sur le droit aux prestations durant le 1er semestre 2023, sans jamais mentionner – à l’exception de l’explication motivant la nouvelle décision du 1er juin 2023, liée au montant des primes d’assurance-maladie – les motifs de la reconsidération de ses précédentes décisions. On soulignera de plus que la recourante s’est opposée à la décision du 17 juillet – relative aux prestations complémentaires du 1er janvier au 31 juillet 2023 notamment – et que l’intimé s’est une nouvelle fois prononcé, non pas sur opposition comme il l’aurait dû, mais par une simple décision encore une fois sujette à opposition le 26 juillet 2023 sur le droit aux prestations pour une période partiellement identique, puisqu’elle porte sur le droit aux prestations du 1er février au 31 juillet 2023. Un tel procédé n’est pas conforme aux exigences procédurales.

Comme le Tribunal fédéral l’a rappelé à l’intimé, celui-ci est tenu de soumettre aux administrés des calculs clairs et compréhensibles (arrêt du Tribunal fédéral 9C_777/2013 du 13 février 2014 consid. 5.3). Bien qu’une décision manifestement erronée, même entrée en force, puisse en principe faire l’objet d’une reconsidération en vertu de l’art. 53 al. 2 LPGA, le fait pour l’intimé de reprendre à réitérées reprises et sans motif clairement reconnaissable pour le destinataire des décisions le calcul des prestations complexifie de manière inacceptable la procédure, et contribue à opacifier les calculs portant sur d’éventuels trop-perçus. Il n’est pas anodin de relever que ceux-ci semblent nébuleux même pour l’intimé, lequel a admis dans sa décision du 24 août 2023 une erreur dans ses précédents décomptes, découlant précisément du fait que les décisions rendues en juillet 2023 portaient sur des périodes partiellement identiques.

Au vu de ces éléments, il convient de rappeler une nouvelle fois à l’intimé les obligations que le Tribunal fédéral a déjà soulignées en la matière.

5.             Selon la LPC dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions (personnelles) prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de l’assurance-invalidité (cf. art. 4 al. 1 let. c LPC). Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d'invalidité (art. 3 al. 1 LPC). L'art. 9 al. 1 LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants. Au niveau fédéral, les revenus déterminants comprennent notamment les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’assurance-invalidité, et les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi (art. 11 al. 1 let. d et g LPC).

Les indemnités de chômage font partie des prestations périodiques qui doivent être prises en compte dans le revenu déterminant (Directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI dans leur état au 18 novembre 2020, ch. 3456.01).

Selon l’art. 14a al. 2 let. b de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301), pour les invalides âgés de moins de 60 ans, le revenu de l’activité lucrative à prendre en compte correspond au moins au montant maximum destiné à la couverture des besoins selon la let. a, pour un taux d’invalidité de 50 à moins de 60%.

Lorsque le montant indiqué à l'art. 14a al. 2 let. a à c OPC-AVS/AI n'est pas atteint, de même que lorsqu'aucune activité lucrative n'est exercée, l'assuré est présumé avoir renoncé à des ressources au sens de l'art. 11 al. 1 let. g LPC. L'assuré peut renverser cette présomption en apportant la preuve que des circonstances objectives et subjectives extérieures à l'invalidité, telles que l'âge, le manque de formation ou de connaissances linguistiques, des circonstances personnelles ou la situation du marché du travail, entravent ou compliquent la réalisation d'un tel revenu. Le revenu déterminant pour le calcul de la prestation complémentaire est le revenu hypothétique que l'assuré pourrait effectivement réaliser (ATF 141 V 343 consid. 3.3 ; 140 V 267 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 9C_827/2018 du 20 mars 2019 consid. 4.3). Le bénéficiaire de prestations a en la matière une obligation accrue de collaborer à l'instruction des faits (art. 43 al. 1 LPGA), en ce sens il doit faire valoir les éléments susceptibles de renverser la présomption précitée. S'il ne le fait pas et si ces éléments ne sont pas apparents, ou si l'instruction ne parvient pas à un résultat concluant, il supporte l'absence de preuves (arrêt du Tribunal fédéral 9C_241/2016 du 22 juin 2016 consid. 3).

6.             Au plan cantonal, l'art. 4 LPCC dispose qu'ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes dont le revenu annuel déterminant n'atteint pas le revenu minimum cantonal d'aide sociale applicable.

L'art. 5 LPCC renvoie à la réglementation fédérale pour le calcul du revenu déterminant, sous réserve notamment de l'ajout des prestations complémentaires fédérales au revenu déterminant et de certaines adaptations sans incidence dans le cas d’espèce.

Ces dispositions cantonales n’ont pas connu de modification en lien avec la réforme du droit fédéral aux prestations complémentaires.

7.             S’agissant de la restitution des prestations exigées, les principes suivants s’appliquent.

7.1 Aux termes de l’art. 25 LPGA dans sa teneur dès le 1er janvier 2021, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l’intéressé était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile (al. 1). Le droit de demander la restitution s’éteint trois ans après le moment où l’institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Si la créance naît d’un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant (al. 2).

Les prestations complémentaires accordées en vertu de décisions qui ont formellement passé en force doivent être restituées si les conditions d'une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) ou d'une révision (art. 53 al. 1 LPGA) sont remplies (ATF 130 V 318 consid. 5.2).

