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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/713/2024

ATAS/946/2024 du 14.11.2024 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/713/2024 ATAS/946/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 novembre 2024

Chambre 3

 

En la cause

A______

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Le 5 septembre 2023, Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), ressortissant égyptien, a été licencié par son employeur (sis à Berne) pour le 30 novembre 2023.

b. Le 2 novembre 2023, l’assuré s’est annoncé à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE), en déclarant être disposé à travailler à 100% dès le 1er décembre 2023.

c. Interpellé par l’OCE pour savoir si l’assurée était autorisé à travailler, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a répondu par la négative en date du 9 novembre 2023, en expliquant que l’intéressé ne bénéficiait pas de la mobilité professionnelle.

d. Par décision du 14 novembre 2023, l’OCE a donc déclaré l’assuré inapte au placement, faute d’autorisation de travail. Certes, il était au bénéfice d’un permis B valable du 24 janvier 2023 au 29 février 2024, mais celui-ci avait été délivré par le canton de Berne, dans lequel il avait travaillé jusqu’à fin novembre 2023.

e. Le 16 novembre 2023, l’assuré s’est opposé à cette décision en exposant en substance qu’il avait effectué les démarches nécessaires auprès de l’OCPM, suite à son déménagement à Genève, et que ledit office lui avait délivré en date du 7 novembre 2023 un nouveau permis B pour la même durée de validité que le précédent.

f. Questionné par l’OCE, l’OCPM a exposé, en date du 22 décembre 2023, que le permis B délivré à l’intéressé par le canton de Berne était limité à l’employeur se trouvant dans le même canton et que ce permis ne pouvait être prolongé que pour cet employeur. S’il avait accepté le changement de canton, de Berne à Genève, c’est parce qu’il était intervenu en novembre et que l’assuré était alors encore au service du même employeur. Il n’en demeurait pas moins que l’intéressé ne disposait pas de la mobilité professionnelle et que toute nouvelle prise d’emploi devrait être annoncée auprès de l’autorité de contrôle du marché du domicile de l’employeur, soit, à Genève, le Service de la main d’œuvre étrangère.

g. Par décision du 30 janvier 2024, l’OCE a rejeté l’opposition, l’assuré étant inapte au placement, faute de permis de travail, à compter du 1er décembre 2023.

B. a. Par écriture du 29 février 2024, l’assuré à interjeté recours contre cette décision.

Il « demande un permis genevois pour lui donner des droits de travail ».

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 22 mars 2024, a conclu au rejet du recours.

c. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimé, déclarant le recourant inapte au placement dès le 1er décembre 2023, au motif qu’il n’a pas d’autorisation de travailler lui permettant de changer d’emploi.

3.              

3.1 L'assuré a droit à l'indemnité de chômage, entre autres conditions, s'il est apte au placement (art. 8 al. 1 let. f LACI [RS 837.0]).

Selon l'art. 15 al. 1 LACI, est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d'intégration et qui est en mesure et en droit de le faire. L'aptitude au placement suppose, logiquement, que l'intéressé soit au bénéfice d'une autorisation de travail qui lui permette, le cas échéant, d'accepter l'offre d'un employeur potentiel. À défaut d'une telle autorisation, les organes de l'assurance-chômage ou, en cas de recours, le juge ont le pouvoir de trancher préjudiciellement le point de savoir si, au regard de la réglementation applicable, le ressortissant étranger serait en droit d'exercer une activité lucrative (ATF 120 V 378 consid. 3a). Il s'agit de déterminer – de manière prospective, sur la base des faits tels qu'ils se sont déroulés jusqu'au moment de la décision sur opposition (ATF 143 V 168 consid. 2 ; ATF 120 V 385 consid. 2) – si l'assuré, ressortissant étranger, pouvait ou non compter sur l'obtention d'une autorisation de travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_654/2019 du 14 avril 2020 consid. 2.1 et les références, in SVR 2020 ALV n° 17 p. 53 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_180/2022 du 28 octobre 2022 consid. 3.3.1).

Dans cette dernière éventualité, l’administration ou le juge ont le pouvoir de trancher préjudiciellement le point de savoir si, au regard de la réglementation applicable (droit des étrangers et de l’asile, traités internationaux conclus par la Suisse), le ressortissant étranger serait en droit d’exercer une activité lucrative. Lorsqu’ils ne disposent pas d’indices concrets suffisants, l’administration ou le juge doivent s’informer auprès des autorités de police des étrangers ou de marché du travail au sens de l’art. 40 de la loi fédérale sur les étrangers (LEtr devenue LEI ; RS 142.20), pour savoir si la personne intéressée peut s’attendre à obtenir une autorisation de travail (ATF 120 V 385 ; 392 consid. 2c p. 396). Dans le domaine de l’asile, la collaboration entre autorités est d’ailleurs facilitée.

