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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/977/2024

ATAS/911/2024 du 25.11.2024 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/977/2024 ATAS/911/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 novembre 2024

Chambre 16

 

En la cause

A______
représentée par Me Thierry STICHER, avocat

recourante

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______, née le ______ 1976, est mariée et mère d’un enfant né le ______ 1997. De nationalité portugaise, elle est arrivée en Suisse en ______ 1996.

b. Dès le 1er juillet 2004, elle a travaillé en tant que concierge, pour le compte du B______ SA (ci-après : le Comptoir immobilier) à temps partiel, à 50% selon ses explications, à 40% selon les calculs de l’office de l’assurance-invalidité de Genève (ci-après : OAI). Parallèlement, dès le 2 juin 2020, elle a également travaillé en tant qu’agente de propreté pour le compte d’un particulier, à raison de 20 heures par mois.

B. a. Le 15 juin 2021, l’assurée a saisi l’OAI d’une demande de prestations, en raison d’une lombalgie chronique entraînant une incapacité de travail depuis le 8 février 2021.

b. Dans le cadre de l’instruction de cette demande, l’OAI a adressé à l’assurée un questionnaire sur le statut, questionnaire auquel elle a répondu en date du 24 août 2021. Il en ressort que l’assurée travaillait à temps partiel depuis 1995, car elle souhaitait pouvoir s’occuper de son fils. Elle n’avait jamais envisagé d’augmenter ou de réduire son taux d’activité, étant donné que la charge de travail lui convenait. Elle n’avait d’ailleurs jamais entrepris de démarches, sous la forme de recherches d’emploi ou d’une inscription à l’office cantonal de l’emploi par exemple. Interrogée sur ses activités occupationnelles, l’assurée a expliqué que chaque jour, elle marchait 30 minutes et jardinait 30 minutes.

c. Dans le cadre de l’instruction de la demande de prestations, l’OAI a rassemblé de nombreux rapports et notamment :

-          le compte-rendu du 19 février 2021 relatif à l’IRM lombaire du même jour, dont il ressort que l’assurée souffrait d’une arthropathie dégénérative interfacettaire postérieure débutante L5-S1 des deux côtés (ddc), dont l’hypertrophie des ligaments jaunes venait au contact des racines L5 dans leur trajet foraminal en particulier du côté gauche dans le contexte clinique ;

-          le rapport à l’attention de l’OAI établi le 29 juin 2022 par le docteur C______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, médecin adjoint auprès de l’Unité de psychiatrie de liaison des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), dans lequel ce médecin a posé les diagnostics d’épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques (F32.2) et de syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4), entraînant les limitations fonctionnelles suivantes : tristesse quotidienne, ruminations anxieuses, troubles du sommeil, intolérance au stress, fatigue accrue, troubles de la mémoire et de la concentration, douleurs fortes et invalidantes. La capacité de travail était nulle depuis février 2021 et ce quelle que soit l’activité ;

-          le rapport à l’attention de l’OAI établi le 10 juillet 2022 par le docteur D______, spécialiste FMH en neurologie, dans lequel ce praticien a retenu le diagnostic de probable fibromyalgie, évoquant un traitement antidépresseur à visée antalgique. La capacité de travail de l’assurée était nulle, quelle que soit l’activité, en raison des douleurs diffuses et de l’absence de réponse à la thérapie.

d. Le 20 février 2023, à la demande de l’OAI, l’assurée s’est rendue auprès du service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) pour se soumettre à un examen rhumatologique et psychiatrique. Elle a été examinée par les docteurs E______ et F______, respectivement spécialiste FMH en rhumatologie et spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Avant d’établir leur rapport, les médecins précités se sont procurés diverses pièces médicales, et notamment les rapports relatifs aux examens rhumatologique et psychiatrique réalisés, à la demande de l’assureur perte de gain, par les docteurs G______, spécialiste FMH en rhumatologie, et H______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, en date des 14 février 2022, respectivement 16 mars 2022, ainsi que le rapport de suivi du Dr C______ du 5 janvier 2023.

Dans leur rapport du 24 mars 2023, les médecins du SMR ont retenu les diagnostics suivants : fibromyalgie (M79.0) et lombalgies chroniques, non déficitaires, dans un contexte de troubles dégénératifs articulaires postérieurs étagés, considérés comme modérés en L4-L5 et L5-S1 gauche (avec répercussion durable sur la capacité de travail) et obésité de classe 2, troubles anxieux et dépressifs mixtes, succédant à un trouble de l’adaptation, réaction mixte anxieuse et dépressive (F41.2), accentuation de traits de personnalité, à la fois anxieux et dépendants (Z73.1) et état de stress post-traumatique en rémission (pas de code CIM ; sans répercussion sur la capacité de travail).

Selon les Drs E______ et F______, les atteintes précitées entraînaient les limitations fonctionnelles suivantes sur le plan rhumatologique : pas de mouvements répétés en flexion-extension du tronc, pas d’attitude prolongée en porte-à-faux, pas de position assise ou debout prolongée au-delà d’une heure, pas de position debout statique au-delà de 20 minutes, pas de marche sans s’arrêter au-delà du kilomètre, pas de port de charges répété au-delà de 5 kg. Sur le plan psychiatrique, les limitations fonctionnelles découlaient du diagnostic de fibromyalgie et de la douleur.

