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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2920/2023

ATAS/930/2024 du 27.11.2024 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2920/2023 ATAS/930/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 novembre 2024

Chambre 4

 

En la cause

 

A______

représentée par Me Andres PEREZ, avocat

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


 

EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1969, d’origine croate, vivant en Suisse depuis 1987, mariée et mère de deux enfants nés en 2000 et 2003.

b. Entre 1996 et 2003, elle a travaillé auprès de plusieurs employeurs comme femme de chambre, employée d’entretien et manutentionnaire.

B. a. Le 6 juin 2005, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l'assurance-invalidité (ci-après : l’OAI ou l’intimé), invoquant une dépression, de la fatigue ainsi des douleurs au dos et au ventre allant en s’aggravant depuis son accouchement en mars 2003.

b. Par décision du 6 décembre 2006, l’OAI a rejeté la demande de prestations de l’assurée considérant que sa capacité de travail était entière dans toute activité. En l’absence de recours, cette décision est entrée en force.

C. a. Le 8 novembre 2017, l’assurée a formé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI, invoquant une incapacité totale de travailler depuis le 22 mai 2017.

b. Dans un avis du 19 janvier 2018, le docteur B______, du service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR), a relevé que le diagnostic de diverticulite sans complication retenu par les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) les 26 mai et 18 août 2017 n’était pas une atteinte invalidante.

c. Par projet de décision du 22 janvier 2018, l’OAI a refusé d’entrer en matière sur la demande de prestations de l’assurée du 8 novembre 2017, faute d’atteinte invalidante, retenant qu’elle n’avait pas rendu vraisemblable une modification de sa situation depuis la dernière décision.

d. Le 13 février 2018, l’assurée a contesté ce projet de décision, faisant valoir que depuis l’automne 2006, son état de santé s’était sérieusement aggravé en lien avec des diverticulites à répétition. Cela n’avait rien à voir avec sa première demande de prestations en 2005. Elle n’arrivait plus à exercer son activité de vendeuse ou à effectuer ses activités ménagères.

Elle a joint à son courrier un rapport établi le 12 février 2018 par son médecin traitant, le docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne générale, qui indiquait notamment qu’elle se plaignait depuis plus de quatre ans de douleurs abdominales associées à une augmentation de la fatigue et une perte pondérale d’environ 10 kg. Après trois épisodes de diverticulite aiguë ces trois dernières années, la douleur persistait tous les jours avec une altération du rythme dépositionel, qui était irrégulier et avec des alternances diarrhée/constipation, des nausées et des vomissements. Un syndrome dépressivo-anxieux la limitait également dans sa vie quotidienne. Elle était totalement incapable de travailler pour une durée indéterminée.

e. Dans un avis du 7 mai 2018, le Dr B______ a indiqué que compte tenu des éléments du dossier, il avait de la peine à imaginer une cause d’incapacité durable justifiant un arrêt de travail à 100% pour une durée indéterminée.

f. Par décision du 9 mars 2018, l’OAI a refusé d’entrer en matière sur la demande de prestations de l’assurée du 8 novembre 2017, considérant qu’elle n’avait pas rendu vraisemblable une modification de sa situation depuis la dernière décision.

g. Le 24 avril 2018, l’assurée a recouru contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice.

h. Par arrêt du 22 août 2018 (ATAS/725/2018), la chambre de céans a rejeté le recours de l’assurée.

i. Cet arrêt a été confirmé par le Tribunal fédéral le 3 décembre 2018 (9C_698/2018 du 3 décembre 2018).

D. a. Le 9 septembre 2020, l’assurée a formé une nouvelle demande de prestations à l’OAI, faisant valoir qu’elle souffrait d’un état dépressif et d’une diverticulite, notamment.

b. Dans un rapport établi le 6 octobre 2020, la docteure D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a attesté que l’assurée présentait actuellement une aggravation de sa symptomatologie anxio-dépressive dans un contexte de trouble somatoforme douloureux et qu’elle était en incapacité de travail à 50%.

c. Le 16 mars 2021, le SMR a considéré que l’aggravation psychiatrique était rendue plausible et qu’il convenait de poursuivre l’instruction.

d. Le 23 mars 2021, l’office cantonal de l’emploi a informé l’OAI que l’assurée avait eu droit aux indemnités de chômage du 4 juin 2019 au 3 juin 2021. L’assurée cherchait une activité à 50%.

e. À teneur de son curriculum vitae, l’assurée avait été vendeuse en boulangerie-pâtisserie de 2012 à 2018, lingère de 1987 à 2000, employée de ménage lingère dans un EMS de 2002 à 2003 et elle s’était consacrée à l’éducation de ses enfants de 2003 à 2012.

f. Dans un rapport du 22 avril 2021, la Dre D______ a indiqué suivre l’assurée depuis le 9 septembre 2019 et qu’elle souffrait d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère, sans symptômes psychotiques, ainsi que d’un syndrome douloureux persistant (F45.4) et d’un trouble anxieux sans précision (F41.9). Elle suivait un traitement psychiatrique et psychothérapeutique régulier. Son état de santé psychique s’était aggravé. Elle prenait du Cymbalta 30 mg/j et du Lexonatil 1.5 mg. Elle avait des douleurs importantes, une anxiété, une tristesse, des troubles de l’humeur, des difficultés de concentration et de mémoire, des difficultés à gérer le stress et une fatigabilité.

Elle se réveillait vers 8h le matin et prenait le petit-déjeuner. À midi, elle se préparait à manger. L’après-midi, elle avait des rendez-vous (médecins, etc.). Vers 18h, elle mangeait avec ses filles et son mari et elle se couchait vers 23h. Elle dormait très mal la nuit. Actuellement, elle était limitée dans l’accomplissement des tâches ménagères. Elle sortait peu et restait avec sa famille. Elle avait le soutien de son mari et de ses filles, mais très peu de ressources disponibles ou mobilisables. Elle serait capable de reprendre une activité professionnelle à 50% et son emploi dans la boulangerie était une activité adaptée.

