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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/850/2024

ATAS/952/2024 du 02.12.2024 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/850/2024 ATAS/952/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 décembre 2024

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

 

recourant

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), de nationalité libanaise, né le ______ 1970, titulaire d’un permis C, divorcé, exerçant une activité de serveur sur appel, a déposé auprès de l'office de l'assurance-invalidité (ci-après : l'OAI) une première demande de prestations de l'assurance-invalidité le 29 mars 2016, pour des lombalgies chroniques mécaniques remontant à l’année 2002.

b. Il était suivi par le docteur B______, spécialiste FMH en rhumatologie, depuis 2002, lequel relevait que l'assuré était revenu le voir pour des lombalgies chroniques mécaniques, plus sévères depuis quelques mois, incapacitantes à hauteur de 60%. Dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, on pouvait considérer que la capacité de travail était entière depuis mars 2016.

B. a. Le 22 juin 2016, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) a conclu à des lombalgies chroniques avec début de la longue maladie en août 2015 ; la capacité de travail exigible dans l'activité habituelle était de 0%, et de 100% dans une activité adaptée, dès mars 2016. Les limitations fonctionnelles retenues étaient : alternance (nécessaire) des positions assise et debout, ne pas se pencher, pas de bras au-dessus de la tête, pas de travail sur une échelle/échafaudage, ne pas monter les escaliers, pas de port de charge au-delà de 7 kg, pas de travail accroupi ou à genoux, pas de rotations en position assise/debout.

b. Le 18 août 2016, le service de réadaptation de l’OAI a estimé qu’une mesure de type IPT n’était pas adéquate, vu la fragilité psychique et le retrait social de l’assuré.

c. Par décision du 28 novembre 2016, l'OAI a rejeté la demande de rente d'invalidité, au motif que le degré d’invalidité était de 10%.

d. Par courrier du 22 mai 2017, l'assuré a demandé la réouverture de son dossier, alléguant une aggravation de son état de santé selon un certificat médical du 16 mai 2017 du Dr B______, attestant d’une capacité de travail de 40%, et une‑attestation médicale du docteur C______, spécialiste FMH en oto-rhino-laryngologie et chirurgie cervico-faciale, du 15 mai 2017, attestant d’une surdité à droite et d’acouphènes.

e. Le SMR a rendu un rapport final subséquent le 31 mai 2017, estimant que l'assuré n'avait pas rendu plausible une aggravation de son état de santé.

f. Par décision du 12 juillet 2017, l'OAI a refusé d'entrer en matière sur la nouvelle demande, décision confirmée par l’arrêt de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice du 25 juin 2018 (ATAS/559/2018).

g. Le 23 mars 2022, le Dr B______ a attesté de lombalgies chroniques, réduisant la capacité de travail à un taux de 40%.

Le 15 avril 2022, l’assuré a consulté le service des urgences des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), en raison d’une hypertension et une demande d’infiltration.

h. Le 10 mai 2022, l’OAI a pris en charge un appareil acoustique pour une hypoacousie à droite.

i. Le 7 juillet 2022, le Dr B______ a attesté que l’assuré, au vu de ses douleurs (lombalgies chroniques), ne pouvait pas travailler depuis plusieurs années. Celles‑ci s’étaient aggravées.

j. Le 14 juillet 2022, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations d’invalidité.

k. Le 10 août 2022, le SMR a estimé que l’assuré n’avait pas rendu plausible une aggravation durable de son état de santé.

l. Par projet de décision du 11 août 2022, l’OAI a refusé d’entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations.

m. Le 19 août 2022, le Dr C______ a attesté d’une surdité de l’oreille droite avec acouphènes, avec comme conséquence que l’assuré ne supportait pas les séances en groupe.

n. Le 23 août 2022, le Dr B______ a estimé que la capacité de travail comme serveur était de 20 à 30% et dans une activité de travail administratif, permettant le changement de position, elle était en tous les cas de 50%.

o. Le 10 octobre 2022, le Dr C______ a attesté d’acouphènes de l’oreille gauche depuis six jours.