Compte tenu de ce qui précède, les médecins du SMR ont retenu, sur le plan rhumatologique, une capacité de travail entière dans toute activité adaptée aux limitations fonctionnelles précitées. Sur le plan psychiatrique, l’incapacité de travail était de 50% dans l’activité habituelle et de 30% dans une activité adaptée.

En annexe au rapport figuraient notamment :

-          le rapport de l’examen rhumatologique établi le 21 février 2022 par le Dr G______, dans lequel ce praticien a évoqué les diagnostics de fibromyalgie, d’état dépressif et d’obésité morbide. Du point de vue rhumatologique, la capacité de travail était entière quelle que soit l’activité ;

-          le rapport d’examen psychiatrique établi le 17 mars 2022 par le Dr H______, dans lequel ce médecin a retenu les diagnostics suivants : épisode dépressif sévère, sans symptômes psychotiques (F32.2), alors en rémission partielle, avec une symptomatologie dépressive moyenne, avec syndrome somatique (F32.11 ; avec répercussion sur la capacité de travail) et difficultés liées à l’emploi et au chômage (Z56), accentuation de certains traits de la personnalité sous la forme de traits de la personnalité anxieuse et dépendante, alors non décompensés et trouble somatoforme douloureux persistant (F45.4), avec aucun des critères jurisprudentiels de gravité rempli, en l’absence d’un état dépressif sévère et de l’absence de perte de liens sociaux (sans répercussion sur la capacité de travail). Pour le Dr H______, la capacité de travail était nulle jusqu’au 31 mai 2022, mais entière dès le 1er juin 2022 ;

-          le rapport de suivi établi le 5 janvier 2023 par le Dr C______, dans lequel ce médecin a décrit l’évolution depuis le début du suivi psychiatrique, le 15 février 2021. L’assurée n’avait pas de ressources significatives, à l’exception de son époux et de leur fils, ainsi que d’une amie, avec laquelle elle se promenait occasionnellement. Si elle était compliante au traitement médicamenteux et au suivi, l’assurée était dépassée par les difficultés physiques et psychiques. Aucune reprise professionnelle n’était alors envisageable et ce pour une durée indéterminée.

e. Dans sa note relative au choix de la méthode d’évaluation de l’invalidité du 24 avril 2023, l’OAI a considéré que l’assurée travaillait à 53%, passant les 47% de son temps restant à s’occuper de son ménage.

f. Le 21 juin 2023, l’OAI a déterminé le degré d’invalidité considérant, notamment, que la comparaison des revenus conduisait à une perte de gain de 37.37%. En application de la méthode mixte, l’invalidité totale était la suivante :

Activité

Quote-part

Perte de gain / empêchement

Degré d'invalidité

Activité lucrative

53%

37.37%

19.81%

Travaux habituels (ménage)

47%

0%

Degré d'invalidité total

19.81%

g. Le 5 septembre 2023, l’OAI a procédé à une enquête économique sur le ménage. Selon le rapport daté du 11 septembre 2023, sans aide de la famille, les empêchements de l’assurée étaient estimés à 28.9%. En revanche, en prenant en considération l’aide exigible de la famille, l’assurée ne présentait aucune invalidité dans la tenue de son ménage.

h. Par projet de décision du 27 octobre 2023, l’OAI a informé l’assurée qu’il entendait rejeter sa demande de prestations, le degré d’invalidité de 19.81% étant insuffisant pour donner droit à une rente.

i. Sous la plume de son conseil, l’assurée s’est opposée au projet de décision précité par courrier du 29 novembre 2023, contestant tout d’abord le statut retenu, expliquant qu’elle aurait travaillé à 100% si elle avait été en bonne santé, compte tenu de l’âge de son fils. Dans l’hypothèse où le statut mixte devait tout de même être retenu, l’assurée contestait la pondération entre la part professionnelle et la part dédiée au ménage, considérant que la première devait s’élever à 62.5%, son activité auprès du Comptoir immobilier étant de 50%, et non de 47%, activité à laquelle devait encore s’ajouter son emploi pour le compte du particulier. Ensuite, s’agissant de sa capacité de travail, l’assurée transmettait un rapport du Dr C______ du 23 novembre 2023, selon lequel son état de santé s’était aggravé depuis l’examen par le Dr H______. Il s’ensuivait que les conclusions du SMR n’étaient pas probantes, dès lors qu’elles ne retenaient aucun diagnostic psychique, à l’exception de la fibromyalgie, s’éloignant par-là tant de l’avis du Dr H______ que de celui du Dr C______, ce qui était peu crédible. Enfin, dès lors que l’enquête ménagère se basait sur le rapport du SMR, elle n’était pas non plus probante.

j. Dans le cadre de l’instruction complémentaire menée suite à l’opposition de l’assurée, l’OAI a sollicité le dossier de l’assureur perte de gain, lequel comporte, notamment :

-          un rapport du Dr C______ du 14 novembre 2022, dans lequel ce praticien décrit la situation de sa patiente ;

