Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/841/2024 du 22.10.2024 ( AI ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/2047/2023 ATAS/841/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 22 octobre 2024 Chambre 15 |
En la cause
A______
| recourant |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1964, séparé, père de trois enfants majeurs, naturalisé suisse en 2011, sans formation autre que l’école secondaire fréquentée en Tunisie, a obtenu en 2008 un diplôme de conducteur d’élévateurs « catégorie S » en Suisse, et a suivi en 2013, auprès du CEFIL, une formation d’agent de maintenance, « partie bâtiment ». Après avoir exercé, dès 1997, divers emplois à Genève en tant que peintre en bâtiment, chauffeur/messager, concierge et surveillant de musée, il a exercé en dernier lieu, d’octobre 2015 à octobre 2016, l’activité d’employé de nettoyage auprès du service des bâtiments de la Ville B______ avant d’émarger au chômage.
b. Après avoir bénéficié, dans le cadre de l’assurance-chômage, de prestations cantonales en cas de maladie (PCM), d’abord à 100% (du 6 juin au 2 juillet 2017), puis à 50% (du 3 juillet au 3 août 2017), il a déposé, le 19 septembre 2017, une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé), mentionnant qu’il était atteint dans sa santé depuis mai 2017. Selon un certificat de la docteure C______, spécialiste en médecine interne et médecin traitant, l’assuré présentait des cervicobrachialgies invalidantes sur cervicarthrose disco-somatique et interfacettaire en C5 et C7-T1 sur canal étroit, sans myelopathie, une discopathie protrusive en C4-C5, C5-C6 et C6-C7 avec « impingement » des racines C6 et C7 à gauche par protrusion disco-ostéophytaire depuis mai 2017, ainsi qu’une uncarthrose gauche en C5-C6 et C6-C7, traitée de manière conservatrice, mais pouvant évoluer vers une indication opératoire.
c. Dans un rapport du 25 octobre 2017 destiné à l’OAI, la Dre C______ a indiqué que le début de la longue maladie remontait à mai 2017. En raison des diagnostics évoqués dans son précédent rapport, qui se manifestaient par des douleurs violentes de l’épaule et de la colonne cervicale qui l’empêchaient de dormir la nuit, l’assuré présentait une incapacité de travail totale du 6 juin au 2 juillet 2017 et de 50% du 3 juillet au 3 août 2017. Une reprise à 100% était possible dès le 4 août 2017, à condition qu’il s’agisse d’une activité n’impliquant ni port de charges de plus de 5kg ni mouvements trop physiques des membres supérieurs. Quant à l’activité habituelle, son exercice était exigible à 50%, à condition de s’en tenir à la restriction évoquée concernant les charges de plus de 5kg.
d. Par avis du 1er novembre 2017, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) a estimé que le début de l’incapacité de travail durable remontait au 6 juin 2017. Dans l’activité habituelle d’agent d’entretien/nettoyage auprès de la Ville B______, la capacité de travail était nulle depuis lors. En revanche, dans une activité n’impliquant ni port de charges excédant 5kg, ni élévation des membres supérieurs au-dessus de l’horizontale, ni position la tête penchée en avant, ni escaliers, ni échafaudages ni échelles, la capacité de travail était entière depuis toujours.
e. Par communication du 1er décembre 2017, l’OAI a informé l’assuré qu’il lui octroyait des mesures d’intervention précoce sous la forme d’une aide au placement (conseil et soutien pour la recherche d’un emploi approprié). Cette mesure a été prolongée le 29 janvier 2018.
f. Le 7 décembre 2017, la mesure précitée a été complétée par un cours de formation (bureautique et dactylographie), sanctionné par la remise, le 15 février 2018, d’une attestation délivrée par le prestataire désigné par l’OAI, selon laquelle l’assuré avait suivi avec succès une formation d’une durée de 66h ayant pour objet la dactylographie, Windows7, ainsi que l’utilisation des applications Word, Excel et Outlook.
g. Par communication du 1er mars 2018, l’OAI a octroyé à l’assuré un placement à l’essai auprès de D______ (stage du 19 février au 27 avril 2018 en tant que coursier appelé à se déplacer à pied ou en transports publics pour notifier des actes de poursuite).
h. Le 22 mars 2018, lors d’un bilan tripartite réunissant l’OAI, D______ et l’assuré, celui-ci a présenté un certificat d’incapacité de travail à 50%, valable du 16 mars au 13 avril 2018, et expliqué que l’activité auprès de D______ était certes adaptée à ses problèmes physiques, mais que c’était « [sa] tête qui ne [permettait] pas » de dépasser un certain nombre d’heures de travail, raison pour laquelle il comptait se rendre à une consultation pour un test de la mémoire et de l’attention. Pour sa part, le représentant de D______ a exprimé sa satisfaction en précisant qu’après certaines erreurs habituelles commises au départ, tout était rentré dans l’ordre et que le rendement était bon.
i. Le 1er mai 2018, l’entreprise E______ – par l’intermédiaire de laquelle le stage de l’assuré auprès de D______ avait été organisé du 19 février au 23 mars 2018 et du 9 au 27 avril 2018 – a établi un rapport d’évaluation co-signé par le représentant de E______, l’assuré et le responsable de stage auprès de D______. Il en ressortait, sur la grille d’évaluation ad hoc, allant de « insatisfaisant, presque satisfaisant, satisfaisant à très satisfaisant », que la discipline au travail avait été jugée très satisfaisante. Quant aux dix-sept autres critères d’évaluation (dont l’organisation, la prise d’initiatives, l’autonomie, le rythme, la quantité et la qualité du travail), l’assuré obtenait quatorze fois un résultat satisfaisant, seules la communication, l’intégration auprès des collaborateurs et la flexibilité/capacité d’adaptation étant jugées presque satisfaisantes. En guise de bilan, le responsable du stage auprès de D______ a toutefois indiqué qu’il n’était disposé ni à être cité en référence par l’assuré, ni à embaucher ce dernier, motif pris que huit semaines de stage représentaient une période trop brève « pour faire référence » et que D______ n’engageait qu’exceptionnellement des stagiaires.