p. Le 19 octobre 2022, le SMR a estimé que l’assuré avait rendu plausible une aggravation de son état de santé et qu’une expertise rhumatologique était souhaitée.

q. Le 11 mai 2023, le Dr B______ a posé le diagnostic de capsulite rétractile de l’épaule gauche ayant nécessité une infiltration intra-articulaire de l’épaule gauche (corticoïde). Ce diagnostic pouvait entrainer un handicap fonctionnel du membre supérieur de quelques mois à deux ans.

r. Par communication du 1er septembre 2023, l’OAI a pris en charge un forfait pour un appareil acoustique binaural.

s. À la demande de l’OAI, le docteur D______, spécialiste FMH en rhumatologie a rendu, le 16 novembre 2023, un rapport d’expertise. Il a posé les diagnostics de lombalgies chroniques, cervicalgies chroniques, syndrome d’impingement des deux épaules avec les limitations fonctionnelles suivantes : pas de port de charge au-dessus de 7 kg, pas de travail en porte-à-faux, pas de position accroupie ou à genoux, pas de rotations répétées du tronc, pas d’activité avec les bras au-dessus de l’horizontale, pas de marche sur des escaliers/des échelles, pas de position monotone exclusivement ou principalement assise ou debout ou en marchant, mais avec possibilité de changer de position.

La capacité de travail était nulle comme serveur et totale dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles.

t. Le 27 novembre 2023, l’OAI a fixé le degré d’invalidité de l’assuré à 0%, sur la base d’un revenu sans invalidité (CHF 51'875.-) déterminé selon l’ESS 2020, TA1, lignes 55-56, homme, niveau 1, indexé à 2022 et d’un revenu d’invalide (CHF 65'969.-) déterminé selon l’ESS 2020, TA1, ligne totale, homme, niveau 1, indexé à 2022.

u. Le 27 novembre 2023, le SMR a estimé que la capacité de travail était nulle dans l’activité de serveur dès le 1er août 2015 et de 100% dans une activité adaptée dès le 1er mars 2016.

v. Par projet de décision du 29 novembre 2023, l’OAI a rejeté la demande de prestations, au motif que le degré d’invalidité était nul.

w. Le 18 janvier 2024, l’assuré s’est opposé au projet précité, en faisant valoir qu’il souffrait de douleurs au dos depuis 22 ans, qu’il ne pouvait tenir en position assise plus de 20 minutes, qu’il avait besoin de deux appareils acoustiques et d’un appareil nasal la nuit et qu’il présentait de l’hypertension. Il a communiqué :

-     Un rapport du 29 janvier 2024 du Dr C______, attestant d’une surdité de perception majeure à sévère à droite, d’une presbyacousie à gauche et d’acouphènes invalidant empêchant une activité dans un milieu bruyant.

-     Un rapport du 24 août 2023 du docteur E______, spécialiste FMH en pneumologie, attestant d’un syndrome d’apnées et d’hypopnées du sommeil de degré modéré, traitées par CPAP.

x. Le 6 février 2024, le SMR a confirmé son appréciation de la capacité de travail, en signalant que l’activité adaptée devait être exercée dans un milieu non bruyant.

y. Par décision du 7 février 2024, l’OAI a rejeté la demande de prestations.

z. Le 20 février 2024, l’assuré a écrit à l’OAI que ses médecins, le Dr « F______ service ORL » et la Dre G______ étaient à disposition pour répondre à toute question.

C. a. Le 11 mars 2024, l’assuré a recouru à l’encontre de la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en faisant valoir qu’il souffrait de douleurs au dos qui l’empêchaient de travailler, qu’il présentait depuis un an une douleur à l’épaule gauche, qu’il souffrait de bruit dans ses oreilles, d’hypertension, d’acide gastrique, de ballonnement, de problèmes de vue et d’un manque d’oxygène dans le sang.

b. Le 4 avril 2024, l’OAI a conclu au rejet du recours.

c. Le 24 avril, l’assuré a répliqué.

d. Le 17 juin 2024, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle. Le recourant a déclaré qu’il était suivi par la docteure G______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation, qui refusait de lui faire un rapport médical sans avoir une demande précise de l’AI.