-          l’avis du docteur I______, spécialiste FMH en médecine interne et médecin-conseil de l’assureur perte de gain, établi en décembre 2022, dans lequel ce médecin s’est prononcé sur le rapport précité du Dr C______, considérant que depuis le début du suivi, l’état de santé de l’assurée était resté stationnaire. Pour le médecin-conseil, le Dr C______ évoquait des symptômes réfractaires aux traitements médicaux, ce qui était classique en cas de fibromyalgie. L’assurée amplifiait ses plaintes. Il existait par ailleurs une discordance entre les plaintes et les activités, lesquelles restaient importantes. L’état clinique semblait stationnaire et n’avait pas fait l’objet d’une décompensation particulière, justifiant une réévaluation. Les symptômes décrits par l’assurée étaient principalement de nature subjective et n’étaient pas corroborés par des éléments objectifs. Le sommeil semblait s’être amélioré. Malgré ses symptômes, l’assurée avait pu maintenir des liens sociaux et une certaine activité, incompatibles avec la sévérité des symptômes allégués ;

-          un courriel du Dr H______ du 6 février 2023, se prononçant sur les pièces nouvelles qui lui avaient été soumises. Il en ressort que le médecin précité manquait d’éléments pour confirmer ou infirmer une aggravation survenue après son entretien avec l’assurée. Il constatait cependant des discordances, qui n’étaient pas de nature à remettre en question son rapport d’examen ;

-          un rapport du 2 juillet 2023 du service de rhumatologie des HUG ;

-          l’arrêt rendu par la Cour de céans le 19 décembre 2023 dans la procédure opposant l’assurée à son assurance perte de gain (ATAS/1016/2023), dont il ressort notamment que, pour la Cour de céans, le rapport d’examen bi‑disciplinaire du SMR du 24 mars 2023 prenait position de manière détaillée sur les rapports d’expertise privée des Drs G______ et H______ et expliquait de façon motivée et convaincante les raisons pour lesquelles les médecins du SMR s’en écartaient. Dès lors qu’il tenait compte des plaintes de l’assurée et qu’il comportait une anamnèse détaillée, des conclusions claires et cohérentes, rendues à la lumière des indicateurs jurisprudentiels (pour le volet psychiatrique de l’examen), ce rapport d’examen bi-disciplinaire remplissait en outre, en principe, les réquisits permettant de lui reconnaître valeur probante.

k. Les pièces nouvelles, notamment les rapports de service de rhumatologie du 2 juillet 2023 et du Dr C______ du 23 novembre 2023, ont été soumises au SMR, lequel a considéré, dans un avis du 19 février 2024, qu’elles évoquaient des atteintes déjà connues, les médecins de l’assurée faisant en réalité une évaluation différente d’un même état de faits.

l. Par décision du 27 février 2024, l’OAI a confirmé son projet du 27 octobre 2023 et a rejeté la demande de prestations du 18 juin 2021, le degré d’invalidité étant toujours de 19.81% et donc insuffisant pour donner droit à des prestations d’invalidité, sous la forme d’une rente. Par ailleurs, des mesures professionnelles n’étaient pas indiquées dans le cas de l’assurée.

C. a. Le 18 mars 2024, sous la plume de son conseil, l’assurée a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre la décision précitée, concluant, sous suite de frais et dépens, préalablement, à la réalisation d’une expertise bidisciplinaire rhumatologique et psychiatrique et, principalement, à l’annulation de la décision querellée et, cela fait, à la constatation de son droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er octobre 2021.

À l’appui de ses conclusions, la recourante a persisté à contester, principalement, le statut mixte retenu par l’OAI, considérant qu’un statut d’actif devait être pris en considération. Contestant la valeur probante du rapport du SMR du 24 mars 2023, elle a allégué être totalement incapable de travailler, quelle que soit l’activité, ce qui lui donnait droit à une rente entière d’invalidité vu son statut d’actif. Subsidiairement, elle a critiqué le calcul du degré d’invalidité et notamment le revenu avec invalidité, l’indexation du salaire, l’absence d’abattement et la non‑prise en considération de la baisse de rendement. En tenant compte des corrections à apporter aux points précités et d’un statut d’actif, le degré d’invalidité la concernant s’élevait à 84.47%, ce qui lui donnait également droit à une rente entière.

Subsidiairement, dans l’hypothèse où la méthode mixte devait tout de même être appliquée, la recourante a critiqué la répartition entre sphère professionnelle et sphère ménagère, considérant que la première devait être pondérée à 63% et la seconde à 37%. S’agissant de la sphère ménagère, elle a contesté les conclusions de l’enquête ménagère, estimant qu’il n’était pas possible de reporter toutes les tâches sur les autres membres de sa famille, l’exigibilité ne pouvant dépasser les 25%. En prenant en considération ce pourcentage, l’empêchement dans la sphère ménagère était de 56.25%. Quant à l’invalidité dans la sphère professionnelle, elle était de 84.47% comme indiqué précédemment. Selon la méthode mixte, le degré d’invalidité était ainsi de 74.03%, de sorte qu’une rente entière devait également lui être accordée dans cette hypothèse.