j. Le 29 juin 2018, la docteure F______, médecin interne auprès du service de psychiatrie adulte des HUG, a attesté que l’assuré était suivi au Centre ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie (CAPPI G______) depuis le 14 mai 2018 à sa demande et sur le conseil de la Dre C______. Il existait, en l’état, une suspicion d’un trouble de stress post-traumatique qui devait être encore investiguée, car l’assuré, qui bénéficiait d’entretiens à raison de deux séances par mois, restait très fragile pour en parler. Son incapacité de travail était totale du 1er juin au 31 juillet 2018. Dans un rapport du 22 octobre 2018, la Dre F______ a retenu les diagnostics de syndrome de stress post-traumatique (F43.1) et de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (F33.1). Interrogée sur les limitations fonctionnelles en lien avec les diagnostics retenus, la Dre F______ a indiqué que l’assuré présentait une aboulie, une anhédonie, des difficultés à faire les choses de la vie quotidienne, à s’occuper des choses administratives. Il avait de la peine à se mobiliser, présentait une baisse de l’estime de soi, des idées noires et un sentiment de dévalorisation. N’arrivant pas à se projeter dans l’avenir, il rapportait une baisse de la mémoire et de la concentration, et des troubles du sommeil principalement à l’endormissement, qui étaient dus aux ruminations qui l’envahissaient le soir. On retrouvait une anxiété importante liée au passé et à sa situation actuelle. Compte tenu de sa problématique actuelle, l’assuré n’était pas apte à reprendre une activité professionnelle dans quelque domaine que ce soit.
k. L’OAI a décidé d’ordonner une expertise psychiatrique qu’il confié à un expert spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, lequel a reçu l’assuré en entretien les 1er et 22 mars 2019 et rendu ses conclusions le 13 juin 2019. Les diagnostics d’éventuel trouble de l’adaptation, sub-clinique et de personnalité avec des traits impulsifs étaient retenus, mais n’avaient pas de répercussion sur la capacité de travail de l’expertisé. Interrogé sur la capacité de travail de l’assuré dans l’activité exercée en dernier lieu, l’expert a répondu que l’assuré avait pu présenter un trouble de l’adaptation en août-septembre 2018, dont l’origine n’était ni compréhensible ni objectivable. Cela étant, l’évolution avait été largement favorable grâce au traitement prescrit par la Dre F______. Autrement dit, il n’y avait jamais eu de baisse durable de la capacité dans aucune activité. Dans le cadre d’un emploi exercé à plein temps, cette capacité était de 8h/j. Questionné sur la capacité de travail dans une activité adaptée et les caractéristiques que devrait revêtir une telle activité pour être adaptée de manière optimale au handicap de l’assuré, l’expert a répondu que les limitations étaient dues à des facteurs médicaux, comme les cervicalgies. En revanche, le bilan neuropsychologique réalisé avait révélé qu’il n’y avait aucune limitation à ce niveau, ni d’un point de vue psychiatrique. Il n’y avait donc pas lieu d’envisager une activité adaptée.
l. Par avis du 3 juillet 2019, le SMR a jugé convaincant le rapport d’expertise du 13 juin 2019 dont il n’y avait pas lieu de s’écarter. En l’absence de diagnostic incapacitant d’ordre psychiatrique, il convenait de s’en tenir aux conclusions du 1er novembre 2017 du SMR, qui concernaient l’atteinte somatique.
m. Dans un rapport « final » du 17 octobre 2019, la division réadaptation professionnelle de l’OAI a indiqué qu’elle était toujours d’avis que l’activité de coursier-huissier était exigible de la part de l’assuré. Étant donné qu’il avait pu démontrer pendant le stage ses capacités à travailler dans cette voie professionnelle, adaptée, qui plus est, à ses limitations fonctionnelles, et qu’il disposait également d’un dossier de candidature complet lui offrant les moyens de rechercher du travail de manière autonome, il était possible de déterminer son degré d’invalidité de la manière suivante : en comparant le revenu réalisé en tant qu’employé de nettoyage, actualisé à 2018, au revenu statistique qu’il pouvait réaliser à plein temps dans une activité de service administratif et de soutien aux entreprises (ligne 82 de la table TA1 de l’enquête suisse sur la structure des salaires) de niveau 1 (activités simples et répétitives), et en déduisant de ce revenu statistique un abattement de 10% pour tenir compte des limitations fonctionnelles et du fait que seule une activité légère était possible, le degré d’invalidité s’élevait à 15%.
n. Par rapport du 10 février 2020, les docteurs H______ et I______, respectivement médecin interne et cheffe de clinique auprès du département des neurosciences cliniques des HUG, ont indiqué en synthèse, que l’assuré présentait des cervicobrachialgies insomniantes.
B. a. Par projet de décision du 23 avril 2020, l’OAI a informé l’assuré qu’à l’issue des mesures professionnelles, il était en mesure de faire valoir, sur le marché économique de l’emploi, les compétences acquises et qu’une fois la réadaptation professionnelle achevée, son taux d’invalidité, qui était de 15%, excluait tout droit à une rente d’invalidité.
b. Par courrier du 11 mai 2020, l’assuré a contesté ce projet en alléguant que les mesures professionnelles avaient « mal réussi et fonctionné ». Il avait eu des « ennuis » avec des personnes qui n’avaient jamais reçu leur acte de poursuite et avait fini par être convoqué le 4 décembre 2018 en qualité de témoin par la chambre de surveillance de l’office des poursuites et faillites dans une cause opposant un plaignant au service de recouvrement de la taxe d’exemption de l’obligation de servir. Pour ce motif, « D______ [avait] résili[é] immédiatement le contrat » (sic). Par ailleurs, le dossier médical en possession de l’OAI n’était pas complet. Aussi, l’assuré a annexé à son envoi :
- un rapport de polysomnographie du docteur J______, pneumologue, faisant suite à un enregistrement réalisé le 15 janvier 2020, ayant permis d’objectiver un syndrome d’apnées/hypopnées obstructives du sommeil sévère, nécessitant un traitement par CPAP [NDR : support ventilatoire] ;
- un contrat de location du 27 juin 2020 ayant pour objet la mise à disposition d’un appareil CPAP ;
- un certificat médical du 30 octobre 2019 du docteur K______, médecin interne auprès du département de santé mentale et de psychiatrie des HUG, indiquant que l’assuré présentait une persistance de symptomatologie dépressive, ainsi qu’une symptomatologie anxieuse sévère avec un mutisme et un isolement aggravés par des comorbidités en cours d’investigation.
