Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1265/2024

ATAS/969/2024 du 03.12.2024 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1265/2024 ATAS/969/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 3 décembre 2024

Chambre 10

 

En la cause

 

A______,

Représenté par Me Elodie LE GUEN, avocate

 

recourant

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1990, divorcé, a suivi des études de droit et obtenu un Bachelor puis un Master à l'Université de Lausanne. Parallèlement, il a gradé dans l’armée et est devenu capitaine. Après deux échecs aux examens de l’École d'avocature, il a été engagé en tant que conseiller juridique par la société B______ (ci-après : l’employeuse) à partir du 18 janvier 2021.

b. Le 19 mai 2022, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève
(ci-après : OAI) a enregistré une demande de prestations de la part de l’assuré, mentionnant être en incapacité de travail en raison de troubles psychiatriques depuis le 26 novembre 2021.

c. Dans le cadre de l’instruction du dossier, l’OAI a notamment reçu :

-          des certificats d’arrêt de travail à 50% du 10 novembre au 31 décembre 2021, et à 100% dès le 17 février 2022, signés par le docteur C______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie ;

-          le questionnaire pour l’employeuse, duquel il ressort que l’assuré avait été licencié pour le 31 mai 2021 ;

-          un rapport du 5 mai 2022 du docteur D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, mandaté par l’assureur perte de gain de l’employeuse ; ont été posés, à titre de diagnostics ayant des répercussions sur la capacité de travail, un épisode dépressif récurrent sévère, sans symptômes psychotiques (F33.2), actuellement en rémission partielle, et une symptomatologie dépressive moyenne avec syndrome somatique (F33.11). L’expert a également retenu des difficultés liées à l’emploi et au chômage (Z56) et un trouble de la personnalité émotionnellement labile de type borderline (F60.31), actuellement non décompensé, sans effet sur la capacité de travail ; un programme de reprise professionnelle avait été discuté avec l’assuré, décalé au 1er août 2022 en raison de l’épisode dépressif moyen encore en cours ; la prise en charge était adéquate et avait permis une diminution des limitations fonctionnelles.

d. Par rapport du 3 septembre 2022, le Dr C______ a fait état d’une péjoration de la thymie de l’assuré en juillet 2022 en lien avec sa procédure de divorce. Les idées noires avaient augmenté et s’étaient alors associées à des idées suicidaires, avec une décompensation du trouble de la personnalité en août 2022 et des intoxications compulsives massives multi toxiques répétées et des épisodes hétéro-agressifs nocturnes. Ces états d’agitation et de désorganisation avaient mené à une inversion du rythme nycthéméral. Le traitement médicamenteux avait été adapté et une reprise professionnelle n’était en l’état pas envisageable.

e. Dans un rapport du 3 novembre 2022, le Dr D______, à nouveau sollicité par l’assureur perte de gain de l’employeuse, a confirmé les diagnostics précédemment posés et relevé une aggravation des symptômes de l’assuré, ce qui avait empêché la reprise du travail. Les limitations fonctionnelles résultaient de la fatigue, d’un ralentissement psychotique moteur modéré et d’une tristesse avec une anhédonie partielle. Une reprise du travail décalée au 1er mars 2023 était conseillée en raison de l’épisode dépressif en cours.

f. En date des 12 janvier et 9 mars 2003, le Dr C______ a rapporté des symptômes anxieux et dépressifs, une alcoolisation massive et la nécessité d’une prise en charge psychiatrique.

g. Dans un rapport du 8 septembre 2023, le Dr C______,
Madame E______ et Monsieur F______, psychologues et psychothérapeutes FSP, ont été retenus les diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (F33.1), de personnalité émotionnellement labile, type impulsif et borderline (F60.3) et de troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation d'alcool, utilisation nocive pour la santé (F10.1). L’assuré, qui avait consulté une psychiatre en 2009 durant quelques mois suite à une attaque de panique, était suivi par le Dr C______ depuis 2014 à raison d’une fois par mois au minimum. Il avait depuis été régulièrement placé en arrêt de travail pour des raisons psychiatriques pour des durées relativement courtes, soit entre une et deux semaines. Cette instabilité avait eu des répercussions sur ses études et ses relations dans l’armée. Son état de santé s’était péjoré en 2017, avec des angoisses massives, une asthénie de plus en plus importante, des hallucinations visuelles et des idées suicidaires. En avril 2022, il avait fait une tentative de suicide par saut dans le vide. L’intéressé avait des antécédents de scarifications et utilisait l’alcool pour contrôler ses angoisses, ce qui pouvait l’amener à boire en grandes quantités et se mettre alors en danger. La symptomatologie, initialement anxieuse au premier plan, s'était développée vers un versant anxio-dépressif avec des conséquences majeures sur le fonctionnement au quotidien. Depuis sa tentative de suicide, ils avaient remarqué une certaine stabilisation de l'état psychique de l’assuré, qui n'avait plus eu d'épisode de crise ayant nécessité une intervention médicale, mais qui rencontrait encore des phases de fluctuations thymiques significatives. Cette stabilisation correspondait, temporellement, à la cessation des obligations professionnelles, ce qui suggérait qu’il n'était pas en mesure de mener une activité professionnelle sans conséquences négatives sur sa santé psychique. De plus, en dépit d'un entourage soutenant et de thérapeutes disponibles, le moindre événement de vie déstabilisant ou la moindre émotion vécue négativement pouvait être à l'origine d'une réaction en chaine avec une consommation d’alcool sans capacité de mettre des limites, et ce de manière totalement imprévisible. Ils observaient avec inquiétude qu’il continuait d'avoir recours à des mécanismes de défense et gestion d'angoisse inadaptés, notamment par la consommation d'alcool. L’observance thérapeutique était excellente. Sur la base de l'anamnèse et de leurs constatations cliniques, le pronostic était une évolution chronique de la symptomatologie anxio-dépressive renfoncée par le trouble de la personnalité borderline qui n'était pas non plus sous contrôle. L’assuré était en proie à un trouble dépressif récurrent dont les fréquents épisodes dépressifs l'empêchaient de donner des garanties de fiabilité quant à sa capacité de fonctionnement, sur différents niveaux, soit sur le plan cognitif, thymique, au niveau de la fatigue, de la concentration et de la motivation. En lien avec son trouble de la personnalité, lorsqu’il était dans un état de vulnérabilité, ce qui était fréquent et imprévisible, il décrivait des angoisses massives qu'il n'arrivait à calmer qu'à travers des moyens extrêmes, comme une consommation d'alcool excessive le mettant en danger. Dans ce contexte, il ne pouvait évidemment pas être en mesure de respecter les engagements de base d'un contrat de travail. En l’état, sa capacité de travail était nulle, tant dans son activité habituelle que dans une activité adaptée. Il n’était pas possible de se prononcer sur les perspectives d'une potentielle reprise. L’assuré devait faire l'objet de réévaluations régulières et aucun pronostic temporel ne pouvait être formulé à ce stade, au vu de la gravité de son état de santé.

