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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1054/2024

ATAS/854/2024 du 05.11.2024 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1054/2024 ATAS/854/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 5 novembre 2024

Chambre 15

 

En la cause

A______

représentée par Me Bertrand REICH, avocat

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : la bénéficiaire ou la recourante), née le ______ 1988, est au bénéfice d’une rente d’invalidité et d’une allocation d’impotence. Elle perçoit en sus des prestations complémentaires fédérales et cantonales (ci-après : PCF et PCC), depuis le 1er janvier 2017.

b. Par décisions des 8 et 9 janvier 2021, confirmée sur opposition le 10 décembre 2021, le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé) a demandé à la bénéficiaire la restitution d’un montant de CHF 4'325.50 perçu indûment.

c. La bénéficiaire s’est opposée à cette décision et a également sollicité la remise de l’obligation de rembourser ce montant en faisant valoir qu’elle avait reçu ce montant de bonne foi et que sa situation financière ne lui permettait pas de le rembourser.

d. L’opposition a été rejetée par décision du 10 décembre 2021 par le SPC qui a également rejeté la demande de remise.

e. Par décision sur opposition du 8 février 2023, le SPC a confirmé son refus d’accorder la remise à la bénéficiaire, dans la mesure où sa bonne foi devait être niée.

f. Par arrêt du 26 septembre 2023, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans), appelée à statuer sur la demande de remise, a annulé la décision du 8 février 2023 et a reconnu la bonne foi de la bénéficiaire, la situation difficile devant être analysée par le SPC, auquel le dossier a été renvoyé pour nouvelle décision sur remise après instruction de la situation financière difficile alléguée par la recourante.

B. a. Par décision du 12 janvier 2024, le SPC a confirmé le refus de remise sollicitée par la recourante, au motif que la situation financière de cette dernière ne justifierait pas la remise.

b. Cette décision ayant fait l’objet d’une opposition, le SPC l’a confirmée par décision sur opposition du 15 mars 2024, en rappelant que l’examen de la situation financière difficile de la recourante devait être fait au moment où la décision de restitution était entrée en force (date de l’entrée en force de l’arrêt du 26 septembre 2023), soit le 2 novembre 2023 (le jugement de la chambre ayant été notifié au SPC le 3 octobre 2023). Les revenus de l’époux de la bénéficiaire avaient été à juste titre pris en compte au mois de novembre 2023, étant précisé que la séparation du couple n’a été inscrite dans le registre de l’OCPM qu’à partir du 23 décembre 2023.

C. a. Par acte du 27 mars 2024, la bénéficiaire a saisi la chambre de céans d’un recours contre cette décision dont elle sollicitait, sous suite de frais et dépens, l’annulation, avant renvoi de la cause au SPC pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

b. Par acte du 22 avril 2024, le SPC a conclu au rejet du recours.

c. Par acte du 29 avril 2024, la recourante a répliqué.

d. À l’issue de l’échange d’écritures, la cause a été gardée à juger. Les arguments des parties seront exposés ci-après dans la mesure de leur pertinence.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

Interjeté dans les formes prescrites et en temps utiles, le recours est recevable (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

2.             Le litige porte exclusivement sur la condition de la situation difficile dans le cadre de l’examen de la demande de remise de l’obligation de la recourante de restituer à l’intimé un montant de CHF 4'325.50 indûment perçu.

3.              

3.1 Selon l'art. 25 al. 1 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile. Ces deux conditions matérielles sont cumulatives et leur réalisation est nécessaire pour que la remise de l'obligation de restituer soit accordée (ATF 126 V 48 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_364/2019 du 9 juillet 2020 consid. 4.1).

3.2 L'art. 4 de l'ordonnance fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11) précise que la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l'intéressé se trouve dans une situation difficile (al. 1). Est déterminant, pour apprécier s'il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire (al. 2).

3.3 À teneur de l’art. 24 de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25), les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile (al. 1). Le règlement fixe la procédure de la demande de remise ainsi que les conditions de la situation difficile (al. 2).