c. Par avis du 25 mai 2020, le SMR a estimé que l’état somatique n’était pas stabilisé et nécessitait des informations complémentaires.
d. Dans un rapport du 30 juin 2020, le Dr J______ a mentionné que le syndrome d’apnées/hypopnées obstructives du sommeil sévère faisait l’objet, depuis le 27 février, d’un traitement par CPAP. Selon une note des infirmières
de soins, le masque était adapté et l’utilisation bonne. Interrogé sur la capacité
de travail du point de vue de sa spécialité, le Dr J______ a indiqué que
même s’il ne pouvait pas se prononcer dans le cas concret, un syndrome d’apnées obstructives du sommeil n’avait en général pas de répercussions sur l’activité professionnelle s’il était traité.
e. Dans un rapport du 2 juillet 2020, la Dre C______ a fait état d’une aggravation des cervicobrachialgies et d’une décompensation psychiatrique avec une « dépression gravissime » qui était le problème majeur actuellement. Au vu des rapports du CAPPI et de l’atteinte neurologique, il lui semblait clairement que l’incapacité de travail était de 100%.
f. Dans un rapport du 3 septembre 2020, la Dre F______ a mentionné un suivi depuis mai 2018 et retenu comme diagnostic incapacitant un trouble dépressif récurrent actuel moyen F33.1. Le syndrome de stress post-traumatique (F43.1) n’avait en revanche pas d’impact sur la capacité de travail. Interrogée sur les limitations fonctionnelles, elle a indiqué que l’assuré présentait une aboulie, une anhédonie, des difficultés à faire les choses de la vie quotidienne et à s’occuper des choses administratives. Il avait de la peine à se mobiliser et présentait une baisse de l’estime de soi, des idées noires et un sentiment de dévalorisation. Il n’arrivait pas à se projeter dans l’avenir. En outre, l’assuré rapportait une baisse de la mémoire et de la concentration. S’il retrouvait une stabilisation de son état psychique, ce qui n’était pas le cas actuellement, il pourrait reprendre à 50% une activité adaptée à ses limitations.
g. Par avis du 9 novembre 2020, le SMR a relevé qu’il existait des discordances avec l’expertise psychiatrique laquelle ne retenait pas d’atteinte incapacitante en 2019. Considérant ne pas pouvoir suivre non plus les conclusions des autres médecins traitants, le SMR a jugé que la réalisation d’une expertise pluridisciplinaire – rhumatologique, pneumologique, psychiatrique et de médecine interne – était nécessaire.
h. L’OAI a mis en œuvre une expertise pluridisciplinaire qu’il a confiée au L______ (ci-après : L______) lequel a convoqué l’assuré à cinq entretiens entre le 16 juin et le 6 juillet 2021, pour être examiné tour à tour par les experts M______, neuropsychologue, N______, médecin généraliste, O______, rhumatologue, P______, pneumologue, et Q______, psychiatre.
i. Le 8 septembre 2021, les experts ont rendu leurs conclusions en retenant,
au terme d’une évaluation consensuelle, que sur les diagnostics retenus (névralgie cervicobrachiale gauche non déficitaire sur uncarthrose [M53.1], syndrome des apnées nocturnes modéré à sévère de type obstructif [G47.31], troubles de maintien du sommeil [G47.0], bronchopneumopathie chronique obstructive [ci-après : BPCO] de stade II, avec emphysème [J44], trouble dépressif d’un degré léger [F33.0], diabète de type II non compliqué [E66]), il n’existait pas de limitations fonctionnelles relevant de la médecine interne, de la psychiatrie ou de la neuropsychologie. Celles-ci étaient seulement d’ordre rhumatologique (pas d’efforts de soulèvement de plus de 5kg à partir du sol, pas de porte-à-faux ou de rotation répétée du rachis cervical, port de charges proches du corps limitées à 10kg) et pneumologique (pas de conduite automobile, pas de travail nécessitant beaucoup de concentration, précision et mémoire, pas de travail impliquant une exposition à beaucoup de poussières).
Dans l’activité exercée jusqu’ici (agent d’entretien), la capacité de travail était de 0% depuis juin 2017, pour des motifs d’ordre rhumatologique, et de 50% (4h/j) depuis le 12 août 2020 pour des raisons pneumologiques (syndrome des apnées nocturnes modéré à sévère de type obstructif [G47.31], troubles de maintien du sommeil [G47.0], BPCO de stade II, avec emphysème [J44]. En revanche, les diagnostics relevant des autres disciplines médicales (trouble dépressif léger [F33.1], traits de la personnalité dépendante [Z73.1], diabète de type II non compliqué [E66] étaient sans effet sur la capacité de travail.
Dans une activité adaptée (activité sédentaire), la capacité de travail était de 70% (soit 100% avec une diminution de rendement de 30%) depuis le 15 janvier 2020, pour raisons pneumologiques, ce qui s’expliquait par le syndrome des apnées nocturnes (problèmes de fatigue et de somnolence). S’agissant enfin des mesures médicales et thérapies ayant une incidence sur la capacité de travail, l’expert rhumatologue a proposé la poursuite du traitement conservateur. Quant à l’expert pneumologue, il a proposé un nouvel essai par CPAP nasal qui permettrait de corriger au moins partiellement la somnolence et la fatigue, pour la composante due au syndrome des apnées du sommeil.