h. Le 20 novembre 2023, l’assuré a été examiné par le docteur G______, médecin psychiatre auprès du service médical régional de l’OAI (ci-après : SMR). Dans son rapport du 13 décembre 2023, celui-ci a retenu, à titre de diagnostics ayant une répercussion durable sur la capacité de travail, des troubles de la personnalité mixte, trait borderline et trait dyssocial (F61.0), partiellement décompensés depuis juin 2021, ainsi que des troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation d’alcool, syndrome de dépendance, utilisation épisodique ou dipsomaniaque (F10.26). Il a également diagnostiqué des troubles anxieux et dépressifs mixtes (F41.2) et des troubles obsessionnels compulsifs avec des pensées ou ruminations obsédantes au premier plan (F42.0), sans influence sur la capacité de travail. Des symptômes dépressifs et anxieux coexistaient mais n’étaient isolément pas suffisants pour faire des diagnostics séparés. En tout et pour tout, un seul épisode dépressif était objectivé, en 2014, ce qui empêchait de retenir le diagnostic de trouble dépressif récurrent. L’épisode actuel n’avait pas évolué dans le temps et montrait en moyenne une atteinte dans la vie quotidienne de l’assuré entre 20 et 30% du temps au maximum. Certaines semaines, il n’y avait aucune altération de la vie quotidienne, mais la semaine suivante l’altération pouvait monter à 50%. Il concluait ainsi à une incapacité de travail de 25% depuis le 10 novembre 2021, sans évolution depuis lors. Les alcoolisations massives étaient liées à la décompensation du trouble de la personnalité mixte. L’adhésion de l’assuré au traitement était certaine et il n’y avait pas d’autre option thérapeutique. Le pronostic était relativement bon, l’assuré était apte à suivre des mesures de réadaptation et il existait une cohérence entre les symptômes, le comportement et les activités quotidiennes. Les limitations fonctionnelles découlaient des troubles de la personnalité décompensés, à savoir des difficultés à utiliser des ressources lorsque le sentiment de vide ou de mal-être était trop intense ou que le poids de la frustration était important. Néanmoins, lors de ces épisodes, une fois sur deux, l’assuré arrivait à rentrer à des horaires compatibles avec une nuit de sommeil normale, ce qui lui permettait ensuite d’assurer ses activités quotidiennes sans retentissement. Ce n’était que dans 20 à 30% des cas que le sentiment de vide ou de mal-être s’associait à une alcoolisation dipsomaniaque. Dans ces cas, il rentrait vers 7h du matin et ne mobilisait pas ses ressources pendant 24 heures, étant précisé qu’il n’avait aucune obligation à le faire. La fatigue, récurrente et d’ordre dépressive, ne l’empêchait pas de mobiliser ses ressources pour lutter contre elle et de maintenir des activités. Elle ne constituait donc pas une limitation fonctionnelle. Il en était de même de l’anxiété, qui accompagnait le soir les épisodes de vie ou de mal-être lorsqu’ils existaient, et qui n’était pas incapacitante.