Il a communiqué un rapport d’échographie de l’épaule gauche du 11 juin 2024 et de l’épaule droite du 23 juillet 2024, une attestation du 29 janvier 2024 du Dr C______, selon laquelle il présentait une surdité de perception moyenne à sévère à droite et une presbyacousie à gauche ainsi que des acouphènes invalidants et qu’il ne pouvait pas travailler en tant que serveur dans un milieu bruyant, un rapport du 23 mai 2023 de la Dre G______, attestant de douleurs de la poitrine depuis quatre jours, et une attestation du 5 juin 2024 du Dr E______, mentionnant un syndrome d’apnées du sommeil (ci‑après : SAS) de degré modéré.

e. Le 5 juillet 2024, le Dr E______ a attesté d’un SAS modéré. Afin d’augmenter l’utilisation du CPAP (Continuous Positive Airway Pressure), que le recourant portait une heure par nuit, il avait prescrit un traitement médicamenteux.

f. À la demande de la chambre de céans, la Dre G______ a indiqué le 8 août 2024 qu’elle suivait le recourant depuis le 22 décembre 2022, lequel présentait les diagnostics suivants : omalgies de l’épaule gauche sous tendinopathie calcifiante de la coiffe des rotateurs avec discrètes fissurations non transfixiantes du supra-épineux et petite bursite sous-acromio-deltoïdienne, omalgies de l’épaule droite sous tendinopathie de la coiffe des rotateurs avec fissuration du tendon supra-épineux non transfixiantes associées de bursite sous acromio-deltoïdienne modérée, lombalgies et cervicalgies chroniques non déficitaires sous lésions dégénératives, hypertension artérielle, syndrome des apnées du sommeil et état dépressif réactionnel. Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : port de charges de 5 kg de façon répétitive et de 10 kg de manière ponctuelle, limitation des mouvements répétitifs de la colonne vertébrale, limitation à la mobilité des épaules au-dessus de 90° de flexion / abduction et à la rotation externe, ainsi que limitation pour toutes les activités physiques lourdes.

L’assuré était capable de travailler dans une activité adaptée à un taux de 50% depuis décembre 2022, en raison de tendinopathie fissuraire de la coiffe des rotateurs de l’épaule droit associée d’une bursite, ainsi que d’une tendinopathie calcifiante de l’épaule gauche. Elle n’était pas d’accord avec l’expertise du Dr D______ ; l’assuré était capable de travailler à 50% à la suite de la péjoration de son état de santé au niveau ostéo-articulaire. Il présentait de plus des troubles psychosomatiques, avec un état dépressif sévère, de sorte qu’une expertise psychiatrique était recommandée.

g. Le 16 septembre 2024, le SMR a observé que le Dr E______ ne mentionnait pas de limitations fonctionnelles incapacitantes, que la Dre G______ n’apportait pas d’élément pouvant justifier une réduction à 50% de la capacité de travail du recourant, que l’expert rhumatologue avait pris en compte les affections des épaules tout comme les éléments attestés par le Dr C______ et qu’aucune atteinte cardiaque n’avait été constatée par la Dre G______. Par ailleurs, l’atteinte psychiatrique alléguée n’était pas documentée, de sorte qu’une expertise psychiatrique n’était pas indiquée. La capacité de travail du recourant était de 100% dans une activité adaptée à toutes les atteintes à la santé.

h. Le 19 septembre 2024, l’OAI s’est rallié à l’avis du SMR précité.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

2.             Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité, singulièrement sur l’évaluation de sa capacité de travail.

3.              

3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

En l’occurrence, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait au plus tôt en 2023, soit six mois après le dépôt de la demande du 14 juillet 2022 (art. 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.

3.2 Est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée (art. 8 al. 1 LPGA).

La notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

3.3 A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI).

3.4  

3.4.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

3.4.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

3.4.3 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).