j. Par avis du 20 septembre 2021, le SMR a fait siennes les conclusions de l’expertise pluridisciplinaire, sans toutefois retenir l’exigibilité d’un traitement, motif pris que l’amélioration attendue ne serait que partielle et que les symptômes de fatigue et de somnolence étaient difficiles à objectiver. Il a précisé les limitations fonctionnelles retenues par les experts, en ce sens qu’une activité adaptée, exigible à 100% dès le 6 juin 2017, mais assortie d’une diminution de rendement de 30% dès le 15 janvier 2020, devait privilégier une activité de type sédentaire ou semi-sédentaire et être exempte :
- d’efforts de soulèvement de plus de 5kg à partir du sol, de porte-à-faux ou de rotation répétée du rachis cervical ;
- de port de charges proches du corps, supérieures à 10 kg ;
- d’élévations des membres supérieurs au-dessus de l’horizontale ;
- d’escaliers, échafaudages et échelles ;
- de conduite d’un véhicule à titre professionnel ;
- de travail nécessitant beaucoup de concentration, de précision et de mémoire ;
- de contact avec la poussière.
k. Le 14 décembre 2021, l’OAI a fixé le degré d’invalidité de l’assuré à 34.85% sur la base du raisonnement et des calculs suivants : il convenait de déterminer le revenu sans invalidité sur la base de l’enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) et d’établir la comparaison suivante : en se référant au tableau TA1 (tirage « skill level »), secteur privé, ligne 82 (i.e activité de service administratif et
de soutien aux entreprises), un homme pouvait réaliser, dans une activité
de niveau 1, un revenu mensuel de « CHF 4’731.- selon l’ESS 2018 » (recte :
CHF 4’731.- selon l’ESS 2016, soit CHF 56’772.- par année). En tenant compte de la durée normale de travail s’élevant à 41.7 heures, le revenu avec invalidité se montait à CHF 4’932.- (soit CHF 59’185.- par année). L’indexation de ce revenu à 2020 (59’185 x 2’298 / 2260) aboutissait à un revenu brut avec invalidité de CHF 60’180.-, respectivement CHF 42’126.- après la prise en compte d’une diminution de rendement de 30%. En comparant ce dernier montant au revenu que l’assuré réalisait en tant qu’agent de nettoyage auprès de la Ville B______ en 2016 (CHF 62’983.-), indexé à 2020 (CHF 64’643.-), la perte de gain s’établissait à CHF 22’517.- et le degré d’invalidité à 35% [(64’643 – 42’126) x 100 / 64’643 = 34.83%, arrondi à 35%].
l. Par décision du 15 décembre 2021, l’OAI a confirmé son projet de décision
du 23 avril 2020 en tant qu’il fixait le taux d’invalidité à 15% une fois la réadaptation professionnelle achevée. L’OAI a précisé en outre qu’au vu des résultats de l’instruction médicale qu’il avait menée suite au courrier du 11 mai 2020 de l’assuré, la capacité de travail dans une activité adaptée était toujours de 100%, mais assortie d’une diminution de rendement de 30% depuis le 15 janvier 2020. En procédant à un calcul du degré d’invalidité sur ces nouvelles bases,
le taux d’invalidité (35%) demeurait inférieur au minimum de 40% requis
pour l’ouverture du droit à une rente. Pour le surplus de nouvelles mesures professionnelles n’étaient pas indiquées, dans la mesure où « l’activité adaptée de type coursier-huissier [était] toujours d’actualité et exigible ».
C. a. Le 31 janvier 2022, l’assuré, assisté de son conseil, a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours contre cette décision, concluant à son annulation, à la mise en œuvre d’une expertise pluridisciplinaire et, cela fait, au calcul du degré d’invalidité. À l’appui de ses conclusions, il a fait valoir que selon ses médecins traitants, en particulier la Dre F______ (dans un rapport du 22 octobre 2018), son incapacité de travail était totale dans toute activité. En revanche, les experts considéraient qu’il était un simulateur et refusaient de lui reconnaître une « invalidité » quelconque dans une activité adaptée. Ce point de vue était incompréhensible si l’on se référait à son parcours professionnel. Selon le rapport du 22 octobre 2018 de la Dre F______, en effet, l’assuré avait été « licencié selon lui à cause de ses difficultés de concentration, des oublis, des troubles du comportement et de son irritabilité ». Compte tenu des éléments rapportés par ce médecin, il était nécessaire que la chambre de céans ordonne une nouvelle expertise dans les domaines de la neuropsychologie, de la psychiatrie, de la pneumologie et de la rhumatologie et, cela fait, détermine son taux d’invalidité.
b. Le recourant a également versé au dossier :
- un rapport du 12 janvier 2022 de Madame R______, psychologue FSP, contresigné par la docteure S______, psychiatre et psychothérapeute FMH, indiquant qu’elle suivait régulièrement le recourant depuis janvier 2021 sur délégation de la Dre S______. Selon cette psychologue, le recourant présentait un ralentissement psychomoteur important, une perte de motivation, des difficultés attentionnelles et de mémorisation. À cela s’ajoutait une anhédonie et une perte d’intérêt. Il était limité au niveau de ses affects, avec un sentiment anxieux sous forme de panique et angoisses envahissantes amenant un repli social marqué et l’évitement de nombreuses situations, transports, magasins, lieux nouveaux, clos par exemple. Il présentait des troubles du sommeil avec des réveils nocturnes multiples, des cauchemars et des réveils précoces sans possibilité de se rendormir, amenant un état de fatigue important. Il présentait une thymie très affectée, avec de la tristesse et des pleurs, ainsi que de l’abattement, accompagnés de pensées suicidaires. Il montrait une perte d’autonomie importante, raison pour laquelle il ne pouvait pas vivre seul sans aide. Il était actuellement hébergé chez sa fille aînée. Cette dernière l’aidait entre autres au niveau organisationnel, administratif, dans ses déplacements, son alimentation et la prise de son traitement ;
- un rapport du 12 janvier 2022 par lequel la Dre C______ décrivait retenir trois principaux diagnostics empêchant le recourant de travailler : un syndrome de stress post-traumatique dans les suites de deux agressions en 2003, et une en 2015, avec un trouble anxiodépressif et un trouble dépressif récurrent, des cervicobrachialgies, ainsi qu’une discopathie étagée avec cunéisation de D7 et D8 depuis 2019, des troubles respiratoires avec BPCO II avec emphysème et syndrome d’apnée du sommeil sévère. Par ailleurs, cette médecin décrivait d’autres problèmes de santé qui avaient un impact moindre sur sa vie de tous les jours, mais qu’elle devait contrôler régulièrement.