B. a. Le 19 janvier 2024, l’OAI a informé l’assuré qu’il envisageait de rejeter sa demande, considérant que sa capacité de travail s’élevait à 75% dans toutes activités dès le 10 novembre 2021.

b. Par décision du 28 février 2024, l’OAI a nié le droit de l’assuré à des prestations, au motif que son taux d'invalidité, fixé à 25%, était insuffisant pour ouvrir le droit à une rente Il a rappelé que le rapport d'expertise avait conclu à une capacité de travail de 75% dans toutes les activités professionnelles dès le
10 novembre 2021. L’intéressé était à même de rétablir sa capacité de travail dans son activité habituelle. Des mesures d'ordre professionnel n’étaient pas indiquées.

c. Par courrier du 23 février 2024, le Dr C______ a indiqué à l’OAI que l’évaluation du SMR avait omis de tenir compte de la labilité émotionnelle et du problème d’impulsivité, qui étaient la cause principale de l’invalidité, et n’avait pas évalué précisément le trouble de la personnalité. Lors d’un épisode de crise clastique la semaine précédente, l’assuré s’était fracturé le 5e métatarse.

d. En date du 5 mars 2024, le SMR a considéré que ce rapport du psychiatre traitant ne comportait pas de status ni de discussion, et n’apportait aucun élément objectivable permettant de s’écarter des conclusions de l’expert.

e. Par décision du 6 mars 2024, l’OAI a rejeté la demande de prestations de l’assuré, reprenant les motifs à l’appui de sa décision du 28 février 2024, étant ajouté qu’il avait soumis le rapport produit dans le cadre de la procédure d’audition au SMR, lequel maintenait ses précédentes conclusions.

C. a. Par deux actes du 15 avril 2024, l’assuré a interjeté recours par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre les décisions des
28 février et 6 mars 2024. Il a conclu, sous suite de frais et dépens, préalablement à son audition et à celles du Dr C______, de E______ et de F______. Principalement, il a conclu à l’annulation de la décision entreprise, à l’octroi d’une rente d’invalidité entière à partir du 1er novembre 2022 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès cette date. Subsidiairement, il a sollicité l’octroi de mesures d'ordre professionnel et le renvoi de la cause à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

Le recourant a nié toute valeur probante au rapport du SMR, dont les conclusions étaient contredites par les pièces du dossier, en particulier les certificats et rapports de ses médecins et thérapeutes, ainsi que par l'expertise mise en œuvre par l'assureur perte de gain. Le Dr C______ lui avait prescrit de nombreux arrêts de travail depuis le 10 novembre 2021, le Dr D______ avait constaté l'aggravation de ses symptômes et considéré qu'une reprise d’activité n'était pas possible avant le 1er mars 2023, et les spécialistes qui le suivaient avaient conclu qu’il était dans l'incapacité d'exercer une quelconque activité depuis le 10 novembre 2021 en raison de ses nombreuses affections psychiatriques. Ainsi, deux psychiatres et deux psychologues avaient attesté de son incapacité de travail totale dès le mois de novembre 2021. Il était dès lors évident qu’il présentait une incapacité de gain totale, justifiant l'octroi d'une rente d’invalidité entière. Il a rappelé qu’il souffrait depuis plusieurs années de troubles psychiatriques incapacitants et que son trouble de la personnalité émotionnellement labile de type borderline engendrait une incapacité totale de gérer ses émotions, ce qui le poussait à adopter des comportements inadaptés, tels que des crises de colère incontrôlées. Ce trouble demeurait indépendamment de son excellente observance médicamenteuse et n’était pas lié à sa consommation d'alcool. Il avait ainsi présenté, le 18 avril 2024, un épisode de colère important qui l’avait poussé à frapper un mur de sa main alors qu'il était parfaitement sobre. Il s'était ainsi cassé la main. Lors de ses épisodes de dépression, il était incapable d'effectuer la moindre activité. Il passait ainsi de phases d'impulsivité extrême à des phases d'apathie totale, et ses importantes fluctuations d'humeur étaient totalement imprévisibles et aléatoires, raison pour laquelle elles l'empêchaient d'avoir une activité professionnelle. Il avait été déclaré inapte au service militaire pour des raisons médicales, par décision du 13 mars 2024.

Subsidiairement, le recourant a soutenu que ses affections justifieraient l'octroi de mesures d'ordre professionnel, étant relevé que l’intimé n’avait pas motivé les raisons pour lesquelles il estimait qu’elles ne seraient pas indiquées. D’ailleurs, le Dr G______ avait admis son aptitude à suivre des mesures de réadaptation. La décision devait être annulée pour défaut de motivation suffisante.

