Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/864/2024 du 07.11.2024 ( CHOMAG ) , ADMIS
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/3241/2023 ATAS/864/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 7 novembre 2024 |
En la cause
A______,
| recourant |
contre
CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE
| intimée |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré) a travaillé pour le compte de la société B______ du 1er septembre 2005 au 31 janvier 2023.
b. Le 28 octobre 2022, l’employeur a procédé à la résiliation du contrat de travail pour le 31 janvier 2023. Il lui a alloué une prime de départ de CHF 182'928.-.
c. L’intéressé réalisait un revenu mensuel de CHF 15'201.-.
B. a. Le 1er février 2023, l’assuré a déposé une demande d’indemnités auprès de la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse).
b. Par courriel du 8 mars 2023, la caisse a informé l’assuré qu’elle devait déterminer l’éventuel report de son droit aux indemnités suite à la perception d’une prime de départ de CHF 182'928.-. Elle l’invitait à lui confirmer le montant alloué au rachat LPP.
c. Par courriel du 15 mars 2023, l’assuré a répondu que son employeur n’avait pas alloué de rachat LPP dans la prime de départ. Il avait toutefois pris la décision de le faire et avait « prévu d’acheter CHF 40'000.- ».
d. Par décision du 9 mai 2023, la caisse a informé l’assuré que compte tenu des prestations volontaires qui lui avaient été versées par son employeur, lesquelles couvraient la perte de revenu résultant de la résiliation anticipée des rapports de travail, sa demande d’indemnités avait été reportée au 14 avril 2023. Sa perte de travail ne pouvait pas être prise en considération tant que le solde des prestations volontaires dépassait le montant maximum assuré de CHF 148'200.- sous déduction du montant affecté à la prévoyance professionnelle (maximum CHF 88'200.-), couvrant la perte de revenu résultant de la résiliation de rapports de travail. Dans son cas, le calcul du report de son droit à l’indemnité s’effectuait comme suit : CHF 182'928.- (prestations volontaires totales) - CHF 148'200.-(déduction montant maximum assuré) = CHF 34'728.-, ce qui équivalait à 2.285 mois. La durée de la perte de travail non prise en considération en raison du versement des prestations volontaires supplémentaires était de deux mois et neuf jours ouvrables.
e. Le 6 juin 2023, l’assuré a formé opposition à cette décision, expliquant que, comme déjà indiqué par courriel du 15 mars 2023, il avait « prévu de racheter sa LPP pour un montant de CHF 40'000.- sur le montant de sa prime de départ, afin de rendre les totaux volontaires supplémentaires inférieurs à l’assurance du montant maximum ». Il a également précisé que dans la mesure où son fonds LPP n’était plus géré par son employeur, il n’avait pas la possibilité de transférer l’argent pour racheter la LPP.
Il a produit un courriel du Fonds de prévoyance de la C______, daté du 31 mai 2023, confirmant qu’il ne pouvait plus transférer d’argent sur sa pension LPP, n’étant plus affilié au fonds de prévoyance de son ancien employeur.
f. Le 13 juin 2023, la caisse a invité l’assuré à lui transmettre le justificatif de la caisse de pension concernant le montant de CHF 40'000.- affecté à la prévoyance professionnelle. Un rappel lui a été adressé par courriel du 23 août 2023 et un ultime délai lui a été imparti au 15 septembre 2023.
g. Le 10 juillet 2023, l’assuré a été engagé par la société D______ pour un emploi à durée déterminée jusqu’au 9 janvier 2024.
h. Par courriel du 29 août 2023, l’assuré a informé la caisse qu’il était à nouveau salarié et avait contacté sa caisse de pension actuelle. Celle-ci lui avait indiqué que dans la mesure où il avait retiré une somme de sa caisse de pension pour acheter une propriété, la totalité du montant de CHF 40'000.- servirait à combler le déficit de son dernier retrait pour l’achat d’un logement et ne pourrait pas être affecté à la prévoyance professionnelle (rachat d’années de cotisations du 2e pilier). Il souhaitait obtenir une confirmation de l’accord de la caisse avec un tel procédé.