c. Par réponse du 2 mars 2022, l’intimé a conclu au rejet du recours en faisant valoir en substance que les arguments du recourant consistaient essentiellement à souligner qu’en partant d’un même état de fait connu des experts, les médecins traitants en tiraient des conclusions différentes, sans pour autant mettre en lumière des éléments objectivement vérifiables – de nature clinique ou diagnostique – qui auraient été ignorés dans le cadre de l’expertise. Dans ces conditions, c’était à juste titre que la décision attaquée s’en tenait aux conclusions des experts, à savoir que le recourant ne pouvait plus exercer son activité habituelle, mais disposait d’une capacité de travail de 70% dans une activité adaptée. Pour le surplus, l’intimé a joint à sa réponse un avis médical du 28 février 2022, par lequel le SMR indiquait que le rapport de la Dre C______ du 12 janvier 2022 n’apportait pas de nouvel élément médical objectif. Les problèmes psychiatriques n’étaient pas du ressort d’un médecin généraliste. Quant aux atteintes cervicale et pneumologique, elles avaient été appréciées par l’expert rhumatologue, respectivement l’expert pneumologue. Durant l’expertise, l’assuré n’avait pas émis de plaintes dorsales et l’examen clinique n’avait pas relevé de particularités à ce niveau. Quant au rapport de Mme R______ du 12 janvier 2022, la description qui y était effectuée était en tous points semblable à celle mentionnée dans l’expertise pluridisciplinaire du 9 août 2021, soit dans les réponses aux questions de l’expert psychiatre et le compte-rendu des plaintes du recourant. Cependant, lors de son expertise, l’expert psychiatre n’était parvenu ni aux mêmes constatations ni aux mêmes conclusions. En conclusion, les deux rapports du 12 janvier 2022 produits par le recourant n’amenaient aucun élément médical objectif nouveau permettant au SMR de modifier sa précédente appréciation du cas.
d. Par réplique du 30 mars 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions, en particulier la mise en œuvre d’une expertise judiciaire pluridisciplinaire qu’il estimait nécessaire compte tenu de nouveaux rapports médicaux qu’il produisait :
- un rapport du 23 mars 2022, dans lequel la Dre S______ indiquait que le recourant présentait un trouble de la personnalité de type état limite et impulsif qui le rendait incapable de contrôler son débordement émotionnel. Ainsi, durant l’entretien, quand on l’interrogeait sur certains éléments anamnestiques qui le contrariaient, il devenait vite irritable et menaçait de quitter l’entretien. Par ailleurs, le traitement neuroleptique à base de Quétiapine avait été remplacé par de l’Abilify® 10mg/j pour contenir l’impulsivité ;
- un courrier du 21 mars 2022, par lequel la Dre C______, prenant position au sujet de l’expertise de L______, informait le conseil du recourant que le « point absolument capital » qu’il y avait lieu de contester était le trouble anxio-dépressif léger retenu par l’expert psychiatre. En effet, le rapport du psychiatre traitant du recourant évoquait « un état anxio-dépressif moyen à grave selon évolution », qu’elle pouvait personnellement confirmer et qui était en outre corroboré par l’importance de la médication prescrite (Cymbalta, Imovane, Abilify, Temesta [en réserve], Lyrica). Or, un tel traitement ne se justifierait pas si l’on était en présence d’une dépression légère, ce type d’affection pouvant souvent être traité exclusivement par psychothérapie. En outre, les cervicalgies étaient bien présentes et deux imageries, datant de 2017, respectivement 2019, confirmaient la présence d’arthrose, d’un canal étroit et d’une inflammation. La médecine actuelle ne pouvait hélas offrir qu’un traitement médicamenteux, car une opération aux cervicales s’avérait risquée. En revanche, les douleurs à ce niveau étaient persistantes et leur chronicité avait un fort impact psychologique qui pouvait aggraver l’état anxio-dépressif sus-décrit. En ce qui concernait les fonctions pulmonaires, la Dre C______ était d’avis que le recourant n’était pas tout à fait collaborant, mais que cela s’expliquait peut-être en partie par les troubles psychiques et les cervicalgies. En ce qui concernait la BPCO de stade II avec emphysème, le recourant devait arrêter de fumer – pour que sa situation ne s’aggrave pas davantage – et faire de la physiothérapie, ce qu’il avait refusé. En ce qui concernait le syndrome d’apnées du sommeil, il devait utiliser plus régulièrement le CPAP, mais c’était un traitement très contraignant qui pouvait aussi être angoissant. Quant aux troubles du sommeil, ils étaient multifactoriels (anxio-dépression, syndrome post-traumatique, apnée du sommeil mal gérée). Cela créait une fatigue intense et de la somnolence diurne, ce qui ne favorisait ni la concentration ni l’humeur. Enfin, le diabète était léger et n’affectait actuellement pas la capacité de travail. Ce constat s’appliquait également à l’hépatopathie sur hépatite B chronique. En résumé, le recourant présentait un important trouble psychiatrique qui était la cause principale de son incapacité de travail. Cela influait sur les autres diagnostics en les aggravant ou en ne permettant pas un traitement adéquat.