Encore plus subsidiairement, s'il ne devait pas être retenu le droit à une rente entière, subsidiairement à des mesures d'ordre professionnel, il conviendrait alors de constater que l’intimé n'avait pas procédé à une instruction satisfaisante, dès lors que le rapport du Dr G______, qui comprenait de nombreuses lacunes et incohérences, ne permettait pas de procéder à une appréciation concluante selon les indicateurs développés par la jurisprudence. La mise en œuvre d'une expertise psychiatrique était nécessaire. Il a notamment relevé que l'anamnèse du
Dr G______ ne retranscrivait pas correctement ses propos et omettait des éléments importants, pourtant communiqués. À titre d’exemples, il avait indiqué qu’il lui arrivait de boire jusqu'à cinq fois par semaine pour calmer ses angoisses, mais le médecin du SMR n'avait pas fait état de cette précision, préférant retenir le cas le plus fréquent, à savoir qu’il s’enivrait un jour sur deux. Il avait mentionné qu’il conduisait alors qu'il était alcoolisé, omettant de préciser qu’il avait indiqué dormir régulièrement dans sa voiture, chez des amis ou au salon de tatouage de sa compagne pour ne pas conduire ivre. Le médecin du SMR ne s’était pas déterminé sur les limitations fonctionnelles provoquées par la labilité émotionnelle, alors que l’une des caractéristiques du trouble borderline consistait en l'impossibilité de gérer ses émotions et l'impulsivité qui en découlait. Ses médecins avaient mentionné qu’il ressentait des fluctuations importantes et imprévisibles de son état psychique et qu’il décrivait des angoisses massives lorsqu’il était dans un état de vulnérabilité, ce qui était fréquent et imprévisible. Le rapport était incohérent, puisque le Dr G______ avait considéré qu’il était apte à gérer ses émotions, alors qu'il retenait que lorsque cela n'était pas le cas, soit la moitié du temps, il s'ensuivait un épisode d'alcoolisation important. Ce médecin avait retenu, en lien avec les épisodes d'alcoolisation qui l’amenaient à rentrer entre 05h00 et 07h00 du matin, que ses ressources étaient alors partiellement débordées, mais aussi volontairement mises de côté pour pouvoir s'extraire de toute contrainte. Il semblait donc considérer qu’il s'alcoolisait de manière volontaire. Pourtant, il exposait également qu’il avait toujours, depuis l'âge de 20 ans, eu des conduites alcooliques dipsomaniaques et présentait une pratique dipsomaniaque de l'alcool depuis ses 18 ans. Outre les incohérences temporelles qui dénotaient d'un manque de précision, on ne comprenait pas s’il présentait une dépendance à l'alcool comme suggéré par le diagnostic posé et le terme « dipsomaniaque », ou si le médecin excluait une telle dépendance, car il exposait que l'anamnèse ne décrivait pas réellement une pulsion incontrôlable à s'alcooliser. L'impact de l'imprévisibilité générée par le trouble borderline, de même que la consommation dipsomaniaque d'alcool, sur les possibilités concrètes d'exercer une activité lucrative n'avaient pas été discutées par le Dr G______. Ce dernier avait retenu que ses troubles ne l'empêchaient pas d'exercer son activité professionnelle, puisqu'il était en mesure de poursuivre ses activités au quotidien. Or, l'intensité des quelques activités qu’il conservait n’était en rien comparable avec les exigences d'une activité professionnelle, étant rappelé qu’il avait exercé la profession de juriste, dans laquelle le respect des délais et des relations interpersonnelles revêtaient une importance considérable, aspect qui n’avait pas du tout été évoqué le Dr G______. Ce dernier n’avait pas exposé dans quelle mesure le fait qu’il s'enivre un jour sur deux, voire parfois cinq jours sur sept, et passait entre un et deux jours au lit en raison d'alcoolisations massives pouvait avoir un impact sur son activité professionnelle. Aucun employeur accepterait que son employé quitte son poste de travail un jour sur deux pour aller consommer de l'alcool.

 

Le recourant a notamment transmis :

-          une facturation relative à un traitement dispensé à la main le 19 février 2024 ;

-          une décision du 13 mars 2024 de l’armée suisse le déclarant inapte au service militaire pour des raisons médicales suite à son examen du 6 mars 2024.

b. Le 14 mai 2024, l’intimé a relevé que sa décision du 6 mars 2024 annulait et remplaçait celle du 28 février 2024, de sorte qu’il concluait à titre liminaire à la jonction des causes.

c. Par ordonnance du 16 mai 2024, la chambre de céans a joint les causes A/1265/2024 et A/1323/2024 sous la cause A/1265/2024.

d. Dans sa réponse du 27 mai 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours. L’expertise du Dr G______, qui remplissait tous les critères pour se voir reconnaître une pleine valeur probante, était suffisante pour procéder à l’examen du caractère invalidant de l’ensemble des atteintes psychiques présentées par le recourant à l’aune des indicateurs du Tribunal fédéral. L’expert avait notamment posé les diagnostics sur la base de critères reconnus et d’un examen clinique complet et objectif, expliqué les raisons pour lesquelles il s’écartait des diagnostics posés par les médecins traitants. L’adhésion du recourant au traitement qui correspondait aux règles lege artis était certaine et il n’y avait pas d’option thérapeutique selon l’expert. Les limitations fonctionnelles n’empêchaient pas le recourant de mobiliser ses ressources. Il avait maintenu des contacts amicaux et familiaux, avait des loisirs, se déplaçait seul, de sorte qu’il n’y avait pas de limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie. Les rapports des médecins traitants avaient une valeur probante moindre. En l’absence d’éléments objectivables permettant de remettre en cause les conclusions de l’expert du SMR, une nouvelle expertise ne se justifiait pas. Compte tenu de la capacité de travail résiduelle de 75% dans toute activité, des mesures de réadaptation n’étaient pas indiquées, au regard du principe de la proportionnalité.

