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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2192/2024

ATAS/843/2024 du 22.10.2024 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2192/2024 ATAS/843/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 octobre 2024

Chambre 15

 

En la cause

A______

 

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1997, s’est inscrit auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE), le 1er novembre 2023.

b. Convoqué à un premier entretien avec sa conseillère en personnel le 8 novembre 2023, l’assuré ne s’est pas présenté et a été sanctionné de cinq jours de suspension par décision du 28 novembre 2023. L’assuré n’a pas contesté cette décision.

c. Un contrat d’objectif de recherches d’emploi a été établi et remis à l’assuré le 17 novembre 2023. Selon ce contrat, l’assuré devait faire dix recherches d’emploi par mois.

d. En date du 5 décembre 2023, l’assuré a signé ses preuves de recherches d’emploi pour le mois de novembre 2023 et l’a remis à l’office régional de placement le 6 décembre 2023. L’assuré avait fait quatorze recherches d’emploi réparties sur le mois de novembre 2023.

e. Le 19 janvier 2024, l’assuré a enregistré sur JobRoom la preuve de sept recherches d’emploi faites au mois de décembre 2023.

f. Dans le délai qui lui avait été imparti pour faire valoir son droit d’être entendu sur le fait qu’il n’avait démontré que sept recherches en décembre et avait transmis tardivement ses preuves, l’assuré a indiqué qu’il n’avait pu mettre qu’une partie de ses recherches sur la plateforme JobRoom, car il n’avait plus d’ordinateur et pouvait fournir les autres recherches sur papier. Il n’avait pas de moyen d’acheter un ordinateur et avait informé sa conseillère en placement qu’il s’était inscrit à la mesure du marché du travail No Limit pour bénéficier d’un bon de réduction pour acheter un ordinateur. Avec le téléphone portable, ce n’était pas très pratique. Le sien ne fonctionnait pas très bien.

g. Par décision du 24 janvier 2024, l’assuré a été sanctionné pour des recherches insuffisantes avant son inscription au chômage du 1er août au 31 octobre 2023.

B. a. Par deux décisions du 18 mars 2024, l’assuré a été sanctionné d’une suspension de onze jours dans son droit aux indemnités de chômage, parce qu’il avait remis tardivement ses recherches de décembre et que celles-ci étaient insuffisantes, ainsi que d’une suspension de douze jours, pour des recherches insuffisantes au mois de janvier 2024.

b. L’assuré s’est opposé le 18 avril 2024 à ces décisions en réitérant qu’il n’avait pas d’ordinateur et avait été entravé dans ses recherches.

c. Par décisions sur opposition des 4 et 5 juin 2024, l’OCE a maintenu les sanctions de onze et douze jours, les arguments de l’assuré ne pouvant pas être retenus, car ce dernier aurait pu envoyer la preuve de ses recherches par courrier ou les déposer en personne.

C. a. Par ligne du 26 juin 2024, l’assuré a demandé à l’OCE de revoir ces décisions. Il rappelait qu’il n’avait pas d’ordinateur, avait un téléphone portable qui ne fonctionnait pas bien et avait dû attendre deux mois pour recevoir un bon pour acheter un ordinateur. Il souhaitait percevoir ses indemnités de chômage. Ce courrier a été adressé à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans) pour objet de sa compétence.

b. Par ligne du 25 juillet 2024, l’OCE a persisté dans ses décisions.

c. Après avoir invité le recourant à consulter le dossier et à lui faire parvenir d’éventuelles observations, la chambre de céans a gardé la cause à juger.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0). Elle connaît également, conformément à l'art. 134 al. 3 let. b LOJ, des contestations prévues à l'art. 49 de la loi en matière de chômage du 11 novembre 1983 (LMC - J 2 20) en matière de prestations cantonales complémentaires de chômage.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté selon les formes et dans le délai prévu par la loi, le recours est recevable (art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

2.              

2.1 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a a contrario LPGA).