e. Par arrêt du 13 décembre 2022 (ATAS/1093/2022), la chambre de céans a rejeté le recours. Elle a en particulier jugé que le rapport de l’expertise du 8 septembre 2021 mise en œuvre par l’OAI était probant et que le recourant présentait, depuis le 6 juin 2017, une capacité de travail nulle dans son activité habituelle d’agent d’entretien, mais entière dans une activité adaptée, avec baisse de rendement de 30%, d’étiologie pneumologique, depuis le 15 janvier 2020. Elle a en outre considéré qu’il se justifiait d’opérer un abattement de 20% sur le revenu d’invalide pour tenir compte de l’âge du recourant (presque 56 ans au moment de la naissance d’un éventuel droit à la rente), facteur qui n’est compensé ni par sa formation (il n’en a pas), ni par son expérience professionnelle (pauvre pour son âge), ni par sa capacité d’adaptation (qualifiée de pas entièrement suffisante), d’autres facteurs de réduction n’entrant pas en ligne de compte. Le recourant était toujours susceptible de réaliser un revenu avec invalidité de CHF 41’481.-, malgré sa baisse de rendement (20% de 70%, soit 14%), puis de déduire le résultat obtenu de ladite part salariale (70% - 14%). En comparant ce dernier au revenu sans invalidité réalisé en tant qu’agent de nettoyage en 2016 (CHF 62’983.-), indexé à 2020 selon l’ISS (CHF 64’643.-, soit 62’983 x 2’298 / 2’239), la perte de gain était de CHF 23’162.- et le degré d’invalidité de 36% [(64’643 – 41’481) x 100 / 64’643 = 35.83%, arrondi à 36%], ce qui était insuffisant pour ouvrir le droit à une rente.
D. a. L’assuré a déposé une nouvelle demande le 31 mars 2023, en soutenant que son état psychiatrique avait connu une forte détérioration durant la fin de l’année 2022, laquelle l’avait conduit à être hospitalisé dans une unité de psychiatrie sur demande de la Dre S______ en date du 16 novembre 2022. Il avait ensuite été intégré dans un programme de psychothérapie aux HUG avec prise de psychédéliques. Il a joint à sa demande un courrier de la Dre S______ à la teneur suivante « Je prends en charge ce patient sur le plan psychiatrique et psychothérapeutique en raison d’un trouble dépressif ainsi qu’un trouble de la personnalité de type impulsif. Ce patient vit avec sa fille depuis son divorce survenu il y a quelques années en arrière. Cette dernière se trouve dans un nouveau projet de vie professionnelle qui l’oblige d’être moins présente auprès de Monsieur A______. Le patient se montre très irritable, triste et angoissé. Il demande de se faire hospitaliser afin de se faire protéger d’une exacerbation de son état anxio dépressif qui le rend impulsif. Je demande l’hospitalisation en mode ordinaire de ce patient en milieu psychiatrique spécialisé. Cette hospitalisation de courte durée permettrait de mettre à l’abri ce patient et éviterait une demande plus intense des soins… ».
b. Un projet de refus d’entrer en matière, l’aggravation de l’état de santé n’étant pas rendue plausible, a été adressé à l’assuré, le 11 avril 2023.
c. Le conseil de l’assuré s’est opposé à ce projet en joignant à son opposition un rapport des HUG au sujet de l’hospitalisation du mois de novembre 2022 et des attestations de la fille du recourant et de l’un de ses amis étant intervenus lorsque l’assuré avait voulu se suicider en se jetant du balcon. Ces deux attestations ne mentionnent pas la date de la tentative de suicide. La lettre de sortie des HUG apprend que l’hospitalisation avait été demandée par le médecin de l’assuré pour mise à l’abri d’idées noires et avait duré du 18 au 23 novembre 2022. Le patient avait décrit une péjoration de son humeur sur les dernières semaines en raison du divorce de sa fille pour lequel il se sentait coupable. Selon les deux médecins des HUG ayant rédigé ce document, l’assuré était d’humeur triste sans idée suicidaire. Les problèmes existants avaient été pris en charge durant le séjour. À son admission, le patient ne montrait pas d’idée suicidaire active, mais disait avoir ressenti ces derniers jours des impulsions au moment de passer devant des fenêtres ou des ponts. La courte durée du séjour n’avait pas permis de poursuivre la psychothérapie que le patient suivait déjà dans le privé. Son traitement n’avait pas été modifié. En revanche, avait été abordé avec le patient le sujet de la Psychothérapie Assistée par Psychédélique (PAP), pour laquelle le patient avait manifesté un intérêt, et ce dernier avait été mis en relation avec le CAAP Grand-Pré. À sa sortie, le patient n’avait pas, au niveau du contenu du langage, d’idée délirante, d’idée anxieuse incontrôlable, d’idée négative sur le monde, d’idée suicidaire ni de rumination. Quant au comportement, n’étaient pas observé d’évitement, de compulsion, de comportement suicidaire avec recherche de moyens létaux, d’auto ou d’hétéro-agressivité. Seul était noté un fonctionnement interpersonnel diminué avec retrait social. L’assuré a en outre fait parvenir des brèves attestations de ses médecins traitants n’apportant pas d’éléments supplémentaires.
d. Le SMR a relevé dans un avis du 31 mars 2023 les éléments du rapport des HUG et a rappelé que les avis des médecins traitants avaient déjà fait l’objet d’une étude approfondie par les experts. Ces pièces ne rendaient pas plausible une aggravation du cas.
e. Par décision du 16 mai 2023, l’OAI a refusé d’entrer en matière.
E. a. Par acte du 16 juin 2023, l’assuré a saisi la chambre de céans d’un recours contre cette décision dont il demandait l’annulation. Il soutenait à titre de faits nouveaux que « selon le rapport d’expertise psychiatrique, il n’aurait jamais fait de tentative de suicide (pièce 7 : expertise psychiatrique page 8) ; à l’appui de sa décision de ne retenir aucune incapacité de travail, l’expert retient que les rapports des médecins traitants de l’expertisé sont fondés sur le dires de l’expertisé et pas sur des signes cliniques objectivés (cf. pièce 7 précité). Il ressort de ce qui précède, que l’expertise psychiatrique a été faussée par des appréciations inexactes. On ne voit pas en effet, comment une personne sur le point de se suicider ne souffrirait que d’un trouble dépressif léger n’entraînant aucune incapacité de travail. ».
b. L’OAI a conclu au rejet du recours faute d’élément démontrant l’aggravation de l’état de santé de l’assuré.
c. Le 25 août 2023, le recourant a fait parvenir une réplique à la chambre de céans en joignant une attestation de sa fille et d’un ami qui étaient intervenus lorsqu’il avait voulu se suicider en se jetant du balcon, un courrier de sa psychiatre au sujet de son hospitalisation ordinaire en milieu psychiatrique pour mise à l’abri d’idées noires entre le 18 et le 25 novembre 2022, des extraits de l’expertise qu’il jugeait fausse, car l’expert y indiquait qu’il n’avait pas fait de tentative de suicide, et une attestation de la psychologue R______.
d. L’OAI a dupliqué le 20 septembre 2023.
e. À la suite d’un changement d’avocat, l’assuré a fait parvenir une détermination le 10 juillet 2024 et un questionnaire rempli par la docteure T______, médecin interne aux HUG, du 2 juillet 2024.
f. À la suite de ce dernier courrier, la cause a été gardée à juger.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.
Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.
2.
2.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI et de la LPGA du 19 juin 2020 sont entrées en vigueur (développement continu de l’AI ; RO 2021 705), ainsi que celles du règlement et de l’ordonnance correspondants.
2.2 Les dispositions concernant les conditions d’entrée en matière sur les nouvelles demandes de prestations (cf. consid. 4 ci-dessous) n’ont toutefois pas été modifiées dans le cadre du développement de l’AI susmentionné, raison pour laquelle aucune question de droit intertemporel ne se pose à cet égard (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3 ; ATAS/654/2023 du 30 août 2023 consid. 4).
3. Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l’intimé d’entrer en matière sur la demande de révision déposée par le recourant le 31 mars 2023, motif pris qu’il n’a pas rendu plausible une modification de son état de santé susceptible d’influencer ses droits.
4.
4.1 Selon l’art. 87 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201), lorsqu’une demande de révision est déposée, celle-ci doit établir de façon plausible que l’invalidité, l’impotence ou l’étendue du besoin de soins ou du besoin d’aide découlant de l’invalidité de l’assuré s’est modifiée de manière à influencer ses droits (al. 2). Lorsque la rente, l’allocation pour impotent ou la contribution d’assistance a été refusée parce que le degré d’invalidité était insuffisant, parce qu’il n’y avait pas d’impotence ou parce que le besoin d’aide ne donnait pas droit à une contribution d’assistance, la nouvelle demande ne peut être examinée que si les conditions prévues à l’al. 2 sont remplies (al. 3).
Cette exigence doit permettre à l’administration qui a précédemment rendu une décision entrée en force d’écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes dans lesquelles l’assuré se borne à répéter les mêmes arguments, sans rendre plausible une modification des faits déterminants (ATF 133 V 108 consid. 5.2 ; 130 V 64 consid. 5.2.3 ; 117 V 198 consid. 4b et les références citées).
Ainsi, lorsqu’elle est saisie d’une nouvelle demande, l’administration doit commencer par examiner si les allégations de l’assuré sont, d’une manière générale, plausibles. Si tel n’est pas le cas, l’affaire est liquidée d’entrée de cause et sans autres investigations par un refus d’entrée en matière. L’administration est fondée à se montrer d’autant plus exigeante pour apprécier le caractère plausible des allégations de l’assuré que le laps de temps qui s’est écoulé depuis sa décision antérieure est bref. Elle jouit sur ce point d’un certain pouvoir d’appréciation, que le juge doit en principe respecter. Le juge ne doit examiner comment l’administration a tranché la question de l’entrée en matière que lorsque ce point est litigieux, c’est-à-dire quand l’administration a refusé d’entrer en matière et que l’assuré a interjeté recours pour ce motif (ATF 109 V 108 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_789/2012 du 27 juillet 2013 consid. 2.2).
4.2 Le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par l’autorité (cf. art. 43 al. 1 LPGA), ne s’applique pas à la procédure de l’art. 87 al. 3 RAI (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5 et les références). La personne assurée a en effet le fardeau de la preuve en ce qui concerne l’existence d’un changement plausible des circonstances depuis le dernier refus de prestations entré en force (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_619/2022 du 22 juin 2023 consid. 3.2 et les références). Eu égard au caractère atypique de cette procédure dans le droit des assurances sociales, le Tribunal fédéral a précisé que l’administration pouvait appliquer par analogie l’art. 73 aRAI (cf. art. 43 al. 3 LPGA depuis le 1er janvier 2003) – qui permet aux organes de l’AI de statuer en l’état du dossier en cas de refus de l’assuré de coopérer – à la procédure régie par l’art. 87 al. 3 RAI, à la condition de s’en tenir aux principes découlant de la protection de la bonne foi (cf. art. 5 al. 3 et 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 [Cst. – RS 101] ; ATF 124 II 265 consid. 4a).
Ainsi, lorsqu’un assuré introduit une nouvelle demande de prestations ou une procédure de révision sans rendre plausible que son invalidité s’est modifiée, notamment en se bornant à renvoyer à des pièces médicales qu’il propose de produire ultérieurement ou à des avis médicaux qui devraient selon lui être recueillis d’office, l’administration doit lui impartir un délai raisonnable pour déposer ses moyens de preuve, en l’avertissant qu’elle n’entrera pas en matière sur sa demande pour le cas où il ne se plierait pas à ses injonctions. Enfin, cela présuppose que les moyens proposés soient pertinents, en d’autres termes qu’ils soient de nature à rendre plausibles les faits allégués (arrêt du Tribunal fédéral 8C_308/2015 du 8 octobre 2015 consid. 3.2).
L’exigence du caractère plausible de la nouvelle demande selon l’art. 87 RAI ne renvoie pas à la notion de vraisemblance prépondérante usuelle en droit des assurances sociales. Les exigences de preuves sont, au contraire, sensiblement réduites en ce sens que la conviction de l’autorité administrative n’a pas besoin d’être fondée sur la preuve pleinement rapportée qu’une modification déterminante est survenue depuis le moment auquel la décision refusant les prestations a été rendue. Des indices d’une telle modification suffisent alors même que la possibilité subsiste qu’une instruction plus poussée ne permettra pas de l’établir (arrêts du Tribunal fédéral 8C_29/2023 du 7 juillet 2023 consid. 3 ; 8C_619/2022 du 22 juin 2023 consid. 5.1 ; 9C_552/2022 du 20 mars 2023 consid 4.2 ; Damien VALLAT, La nouvelle demande de prestations AI et les autres voies permettant la modification de décisions en force, RSAS 2003, p. 396 ch. 5.1 et les références). En revanche, une appréciation différente de la même situation médicale ne permet pas de rendre plausible une aggravation au sens de l’art. 87 al. 2 RAI (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_619/2022 précité consid. 5.1).