e. Dans ses observations du 30 juillet 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il a relevé que ni le Dr D______, ni F______ ne le suivaient, le premier ayant été mandaté par l’assureur perte de gain et le second par son psychiatre traitant en vue de la préparation du rapport du 8 septembre 2023, Ils ne pouvaient donc être considérés comme un médecin, respectivement un psychologue, traitants. L’intimé ne pouvait écarter leurs constatations au profit de celles de Dr G______, sans autre explication. Le trouble de la personnalité émotionnellement labile avait été retenu par les Drs C______ et D______, ainsi que par F______ et E______. Le médecin du SMR n’avait pas décrit les conséquences concrètes des troubles retenus dans la vie professionnelle, alors qu’il était essentiel de déterminer l’impact de l’impulsivité sur sa capacité de travail dans le métier de juriste, ainsi que les limitations fonctionnelles. Il a précisé qu’il faisait au moins trois ou quatre crises par semaine, indépendamment du moment de la journée et de façon imprévisible. Ces crises se manifestaient par des sautes d’humeur, des accès de colère, une incapacité à gérer un conflit ou une crise d’angoisse. Il avait ainsi dû cesser toute activité professionnelle et avait été réformé de l’armée. Cet aspect du trouble invalidant n’avait pas été discuté par le Dr G______. Pour le surplus, l’intimé n’avait pas répondu à ses critiques à l’encontre du rapport de l’examinateur, ni motivé les raisons pour lesquelles des mesures de réadaptation ne se justifiaient pas, violant ainsi à nouveau son droit d’être entendu.

f. Par écriture du 22 août 2024, l’intimé a également maintenu ses conclusions. Le rapport du psychiatre traitant ne comportait pas de status ni de discussion. L’expert du SMR avait pour sa part réalisé une anamnèse complète, présenté un status psychiatrique et discuté le diagnostic retenu. Il avait expliqué que les limitations fonctionnelles découlaient du diagnostic de troubles mixtes de la personnalité décompensés. Ces limitations faisaient partie intégrante de l’appréciation de la capacité résiduelle de travail. Ainsi, l’expert du SMR et les médecins qui suivaient le recourant faisaient une appréciation différente d’un même état de fait. Partant, le rapport d’expertise demeurait une base suffisante et appropriée pour l’analyse des indicateurs topiques.

g. Copie de cette écriture a été transmise au recourant le 26 août 2024.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

1.3 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques inclusivement (art. 38 al. 4 let. a LPGA et art. 89C let. a LPA), le recours est recevable.

2.              

2.1 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du
19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du
3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961
(RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

2.2 En l’occurrence, la décision querellée porte sur l’octroi d’une rente dont le droit est né postérieurement au 31 décembre 2021, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé des décisions des 28 février et 6 mars 2024, par lesquelles l’intimé a nié le droit du recourant à des prestations d’invalidité, au motif que son degré d’invalidité, fixé à 25%, était insuffisant.

4.             Conformément aux art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI, est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident.

Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

L’art. 16 LPGA dispose que pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré.

En vertu de l’art. 28 al. 1 LAI, a droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins.

4.1 Selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer
(ATF 110 V 273 consid. 4a). L'atteinte à la santé n'est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l'assuré ou, si une sphère ménagère doit être prise en compte, sur sa capacité d'accomplir les travaux habituels (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1 ; ATAS/750/2019 du 26 août 2019 consid. 7).

Lorsqu'il s'agit d'examiner dans quelle mesure un assuré peut encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de gain sur le marché du travail entrant en considération pour lui (art. 7 al. 1 et 16 LPGA), on ne saurait subordonner la concrétisation des possibilités de travail et des perspectives de gain à des exigences excessives ; cet examen s'effectue de façon d'autant plus approfondie que le profil d'exigibilité est défini de manière restrictive. Il s'ensuit que pour évaluer l'invalidité, il n'y a pas lieu d'examiner la question de savoir si un invalide peut être placé eu égard aux conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s'il pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail lorsque les places de travail disponibles correspondent à l'offre de la main d'œuvre. On ne saurait toutefois se fonder sur des possibilités de travail irréalistes. Ainsi, on ne peut parler d'une activité exigible au sens de l'art. 16 LPGA, lorsqu'elle ne peut être exercée que sous une forme tellement restreinte qu'elle n'existe pratiquement pas sur le marché général du travail ou que son exercice suppose de la part de l'employeur des concessions irréalistes et que, de ce fait, il semble exclu de trouver un emploi correspondant (ATF 138 V 457 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_661/2023 du
21 mai 2024 consid. 5 et les arrêts cités).

4.2 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165
consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I 786/04 du
19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

4.2.1 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques
(ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

4.2.2 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources)
(ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2)

Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4)

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

4.2.3 Selon la jurisprudence applicable jusqu’ici, un syndrome de dépendance primaire à des substances psychotropes (dont l’alcool) ne pouvait conduire à une invalidité au sens de la loi que s’il engendrait une maladie ou occasionnait un accident ou s’il résultait lui-même d’une atteinte à la santé physique ou psychique ayant valeur de maladie. Cette jurisprudence reposait sur la prémisse que la personne souffrant de dépendance avait provoqué elle-même fautivement cet état et qu'elle aurait pu, en faisant preuve de diligence, se rendre compte suffisamment tôt des conséquences néfastes de son addiction et effectuer un sevrage ou à tout le moins entreprendre une thérapie par (ATF 124 V 265 consid. 3c).

Dans un arrêt du 11 juillet 2019 (ATF 145 V 215), le Tribunal fédéral est parvenu à la conclusion que sa pratique en matière de syndrome de dépendance ne peut plus être maintenue. D’un point de vue médical, les syndromes de dépendance et les troubles liés à la consommation de substances diagnostiqués lege artis par un spécialiste doivent également être considérés comme des atteintes (psychiques) à la santé significatives au sens du droit de l’assurance invalidité (consid. 5.3.3
et 6).