Son mari touchait une rente d’invalidité à 100% suite à un problème ophtalmologique. L’assurée avait suivi sa scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans. À 18 ans, elle s’était installée en Suisse et avait travaillé pour plusieurs employeurs. Entre 2001 et 2019, elle avait été suivie par le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, pour un trouble dépressif récurrent cumulé à des problèmes somatiques. Elle n’avait pas pu reprendre son travail depuis 2017, car son état de santé (physique et psychique) s’était aggravé.

g. Dans un rapport du 26 septembre 2021, le Dr C______ a indiqué que l’assurée avait été en incapacité de travail de 50% du 1er août 2020 au 31 mai 2021. Elle était limitée pour les efforts physiques et avait des troubles psychiatriques. Elle avait eu trois épisodes de diverticulite avec des douleurs abdominales chroniques et des troubles : angoisse, dépression. Actuellement, elle avait des douleurs abdominales continues, des angoisses, des obsessions, une tristesse et une anhédonie. Elle prenait du Cymbalta 30 mg. Sa capacité de travail était de 50% dans toute activité. Il y avait une stagnation de sa situation physique et le trouble dépressif faisait obstacle à une réadaptation.

h. Une expertise de l’assurée a été confiée par l’OAI au F______, soit au docteur G______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, et au docteur H______, spécialiste FMH en gastroentérologie.

À teneur de leur rapport du 25 octobre 2021, les experts ont retenu, de façon consensuelle, que les diagnostics ayant une incidence sur les capacités fonctionnelles de l’assurée étaient un syndrome douloureux somatoforme persistant et surtout un trouble anxieux, qui rendaient l’expertisée fragile concernant la gestion des émotions et du stress, et entrainaient également des troubles cognitifs avec des difficultés d’attention, de flexibilité mentale et de planification. Les limitations fonctionnelles nécessitaient un travail ne demandant pas de traitement d’informations simultanées ni de prise de décision immédiate. Le trouble de sa personnalité entrainait des difficultés à l’assurée lors de travail en groupe. Le travail habituel respectait ses limitations psychiatriques. Les atteintes gastroentérologiques, à savoir la diverticulose ainsi que les troubles fonctionnels intestinaux, entrainaient les limitations suivantes : un travail avec déplacements limités et une accessibilité facile aux toilettes.

Comme aspect de la personnalité pouvant avoir une incidence, les experts retenaient un trouble de personnalité avec une préoccupation excessive pour l’alimentation, un manque de confiance en soi, une crainte de la critique et un besoin de recherche d’aide de personnes.

L’assurée s’exprimait mal en français malgré de nombreuses années passées en Suisse. Elle n’avait pas de diplôme spécifique, avait des difficultés à comprendre sa propre maladie, des difficultés d’introspection et son trouble de personnalité empêchait l’acceptation d’une thérapeutique médicamenteuse. Elle avait des difficultés à s’appuyer sur les ressources familiales et tendance à fixer sur la difficulté que rencontrait sa fille. Il n’existait pas d’incohérence clinique selon les trois experts.

Du point de vue gastroentérologique, en dehors des poussées de diverticulite, qui avaient entrainé des incapacités de travail totales du 26 octobre au 13 novembre 2016, du 7 février au 26 février 2017 et du 21 mai au 11 juin 2017, sa capacité de travail avait été de 100% depuis toujours jusqu’au 14 novembre 2016. Elle était ensuite de 80%, par baisse de rendement de 20%, en raison de la nécessité de prendre son traitement et de pauses pour les spasmes douloureux. Du point de vue psychiatrique, la capacité de travail avait toujours été de 100% jusqu’à février 2018, puis elle avait été de 70% par baisse de rendement de 30%. Le travail habituel répondait aux exigences des limitations fonctionnelles gastroentérologiques et psychiatriques. L’incapacité de travail globale était liée à une baisse de rendement de 30%, les incapacités de travail ne se cumulant pas.

i. Le 1er novembre 2021, le SMR a suivi les conclusions de l’expertise.

j. Selon une note de premier entretien du service de réadaptation professionnelle de l’OAI du 27 janvier 2022, il y avait lieu de réévaluer la situation de l’assurée, notamment les activités adaptées et celle-ci avait un statut d’active.

k. Le 1er juillet 2022, ce service a proposé d’adresser l’assurée à PRO entreprise sociale privée (ci-après : PRO) pour y effectuer une mesure d’orientation du 4 juillet au 2 octobre 2022, afin de vérifier l’adéquation des limitations avec l’activité habituelle et déterminer une activité adaptée.

l. Selon un rapport d’évaluation de mesure d’observation et d’orientation professionnelle établi par PRO le 20 octobre 2022, la mesure avait duré du 4 juillet au 2 octobre 2022 (65 jours) avec une présence effective de 34 jours. Tout au long de la mesure, l’assurée avait été ponctuelle et assidue, et elle avait rendu un travail de qualité. Elle avait exprimé un réel plaisir à réaliser la mesure et démontré certaines capacités dans l’exécution de tâches manuelles simples et légères. Cependant, son état de santé actuel, tant sur le plan physique que psychique, n’était malheureusement pas stabilisé, ce qui avait rendu difficile l’exécution optimale et la poursuite de cette mesure. Ses difficultés de santé la limitaient fortement dans la mise en place d’un projet professionnel réaliste et réalisable. La mesure avait permis de préciser l’étendue de ses limitations fonctionnelles et l’impact qu’elles continuaient à avoir tant dans sa sphère professionnelle que privée. Ses douleurs à l’ensemble de ses membres, sa prise de décision lacunaire influençant son autonomie, ses difficultés de communication et d’interaction avec autrui, ainsi que sa peine à remonter ses difficultés à ses responsables en étaient des illustrations. Sa capacité de travail avait baissé au cours de la mesure. Avant d’entreprendre toute démarche visant à favoriser son insertion professionnelle, elle était encouragée à stabiliser son état de santé en bénéficiant d’un accompagnement bienveillant et soutenant sur le plan médical et à continuer à acquérir des bases écrites suffisantes en français.