b. L’office intimé a répondu en date du 18 avril 2024 et a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, considérant tout d’abord que le rapport des Drs E______ et F______ du 24 mars 2023 devait se voir reconnaître une pleine valeur probante. L’intimé a ensuite estimé qu’au vu des pièces au dossier, il n’y avait pas lieu de s’écarter du statut mixte et de la répartition retenus, à savoir 53% du temps consacrés à l’activité professionnelle et à 47% à la tenue du ménage. Cela étant, même en retenant la répartition alléguée par la recourante, à savoir 63% consacrés à l’activité professionnelle et 37% à la tenue du ménage, le degré d’invalidité s’élèverait à 23.54%, ce qui était toujours insuffisant pour ouvrir le droit à une rente. L’OAI a ensuite confirmé les données prises en considération pour la comparaison des revenus, expliquant pour quels motifs elle avait retenu les différents chiffres (salaire, abattement, rendement, etc.). Enfin, l’OAI a considéré que le rapport du Dr C______ du 23 novembre 2023 ne remettait pas en question les conclusions du rapport du SMR du 24 mars 2023 et celles de l’enquête ménagère, cette dernière répondant au demeurant aux exigences posées par la jurisprudence permettant de lui reconnaître une pleine valeur probante.

c. La recourante a produit sa réplique en date du 6 mai 2024, relevant le manque d’instruction du dossier, étant donné que l’examen médical avait été pratiqué par le SMR en date du 20 février 2023 et la décision querellée rendue le 27 février 2024, soit un an plus tard. S’agissant de l’enquête ménagère, il n’était pas admissible que les empêchements de 75% passent à 0% du simple fait de la présence d’une famille de quatre personnes (soit l'assurée, son mari, son fils et la copine de ce dernier), le raisonnement de l’OAI pénalisant les assurés d’une famille nombreuses puisque par le simple fait de vivre à plusieurs, l’empêchement était tout simplement supprimé. Pour le surplus, la recourante persistait dans ses précédentes conclusions.

d. Par duplique du 30 juillet 2024, l’office intimé a également persisté dans ses conclusions, considérant que les pièces produites par la recourante après l’examen par le SMR en février 2024 avaient été prises en compte. Par ailleurs, il n’existait aucun facteur excluant ou diminuant l’exigibilité de l'aide du fils et de la belle‑fille de la recourante, lesquels faisaient ménage commun avec elle. En outre, les empêchements sans exigibilité de la famille s’élevaient à 28.9% et non à 75% comme allégué par la recourante, ce qui correspondait à huit heures et onze minutes par semaine, soit un peu plus d’une heure par jour, ce qui ne pouvait être considéré comme démesuré et excessif.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité, singulièrement sur son statut (actif ou mixte), la valeur probante du rapport du SMR du 23 mars 2023, la valeur probante du rapport d’enquête à domicile et la comparaison des revenus effectuée par l’OAI.

3.              

3.1 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705), ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI  RS 831.201 ; RO 2021 706).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

3.2 En l’occurrence, la décision querellée porte sur l’octroi d’une rente dont le droit serait né postérieurement au 31 décembre 2021, le délai d’attente d’un an se terminant en février 2022, soit un an après le début de l’incapacité de travail.

Le changement de loi est donc applicable en l’espèce et les dispositions légales seront citées dans leur nouvelle teneur.

4.             Les parties s’opposent tout d’abord sur le statut à reconnaître à la recourante, lequel a des conséquences sur la méthode de calcul applicable. Pour l’OAI, le statut de la recourante est mixte, ce que l’intéressée conteste. Pour elle, il convient de lui reconnaître un statut d’active à 100%.

4.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

En vertu de l’art. 28b LAI, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2022, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2). Pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). Pour un taux d’invalidité inférieur à 50%, la quotité de la rente est la suivante (al. 4) :

taux d’invalidité

quotité de la rente

49%

47,5%

48%

45%

47%

42,5%

46%

40%

45%

37,5%

44%

35%

43%

32,5%

42%

30%

41%

27,5%

40%

25%

4.2 Pour évaluer le degré d'invalidité, il existe principalement trois méthodes – la méthode générale de comparaison des revenus, la méthode spécifique et la méthode mixte –, dont l'application dépend du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré non actif, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel.

4.2.1 Chez les assurés qui exerçaient une activité lucrative à plein temps avant d'être atteints dans leur santé physique, mentale ou psychique, il y a lieu de déterminer l'ampleur de la diminution des possibilités de gain de l'assuré, en comparant le revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré ; on applique dans ce cas la méthode générale de comparaison des revenus (art. 28a al. 1 LAI en corrélation avec l'art. 16 LPGA) et ses sous‑variantes, la méthode de comparaison en pour-cent (ATF 114 V 310 consid. 3a et les références) et la méthode extraordinaire de comparaison des revenus (ATF 137 V 334 consid. 3.1.1 et les références).

4.2.2 Chez les assurés qui n'exerçaient pas d'activité lucrative avant d'être atteints dans leur santé physique, mentale ou psychique et dont il ne peut être exigé qu'ils en exercent une, il y a lieu d'effectuer une comparaison des activités, en cherchant à établir dans quelle mesure l'assuré est empêché d'accomplir ses travaux habituels ; c'est la méthode spécifique d'évaluation de l'invalidité (art. 28a al. 2 LAI en corrélation avec les art. 8 al. 3 LPGA, 5 al. 1 LAI et 27 du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité - RAI - RS 831.201 ; ATF 137 V 334 consid. 3.1.2). Par travaux habituels, visés à l’art. 7 al. 2 LAI, des assurés travaillant dans le ménage, il faut entendre l’activité usuelle dans le ménage, ainsi que les soins et l’assistance apportés aux proches (art. 27 al. 1 RAI).