Le caractère primaire ou secondaire d’un trouble de la dépendance n’est plus décisif pour en nier d’emblée toute pertinence sous l’angle du droit de l’assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.1.1). Par conséquent, il s’agit, comme pour toutes les autres troubles psychiques, de déterminer selon une grille d’évaluation normative et structurée (à cet égard, ATF 141 V 281) si, et le cas échéant, dans quelle mesure un syndrome de dépendance diagnostiqué par un spécialiste influence dans le cas concret la capacité de travail de l’assuré. La gravité de la dépendance dans un cas particulier peut et doit être prise en compte dans la procédure de preuve structurée
(ATF 145 V 215 consid. 6.3). Ceci est d'autant plus important que dans le cas des troubles de la dépendance – comme dans celui d'autres troubles psychiques – il y a souvent un mélange de troubles ayant valeur de maladie ainsi que de facteurs psychosociaux et socio-culturels. L’obligation de diminuer le dommage
(art. 7 LAI) s'applique également en cas de syndrome de dépendance, de sorte que l’assuré peut être tenu de participer activement à un traitement médical raisonnablement exigible (art. 7 al. 2 let. d LAI). S’il ne respecte pas son obligation de diminuer le dommage, mais qu’il maintient délibérément son état pathologique, l’art. 7b al. 1 LAI en liaison avec l'art. 21 al. 4 LPGA permet le refus ou la réduction des prestations (consid 5.3.1).

4.2.4 Selon la jurisprudence rendue jusque-là à propos des dépressions légères à moyennes, les maladies en question n'étaient considérées comme invalidantes que lorsqu'on pouvait apporter la preuve qu'elles étaient « résistantes à la thérapie » (ATF 140 V 193 consid 3.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_841/2016 du
8 février 2017 consid. 3.1 et 9C_13/2016 du 14 avril 2016 consid. 4.2).

Dans l'ATF 143 V 409 consid. 4.2, le Tribunal fédéral a rappelé que le fait qu'une atteinte à la santé psychique puisse être influencée par un traitement ne suffit pas, à lui seul, pour nier le caractère invalidant de celle-ci ; la question déterminante est en effet celle de savoir si la limitation établie médicalement empêche, d'un point de vue objectif, la personne assurée d'effectuer une prestation de travail. À cet égard, toutes les affections psychiques doivent en principe faire l'objet d'une procédure probatoire structurée au sens de l'ATF 141 V 281 (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Ainsi, le caractère invalidant des atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_142/2018 du 24 avril 2018 consid. 5.2).

4.2.5 Le point de départ de l'évaluation prévue pour les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), les troubles dépressifs (ATF 143 V 409), les autres troubles psychiques (ATF 143 V 418) et les troubles mentaux du comportement liés à l’utilisation de substances psychoactives (ATF 145 V 215) est l'ensemble des éléments médicaux et constatations y relatives. Les experts doivent motiver le diagnostic psychique de telle manière que l'organe d'application du droit puisse comprendre non seulement si les critères de classification sont remplis
(ATF 141 V 281 consid. 2.1.1), mais également si la pathologie diagnostiquée présente un degré de gravité susceptible d'occasionner des limitations dans les fonctions de la vie courante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_551/2019 du
24 avril 2020 consid. 4.1 et la référence).

Selon le Tribunal fédéral, dans tous les cas, l’administration et, en cas de recours, le juge, doivent examiner si et dans quelle mesure les experts ont suffisamment et de manière compréhensible étayé leur évaluation de l'incapacité de travail, en tenant compte des indicateurs pertinents (questions de preuve). À cette fin, les experts doivent établir un lien avec la partie précédente de l'expertise
médico-psychiatrique (avec extraits du dossier, anamnèse, constatations, diagnostics, etc.), c'est-à-dire qu'ils doivent se référer en détails aux résultats médico-psychiatriques des examens et explorations cliniques menés dans les règles de l’art qui relèvent de leur compétence. Le médecin doit donc exposer de manière détaillée les raisons médico-psychiatriques pour lesquelles les éléments constatés sont susceptibles de restreindre la capacité fonctionnelle et les ressources psychiques en termes qualitatifs, quantitatifs et temporels
(ATF 143 V 418 consid. 6). À titre d’exemple, dans le cadre de troubles dépressifs récurrents de degrés légers à modérés qui sont souvent au premier plan dans l’examen de l’invalidité au sens de l’AI, cela signifie qu’il ne suffit pas que l'expert psychiatre déduise directement de l'épisode dépressif diagnostiqué une incapacité de travail, quel qu'en soit le degré ; il doit bien plutôt démontrer si et dans quelle mesure les constatations qu'il a faites (tristesse, désespoir, manque de dynamisme, fatigue, troubles de la concentration et de l'attention, diminution de la capacité d'adaptation, etc.), limitent la capacité de travail, en tenant compte - à des fins de comparaison, de contrôle et de plausibilité - des autres activités personnelles, familiales et sociales de la personne requérant une rente. Si les experts s'acquittent de cette tâche de manière convaincante, en tenant compte des éléments de preuve établis par l'ATF 141 V 281, l'évaluation des répercussions de l’atteinte psychique sera également valable du point de vue des organes chargés de l’application du droit, que ce soit l’administration ou le juge. À défaut, il se justifie, juridiquement, de s'en écarter (ATF 145 V 361 consid. 4.3 et la référence).