m. Selon un rapport de l’OAI du 29 mars 2023, il paraissait justifié de considérer que l’activité habituelle n’était plus exigible. En ce qui concernait une activité adaptée, l’avis des experts était retenu, soit une pleine capacité de travail avec une baisse de rendement de 30%, ce qui amenait à un degré d’invalidité de 28.14%. Des mesures n’étaient pas de nature à améliorer la capacité de gain de l’assurée. Contrairement à l’avis du SMR du 1er novembre 2021, il était estimé que la capacité de travail dans l’activité habituelle était nulle. En effet, la mise en situation avait permis de valider qu’une activité de vendeuse en boulangerie, qui réclamait une attention soutenue dans l’interaction, n’était plus exigible. Pour ce qui était de l’exigibilité dans une activité adaptée, il était proposé de retenir l’avis de l’expert psychiatre, soit une capacité de travail de 100% avec une baisse de rendement de 30% dès le 10 mars 2018.

Cela amenait à effectuer une comparaison des revenus avec et sans invalidité en 2021, car le droit à une rente ne s’ouvrait qu’à partir de mars 2021, soit un an et six mois après la demande.

Selon l’employeur, en 2022, l’assurée pouvait prétendre à un revenu annuel de CHF 52'430.-, donc cela était également le cas a fortiori en 2021.

Il était estimé que l’assurée pourrait entreprendre une activité de nettoyage industriel ou encore d’agent d’opération en conditionnement. En l’absence de revenu effectif, le revenu avec invalidité était fixé sur la base du salaire statistique ESS 2020 pour une activité ne nécessitant aucune formation spécifique (TA1), tous secteurs confondus (total), activité simple et répétitive, de niveau 1, pour une femme, indexé à 2021 au moyen de l’ESS, soit un revenu hypothétique annuel de CHF 53'819.- à 100% et de CHF 37'674.- à 70%. Le taux d’invalidité de 28.14% n’ouvrait pas à l’assurée de droit à une rente. Elle n’avait malheureusement pas pu investir pleinement la mesure d’orientation. Elle n’avait pas fourni d’information médicale susceptible de s’écarter sensiblement de la position médico-théorique.

n. Par projet de décision du 25 avril 2023, l’OAI a informé l’assurée que son droit à une rente était nié, au motif que son taux d’invalidité était de 28%.

o. L’assurée a contesté le projet de décision.

p. Le 13 juillet 2023, l’OAI a confirmé son projet de décision. Les arguments avancés dans le cadre de l’audition n’étaient pas susceptibles de l’amener à revoir son évaluation de la capacité de travail résiduelle. Les experts s’étaient bien prononcés de manière consensuelle et globale sur la capacité de travail de l’assurée, précisant que les incapacités de travail ne se cumulaient pas. Le revenu statistique tenait compte d’un large éventail d’activités légères existant sur le marché du travail. Il fallait admettre que nombre d’entre elles était adapté aux limitations fonctionnelles présentées par l’assurée et accessibles sans autre formation.

E. a. Le 14 septembre 2023, l’assurée a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre de céans, concluant à son annulation et à l’octroi d’une rente d’invalidité dont le taux restait à déterminer. Subsidiairement, elle demandait sa mise au bénéfice d’une mesure d’ordre professionnel, avec suite de frais et dépens.

b. Par réponse du 18 octobre 2023, l’intimé a conclu au rejet du recours.

c. Le 30 novembre 2023, la recourante a répliqué.

d. La recourante a été entendue le 15 mai 2024 par la chambre de céans.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

2.             Le litige porte sur le droit à une rente d’invalidité de la recourante, en particulier sur la question de savoir si son état s’est péjoré depuis la décision rendue par l’intimé le 6 décembre 2006.

3.              

3.1  

3.1.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI et de la LPGA du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705), y compris les ordonnances correspondantes, sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

3.1.2 En l’occurrence, la décision litigieuse a certes été rendue après le 1er janvier 2022, mais elle concerne une demande de rente qui pourrait avoir pris naissance en 2021 (six mois après la demande du 9 juillet 2020), de sorte que c’est le droit applicable jusqu’au 31 décembre 2021 qui est applicable.

3.2 Lorsque l’administration entre en matière sur une nouvelle demande, après avoir nié le droit à une prestation [cf. art. 87 al. 3 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201)], l’examen matériel doit être effectué de manière analogue à celui d'un cas de révision au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA (ATF 133 V 108 consid. 5 et les références ; 130 V 343 consid. 3.5.2 et les références ; 130 V 71 consid. 3.2 et les références; cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_899/2015 du 4 mars 2016 consid. 4.1 et les références).

L’art. 17 al. 1 LPGA dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée.

Tout changement important des circonstances propres à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3 ; 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s'améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 consid. 4.1). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; 112 V 371 consid. 2b ; 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références). Un changement de jurisprudence n'est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4 ; 130 V 343 consid. 3.5.2).

3.3  

3.3.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (Ulrich MEYER-BLASER, Bundesgesetz über die Invaliden-versicherung, 1997, p. 8).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

3.3.2 Lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques, il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281 ; 143 V 409 consid. 4.5 et 143 V 418 consid. 6 et 7), car les maladies psychiques ne peuvent en principe être déterminées ou prouvées que de manière limitée sur la base de critères objectifs. La question des effets fonctionnels d'un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d'une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu'il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation de la capacité de travail invalidante n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée.