i. Par décision sur opposition du 4 septembre 2023, la caisse a maintenu sa décision. Aucune partie des prestations volontaires versées à l’assuré n’avait été affectée à la prévoyance professionnelle. L’assuré n’avait pas pu « racheter la part du versement LPP », selon la lettre de E______, puisque son fonds LPP n’était plus géré par B______. Il n’avait donc pas la possibilité de transférer « l’argent de sa LPP ». Pour ses calculs, elle avait considéré un début de perte de travail non prise en considération dès le lendemain de la fin des rapports de travail, soit dès le 1er février 2023 jusqu’au 14 avril 2023, ce qui était conforme aux directives précitées, dès lors que l’assuré ne pouvait justifier d’un rachat d’une partie des prestations volontaires à titre de prévoyance.
C. a. Par acte du 6 octobre 2023, l’assuré, par l’intermédiaire d’une avocate, a recouru devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre cette décision, concluant à son annulation.
Les montants affectés au remboursement du prélèvement pour l’acquisition du bien immobilier étaient versés à une institution de prévoyance et affectés à la prévoyance professionnelle au sens de l’art. 10b de l’ordonnance sur
l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02). Le montant de CHF 40'000.- avait pu être versé à l’institution de prévoyance. Étant affecté à la prévoyance professionnelle, il devait être déduit de la prestation volontaire à prendre en compte, laquelle s’élevait donc à CHF 142'928.-. Ce montant étant inférieur au montant maximum du gain assuré selon l’art 3 al. 2 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0), il n’entrainait pas la non prise en considération de la perte de travail. Le droit aux prestations de l’assurance-chômage ne pouvait ainsi être reporté.
Il a produit un justificatif du versement, le 29 septembre 2024, du montant de CHF 40'000.- au Fonds interprofessionnel de prévoyance.
b. Le 14 décembre 2023, la caisse a conclu au rejet du recours. L’assuré n’avait pas procédé ou sollicité de son ancien employeur qu’il effectue, avant la dissolution des rapports de travail, un versement d’une partie des prestations volontaires allouées en faveur de la prévoyance professionnelle. De ce fait, le 1er février 2023, date à laquelle il sollicitait les prestations de l’assurance-chômage, il ne pouvait plus affecter un quelconque montant en faveur de la prévoyance professionnelle puisqu’il n’était justement plus affilié à un fonds de pension. Ce n’était qu’au moment où il avait retrouvé un emploi et auprès de sa nouvelle caisse de pension LPP qu’il avait finalement pu procéder au remboursement d’une partie du retrait consenti pour l’achat de son logement. Or, il ne saurait être tenu compte de ce versement puisqu’il survenait postérieurement à la date à laquelle l’intéressé aurait pu prétendre aux prestations de
l’assurance-chômage, la question de savoir si les montants affectés au remboursement du prélèvement pour l’acquisition d’un bien immobilier entraient dans le champ d’application de l’art. 10b OACI étant par ailleurs réservée. Il s’agissait enfin d’une question de sécurité du droit, puisque la caisse ne pouvait tenir compte d’un fait nouveau futur postérieur à la date à laquelle le recourant aurait pu bénéficier des prestations de l’assurance-chômage.
c. Par réplique du 19 février 2024, l’assuré a persisté dans ses conclusions. L’exigence d’avoir sollicité l’allocation en faveur de la prévoyance professionnelle avant la dissolution des rapports contractuels ne ressortait d’aucune disposition légale. Il n’avait cessé d’indiquer qu’il souhaitait affecter un montant de CHF 40'000.- à la prévoyance professionnelle. Il effectuait des démarches régulières en parallèle, en tenant la caisse informée. Il avait pu finaliser les démarches et procédé à l’affectation du montant de CHF 40'000.- à la prévoyance.
d. Cette écriture a été transmise à l’intimée.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la LACI.
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 LPA). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu notamment de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement
(art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable
(art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).