4.2.3 Lorsque l’assuré exerce une activité lucrative à temps partiel ou travaille sans être rémunéré dans l’entreprise de son conjoint, l’invalidité pour cette activité est évaluée selon l’art. 16 LPGA. S’il accomplit ses travaux habituels, l’invalidité est fixée selon l’art. 28a al. 2 LAI pour cette activité-là. Dans ce cas, les parts respectives de l’activité lucrative ou du travail dans l’entreprise du conjoint et de l’accomplissement des travaux habituels sont déterminées ; le taux d’invalidité est calculé dans les deux domaines d’activité. C'est la méthode mixte d'évaluation de l'invalidité (art. 28a al. 3 LAI en corrélation avec l'art. 27bis RAI).

4.3 Tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il faut examiner sous l'angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient d'appliquer (art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 27 ss RAI). Le choix de l'une des trois méthodes entrant en considération (méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces trois catégories en fonction de ce qu'il aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide, il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 144 I 28 consid. 2.3 ; 137 V 334 consid. 3.2; 117 V 194 consid. 3b; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assurée, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l'arrêt cité), établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).

Selon la pratique, la question du statut doit être tranchée sur la base de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l'éventualité de la reprise d'une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de vraisemblance prépondérante (ATF 144 I 28 consid. 2.3 et les références ; 141 V 15 consid. 3.1 ; 137 V 334 consid. 3.2 ; 125 V 146 consid. 2c et les références).

4.4 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références ; 126 V 53 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

5.              

5.1 Dans un premier grief, la recourante conteste le statut mixte retenu par l’office intimé, alléguant qu’à son arrivée en Suisse, elle voulait travailler à plein temps, mais étant alors sans formation ni diplôme, elle n’avait pas trouvé d’activité à ce taux, accumulant des emplois précaires dans le domaine du nettoyage. Suite à la naissance de son fils, en 1997, elle n’avait pas recherché une activité à un taux supérieur, étant donné qu’elle devait s’occuper de son enfant « selon une répartition "traditionnelle" du ménage ». Depuis l’indépendance de son fils, elle avait à nouveau cherché à augmenter son taux d’activité pour atteindre un temps plein, mais son état de santé ne lui avait pas permis de le faire. Invoquant l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après : CourEDH) Di Trizio c. Suisse du 2 février 2016 (requête n° 7186/09), elle considère que l’application de la méthode mixte était discriminatoire.

Force est toutefois de constater que ces déclarations ne correspondent pas aux réponses données par la recourante, le 25 août 2021, au questionnaire relatif au statut, dans lequel l’intéressée a expliqué travailler à temps partiel depuis 1995, devant s’occuper de son fils et des tâches ménagères. Elle n’avait pas envisagé de réduire ou d’augmenter le taux de son activité professionnelle, car la charge de travail lui convenait.

En principe, en présence de deux versions différentes et contradictoires, la préférence doit être accordée à celle que la personne assurée a donnée alors qu'elle en ignorait peut-être les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le fruit de réflexions ultérieures. Certes, cette jurisprudence concernant les premières déclarations ou les déclarations de la première heure ne constitue pas une règle de droit absolue (ATF 142 V 590 consid. 5.2 ; ATF 121 V 45 consid. 2a). Elle trouve toutefois application en l’espèce. En effet, ce n’est qu’après avoir consulté un avocat que la recourante a expliqué qu’en réalité, depuis l’indépendance de son fils, elle aurait aimé travailler à 100%. Or, au moment où elle a rempli le questionnaire sur le statut, en 2021, son fils était âgé de 24 ans. Il était donc autonome depuis de nombreuses années, et cela avant même que l’état de santé de la recourante n’entraîne des répercussions négatives sur sa capacité de travail. En tout état, le dossier ne comporte aucune recherche d’emploi. Dans de telles circonstances, les explications de la recourante quant à une augmentation de son taux d’activité ne sont pas convaincantes.

La Cour de céans relèvera encore que la recourante ne peut rien tirer en sa faveur de l'arrêt Di Trizio susmentionné. En effet, dans cet arrêt, la CourEDH avait jugé que l'application de la méthode mixte d'évaluation de l'invalidité à une assurée qui, sans atteinte à la santé, n'aurait travaillé qu'à temps partiel après la naissance de ses enfants et s'était vue de ce fait supprimer la rente d'invalidité en application des règles sur la révision de la rente, constituait une violation de l'art. 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; interdiction de la discrimination) en relation avec l'art. 8 CEDH (droit au respect de la vie privée et familiale).

Or, en l'espèce, on ne se trouve pas dans l'éventualité d'une suppression de rente par voie de révision, où des motifs d'ordre familiaux auraient conduit à un changement de statut de la personne assurée (ATF 143 I 50), mais dans le cadre d'une décision initiale de rente. Le grief doit être écarté.