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources
(ATF 143 V 418 consid. 8.1). Il convient également d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs limitant les capacités fonctionnelles et, d'autre part, les potentiels de compensation (ressources).

Selon la jurisprudence, une dysthymie (F34.1) est susceptible d'entraîner une diminution de la capacité de travail lorsqu'elle se présente avec d'autres affections, à l'instar d'un grave trouble de la personnalité. Pour en évaluer les éventuels effets limitatifs, ces atteintes doivent en principe faire l'objet d'une procédure probatoire structurée selon l'ATF 141 V 281 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_599/2019 du
24 août 2020 consid. 5.1 et la référence).

La reconnaissance d’un trouble psychique doit reposer sur le diagnostic posé par un psychiatre (ATF 130 V 396 consid. 5.3).

Le Tribunal fédéral a développé dans sa jurisprudence relative à l’établissement de la capacité de travail exigible des personnes souffrant d’une symptomatologie douloureuse sans substrat organique les indicateurs qui s’appliquent également pour déterminer la capacité de travail exigible des personnes souffrant de troubles psychiques.

Le juge vérifie librement si l’expert médical a exclusivement tenu compte des déficits fonctionnels résultant de l’atteinte à la santé et si son évaluation de l’exigibilité repose sur une base objective (consid. 5.2.2 ; ATF 137 V 64 consid. 1.2 in fine).

Il convient dorénavant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs limitant les capacités fonctionnelles et, d'autre part, les potentiels de compensation (ressources), à l’aide des indicateurs suivants :

Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic. Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés.

Il convient encore d'examiner le succès du traitement et de la réadaptation ou la résistance à ces derniers. Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L’échec définitif d’un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d’espèce, on ne peut rien en déduire s’agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu'ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d’une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation.

La comorbidité psychique ne doit être prise en considération qu’en fonction de son importance concrète dans le cas d’espèce, par exemple pour juger si elle prive l’assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble psychique avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel n’est pas une comorbidité, mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité.

Il convient ensuite d'accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l’assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du Moi » (conscience de soi et de l’autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d’autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées.

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles ne doivent pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie.

Il s’agit, encore, de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé.

Il faut examiner ensuite la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, pour évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons que l'atteinte à la santé assurée.

3.4 Lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).

En cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15
p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

Les constatations médicales peuvent être complétées par des renseignements d’ordre professionnel, par exemple au terme d'un stage dans un centre d'observation professionnel de l'assurance-invalidité, en vue d'établir concrètement dans quelle mesure l'assuré est à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du travail. Il appartient alors au médecin de décrire les activités que l'on peut encore raisonnablement attendre de l'assuré compte tenu de ses atteintes à la santé (influence de ces atteintes sur sa capacité à travailler en position debout et à se déplacer; nécessité d'aménager des pauses ou de réduire le temps de travail en raison d'une moindre résistance à la fatigue, par exemple), en exposant les motifs qui le conduisent à retenir telle ou telle limitation de la capacité de travail. En revanche, il revient au conseiller en réadaptation, non au médecin, d'indiquer quelles sont les activités professionnelles concrètes entrant en considération sur la base des renseignements médicaux et compte tenu des aptitudes résiduelles de l'assuré. Dans ce contexte, l'expert médical et le conseiller en matière professionnelle sont tenus d'exercer leurs tâches de manière complémentaire, en collaboration étroite et réciproque (ATF 107 V 17 consid. 2b ; SVR 2006 IV n° 10 p. 39).

En cas d'appréciation divergente entre les organes d'observation professionnelle et les données médicales, l'avis dûment motivé d'un médecin prime pour déterminer la capacité de travail raisonnablement exigible de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral 9C_486/2022 du 17 août 2023 consid. 6.5 et la référence). En effet, les données médicales permettent généralement une appréciation plus objective du cas et l'emportent, en principe, sur les constatations y compris d’ordre médical qui peuvent être faites à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle, qui sont susceptibles d’être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l'assuré pendant le stage (arrêt du Tribunal fédéral 9C_87/2022 du 8 juillet 2022 consid. 6.2.1 et les références). Au regard de la collaboration, étroite, réciproque et complémentaire selon la jurisprudence, entre les médecins et les organes d'observation professionnelle (cf. ATF 107 V 17 consid. 2b), on ne saurait toutefois dénier toute valeur aux renseignements d'ordre professionnel recueillis à l'occasion d'un stage pratique pour apprécier la capacité résiduelle de travail de l'assuré en cause. Au contraire, dans les cas où l'appréciation d'observation professionnelle diverge sensiblement de l'appréciation médicale, il incombe à l'administration, respectivement au juge - conformément au principe de la libre appréciation des preuves - de confronter les deux évaluations et, au besoin de requérir un complément d'instruction (ATF 9C_1035/2009 du 22 juin 2010 consid. 4.1, in SVR 2011 IV n° 6 p. 17; 9C_833/2007 du 4 juillet 2008, in Plädoyer 2009/1 p. 70; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 35/03 du 24 octobre 2003 consid. 4.3 et les références, in Plädoyer 2004/3 p. 64 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_512/2013 du 16 janvier 2014 consid. 5.2.1).

3.5 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

3.6 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
(Cst - RS 101; SVR 2001 IV n° 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d).

Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

3.7 Lorsqu'il s'agit d'examiner dans quelle mesure un assuré peut encore exploiter économiquement sa capacité de gain résiduelle sur le marché du travail entrant en considération pour lui (art. 16 LPGA), on ne saurait subordonner la concrétisation des possibilités de travail et des perspectives de gain à des exigences excessives. Il s'ensuit que pour évaluer l'invalidité, il n'y a pas lieu d'examiner la question de savoir si un invalide peut être placé eu égard aux conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s'il pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail lorsque les places de travail disponibles correspondent à l'offre de la main d'oeuvre (VSI 1998 p. 293). On ne saurait toutefois se fonder sur des possibilités de travail irréalistes. Il est certes possible de s'écarter de la notion de marché équilibré du travail lorsque, notamment l'activité exigible, au sens de l'art. 16 LPGA, ne peut être exercée que sous une forme tellement restreinte qu'elle n'existe quasiment pas sur le marché général du travail ou que son exercice impliquerait de l'employeur des concessions irréalistes et que, de ce fait, il semble exclu de trouver un emploi correspondant (cf. RCC 1991 p. 329 ; RCC 1989 p. 328 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_286/2015 du 12 janvier 2016 consid. 4.2 et 9C_659/2014 du 13 mars 2015 consid. 5.3.2). Cependant, là encore, le caractère irréaliste des possibilités de travail doit découler de l'atteinte à la santé – puisqu'une telle atteinte est indispensable à la reconnaissance d'une invalidité (cf. art. 7 et 8 LPGA) – et non de facteurs psychosociaux ou socioculturels totalement étrangers à l'invalidité (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_286/2015, op. cit, consid. 4.2).

D'après ces critères, il y a lieu de déterminer dans chaque cas et de manière individuelle si l'assuré est encore en mesure d'exploiter une capacité de travail résiduelle sur le plan économique et de réaliser un salaire suffisant pour exclure une rente. Ni sous l'angle de l'obligation de diminuer le dommage, ni sous celui des possibilités qu'offre un marché du travail équilibré aux assurés pour mettre en valeur leur capacité de travail résiduelle, on ne saurait exiger d'eux qu'ils prennent des mesures incompatibles avec l'ensemble des circonstances objectives et subjectives (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1066/2009 du 22 septembre 2010 consid. 4.1 et la référence).

La notion de marché équilibré du travail est une notion théorique et abstraite qui sert de critère de distinction entre les cas tombant sous le coup de l'assurance-chômage et ceux qui relèvent de l'assurance-invalidité. Elle implique, d'une part, un certain équilibre entre l'offre et la demande de main d'oeuvre et, d'autre part, un marché du travail structuré de telle sorte qu'il offre un éventail d'emplois diversifiés, tant au regard des exigences professionnelles et intellectuelles qu'au niveau des sollicitations physiques (ATF 110 V 273 consid. 4b p. 276; arrêt I 350/89 du 30 avril 1991 consid. 3b, in RCC 1991 p. 329).  Il s'ensuit que pour évaluer l'invalidité, il n'y a pas lieu d'examiner la question de savoir si un invalide peut être placé eu égard aux conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s'il pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail lorsque les places de travail disponibles correspondent à l'offre de la main d'oeuvre (VSI 1998 p. 293). En d'autres termes, il s'agit uniquement de savoir si, compte tenu de son état de santé, il est à même d'exercer une activité déterminée sans que l'on ait à rechercher s'il va trouver un employeur disposé à lui confier ce travail. Si l'on tenait compte des fluctuations de l'offre et de la demande sur le marché du travail, on aboutirait à ce résultat qu'un assuré serait tantôt admis à bénéficier de la rente et tantôt ne le serait pas suivant que les offres d'emploi seraient peu nombreuses ou au contraire abondantes. Les décisions de l'AI finiraient d'être dépourvues de tout fondement objectif.

À la différence de simples fluctuations conjoncturelles, les modifications structurelles que peut connaître le marché du travail sont des circonstances dont il faut tenir compte en matière d'assurance-invalidité. L'augmentation de la productivité au sein des entreprises, la pression sur la rentabilité ou les nécessités de maîtriser les coûts salariaux pèsent sur les salariés qui doivent faire preuve d'engagement et d'efficacité, s'intégrer dans une structure d'entreprise et montrer des facultés d'adaptation importantes. Dans ce contexte, des troubles importants de la personnalité peuvent constituer des obstacles irrémédiables à la reprise d'une activité salariée (Michel VALTERIO, Droit de l’assurance-vieillesse et survivants et de l’assurance-invalidité, Commentaire thématique, 2011, n. 2112 et 2113).

Le Tribunal fédéral a ainsi admis dans un arrêt 9C_984/2008 du 4 mai 2009 (consid. 5.2 et 6.2) qu'un employeur ne prendrait pas le risque d'engager une personne qui souffrait d'un grave trouble de la personnalité et qui ne pouvait exercer d'activités qu'en milieu protégé, soit dans un environnement confiné et protégé, en dehors de tout stress professionnel et social.

Dans un arrêt 9C_496/2015 du 28 octobre 2015 (consid. 3.3), le Tribunal fédéral a considéré que la jurisprudence précitée ne trouvait pas application s'agissant d'un cas dans lequel aucune réserve n'avait jamais été exprimée par les experts consultés au sujet de la capacité de la recourante à exercer une activité sur le marché équilibré de l'emploi. Une restriction de l'exigibilité ne pouvait découler de la simple diminution de la capacité de travail de l'intéressée. Par ailleurs, l'état dépressif de cette dernière, de degré moyen, n'empêchait pas une certaine activité professionnelle à dire d'experts. Les experts avaient pris en considération le retrait social et la difficulté de l'accessibilité thérapeutique, rendant réservé le pronostic global quant à la reprise d'activité professionnelle quelconque dans le circuit économique, avant de conclure qu'une activité adaptée à 40-50% leur paraissait exigible de la part de la recourante.

L'administration n'a pas à démontrer l'existence d'offres de travail concrètes disponibles correspondant aux limitations de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral 9C_633/2016 du 28 décembre 2016).