Pour qu’une indemnisation puisse avoir lieu, il faut que le droit de travailler existe, et ce pour chaque période concernée (DTA 1996/1997 p. 182 consid. 3a/aa p. 187). L’examen de l’aptitude au placement se fonde sur une appréciation prospective. Il convient donc de déterminer pour chaque période précise si l’assuré pouvait compter obtenir une autorisation de travailler (DTA 2002 p. 46 consid. 3a p. 48 ; p. 111 consid. 2a p. 112 ; arrêt du 11 juillet 2006 [C 168/05]). L’existence d’une telle autorisation à un moment donné ne permet ni à l’administration ni au juge d’admettre l’aptitude au placement pour une période antérieure durant laquelle cette autorisation n’aurait pas été délivrée (arrêt du 24 avril 2007 [C 248/06]). De même, le droit de prendre un emploi n’est pas immuable et peut disparaitre d’un jour à l’autre.

Les conditions de résidence habituelle en Suisse au sens de l’art. 12 LACI et de l’autorisation de travailler (art. 15 al. 1 LACI) sont intimement liées (DTA 1996/1997 p. 183 consid. 3b p. 187) et doivent être remplies cumulativement durant toute la période d’indemnisation. Le droit de séjourner et le droit de travailler sont du reste intégrés au même document administratif. Dès que l’une de ces deux conditions fait défaut, le droit à l’indemnité doit être nié (arrêt du 26 août 2010 [8C_128/2010]). On peut déroger à ce principe lorsque l’autorisation de police des étrangers est échue mais que l’étranger a présenté dans les délais une demande de prolongation non vouée à l’échec (ATF 126 V 376 consid. 1c p. 378 ; DTA 1996/1997 p. 183 ; Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, p. 169-170).

3.2 Selon le Bulletin LACI, l'assuré de nationalité étrangère qui n'est pas titulaire d'une autorisation de travail est inapte au placement. Pour les étrangers sans permis d'établissement, le droit de travailler est subordonné à la possession d'une autorisation de séjour de la police des étrangers les habilitant à exercer une activité lucrative ou au renouvellement présumé de ladite autorisation.

Les étrangers sans permis d'établissement doivent être titulaires d'une autorisation de travailler ou s'attendre à en recevoir une s'ils trouvent un emploi convenable. Les principes exposés à propos de l'exigence de domicile comme condition du droit à l'indemnité sont aussi applicables en l'occurrence - B137 ss (Bulletin LACI/IC, chiffre B230).

4.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

5.              

5.1 En l’occurrence, le recourant est titulaire d’une autorisation de séjour B valable jusqu’au 29 février 2024, liée à son ancien employeur, qui l’a licencié pour le 30 novembre 2023. Il ne bénéficie pas d’une autorisation lui permettant de travailler pour un autre employeur et est soumis, en cas de nouvel engagement, à une nouvelle autorisation de travailler, comme l’a confirmé l’OCPM à deux reprises. Si un autre employeur était prêt à l’engager, il devrait d’abord préparer un dossier le concernant et le transmettre à l’OCPM, qui ferait ensuite suivre au service de la main-d’œuvre étrangère de l’OCIRT. L’intéressé ne pourrait ainsi débuter une nouvelle activité sans l’aval de ce service.

5.2 Quant aux chances d’obtenir une telle autorisation, il convient de relever que, selon l’expérience, certaines demandes de changement d’emploi sont acceptées, mais pas systématiquement. Or, en l’occurrence, rien ne permet de retenir comme établi au degré de la vraisemblance prépondérante que le recourant pourrait compter sur la délivrance d’une autorisation de travailler en cas d’engagement par un nouvel employeur.

L’intéressé n’allègue d’ailleurs pas pouvoir prétendre un permis de travail non conditionné, ni qu’un employeur ait manifesté la volonté de déposer une demande pour son compte en vue de l’obtention d’un tel permis, ni même que son admission servirait les intérêts du pays (art. 18 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 [LEI - RS 142.20]) ou serait justifiée par le fait qu’un profil semblable au sien ne pourrait être trouvé parmi les travailleurs en Suisse (art. 21 al. 1 LEI). Aucun indice concret n’est avancé à cet égard.

5.3 Dans ces conditions, c’est à juste titre que l’intimé l’a considéré comme inapte au placement à compter du 1er décembre 2023. L’aptitude au placement constituant l’une des conditions nécessaires du droit à l’indemnité, c’est également à juste titre que ce droit lui a été nié par l’intimé.

6.             Partant, le recours est rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

***

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le