Eu égard aux considérations qui précèdent, c’est à juste titre que l’OAI a retenu un statut mixte.

5.2 Dans un deuxième grief, la recourante conteste la répartition entre la sphère professionnelle et la sphère ménagère, établie à 53% et 47% par l’OAI. Elle estime, en se référant à l’art. 17 de son contrat de travail, que son taux d’activité pour le Comptoir immobilier était de 50%, de sorte que, en ajoutant son activité d'agente de propreté, la répartition devait être de 63% pour la sphère professionnelle et de 37% pour la sphère ménagère.

Certes, selon l’art. 17 du contrat de travail signé le 27 mai 2004, la recourante devait être présente tous les matins, du lundi au vendredi, de 8h à 12h environ. Cela étant, selon le questionnaire de l’employeur, rempli le 25 juin 2021 par le Comptoir immobilier, la recourante travaillait comme concierge à raison de 17 heures par semaine, le temps de travail habituel dans l’entreprise étant de 42 heures par semaine.

Les indications de l’employeur sont plausibles et l’emportent sur la disposition contractuelle générale. En effet, selon l’avenant n° 1 à la Convention collective de travail (CCT) pour les concierges, applicable au contrat conclu avec la recourante, le salaire minimum était de CHF 1'705.55 pour un taux d’occupation de 40% et de CHF 2'131.95 pour un taux d’occupation de 50% en 2018 et de CHF 1'724.30 pour un 40% et de CHF 2'155.40 pour un 50% en 2019 et 2020. Or, la recourante percevait un salaire mensuel de CHF 1'850.- en 2018, 2019 et 2020. Le salaire versé était donc supérieur au salaire minimum prévu pour une activité à 40%, mais inférieur à celui dû pour une activité à 50%. Ainsi, de toute évidence, la recourante exerçait une activité à 40%, pour laquelle elle percevait un salaire légèrement supérieur au salaire minimum prévu par la CCT et non une activité à 50% comme elle prétend sous la plume de son conseil.

Partant, la répartition retenue par l’OAI, tenant compte d'une activité professionnelle globale de 53%, soit l'activité de concierge à 40% auxquels s'ajoutent l'activité d'agente de propreté à 13%, ne prête pas flanc à la critique et doit également être confirmée.

6.             Ensuite, la recourante conteste la capacité de travail retenue par l’OAI, estimant que le rapport du SMR du 24 mars 2023 était en contradiction avec les conclusions du Dr C______ du 23 novembre 2023.

6.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

6.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

6.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

6.3.1 Selon l'art. 43 al. 1 1re phrase LPGA, l'assureur examine les demandes, prend d'office les mesures d'instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin. Conformément à l'art. 59 al. 2 et 2bis LAI, des SMR interdisciplinaires sont à la disposition des offices AI pour évaluer les conditions médicales du droit aux prestations. Ils établissent les capacités fonctionnelles de l'assuré, déterminantes pour l'AI conformément à l'art. 6 LPGA, à exercer une activité lucrative ou à accomplir ses travaux habituels dans une mesure qui peut être raisonnablement exigée de lui. Ils sont indépendants dans l'évaluation médicale des cas d'espèce. Fondé sur les données de son service médical, l'office AI sera en mesure de déterminer les prestations à allouer, lesquelles doivent reposer sur des rapports médicaux satisfaisant aux exigences d'une qualité probante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1063/2009 du 22 janvier 2010 consid. 4.2.3). Pour effectuer leurs tâches, les SMR peuvent se prononcer sur dossier (art. 59 al. 2bis LAI et 49 al. 1 RAI) ou examiner les assurés au sein du SMR (art. 49 al. 2 RAI). L'OAI peut également confier à un médecin expert indépendant la charge d'une expertise (art. 59 al. 3 LAI et 44 LPGA). Selon cette dernière disposition, si l'assureur doit recourir aux services d'un expert indépendant pour élucider les faits, il donne connaissance du nom de celui-ci aux parties. Celles-ci peuvent récuser l'expert pour des raisons pertinentes et présenter des contre-propositions. À noter que l'art. 43 al. 2 LPGA prévoit que l'assuré doit se soumettre à des examens médicaux ou techniques si ceux-ci sont nécessaires à l'appréciation du cas et qu'ils peuvent être raisonnablement exigés.

L'art. 44 LPGA prévoyant les conditions de mise en œuvre d'une expertise externe indépendante ne s'applique pas aux examens médicaux réalisés par les SMR (ATF 135 V 254 consid. 3.4). Cela étant, le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien‑fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee). Dans de telles constellations, il convient toutefois de poser des exigences sévères à l'appréciation des preuves. Une instruction complémentaire sera ainsi requise, s'il subsiste des doutes, même minimes, quant au bien-fondé des rapports et expertises médicaux versés au dossier par l'assureur (ATF 135 V 465 consid. 4.3 ss ; 125 V 351 consid. 3b/ee ; 123 V 175 consid. 3d ; 122 V 157 consid. 1d ; arrêts du Tribunal fédéral I 143/07 du 14 septembre 2007 consid. 3.3 ; 9C_55/2008 du 26 mai 2008 consid. 4.2 avec références, concernant les cas où le service médical n'examine pas l'assuré, mais se limite à apprécier la documentation médicale déjà versée au dossier).