2. Le litige porte sur le bien-fondé du report du droit à l’indemnité de chômage au 14 avril 2023, en raison d’un versement par l’employeur de prestations volontaires d’un montant total de CHF 182'928.-.
2.1 L'assuré a droit à l'indemnité de chômage si, entre autres conditions, il subit une perte de travail à prendre en considération (art. 8 al. 1 let. b LACI). Il y a lieu de prendre en considération la perte de travail lorsqu'elle se traduit par un manque à gagner et dure au moins deux journées de travail consécutives (art. 11 al. 1 LACI). Il existe un certain nombre de dispositions qui visent à coordonner les règles du droit du travail avec l'ouverture du droit à l'indemnité de chômage.
La perte de travail pour laquelle le chômeur a droit au salaire ou à une indemnité pour cause de résiliation anticipée des rapports de travail n'est pas prise en considération (art. 11 al. 3 LACI). En conséquence, l'assurance ne verse en principe pas d'indemnités si le chômeur peut faire valoir des droits à l'encontre de son employeur pour la période correspondant à la perte de travail invoquée. On entend par « droit au salaire » au sens de cette disposition, le salaire dû pour la période postérieure à la résiliation des rapports de travail, soit le salaire dû en cas de non-respect du délai de congé (art. 335c de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse [CO, Code des obligations - RS 220]) ou en cas de résiliation en temps inopportun (art. 336c CO). Quant à la notion de « résiliation anticipée des rapports de travail », elle vise principalement des prétentions fondées sur les art. 337b et 337c al. 1 CO (arrêt du Tribunal fédéral 8C_427/2018 du 30 avril 2019 consid. 3.2 ; ATF 143 V 161 consid. 3.2 ; voir Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n. 28 et 34 ad art. 11 LACI).
2.2 Selon l'art. 11a LACI, la perte de travail n’est pas prise en considération tant que des prestations volontaires versées par l’employeur couvrent la perte de revenu résultant de la résiliation des rapports de travail (al. 1). Les prestations volontaires de l’employeur ne sont prises en compte que pour la part qui dépasse le montant maximum visé à l’art. 3 al. 2 (al. 2). Le Conseil fédéral règle les exceptions lorsque les prestations volontaires sont affectées à la prévoyance professionnelle (al. 3).
L’art. 3 al. 2 LACI fait référence au gain mensuel assuré dans l'assurance-accident obligatoire, soit CHF 148'200.- (art. 22 al. 1 de l'ordonnance sur
l'assurance-accidents, OLAA - RS 832.202, selon la teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2016). Lorsqu'elles dépassent ce montant, les prestations volontaires repoussent donc dans le temps le délai-cadre d'indemnisation, ouvrant ainsi une période de carence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_427/2018 du 30 avril 2019 consid. 3.4).
La notion de « prestations volontaires » au sens de l'art. 11a LACI, est définie négativement : il faut entendre les prestations allouées en cas de résiliation des rapports de travail régis par le droit privé ou par le droit public qui ne constituent pas des prétentions de salaire ou d'indemnités selon l'art. 11 al. 3 LACI
(art. 10a OACI). Dans un sens large, ce sont les indemnités de départ qui excèdent ce à quoi la loi donne droit durant le délai de résiliation, à la fin des rapports de travail. Il peut s'agir de prestations reposant sur un contrat, mais seulement pour la part qui excède ce que la loi prévoit, en particulier les indemnités de départ destinées à compenser les conséquences de la perte de l'emploi (même si elles sont prévues dans un plan social ou une convention collective de travail), les gratifications, ou les bonus de rétention (Contrat individuel de travail ; Causes ordinaires d'extinction, in Droit du travail, Rémy WYLER et Boris HEINZER, Berne 2019, pp. 655 et 656). Il conviendra donc de bien distinguer les montants qui constituent une indemnité de départ, des montants qui récompensent les prestations passées et qui ne seraient pas versés en raison de la fin des rapports de travail. Ainsi, un bonus qui récompense l'activité passée n'est pas pris en compte par l'art. 11a LACI (Vincent CARRON, Fin des rapports de travail et droit aux indemnités de chômage, retraite anticipée et prestations volontaires de l'employeur, in Panorama en droit du travail, Rémy WYLER [éd.], 2009,