Le principe de la restitution prévue par l'art. 25 al. 1 LPGA doit permettre de rétablir l'ordre légal après la découverte du fait nouveau. Il n'est tempéré ni par une éventuelle absence de violation de l'obligation de renseigner ni par un élément d'ordre subjectif comme la faute ; ces questions ne se posent que dans le cadre d'un éventuel examen sur la remise de la somme à restituer (arrêt du Tribunal fédéral 9C_513/2023 du 8 avril 2024 consid. 3.2.3). L’examen des difficultés économiques qu’un assuré rencontrerait en cas de remboursement se fait au stade de la demande de remise (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_799/2017 du 11 mars 2019 consid. 6).

7.2 Au plan cantonal, l’art. 24 al. 1 LPCC a la même teneur que l’art. 25 al. 1 LPGA. Selon l’art. 24 al. 2 LPCC, le règlement fixe la procédure de la demande de remise ainsi que les conditions de la situation difficile.

Aux termes de l’art. 43A al. 2 LPCC, l’intimé peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu'elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable.

8.             En l’occurrence, il convient d’examiner si la décision du 24 août 2023 est conforme aux dispositions rappelées ci-dessus.

8.1 Les prestations versées à la recourante en janvier 2023 selon les décisions du 17 avril 2023 et du 1er juin 2023 reprenant le calcul du droit aux prestations ne tenaient pas compte des indemnités de chômage perçues en janvier 2023, ce qui s'avère contraire au droit, dès lors qu'il s'agit là de prestations périodiques au sens de l’art. 11 al. 1 let. d LPC. Ces décisions étant manifestement erronées, l’intimé était fondé à les reconsidérer et à intégrer les indemnités de chômage dans le revenu déterminant dans sa décision du 17 juillet 2023, confirmée sur opposition. Le montant retenu à ce titre, soit CHF 34'036.20, correspond aux indemnités de chômage nettes perçues en janvier 2023 et annualisées, et ne prête ainsi pas le flanc à la critique.

La correction du droit aux prestations pour janvier 2023 est ainsi conforme au droit. Selon les calculs de l’intimé dans sa décision du 17 juillet 2023, confirmée sur opposition, les revenus déterminants excédaient les dépenses reconnues en janvier 2023 et excluaient ainsi le droit aux prestations complémentaires, alors que des prestations complémentaires à hauteur de CHF 1'751.- (soit CHF 683.- pour les prestations fédérales et CHF 1'068.- pour les prestations cantonales) avaient été allouées à la recourante pour cette période, selon le décompte du 24 août 2023, ce montant ressortant du plan de calcul contenu dans la décision du 17 avril 2023.

La demande de restitution est en outre intervenue dans les délais de l’art. 25 LPGA.

Partant, ce montant trop versé de CHF 1'751.- doit en principe être restitué par la recourante à l’intimé, sous réserve du sort de la demande de remise déjà implicitement formulée dans l’opposition de la recourante du 20 juillet 2023, qu’il appartiendra à l’intimé de trancher. Il faut encore préciser ici que bien que ce montant soit supérieur au chiffre de CHF 1'538.- articulé par erreur par l’intimé dans sa décision du 17 juillet 2023, la chambre de céans est fondée à le corriger à la hausse, dès lors que ce faisant, elle ne réforme pas la décision du 24 août 2023 au détriment de la recourante (cf. art. 61 let. d LPGA). En effet, le recours est admis pour le surplus, de sorte que le présent arrêt conduit à une situation plus favorable pour celle-ci que si la décision du 24 août 2023 était exécutoire (cf. Jean METRAL in Commentaire romand LPGA, n. 78 ad art. 61 LPGA)

8.2 S’agissant du droit aux prestations de février à juillet 2023 tel que recalculé par la décision du 26 juillet 2023, confirmée sur opposition, pour y intégrer un gain hypothétique, l’intimé s’est rallié au cours de la présente procédure à l’appréciation de l’OAI retenant une incapacité de travail totale dès février 2023. Au vu de cet élément, aucune activité lucrative n’est exigible de la recourante dès cette date, et il convient ainsi d’entériner la proposition de l’intimé de renoncer à tout gain hypothétique imputé à la recourante, dès cette date.

Ainsi, le nouveau calcul du 26 juillet 2023 est erroné en tant qu’il tient compte d’un gain hypothétique conduisant à une réduction des prestations complémentaires et, par voie de conséquence, à la restitution du trop-versé. La décision du 24 août 2023 confirmant ce plan de calcul doit dès lors être annulée en tant qu’elle exige la restitution des prestations indûment versées du 1er février au 31 juillet 2023.

9.              

9.1 À l’aune de ce qui précède, le recours est partiellement admis.

9.2 La recourante qui n'est pas représentée en justice et qui n'a pas allégué ou démontré avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante de ses affaires, n'a pas droit à des dépens.

9.3 Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario et art. 89H al. 1 de la loi sur la procédure administrative [LPA – E 5 10]).

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Confirme la décision de l’intimé du 24 août 2023 en tant qu’elle exige la restitution des prestations indûment versées à hauteur de CHF 1'751.-.

4.        L’annule pour le surplus.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le