6.3.2 Lorsque l'assuré présente ses propres moyens de preuve pour mettre en doute la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance, il s'agit souvent de rapports émanant du médecin traitant ou d'un autre médecin mandaté par lui. Ces avis n'ont pas valeur d'expertise et, d'expérience, en raison de la relation de confiance liant le patient à son médecin, celui-ci va plutôt pencher, en cas de doute, en faveur de son patient. Ces constats ne libèrent cependant pas le tribunal de procéder à une appréciation complète des preuves et de prendre en considération les rapports produits par l'assuré, afin de voir s'ils sont de nature à éveiller des doutes sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance (arrêts du Tribunal fédéral 8C_408/2014 ; 8C_429/2014 du 23 mars 2015 consid. 4.2).

6.3.3 À noter, dans ce contexte, que le simple fait qu'un avis médical divergent – même émanant d'un spécialiste – ait été produit ne suffit pas à lui seul à remettre en cause la valeur probante d'un rapport médical (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 365/06 du 26 janvier 2007 consid. 4.1).

7.             En l’espèce, l’OAI s’est fondé sur le rapport du SMR du 24 mars 2023 pour considérer que la capacité de travail de la recourante était de 50% dans l’activité habituelle et de 70% dans une activité adaptée.

7.1 À titre liminaire, il y a lieu de relever que les Drs F______ et E______, médecins auprès du SMR, ont réalisé un examen sur la personne au sens de l'art. 49 al. 2 RAI. En tant qu'il a été établi par des médecins du SMR, le rapport du 24 mars 2023 ne constitue pas une expertise au sens de l'art. 44 LPGA, comme l’a d’ailleurs relevé la recourante dans son écriture du 18 mars 2024 et comme cela a été admis par l’OAI dans sa réponse du 18 avril 2024.

Cela ne signifie toutefois pas pour autant que la valeur probante dudit document doit d'emblée être niée. Elle doit simplement être examinée conformément aux réquisits jurisprudentiels.

C’est justement ce qu’a fait la Cour de céans dans son ATAS/1016/2023 du 19 décembre 2023, rendu dans la cause opposant la recourante à son assurance perte de gain, dans lequel elle a retenu que « le rapport d’examen bi-disciplinaire de ces médecins [prenait] position de manière détaillée sur les rapports d’expertise privée des Drs G______ et H______ et [expliquait] de façon motivée et convaincante les raisons pour lesquelles les experts s’en [écartaient]. Tenant compte, par ailleurs, des plaintes de la demanderesse, comportant une anamnèse détaillée, des conclusions claires et cohérentes, rendues à la lumière des indicateurs jurisprudentiels (pour le volet psychiatrique de l’examen), ce rapport d’examen bi-disciplinaire [remplissait] en principe les réquisits permettant de lui reconnaître valeur probante » (consid. 9.2.2).

Au demeurant, dans son écriture du 18 mars 2024, la recourante ne critique – en soi – pas la valeur probante du rapport du SMR du 24 mars 2023 mais considère que ses conclusions ne sont en réalité plus d’actualité en raison d’une aggravation de son état de santé entre la date de l’examen et celle de la décision querellée, comme cela ressort du rapport établi le 23 novembre 2023, par son psychiatre traitant, le Dr C______. Interrogé à propos de ce rapport, le SMR a considéré, dans un avis du 19 février 2024, que les atteintes alléguées étaient toujours les mêmes et que le médecin traitant précité ne procédait en réalité qu’à une appréciation différente d’un même état de fait.

En parcourant rapidement le rapport du 23 novembre 2023, on pourrait être tenté de considérer, comme l’a fait le SMR dans l’avis précité, que le Dr C______ procède effectivement à une telle appréciation, dès lors que ce médecin persiste à retenir – et ce depuis le début de son suivi – un épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques. Cependant, une lecture attentive du rapport du 23 novembre 2023 et une comparaison avec les rapports des 14 novembre 2022 et 5 janvier 2023 permet de constater une évolution dans les symptômes évoqués par le psychiatre traitant même si le diagnostic est au fond toujours le même.

En effet, dans ses rapports des 14 novembre 2022 et 5 janvier 2023, le Dr C______ a mentionné les trois critères de dépression majeure présents, selon lui, tout au long du suivi, à savoir une tristesse quotidienne, une diminution de l’intérêt et du plaisir, et une fatigue importante, persistante et présente dans toutes les activités quotidiennes. Dans ces deux rapports, le psychiatre traitant a également évoqué un ralentissement psychomoteur, des troubles de l’attention et de la concentration importants, des troubles du sommeil, ainsi qu’une intolérance au stress.

Lors de son examen du 20 février 2023, le Dr F______, psychiatre auprès du SMR, retrouve une tristesse, permanente en février 2021, mais fluctuante après quelques mois. La réduction de l’énergie et la fatigabilité, décrites par la recourante comme étant permanentes, n’ont pas été retrouvées par le médecin précité. Il en va de même du ralentissement psychomoteur et des troubles de l’attention et de la concentration. Quant aux troubles de la mémoire, ils étaient considérés comme étant limités et légers par le médecin du SMR.