4.3 Sous l’angle temporel, la dernière décision entrée en force reposant sur un examen matériel du droit à la rente constitue le point de départ pour examiner si un assuré a rendu plausible une modification déterminante des faits influant sur le droit aux prestations (ATF 133 V 108 consid. 5.4 ; 130 V 71 consid. 3 ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_29/2023 précité consid. 3).
Le juge doit examiner la situation d’après l’état de fait tel qu’il se présentait à l’administration au moment où celle-ci a statué, après avoir dûment laissé à l’assuré un délai pour compléter sa demande. Son examen est ainsi d’emblée limité au point de savoir si les pièces déposées en procédure administrative justifiaient ou non l’entrée en matière sur la nouvelle demande, sans prendre en considération les documents médicaux déposés ultérieurement à la décision administrative, notamment au cours de la procédure cantonale de recours (arrêt du Tribunal fédéral 9C_629/2020 du 6 juillet 2021 consid. 4.3.1).
5. En l’espèce, le droit pour le recourant à des prestations de l’intimé a été nié par décision du 15 décembre 2021 en particulier parce que le diagnostic psychiatrique n’était pas invalidant. Cette décision a été confirmée par la chambre de céans le 13 décembre 2022. Le recourant a formulé une nouvelle demande auprès de l’intimé le 31 mars 2023.
Dans sa requête, il a fait part d’une péjoration de son état psychique en se fondant sur un rapport d’hospitalisation datant des 18 au 23 novembre 2022 pour mise à l’abri d’idée noires sur demande de sa médecin psychiatre, d’attestation de sa généraliste et de R______, ainsi que deux lettres, l’une de sa fille et l’autre d’un ami étant intervenus en raison d’une tentative de suicide.
Force est de constater que les avis des médecin et psychologue traitantes ont déjà été exprimés à réitérées reprises au fil de la précédente instruction et n’ont pas été retenus comme probants face à l’expertise pluridisciplinaire sur laquelle sont fondés la décision de refus de l’intimé et l’arrêt rendu le 13 décembre 2022. Les avis exprimés par son médecin traitant et sa psychologue ne sont pas nouveaux - étant rappelé que la Dre C______ avait déjà émis un diagnostic de dépression gravissime en 2021 qui n’avait pas été retenu – et ne suffisent ainsi pas à établir une aggravation de l’état psychique du recourant.
Quant à la lettre de sortie des HUG, il apparait que l’hospitalisation remonte à novembre 2022 et a été faite à la demande de l’assuré et de sa psychiatre dans une période où l’assuré avait senti le besoin d’être mis à l’abri d’idées noires, se sentant coupable du divorce de sa fille. Les médecins des HUG ont indiqué dans leur rapport qu’à la fin de cette courte hospitalisation, le recourant ne présentait pas d’idée suicidaire et qu’ils n’avaient pas changé le traitement habituel du patient. Selon les médecins des HUG, le recourant était d’humeur triste sans idée suicidaire. Les problèmes existants avaient été pris en charge durant le séjour. Le diagnostic demeurait les troubles diagnostics récurrents, ce qui n’était pas contesté dans le cadre de la précédente procédure par l’expert mandaté par l’AI notamment dont le rapport s’est vu reconnaitre une pleine valeur probante par la chambre de céans. L’on doit également constater que les médecins des HUG ont évoqué une piste de traitements alternatifs au recourant, qui s’est dit intéressé, de sorte qu’il faut admettre que le trouble demeure traitable. Sur la base de ces éléments, l’événement décrit par l’assuré et ses proches, ainsi que l’hospitalisation en milieu psychiatrique durant 6 jours, lié à un sentiment de culpabilité de l’assuré envers sa fille ne permet de considérer que l’assuré a rendu plausible une aggravation de son état de santé, la lettre de sortie des HUG démontrant le contraire.
Aucun nouveau diagnostic psychiatrique justifiant une incapacité durable par rapport à l’état de fait retenu par la chambre de céans dans son arrêt du 13 décembre 2022 (en se fondant sur l’expertise pluridisciplinaire ayant pleine valeur probante) n’est établi, que cela soit sur la base de la lettre de sortie, d’attestations des proches du recourant en lien avec son état psychique ou l’existence d’une courte hospitalisation en novembre 2022.
5.1 À l’appui de sa dernière écriture, le recourant a versé un nouveau questionnaire médical rempli par la Dre T______ le 2 juillet 2024.
5.2 À cet égard, il faut rappeler que le juge doit examiner la situation d'après l'état de fait tel qu'il se présentait à l'administration au moment où celle-ci a statué (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5 p. 68, arrêts 9C_708/2007 du 11 septembre 2008 consid. 2.3 et I 52/03 du 16 janvier 2004 consid. 2.2 ; ATF 9C_789/2012 du 27 juillet 2013, consid. 2). Son examen se limite, ainsi, au point de savoir si les pièces déposées en procédure administrative justifient ou non la reprise de l'instruction du dossier (ATF 9C_789/2012 du 27 juillet 2013, consid. 4.1). Il ne sera donc pas tenu compte des rapports produits postérieurement à la décision litigieuse (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5 ; 121 V 366 consid. 1b et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C 959/2011 du 6 août 2012 consid. 4.3).
En conséquence, la chambre de céans ne peut pas prendre en considération ce document, dès lors qu’il a été produit postérieurement au 16 mai 2023, date à laquelle l’intimé a statué, et porte sur un suivi débuté le 28 juin 2023, soit lui-même après la décision attaquée.
6. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et le recourant sera condamné au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Met un émolument de CHF 200.- à la charge du recourant.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Nathalie KOMAISKI |
| La présidente
Marine WYSSENBACH |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le