pp. 680-682). Pour délimiter le champ d'application de l'art. 11a LACI, ce qui est décisif n'est pas la qualification de la prestation au regard des règles de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946
(LAVS - RS 831.10) sur le salaire déterminant, mais le caractère volontaire de la prestation versée par l'employeur à la fin du rapport de travail (RUBIN, op. cit., n° 5 ad art. 11a LACI). Le fait que la prestation ait été convenue avant, pendant ou au moment de la résiliation des rapports de travail n'est pas déterminant. Ces prestations peuvent par exemple découler d'un plan social ou d'une convention collective de travail ou des indemnités de départ prévues dans les contrats (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_670/2010 du 4 avril 2011 consid. 5; Thomas NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in Sécurité sociale, SBVR vol. XIV, 3e éd. 2016, p. 2315 n° 168). Par contre, il n'y a pas de caractère volontaire lorsqu'il existe un droit légal à la prestation. Il est par exemple admis en doctrine que les prestations visées à l'art. 339b CO, en tant qu'elles sont obligatoires (art. 362 CO), ne sont pas des prestations volontaires entrant dans le champ d'application de l'art. 11a LACI (NUSSBAUMER, op. cit., p. 2315 n. 168 ; RUBIN, op. cit., n° 6 ad art. 11a LACI; cf. aussi Werner GLOOR, in Commentaire du contrat de travail, Dunand/Mahon [éd.], 2013,
n. 3 ad art. 339b CO; CARRON, op. cit., pp. 681 et ss.).
2.3 La période pendant laquelle la perte de travail n’est pas prise en considération commence à courir le premier jour qui suit la fin des rapports de travail pour lesquels les prestations volontaires ont été versées, quel que soit le moment auquel l’assuré s’inscrit au chômage (art. 10c al. 1 OACI). Pour déterminer la durée de cette période, on divise le montant des prestations volontaires prises en compte par le salaire perçu dans le cadre de l’activité ayant donné lieu à leur versement, que l’assuré ait exercé ou non une activité lucrative pendant cette période (al. 2).
Selon l’art. 10e LACI, le délai-cadre d’indemnisation de l’assuré qui a perçu des prestations volontaires de l’employeur commence à courir le premier jour où la perte de travail est prise en considération et où toutes les conditions à remplir pour avoir droit à l’indemnité de chômage sont réunies (art. 9 al. 2 LACI).
2.4 Selon l’art. 10b OACI, les montants affectés à la prévoyance professionnelle sont déduits des prestations volontaires à prendre en compte selon l’art. 11a al. 2 LACI jusqu’à concurrence du montant limite supérieur fixé à l’art. 8 al. 1 de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP - RS 831.40).
Les montants affectés à la prévoyance professionnelle sont déduits, en plus du montant de CHF 148'200.-, des prestations volontaires à prendre en compte jusqu’à concurrence du montant maximum du salaire coordonné défini à l’art. 8 LPP en liaison avec l’art. 5 de l’ordonnance sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, du 18 avril 1984 (OPP 2 - RS 831.441.1). Ce montant s’élève à CHF 88'200.- et sera régulièrement adapté. La caisse doit se faire confirmer l’affectation par l’institution de prévoyance (Bulletin LACI IC, état au 1er juillet 2024, B124).
Selon le message du Conseil fédéral, l’art. 10b OACI règle les exceptions lorsque les prestations volontaires sont affectées par les employeurs à la prévoyance professionnelle ou lorsque les assurés les affectent eux-mêmes au deuxième pilier (Message du Conseil fédéral concernant la révision de la loi sur l’assurance-chômage, FF 2001 2123, p. 2147). L’art. 11a al. 3 LACI habilite le Conseil fédéral à édicter des règles dérogatoires lorsque les prestations de départ servies à l’assuré par l’employeur sont affectées à la prévoyance professionnelle (FF 2001 2123, p. 2210).