En cas d’absence de désignation des activités compatibles avec les limitations du recourant, le Tribunal fédéral a jugé qu'il eût été certainement judicieux que l'office AI donnât au recourant, à titre d'information, des exemples d'activités adaptées qu'il peut encore exercer, mais qu’il convient néanmoins d'admettre que le marché du travail offre un éventail suffisamment large d'activités légères, dont on doit convenir qu'un nombre significatif est adapté aux limitations du recourant et accessibles sans aucune formation particulière (arrêt du Tribunal fédéral 9C_279/2008 du 16 décembre 2008 consid. 4).

Le Tribunal fédéral a notamment jugé qu'un marché du travail équilibré est sans conteste en mesure d'offrir des postes que l'on peut occuper avec une seule main ou un seul bras ou suite à la perte fonctionnelle d'un œil. Par ailleurs, des emplois dits « de niche » – autrement dit des postes et des travaux pour lesquels les personnes atteintes dans leur santé peuvent s'attendre à une ouverture sociale de la part de l'employeur – ne sauraient conduire à nier l'existence d'opportunités correspondantes. Il en va de même de l'exercice d'un travail auxiliaire, ceci en principe indépendamment de l'âge de l'assuré (Michel VALTERIO, op. cit, n. 2114 et 2115; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 180/05 du 16 janvier 2006; arrêt du Tribunal fédéral 9C_95/2007 du 29 août 2007 consid. 4.3).

4.              

4.1 En l’espèce, il convient d’examiner en premier lieu la valeur probante de l’expertise du F______. Celle-ci répond a priori aux réquisits permettant de lui reconnaître une pleine valeur probante.

4.1.1 La recourante fait valoir que l’expertise psychiatrique a été réalisée sur la base d’un dossier incomplet, car dans son rapport du 22 avril 2021, la Dre D______ avait précisé qu’entre 2001 et 2019, elle était suivie par le Dr E______. Cette information avait été confirmée par le Dr C______ le 26 août 2021. Or, ni l’intimé ni l’expert psychiatre n’avaient jugé utile d’interroger le Dr E______, nonobstant le fait que l’incapacité de travail retenue avait débuté en février 2018, soit pendant la prise en charge de celui-ci.

Selon l’intimé, s’agissant du Dr E______, la recourante n’amenait aucun élément permettant de considérer que des éléments médicaux avaient été ignorés par les experts, l’existence d’un suivi psychiatrique existant depuis longtemps et étant bien documenté au dossier.

La chambre de céans considère que le fait que l’expert psychiatre n’ait pas demandé de rapport complémentaire au Dr E______ ne remet pas en cause ses conclusions, dans la mesure où c’est l’état de santé de la recourante dès le début de l’année 2020 qui était déterminant en l’occurrence, puis que le taux d’invalidité devait être calculé six mois après la nouvelle demande de la recourante du 9 septembre 2020, soit en mars 2021, et que l’atteinte à la santé à prendre en compte à cette date était celui de l’année précédente, soit dès janvier 2020. Or, à cette date, la recourante était déjà suivie par la Dre D______ et ce depuis septembre 2019. Un rapport complémentaire du Dr E______ n’était donc pas nécessaire.

4.1.2 La recourante a fait valoir que nonobstant la présence d’un trouble de nature psychosomatique ainsi que de comorbidités, l’expert psychiatre n’avait pas procédé à une analyse des faits structurée et que les experts n’avaient dès lors pas pu appréhender la capacité de travail dans sa globalité.

Selon l’intimé, une lecture attentive du rapport permettait de retenir que les experts avaient procédé à une évaluation globale de sa capacité de travail et des implications qu’imposaient ces atteintes, car leur appréciation consensuelle retenait des limitations de l’assurée et leurs implications conjointes sur sa capacité de travail.

En l’espèce, la chambre de céans constate que l’expert psychiatre a matériellement pris en compte les indicateurs de gravité développés par le Tribunal fédéral pour fixer la capacité de travail de la recourante. S’agissant du degré de gravité inhérent aux diagnostics retenus, il a en effet précisé que l’épisode dépressif actuel avait débuté en février 2018 et qu’il était léger, car il n’existait pas de perte totale d’intérêt, de ralentissement psychomoteur, ni de culpabilité majeur. Il a également constaté qu’au jour de l’expertise, elle ne présentait pas d’humeur triste ni de perte d’intérêts, de sorte que le trouble dépressif récurrent était en rémission. L’expert précisait également que si l’épisode dépressif était sévère, la recourante serait totalement incapable de travailler, or elle évoquait une capacité de 50%. De plus, l’expert n’a pas constaté lors de son examen de l’assuré de tristesse d’humeur, bien qu’elle ait pleuré en rapport avec la situation de sa fille, ni de ralentissement psychomoteur ou de baisse d’entrain, ce qui indique une atteinte d’une gravité relative.

S’agissant du syndrome douloureux somatoforme persistant, l’expert psychiatre a précisé qu’il existait une recrudescence de ce trouble depuis février 2018. Les douleurs étaient multiples et variables dans le temps et en intensité, avec une dramatisation, l’expertisée réfutant les conclusions rassurantes de ses médecins, ce qui atteste d’une gravité relative de ce diagnostic.

Il en est de même de celui du trouble de la personnalité, avec une dramatisation des douleurs et une certaine agressivité vis-à-vis des médecins et une crainte d’être mal jugée.

S’agissant du trouble anxieux, l’expert indique qu’il expliquait la logorrhée de la recourante, la désorganisation de sa pensée, ses hésitations, sa recherche d’un regard bienveillant et de soutien ainsi que son problème concernant la nourriture. Elle ne présentait toutefois pas de crainte excessive d’être en présence des autres et pouvait sortir seule de chez elle. Ce trouble n’apparaît ainsi pas non plus d’une gravité particulière.