En fin de compte, la question décisive est toujours celle des répercussions fonctionnelles d'un trouble. La preuve d'une incapacité de travail de longue durée et significative liée à l’état de santé ne peut être considérée comme rapportée que si, dans le cadre d’un examen global, les éléments de preuve pertinents donnent une image cohérente de l’existence de limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation invalidante de la capacité de travail n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_423/2019 du 7 février 2020 consid. 3.2.2 et les références).

4.3 L’art. 54a al. 3 LAI prévoit que les SMR établissent les capacités fonctionnelles de l’assuré qui sont déterminantes pour l’assurance-invalidité en vertu de l’art. 6 LPGA, pour l’exercice d’une activité lucrative raisonnablement exigible ou pour l’accomplissement des travaux habituels.

L'art. 49 al. 1bis RAI précise que lors de la détermination des capacités fonctionnelles au sens de cette disposition, la capacité de travail attestée médicalement pour l’activité exercée jusque-là et pour les activités adaptées est évaluée et justifiée en tenant compte, qualitativement et quantitativement, de toutes les ressources et limitations physiques, mentales ou psychiques.

4.4 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du
6 août 2020 consid. 4 et la référence).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450
consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du
22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ;
142 V 58 consid. 5.1 et les références ; 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon
l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du
4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV n° 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

Le fait qu'une expertise ait été réalisée sur mandat d'un assureur d'indemnités journalières selon la loi fédérale sur le contrat d'assurance du
2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1) - et donc pas selon la procédure de l’art. 44 LPGA -, ne suffit pas à nier sa valeur probante lors de l'évaluation du droit à une rente d’invalidité de l’AI. Toutefois, l'appréciation des preuves doit répondre à des exigences strictes. S'il existe des doutes, même minimes, quant à la fiabilité et à la cohérence d'une telle expertise, il convient de procéder à des clarifications complémentaires, comme cela est le cas pour les appréciations médicales internes à l’assurance. Une expertise « externe à la procédure » (« Fremdgutachten ») ne peut ainsi se voir d'emblée reconnaître la même valeur probante qu'une expertise ordonnée par un tribunal ou par un assureur selon l'art. 44 LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 9C_452/2023 du
24 janvier 2024 consid. 5.2.1 et les références).  

5.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

Selon la jurisprudence (DTA 2001 p. 169), le juge cantonal qui estime que les faits ne sont pas suffisamment élucidés a en principe le choix entre deux
solutions : soit renvoyer la cause à l’administration pour complément d’instruction, soit procéder lui-même à une telle instruction complémentaire. Un renvoi à l’administration, lorsqu’il a pour but d’établir l’état de fait, ne viole ni le principe de simplicité et de rapidité de la procédure, ni la maxime inquisitoire. Il en va cependant autrement quand un renvoi constitue en soi un déni de justice (par exemple, lorsque, en raison des circonstances, seule une expertise judiciaire ou une autre mesure probatoire judiciaire serait propre à établir l’état de fait), ou si un renvoi apparaît disproportionné dans le cas particulier (RAMA 1993 n° U 170
p. 136). À l’inverse, le renvoi à l’administration apparaît en général justifié si celle-ci a constaté les faits de façon sommaire, dans l’idée que le tribunal les éclaircirait comme il convient en cas de recours (voir RAMA 1986 n° K 665
p. 87). Un renvoi reste possible notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151
consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_646/2010 du 23 février 2011 consid. 4).

6.             En l’espèce, dans ses décisions litigieuses, l’intimé a retenu que le recourant disposait d’une capacité de travail de 75% depuis le 10 novembre 2021, conformément aux conclusions du Dr G______.

L’intéressé conteste cette évaluation et se réfère aux avis des autres spécialistes, qui ont admis une incapacité totale de travail dès le mois de novembre 2021.

Il convient donc d’examiner la valeur probante des rapports au dossier.

6.1 La chambre de céans constate tout d’abord que le rapport du Dr G______ ne constitue pas une expertise administrative au sens de l’art. 44 LPGA, faute d’émaner d’un médecin indépendant, d’une part, et d’avoir été diligentée selon la procédure prévue par cette disposition, d’autre part. Il s’agit donc d’un rapport du SMR rendu suite à un examen du recourant.

Le médecin du SMR a résumé les pièces mises à sa disposition, procédé à une anamnèse détaillée, rapporté les plaintes de l’examiné, ainsi que ses habitudes et son quotidien, et présenté le status psychiatrique. Il a ensuite posé les diagnostics avec les codes de la CIM-10, puis s’est déterminé sur les limitations fonctionnelles et la capacité de travail. Dans son appréciation du cas, il a notamment discuté les raisons pour lesquelles il s’écartait des avis des autres médecins. Ce document remplit donc a priori les réquisits jurisprudentiels en matière de valeur probante.

Toutefois, ses conclusions sont en contradiction avec celles des spécialistes qui ont examiné le recourant à l’époque à laquelle son incapacité de travail de longue durée a débuté, à savoir son psychiatre traitant et sa psychothérapeute, mais également le psychiatre mandaté par l’assureur perte de gain de l’employeuse et un second psychologue, dont l’avis a été sollicité par le psychiatre traitant.