Dans un arrêt 8C_568/2007 du 19 juin 2008, le Tribunal fédéral a précisé, en se référant au message précité, qu’il était indifférent pour la prise en considération de versements affectés à la prévoyance professionnelle que cette affectation soit effectuée directement par l’employeur ou que ce soit les assurés qui les versent eux-mêmes au deuxième pilier (consid. 3.4 ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral C 221/06 du 24 octobre 2007).
Dans un arrêt CDP.2019.137 du 12 mai 2020, le Tribunal cantonal de la Cour de droit public de Neuchâtel a été saisi d’un litige portant sur le refus, par la caisse de chômage, de déduire les montants versés par l’assuré à la prévoyance professionnelle, au motif que ceux-ci ne pouvaient être qualifiés de versement de rachat d’années mais qu’il s’agissait de cotisations pour conserver la LPP. Dans le cas particulier, l’assuré avait conclu une convention avec sa caisse de pension consistant à payer l’équivalent des cotisations employeur et employé dès le 1er février 2019, date à partir de laquelle l’assuré avait sollicité des indemnités de chômage, et cela jusqu’au moment où il retrouverait un emploi, mais au plus tard jusqu’au 31 juillet 2020. Le tribunal a notamment retenu qu’au vu du texte clair de l’art. 10b OACI, lequel se limitait à mentionner la déductibilité des « montants affectés à la prévoyance professionnelle » sans procéder à aucune forme de distinction, c’était de manière contraire aux textes légaux que la caisse avait refusé de prendre en considération les montants affectés par l’assuré à sa prévoyance professionnelle (consid. 3a).
2.5 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 135 V 39 consid. 6.1 ; 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
Le juge apprécie la légalité des décisions attaquées en matière d'assurances sociales, en règle générale, d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 362 consid. 1b et les arrêts cités). La décision ou la décision sur opposition faisant l’objet du recours détermine également l’objet de la contestation dans le temps. Le juge appelé à examiner le bien-fondé d’une décision doit prendre en considération l’état de fait déterminant jusqu’à la date de cette décision, cas échéant jusqu’à la date de la décision sur opposition. Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent normalement faire l’objet d’une nouvelle décision administrative (ATF 140 V 70 consid. 4.2 ; 131 V 242 consid. 2.1 ; Commentaire LPGA n. 14 ad art. 56 LPGA)
3. En l’occurrence, dans la décision entreprise, l’intimée a refusé de prendre en compte le montant de CHF 40'000.- que le recourant entendait verser à sa caisse de prévoyance, au motif qu’il n’avait pas pu racheter la part du versement LPP puisque son fonds LPP n’était plus géré par la fondation de prévoyance de son ancien employeur. Dans sa réponse au recours, elle ajoute que le versement à la prévoyance professionnelle effectué par le recourant ne pouvait être pris en considération puisqu’il survenait postérieurement à la date à laquelle l’assuré aurait pu prétendre aux prestations de l’assurance-chômage.
Ce point de vue ne convainc pas. Ainsi qu’il a été exposé ci-avant, le Tribunal fédéral a eu l’occasion de préciser qu’il était indifférent pour la prise en considération des versements effectués à la prévoyance professionnelle que cette affectation soit effectuée directement par l’employeur ou que ce soit les assurés qui les versent eux-mêmes au deuxième pilier. Ainsi, les montants versés par le recourant personnellement à sa caisse de pension, suite à la résiliation des rapports de travail, peuvent entrer en considération au sens des art. 11a al. 3 LACI et 10b OACI. Contrairement à ce que semble soutenir l’intimée, et sous réserve d’un abus de droit – qui ne peut être retenu ici –, ces dispositions n’imposent aucune limite temporelle à l’affectation d’une partie du montant reçu par l’employeur à la prévoyance professionnelle. Ainsi, le fait que le versement ait été effectué postérieurement à la date à laquelle le recourant aurait pu prétendre aux prestations de l’assurance-chômage ne constitue pas un obstacle à l’application de ces dispositions.