3.4 L’art. 15 al. 1 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI - J 4 25.03) prévoit que la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l'intéressé se trouve dans une situation difficile.

3.5 Selon l’art. 5 al. 1 OPGA, il y a situation difficile, au sens de l'art. 25 al. 1 LPGA, lorsque les dépenses reconnues par la LPC et les dépenses supplémentaires au sens de l'al. 4 sont supérieures aux revenus déterminants selon la LPC. Selon l’al. 2 de cette même disposition, sont pris en considération pour effectuer le calcul des dépenses reconnues prescrit à l’al. 1 : pour les personnes vivant à domicile : comme loyer, le montant maximal respectif au sens de l’art. 10 al. 1 let. b LPC (let. a) ; pour toutes les personnes, comme montant forfaitaire pour l’assurance obligatoire des soins : la prime la plus élevée pour la catégorie de personnes en cause, conformément à la version en vigueur de l’ordonnance du DFI relative aux primes moyennes cantonales et régionales de l’assurance obligatoire des soins pour le calcul des prestations complémentaires (let. c). Enfin, selon l’art. 5 al. 4 OPGA, sont prises en considération les dépenses supplémentaires suivantes : CHF 8’000.- pour les personnes seules (let. a) ; CHF 12'000.- pour les couples (let. b) ; CHF 4'000.- pour les enfants ayant droit à une rente d’orphelin ou donnant droit à une rente pour enfant de l’AVS ou de l’AI (let. c).

3.6 L'art. 16 RPCC-AVS/AI reprend les mêmes principes que la législation fédérale susmentionnée : est déterminant, pour apprécier s'il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire (al. 1) ; il y a une situation difficile lorsque les conditions de l'art. 5 OPGA, appliqué par analogie, sont réalisées (al. 2).

3.7 Par ailleurs, la détermination des revenus et des dépenses doit être effectuée en tenant compte de l’ensemble des conditions d’existence de la personne tenue à restituer. Ainsi, pour les personnes mariées, le revenu et la fortune des deux conjoints sont pris en compte sans égard à leur régime matrimonial pour autant qu’ils ne soient pas séparés (ATF 116 V 290 consid. 2a).

3.8 À teneur des directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (ci-après : DPC), valables dès le 1er avril 2011 (état au 1er janvier 2022), pour l’établissement des revenus déterminants et de la fortune, on se fondera en règle générale sur les revenus obtenus au cours de l’année civile précédente et sur la fortune déterminante au 1er janvier de l’année civile au cours de laquelle la décision de restitution est exécutoire. S’agissant des rentes, pensions et autres prestations périodiques, ce sont toutefois les prestations de l’année en cours qui sont prises en compte. Si la situation économique s’est modifiée jusqu’au moment où la décision de restitution est exécutoire, il importe de tenir compte des changements intervenus (DPC n° 4653.03).

Dans l’Annexe 9 à cette Directive figurent les montants à prendre en compte. Il s’agit des montants suivants pour une personne vivant avec un conjoint :

Montant destiné à la couverture des besoins vitaux

Pour une personne seule 19'610.-

Pour un couple 29'415.-

Pour enfants âgés de moins de onze ans

1er enfant 7'200.-

2ème enfant 6'000.-

3ème enfant 5'000.-

Primes d’assurance-maladie

Pour adultes 7'248.-

Pour enfants 1'740.-

Dépenses de loyer (brut)

Pour un couple et deux enfants ou plus dans la région 1 23'520.-

Pour un couple et deux enfants ou plus dans la région 2 22'500.-

Pour un couple et deux enfants ou plus dans la région 3 20'880.-

Franchises pour prise en compte de la fortune

Pour couple 50'000.-

Dépenses supplémentaires

Pour un couple 12'000.-

Pour enfants ayant droit à des rentes pour enfant de l’AI 4'000.-

4.             La décision de restitution a été contestée par une opposition. Celle-ci a été rejetée le 10 décembre 2021. Cette décision n’a pas fait l’objet d’un recours, de sorte qu’elle est devenue exécutoire, au sens de l’art. 4 al. 2 OPGA, en janvier 2022.