Dans son rapport du 23 novembre 2023, le Dr C______ évoque, outre les symptômes déjà mentionnés les 14 novembre 2022 et 5 janvier 2023, pour certains non constatés par le Dr F______ ou considérés comme légers par celui‑ci, une diminution de la confiance en soi, des idées de culpabilité et de dévalorisation, une attitude morose et pessimiste face à l’avenir, une thymie dépressive, une anhédonie, une aboulie, un désespoir et une incapacité à se projeter dans l’avenir. De plus, il qualifie désormais le ralentissement psychomoteur de marqué et considère que plusieurs des symptômes qu’il a mentionnés étaient maintenant sévères. Ainsi en allait-il de la fatigabilité et la diminution de l’énergie, de la perturbation du sommeil, de l’attitude morose face à l’avenir, ainsi que de la diminution de l’attention et de la concentration. Enfin, le psychiatre traitant évoque une constante péjoration de la symptomatologie dépressive et douloureuse ou encore une constante détérioration de son état physique et psychique, expliquant que sa patiente se montre physiquement et psychiquement effondrée à chaque consultation.

Étant donné que près de neuf mois se sont écoulés entre l’examen psychiatrique pratiqué par le SMR le 20 février 2023, dont les conclusions ont été retranscrites dans le rapport du 24 mars 2023, et l’appréciation du Dr C______ du 23 novembre 2023, rien ne permettait au SMR de nier, sans avoir procédé à de plus amples investigations, une aggravation de l’état de santé de la recourante. Le fait que le diagnostic d’épisode dépressif sévère posé par le psychiatre traitant soit toujours le même depuis le début du suivi ne permet en effet pas de retenir, comme l’ont fait le SMR et l’OAI, une appréciation différente d’un même état de faits, dans la mesure où de nouveaux symptômes ont été mentionnés par le psychiatre traitant dans son rapport du 23 novembre 2023 (soit : diminution de la confiance en soi, idées de culpabilité et de dévalorisation, attitude morose et pessimiste face à l’avenir, thymie dépressive, anhédonie, aboulie, désespoir et incapacité à se projeter dans l’avenir). S’y ajoute le fait que le Dr C______ a également évoqué une constante péjoration de l’état de santé de la recourante, en qualifiant désormais certains symptômes de marqués ou de sévères (comme le ralentissement psychomoteur, qualifié de marqué en novembre 2023, ou la fatigabilité, la diminution de l’énergie, la perturbation du sommeil, l’attitude morose face à l’avenir et la diminution de l’attention et la concentration, qualifiés de sévères à la même période).

Dans ces conditions, le rapport du SMR du 24 mars 2023, établi suite à l’examen du 20 février 2020, ne permet pas d’apprécier l’évolution de la capacité de travail de la recourante jusqu’à la décision querellée, rendue le 27 février 2024, soit plus d’un an après l’examen de la recourante par les médecins du SMR.

7.2 Par conséquent, force est de constater que le dossier soumis à la Cour de céans a été instruit de manière sommaire et lacunaire par l’intimé en ce qui concerne la période postérieure à l’examen du SMR. En effet, comme cela a été relevé ci‑dessus, le rapport du SMR se prononçait sur l’état de santé de la recourante au mois de février 2023 alors que la décision querellée a été rendue en février 2024, soit un an après et alors que le psychiatre traitant a évoqué une aggravation de l’état de santé de sa patiente.

La Cour de céans n’est ainsi pas en mesure, en l’état actuel du dossier, de tirer des conclusions définitives quant aux atteintes à la santé de la recourante et leurs répercussions sur la capacité de travail.

Dans ces circonstances, il y a lieu de renvoyer la cause à l’office intimé pour qu'il ordonne une mise à jour du rapport du SMR ou mette en œuvre une expertise bi‑disciplinaire psychiatrique et rhumatologique. Un renvoi s’impose d’autant plus que selon la jurisprudence, l’OAI doit effectuer une instruction complémentaire s’il existe des doutes, même minimes, quant au bien-fondé d’un rapport du SMR. Or, tel est le cas in casu, vu le rapport du Dr C______ du 23 novembre 2023.

Compte tenu du renvoi de la cause à l’OAI pour instruction complémentaire sur le plan médical, la Cour de céans ne donnera pas suite à la demande d’expertise judiciaire formulée par la recourante.

À toutes fins utiles, la Cour de céans relèvera encore qu’en raison de ce même renvoi, il n’y a pas lieu d’examiner, à ce stade, les critiques de la recourante concernant notamment la comparaison des revenus et la valeur probante de l’enquête ménagère, celle-ci devant quoi qu’il en soit être réactualisée.

8.             Eu égard à ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision du 27 février 2024 sera annulée. La cause sera renvoyée à l'intimé pour instruction complémentaire au sens du considérant qui précède, et nouvelle décision.

La recourante obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 1'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

Étant donné que la procédure n'est pas gratuite (art. 69 al. 1bis LAI) et au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.-.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision du 27 février 2024.

4.        Renvoie la cause à l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

5.        Condamne l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève à verser à la recourante une indemnité de CHF 1'500.- à titre de participation à ses frais.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Justine BALZLI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le