Reste à savoir si les montants affectés au remboursement du prélèvement pour l’acquisition d’un bien immobilier constituent des montants affectés à la prévoyance professionnelle au sens de l’art. 10b OACI. À rigueur de texte, cette disposition se réfère à tous les « montants affectés à la prévoyance professionnelle » sans procéder à aucune forme de distinction. Il ne ressort pas des travaux préparatoires que seuls certains versements, par exemple les rachats, à l’exclusion d’autres, aient été visés par cette disposition. L’absence de mention à cet égard laisse penser que l’idée était d’éviter un report d’indemnités lorsqu’une partie du montant versée par l’employeur est soustraite à la libre disposition de l’employé. Or, que l’affectation à la prévoyance professionnelle ait lieu par le biais d’un rachat ou d’un remboursement d’un versement anticipé pour l’acquisition d’un bien immobilier, le résultat est le même : l’employé ne peut pas en disposer librement. Il n’est dès lors pas contestable que le remboursement du versement anticipé, préalable nécessaire avant de pouvoir prétendre à un rachat déductible fiscalement (art. 79b al. 3e phr. LPP), est un versement affecté à la prévoyance professionnelle obligatoire au sens de l’art. 10b OACI.
Certes, le versement à l’institution de prévoyance a été réalisé le 29 septembre 2023, soit après que la décision sur opposition ait été rendue. Or, ainsi qu’il a été rappelé ci-avant, la chambre de céans ne doit prendre en considération que les éléments de faits existant jusqu’à la date de la décision entreprise. Il ressort toutefois du dossier que, par courriel du 29 août 2023 – adressé avant la décision sur opposition –, l’assuré avait informé la caisse qu’il était à nouveau salarié et que sa nouvelle caisse de pension lui avait indiqué que le montant de CHF 40'000.- serait versé à titre de remboursement d’un versement anticipé et non à titre de rachat. Il souhaitait obtenir une confirmation de la caisse qu’un tel versement serait considéré comme étant affecté à la prévoyance professionnelle. La caisse n’a toutefois pas répondu à sa demande et a rendu la décision litigieuse le 4 septembre 2023, soit deux semaines avant le terme de sa dernière prolongation pour la transmission du justificatif de versement. Or, au vu du fait nouveau invoqué par le recourant – soit le début d’un nouvel emploi et la prise de position de son institution de prévoyance – il appartenait à la caisse, sauf à violer le droit d’être entendu du recourant, cas échéant le principe de la bonne fois, de répondre à son interpellation et lui octroyer un nouveau délai pour le versement dudit montant à son institution de prévoyance. Dans la mesure où le recourant a clairement manifesté sa volonté d’affecter le montant de CHF 40'000.- à la prévoyance professionnelle, et cela dès le début de la procédure, ce serait faire preuve de formalisme excessif que de ne pas tenir compte du versement effectif du 29 septembre 2023. Cet élément est au demeurant étroitement lié à l’objet du litige et est de nature à influencer l’appréciation de la chambre de céans, étant précisé que l’intimée a eu l’occasion de se déterminer à ce sujet dans sa réponse au recours. C’est partant à tort que l’intimée a refusé de prendre en considération le montant de CHF 40'000.- que le recourant a affecté à sa prévoyance professionnelle.
Les éléments qui précèdent conduisent à l’admission du recours et à l’annulation de la décision entreprise. La cause est renvoyée à l’intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants qui précèdent.
4. Le recourant, qui obtient gain de cause, a droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA) qui sera fixée à
CHF 2'000.- à la charge de l’intimée.
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PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
conformément à l’art. 133 al. 2 LOJ
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet.
3. Annule la décision sur opposition de l’intimée du 4 septembre 2023.
4. Renvoie la cause à l’intimée pour nouvelle décision.
5. Alloue au recourant une indemnité de CHF 2'000.- à la charge de l'intimée.
6. Dit que la procédure est gratuite.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Sylvie CARDINAUX |
| La vice-présidente
Catherine TAPPONNIER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le