S’agissant du critère du succès du traitement et de la réadaptation ou la résistance à ces derniers, l’expert psychiatre a indiqué que la recourante avec cessé le traitement de Cymbalta en raison d’effets secondaires, mais qu’elle semblait avoir une certaine réticence à prendre des antidépresseurs, alors qu’ils n’entraînaient souvent que peu d’effets secondaires. Ceux ressentis par la recourante étaient certainement en lien avec son trouble de personnalité et son trouble anxieux. Il était toutefois important qu’elle suive son traitement antidépresseur car, selon la réponse thérapeutique, on pouvait s’attendre à une amélioration de son anxiété après deux à huit semaines. L’on ne se trouve ainsi pas dans le cas d’un échec définitif d’un traitement indiqué sur un assuré qui coopère de manière optimale, qui permet de conclure à un pronostic négatif, étant relevé que les troubles psychiques sont invalidants lorsqu'ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement.

L’expert a pris en compte l’interaction entre les diagnostics posés, que le trouble anxieux était favorisé par une personnalité qui craignait d’être mal jugée et incomprise. Les experts du F______ ont en outre fixé consensuellement la capacité de travail de la recourante en tenant compte des diagnostics psychiatriques et somatiques.

L’expert psychiatre a pris en compte le complexe de personnalité de la recourante, dans le cadre de l’analyse de ses ressources relevant qu’elle n’avait pas confiance en ses décisions et son jugement mais qu’elle pouvait s’assumer et prendre soin d’elle-même. Si son contact avec autrui était perturbé par son trouble anxieux et qu’elle rencontrait des difficultés à structurer et planifier les tâches, ainsi qu’à s'adapter au changement et que sa persévérance était affaiblie, elle pouvait s’adapter aux règles et routines.

S’agissant de son contexte de vie, l’expert a relevé que ses rapports avec sa famille étaient mauvais, qu’elle était un peu détachée de son mari et qu’elle ne voyait plus une de ses filles. Il ressort néanmoins de l’anamnèse qu’elle entretenait encore de bons rapports avec sa fratrie, même si elle la voyait peu, car elle parlait souvent au téléphone avec ses frères et sœurs. Elle qualifiait ses rapports avec son mari de stables, mais indiquait ne pas avoir d’amis. À cet égard, elle a précisé à la chambre de céans lors de son audition qu’une de ses filles venait souvent la voir à la maison, qu’elle s’entendait bien avec son mari, qui la soutenait de même que ses filles. Quand elle travaillait, elle voyait des amis. Elle les voyait encore, mais moins ces derniers temps. Même avant, elle n’en avait pas beaucoup. Elle voyait de temps en temps des membres de sa famille, notamment les marraines de ses filles, une nièce qui habitait à Genève et sa sœur et son mari qui habitaient à Lausanne. Elle s’occupait du ménage et de la cuisine avec son mari. Il en résulte que la recourante gardait certaines ressources.

L’expert psychiatre a indiqué dans l’anamnèse que la recourante ne regardait pas beaucoup la télévision, ce qui entre en contradiction avec l’anamnèse de l’expert gastroentérologue dont il ressort qu’elle ne regardait pas la télévision, ne lisait pas, ne faisait pas de sortie ni de voyages.

Il en résulte un doute sur les activités de loisirs de la recourante, en particulier s’agissant de la télévision.

La recourante a déclaré à la chambre de céans une version encore différente, à savoir qu’elle ne regardait pas beaucoup la télévision. Il n’apparaît ainsi pas erroné de considérer qu’elle regardait la télévision. Cette divergence entre les experts n’apparaît pas fautive, dès lors que l’expert psychiatre a indiqué que l’entretien avec elle avait été très difficile, en raison de fréquentes digressions et d’une certaine loghorrée, que les réponses étaient souvent à coté et qu’elle mélangeait parfois le français et le bosniaque et s’exprimait mal, son débit était trop rapide et son accent ne permettait pas de comprendre ce qu’elle voulait dire.

Il n’apparaît en outre pas contestable quelle que soit la version des faits retenue que les activités de loisirs de la recourant sont limitées, ce qui ne suffit pas à retenir qu’elle était totalement incapable de travailler.

Il résulte de l’analyse des indicateurs, que l’expert psychiatre a procédé à une analyse globale et correcte de la situation de la recourante et que sa conclusion sur selon laquelle une activité professionnelle était exigible d’elle à 70% est convaincante.

4.1.3 La recourante fait valoir que l’expert psychiatre justifiait son appréciation divergente de la capacité de travail par rapport à celle du psychiatre de la recourante, qui retenait une capacité de 50%, par une motivation insuffisante et erronée en indiquant : « nous ne retenons pas les 50% de son psychiatre traitant, car le travail habituel respecte les limitations fonctionnelles et cela limite la baisse de rendement ». Or, comme le relevait le service de réadaptation, l’activité habituelle ne respectait pas les limitations fonctionnelles.

Si l’on ne peut pas adhérer à l’appréciation de l’expert psychiatre sur le fait que l’activité de vendeuse en boulangerie est une activité adaptée, comme l’a fait le service de réadaptation, il faut rappeler que celui-ci est avant tout compétent pour fixer la capacité de travail médico-théorique et qu’il relève en revanche de la compétence des organes d'observation professionnelle d'établir concrètement dans quelle mesure l'assuré est à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du travail. C’était d’ailleurs bien le but du stage effectué à PRO, qui devait vérifier l’adéquation des limitations avec l’activité habituelle et déterminer une activité adaptée selon le rapport de la division de réadaptation de l’OAI du 1er juillet 2021. Il faut également relever à cet égard que le 22 avril 2021, la Dre D______, psychiatre traitant de la recourante, avait lui-même indiqué que l’emploi de celle-ci dans la boulangerie était une activité adaptée.