3.4.4 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

Les limitations dues à l’atteinte à la santé au sens étroit, à savoir les restrictions à l’exercice d’une activité lucrative au sens de l’art. 8 LPGA de nature quantitative et qualitative, dues à l’invalidité et médicalement établies, doivent systématiquement être prises en compte pour l’appréciation de la capacité fonctionnelle. Il s’agit là de l’estimation du temps de présence médicalement justifié d’une part (capacités fonctionnelles quantitatives, par ex. en nombre d’heures par jour) et des capacités fonctionnelles qualitatives durant ce temps de présence d’autre part (limitation de la charge de travail, limitations qualitatives, travail plus lent par rapport à une personne en bonne santé, etc.). En règle générale, ces deux composantes sont ensuite combinées pour obtenir une appréciation globale en pourcentage de la capacité de travail, autrement dit des capacités fonctionnelles. Ainsi, par exemple, une productivité réduite pendant le temps de présence exigible ou un besoin de pauses plus fréquentes doivent être systématiquement déduits lors de l’indication de la capacité fonctionnelle résiduelle. Cela permet également de tenir compte de la jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle la capacité de travail attestée par un médecin donne des indications sur l’effort pouvant être effectivement exigé, mais pas sur la présence éventuelle sur le lieu de travail. Dans certaines circonstances, il peut être nécessaire de demander des renseignements auprès du médecin traitant afin que le SMR puisse établir une évaluation globale et compréhensible de la capacité fonctionnelle résiduelle, qui tienne compte de tous les facteurs médicaux influents [OFAS, Dispositions d’exécution relatives à la modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité (Développement continu de l’AI), rapport explicatif (après la procédure de consultation) du 3 novembre 2021 (ci-après : rapport explicatif), ad art. 49 al. 1bis, p. 60].

3.4.5 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

3.4.6 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV n° 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion distincte. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_458/2023 du 18 décembre 2023 consid. 3.2 et la référence).

3.5 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération (ATF 144 V 427 consid. 3.2 ; 139 V 176 consid. 5.3 et les références).  Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

4.             En l’occurrence, l’intimé s’est fondé sur l’expertise rhumatologique du Dr D______ pour retenir une capacité de travail du recourant de 100% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles dès le 1er mars 2016.

Fondé sur toutes les pièces du dossier, comprenant la description des plaintes du recourant, une anamnèse complète, un status rhumatologique, posant des diagnostics et limitations fonctionnelles clairs et proposant une évaluation motivée et convaincante de la capacité de travail du recourant, le rapport d’expertise du Dr D______ répond aux réquisits jurisprudentiels précités pour qu’il lui soit reconnu une pleine valeur probante.

Le recourant conteste l’appréciation du Dr D______ et fait valoir l’avis de la Dre G______ du 8 août 2024, laquelle estime que les affections aux épaules du recourant justifient une capacité de travail réduite à un taux de 50%. Il a également joint deux rapports d’échographie de ses épaules, des 11 juin et 23 juillet 2024.

4.1 Les deux rapports d’échographie précités objectivent les diagnostics posés par la Dre G______ d’omalgies de l’épaule gauche sous tendinopathie calcifiante de la coiffe des rotateurs avec discrètes fissurations non transfixiantes du supra-épineux et petite bursite sous-acromio-deltoïdienne, d’omalgies de l’épaule droite sous tendinopathie de la coiffe des rotateurs avec fissuration du tendon supra-épineux non transfixiantes associées de bursite sous acromio-deltoïdienne modérée.

Contrairement à l’avis du SMR du 16 septembre 2024, l’expert rhumatologue n’a pas pris en compte ces atteintes articulaires, dès lors que, selon le dossier radiologique en sa possession, l’échographie de l’épaule gauche du 25 mars 2023 qui y figure conclut à l’absence d’anomalie échographique décelable au niveau de l’épaule gauche, en particulier pas de nette bursite, ni de fissuration tendineuse (expertise rhumatologique p. 17). Le syndrome d’impingement des deux épaules retenu par l’expert ne tient ainsi pas compte des conclusions des deux échographies précitées ni de celles de la Dre G______, lesquelles témoignent d’une aggravation de l’état de santé du recourant.