6.2 Le chambre de céans observe à cet égard que le rapport du 8 septembre 2023 du Dr C______, cosigné par E______ et F______, contient lui aussi une anamnèse très fouillée, ainsi que le status psychiatrique au jour de la consultation. Le psychiatre traitant a posé des diagnostics conformément à une classification internationale reconnue et mentionné les limitations fonctionnelles retenues. Il a en outre renseigné sur le traitement prescrit et l’évolution de l’état de santé de l’intéressé depuis le début de sa prise en charge, étant rappelé qu’il le suit de manière régulière depuis une dizaine d’années. Il a motivé son appréciation de la situation et des répercussions des troubles sur les activités courantes du recourant, détaillant le déroulement d’une journée type, et s’est prononcé sur les ressources disponibles ou mobilisables. Ses conclusions apparaissent motivées et convaincantes.

Elles sont par ailleurs partagées par le Dr D______, lequel s’est lui aussi déterminé en pleine connaissance du dossier de l’intéressé, sur la base de l’anamnèse psychiatrique détaillée, après avoir personnellement examiné le recourant. Ces deux rapports font état de constats objectifs et posent des diagnostics selon la CIM-10 et les restrictions qui en découlent. Le spécialiste a en outre expliqué qu’une reprise du travail n’était pas possible et devait être décalée en raison de l’épisode dépressif en cours, étant relevé qu’il avait observé un ralentissement psychomoteur significatif et la présence de symptômes dépressifs.

6.3 Il appert donc que la décision litigieuse, par laquelle l’intimé a nié le droit du recourant à toute prestation, s'appuie exclusivement sur l'appréciation du SMR, alors que le psychiatre traitant du recourant et l’expert privé ont établi des rapports auxquels une pleine valeur probante peut également être attribuée.

L’intimé aurait donc dû constater que des doutes subsistaient quant à la fiabilité et la pertinence de l’appréciation du Dr G______, laquelle ne pouvait pas suffire pour évincer les autres documents médicaux figurant au dossier, et mettre en œuvre une expertise administrative.

6.4 Ce constat s’imposait d’autant plus que l’évaluation divergente du médecin du SMR est mise à mal par des indices concrets.

À titre d’exemples, le Dr G______ a retenu qu’un seul épisode dépressif avait été objectivé, en 2014, ce qui empêchait de retenir le diagnostic de trouble dépressif récurrent, et que l’épisode actuel n’avait pas évolué dans le temps depuis 2021. Or, le Dr C______ a rapporté une importante aggravation de l’état psychique en 2017, avec des angoisses massives, une asthénie plus importante, des hallucinations et des idées suicidaires, ainsi qu’une péjoration de la thymie en juillet 2022 en lien avec la procédure de divorce et une décompensation du trouble de la personnalité en août 2022. Ce psychiatre, qui assumait alors la prise en charge régulière du recourant, avait relevé une augmentation des idées noires, associées à des idées suicidaires, et des intoxications compulsives massives multi toxiques répétées et des épisodes hétéro-agressifs nocturnes (cf. rapport du 3 septembre 2022). Le Dr D______, qui a examiné le recourant au printemps et à l’automne 2022, a également observé une aggravation des symptômes (cf. rapport du 3 novembre 2022). Au vu de ces constatations objectives, qui émanent de deux spécialistes qui ont procédé à des examens cliniques approfondis à la période litigieuse, l’appréciation ultérieure du médecin du SMR se révèle insuffisamment motivée et peu convaincante.

En outre, certaines analyses du Dr G______ apparaissent incohérentes. Il a par exemple fait état d’une autonomie totale dans la vie quotidienne, alors que son descriptif des journées-types relate que le recourant s’occupe uniquement des courses et de son administratif. Il n’effectue aucune autre tâche ménagère, puisque les repas sont préparés par sa belle-mère, laquelle prend également en charge le lavage, le séchage et le repassage des vêtements. Pour le reste, le ménage est effectué par sa belle-mère, sa compagne ou les enfants de cette dernière, sans participation aucune de l’intéressé.

S’agissant de l’appréciation de la capacité résiduelle de travail, l’évaluation de l’examinateur du SMR ne tient pas compte des effets contraignants de la maladie psychique. En effet, le Dr G______ a conclu à une capacité de travail de 75%, puisque l’intéressé présentait, en moyenne, une atteinte dans la vie quotidienne entre 20 et 30% du temps au maximum. Il n’a cependant pas examiné la capacité fonctionnelle dont dispose réellement le recourant, en tenant compte des importantes fluctuations rapportées, soit des semaines sans aucune altération de la vie quotidienne et d’autres marquées par une altération pouvant atteindre 50%, et donc de la flexibilité des horaires requise par les troubles qui privent le recourant de manière imprévisible de ses ressources mobilisables. De plus, l’examinateur aurait également dû se déterminer sur l’aptitude de l’assuré à exercer son activité habituelle, en tenant compte des responsabilités et du stress qu’implique la fonction précédemment exercée de juriste.

6.5 L’intimé n’ayant pas procédé à une appréciation correcte des preuves, il se justifie de lui renvoyer le dossier pour qu’il effectue une instruction complémentaire afin de lever les importantes contradictions résultant des différents documents produits, en mettant en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA.

7.             Compte tenu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et les décisions des 28 février et 6 mars 2024 annulées.

Le recourant obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 1'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule les décisions de l’intimé des 28 février et 6 mars 2024.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire dans le sens des considérants et nouvelle décision.

5.      Condamne l'intimé à verser au recourant une indemnité de CHF 1'500.- à titre de dépens.

6.      Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente

 

 

 

 

Joanna JODRY

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le