La demande de remise pour laquelle la chambre de céans est à ce jour encore saisie ne saurait reporter cette date, l’art. 4 al. 2 OPGA n’étant au demeurant pas équivoque. Il convient donc d’examiner la situation difficile de la recourante au moment où la décision de restitution est devenue exécutoire.

5.             À teneur du registre officiel, la recourante est séparée de son époux depuis le 23 décembre 2023. En janvier 2022, sa situation était encore celle d’une adulte en couple avec trois enfants à charge de moins de 11 ans.

5.1 Le SPC a retenu les montants valables dès le 1er janvier 2023 et non dès le 1er janvier 2022, soit : CHF 48'805.- pour les besoins vitaux du couple et des trois enfants (CHF 30'150.- + CHF 7'380.- + CHF 6'150.- + CHF 5'125.-), CHF 20'568.- pour les primes d’assurance-maladie de la famille ([2 x CHF 7’548.-] + [3 x 1'824.-]), CHF 24'000.- (CHF 12'000.- + [3 x CHF 4'000.-]) à titre de besoins supplémentaires. Il a en sus retenu le loyer effectif de la communauté (CHF 16'800.-), lequel est inférieur au maximum prévu dans l’Annexe 9 précitée.

Le calcul des dépenses reconnues selon les chiffres valables en 2022 se présenterait ainsi :

·         besoins vitaux du couple et des trois enfants CHF 47'615.- (soit CHF 29'415.- + CHF 7'200.- + CHF 6'000.- + CHF 5'000.-)

·         primes d’assurance-maladie de la famille CHF 19'716.- (soit [2 x CHF 7’248.-] + [3 x 1'740.-]),

·         besoins supplémentaires CHF 24'000.- (soit CHF 12'000.- + [3 x CHF 4'000.-])

·         loyer effectif de la communauté CHF 16'800.-

Soit un total de CHF 96'131.- contre CHF 110'173.- en 2023.

5.2 Quant aux revenus, l’intimé a tenu compte des indemnités de chômage de l’époux de la recourante dès le mois de novembre 2023 en les estimant sur la base d’un salaire multiplié par 12.

En retenant les revenus qu’il réalisait en 2022, il aurait convenu de retenir un salaire annualisé de CHF 91'626.- selon l’avis de taxation 2022, soit un revenu bien supérieur à celui retenu par l’intimé en 2023 de CHF 68’826.24.

Les revenus du couple ([CHF 91'626.- (époux) auxquels s’ajoutent les montants non contestés des rentes AI et de 2ème pilier (CHF 47'028.- + CHF 21'318.-) et les allocations familiales de CHF 12'396.-]), étant largement supérieurs aux dépenses reconnues (CHF 96'131.-), la situation financière difficile ne peut qu’être niée.

La recourante ne peut être suivie lorsqu’elle souhaite que l’on tienne compte uniquement de ses revenus et de la moitié des charges de ses enfants, et non du revenu de son conjoint, puisqu’elle est la seule tenue à restitution. En effet, la loi prévoit la prise en compte dans le calcul des ressources des revenus du couple quand bien même seul l’un des époux est bénéficiaire de prestations complémentaires et qu’il doit le cas échéant les rendre (cf. art. 5 OPGA et consid. 3.5 et 3.7 ci-dessus concernant les couples).

6.             S’agissant de l’argument que fait valoir la recourante quant au fait qu’elle est débitrice d’un montant de CHF 41'112.50 envers le SPC, qu’elle rembourserait à hauteur de CHF 500.- par mois, depuis le 1er janvier 2021, puis à hauteur de CHF 1'000.- depuis le mois de janvier 2023, force est de constater à l’instar de l’intimé qu’il s’agit d’une dette et que les dettes envers le SPC ne figurent pas dans la liste des dépenses reconnues (art. 10 LPC a contrario).

Cette dette ne peut pas davantage grever la fortune de la recourante puisqu’aucun montant n’a été pris en compte à ce titre dans les revenus déterminants de la recourante.

Cet argument est également sans fondement.

7.             Le recours est rejeté.

8.             Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le