Certes, ces imageries sont postérieures à la décision litigieuse du 7 février 2024 et ne peuvent, en principe, être prises en compte dans le cadre de la présente procédure, dès lors que, de jurisprudence constante, le juge apprécie en règle générale la légalité des décisions entreprises d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 144 V 21) et les faits survenant postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent en principe faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1). Cependant, compte tenu des développements ci-après concernant l’aspect psychiatrique, il incombera à l’intimé d’instruire plus avant cet aspect, par l’ordonnance d’un complément d’expertise auprès du Dr D______, voire d’une nouvelle expertise rhumatologique.

4.2 L’intimé estime qu’en l’absence d’un diagnostic émanant d’un expert psychiatre, une expertise psychiatrique n’est pas nécessaire, le SMR ayant précisé que le dossier ne comprenait aucune référence à une quelconque atteinte psychiatrique durablement incapacitante.

Le recourant fait valoir l’avis de sa médecin traitante, la Dre G______, laquelle a indiqué, le 8 août 2024, que le recourant présentait des troubles psychosomatiques avec un état dépressif sévère, justifiant l’ordonnance d’une expertise psychiatrique.

Contrairement à l’avis de l’intimé, la nécessité d’une investigation psychiatrique n’a pas seulement été mentionnée par la médecin traitante du recourant, comme souligné par celui-ci, mais également par l’expert rhumatologue mandaté par l’intimé. En effet, celui-ci a indiqué que la persistance d’une intensité des douleurs élevée malgré les traitements effectués et malgré la possibilité de mener une vie active dans le quotidien parle en faveur d’un trouble de la perception et de l’élaboration de la douleur, qui pourrait se manifester chez l’assuré dans le contexte de problèmes psychosociaux (perte du travail depuis plusieurs années, vie dans une chambre d’hôtel depuis avril 2022, une partenaire et deux enfants de 4 et 6 ans vivant loin au Liban, perte de contacts sociaux en Suisse, perte d’une activité indépendante pour des raisons bureaucratiques, etc.) ; tous ces éléments pourraient influencer tant la perception que l’élaboration de la douleur, raison pour laquelle une éventuelle comorbidité psychique devrait être éclaircie (expertise rhumatologique p. 20). Le caractère réfractaire des douleurs alléguées pourrait aussi s’expliquer par l’éventuelle présence d’une comorbidité psychiatrique, par exemple une dépression, qui n’a jamais été abordée et devrait être éclaircie (expertise rhumatologique p. 24). Il a conclu dans les « réponses aux questions du mandat », que l’éventuelle présence d’une comorbidité psychiatrique, par exemple une dépression, qui n’avait jamais été abordée devait être éclaircie (expertise rhumatologique p. 27).

Compte tenu des avis tant de la médecin traitante du recourant que de l’expert rhumatologue, il convient d’admettre qu’il existe des indices suffisants permettant de penser que le recourant est atteint dans sa santé psychique et justifiant, en conséquence, que l’aspect psychiatrique soit investigué.

Or, en l’absence de toute mesure d’instruction de cet aspect de la part de l’intimé, il convient de lui renvoyer la cause afin de procéder à une évaluation psychiatrique du recourant.

4.3 La décision litigieuse devant, pour ce motif, être annulée et une nouvelle décision rendue après instruction médicale complémentaire, il incombera également à l’intimé d’instruire l’aggravation possible de l’état de santé rhumatologique du recourant, dans le sens susmentionné.

5.             Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis, la décision litigieuse annulée et la cause sera renvoyée à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision, dans le sens des considérants.

Le recourant, qui n’est pas représenté en justice et qui n’a pas allégué avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante de ses affaires, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1 bis LAI).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimé du 7 février 2024.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision, dans le sens des considérants.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le