Il en résulte que l’appréciation contestable de l’expert sur le caractère adapté de l’activité de boulangère pour la recourante ne suffit pas à remettre sérieusement en cause ses conclusions sur la capacité de travail théorique de la recourante, étant rappelé que les données médicales permettent généralement une appréciation plus objective du cas et l'emportent, en principe, sur les constatations y compris d’ordre médical qui peuvent être faites à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle, qui sont susceptibles d’être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l'assuré pendant le stage, selon la jurisprudence.

La Dre D______ a évalué la capacité de travail de la recourante à 50% sans se prononcer sur sa capacité dans une activité adaptée, puisque dans son rapport du 22 avril 2021, elle retenait qu’en raison de ses douleurs importantes, de son anxiété, de sa tristesse, et de ses troubles du sommeil difficultés de concentration de mémoire ainsi que de ses difficultés à gérer le stress fatigabilité, la recourante était en mesure de reprendre son activité professionnelle à 50%. Il apparaît cohérent que sa capacité de travail soit plus élevée dans une activité demandant moins de concentration et de stress.

La conclusion de l’expert psychiatre n’est ainsi pas sérieusement remise en cause par le rapport de la Dre D______ précité.

Selon le médecin généraliste de l’assurée du 12 février 2018, elle se plaignait depuis plus de quatre ans de douleurs abdominales associées à une augmentation de la fatigue et à une perte pondérale d’environ 10 kg. Le syndrome dépressivo-anxieux était très limité chez l’assurée dans sa vie au quotidien. Elle était 100% incapable de travailler.

Ce rapport ne remet pas non plus en cause les conclusions de l’expert psychiatre, dès lors qu’il date de 2018, alors que c’est l’état de la recourante en 2020 et 2021 qui est déterminant, qu’il prend en compte d’autres atteintes que l’atteinte psychiatrique, que ce médecin n’est pas psychiatre et qu’il ne s’est pas prononcé sur la capacité de travail dans une activité adaptée.

Reste à déterminer si le rapport d’évaluation de la mesure d’observation et d’orientation professionnelle établi par PRO le 20 octobre 2022, remet en cause les conclusions de l’expertise du F______.

Comme relevé plus haut, les données médicales permettent généralement une appréciation plus objective du cas et l'emportent, en principe, sur les constatations y compris d’ordre médical qui peuvent être faites à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle, qui sont susceptibles d’être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l'assuré pendant le stage, selon la jurisprudence.

Ce rapport de mesure retenait que les difficultés de santé de la recourante la limitaient fortement dans la mise en place d’un projet professionnel réaliste et réalisable et qu’avant d’entreprendre toute démarche visant à favoriser son insertion professionnelle, elle était encouragée à stabiliser son état de santé en bénéficiant d’un accompagnement bienveillant et soutenant sur le plan médical et à continuer à acquérir des bases écrites suffisantes en français.

Suite à ce rapport, le cas de la recourante a à nouveau été soumis au service de réadaptation de l’intimé, qui a considéré qu’il résultait du dossier que l’activité habituelle de la recourante de vendeuse en boulangerie n’était plus adaptée à ses limitations car cette activité réclamait une agilité mentale pour la prise de commande et l’encaissement, une bonne gestion du stress et une disponibilité. Les limitations fonctionnelles de la recourante amenaient à considérer une activité simple et répétitive, avec peu de contacts, sans beaucoup de déplacement et avec une accessibilité facile aux toilettes. PRO avait pu constater dans son atelier pratique que la recourante parvenait à effectuer des opérations de tri et comptage de pièces avec cohérence. Elle ne rencontrait aucune difficulté à travailler avec les deux mains, ni à coordonner différents mouvements. Elle avait été en capacité d’exercer la même activité toute la journée, avait été ponctuelle et consciencieuse avec un besoin d’activité routinière pour contenir le stress et rester en retrait dans sa bulle. Une activité de type agent/opératrice de conditionnement paraissait ainsi adaptée. PRO avait estimé que l’état de santé de la recourante n’était pas stabilisé ce à quoi il attribuait ses difficultés dans la capacité professionnelle. Il fallait relever à cet égard qu’aucune pièce médicale ne venait étayer un changement dans son état de santé par rapport à celui qui avait été examiné par les experts. Par ailleurs, d’autres freins étaient évoqués comme la difficultés de compréhension de consignes écrites et parfois orales et un manque d’autonomie. Si des difficultés de concentration et un manque de flexibilité mentale péjoraient sans aucun doute la capacité de travail de la recourante, il fallait relever que sa mauvaise maîtrise du français accentuait ce phénomène. Or, cet élément n’avait pas à être pris en compte par l’assurance-invalidité de même que son absence de qualification et ses ressources socio-économiques limitées. Pour ces raisons, le service de réadaptation estimait justifier de suivre les conclusions des experts pour ce qui était de l’activité adaptée.

Ce rapport est convainquant et il convient de retenir en conséquence que le rapport de stage du PRO du 20 octobre 2022 ne remet pas sérieusement en cause les conclusions de l’expertise sur la capacité de travail étant rappelé que la recourante avait, à teneur du rapport de PRO, tout au long de la mesure, été ponctuelle et assidue, et qu’elle avait rendu un travail de qualité. Elle avait exprimé un réel plaisir à réaliser cette mesure et démontré certaines capacités dans l’exécution de tâches manuelles simples et légères.

Il convient d'admettre que le marché du travail offre un éventail suffisamment large d'activités légères, dont on doit convenir qu'un nombre significatif est adapté aux limitations de la recourante, en dépit de ses difficultés spécifiques, qui ne sont pas de nature à considérer qu’aucun employeur ne prendrait le risque de l’engager (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_496/2015 du 28 octobre 2015 et 9C_984/2008 du 4 mai 2009).

5.             En conclusion, la décision querellée est fondée sur une expertise dont les conclusions sont probantes et elle doit être confirmée.

En conséquence, le recours sera rejeté.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge de la recourante (art. 69 al. 1 bis LAI).

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de la recourante.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le