2.2 Selon l'art. 70 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune (al. 1). La jonction n'est toutefois pas ordonnée si la première procédure est en état d'être jugée alors que la ou les autres viennent d'être introduites (al. 2).

2.3 En l’espèce, il se justifie de joindre les procédures ouvertes contre les décisions sur opposition rendues par l’intimé les 4 et 5 juin 2024, dès lors qu’elles se rapportent à une situation identique.

Les causes A/2192/2024 et A/2193/2024 seront jointes sous le premier numéro.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé des décisions de sanction des 4 et 5 juin 2024.

4.              

4.1 Aux termes de l'art. 17 al. 1 LACI, l’assuré qui fait valoir des prestations d'assurance doit, avec l'assistance de l'office du travail compétent, entreprendre tout ce que l'on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l'abréger. Il lui incombe en particulier de chercher du travail, au besoin en dehors de la profession qu'il exerçait précédemment. Il doit apporter la preuve des efforts qu'il a fournis.

4.2 L’art. 26 de l’ordonnance du 31 août 1983 sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité (OACI) dispose que l’assuré doit cibler ses recherches d’emploi, en règle générale selon les méthodes de postulation ordinaires (al. 1). Il doit remettre la preuve de ses recherches d’emploi pour chaque période de contrôle au plus tard le 5 du mois suivant ou le premier jour ouvrable qui suit cette date. À l’expiration de ce délai, et en l’absence d’excuse valable, les recherches d’emploi ne sont plus prises en considération (al. 2). L’office compétent contrôle chaque mois les recherches d’emploi de l’assuré (al. 3).

À teneur de l’art. 27a OACI, chaque mois civil constitue une période de contrôle.

4.3 Dans les décisions des 4 et 5 juin 2024, le recourant a été sanctionné pour avoir remis la preuve de sept recherches d’emploi sur dix au mois de décembre 2023 tardivement, soit le 20 janvier 2024, et pour n’avoir fait que neuf recherches en janvier 2024.

En l’occurrence, il n’est pas contesté qu’à teneur de son plan d’actions, le recourant devait faire au minimum dix recherches personnelles d’emploi par mois et les adresser à l’ORP au plus tard le 5 du mois suivant, respectivement les 5 janvier et 5 février 2024.

Au-delà du 5 janvier 2024, la preuve des recherches d’emploi du mois de décembre était tardive et leur nombre insuffisant.

Le fait que le recourant n’avait pas d’ordinateur et n’avait pas pu inscrire l’ensemble de ses recherches de décembre par le biais de JobRoom ne saurait l’excuser puisqu’il pouvait écrire ses recherches d’emploi à la main et les faire parvenir à l’ORP en les déposant en personne, comme il l’avait fait le mois précédent, ou par la Poste, dans le délai qui lui était imparti pour ce faire et qui figurait en haut du document de preuve de recherches, soit le 5 janvier 2024.

Le mois précédent, l’assuré avait en effet indiqué à la main sur le document de preuves de recherches d’emploi ses recherches du mois de novembre 2023 en précisant les avoir faites par « lettre / électronique ». Le fait qu’il n’avait pas d’ordinateur ne l’avait pas empêché de faire des recherches en nombre suffisant et de les inscrire sur le document à cet effet.

Il est ainsi établi que le recourant n’a pas rempli les objectifs qui lui étaient assignés en décembre 2023.

4.4 Quant au mois de janvier 2024, l’assuré a fait parvenir une liste mentionnant neuf recherches en janvier 2024 et trois en février 2024.

Seules les recherches faites durant le mois civil (période de contrôle), comme cela ressort textuellement du plan reçu le 17 novembre 2023 et de l’art. 27a OACI précité, sont prises en compte, de sorte que c’est à juste titre que l’intimé a prononcé une sanction pour des recherches insuffisantes en janvier 2024.

5.             Il reste encore à vérifier la quotité des sanctions prononcées.

5.1 L’art. 30 al. 1 LACI dispose que le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu, notamment lorsqu’il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable (let. c) ou n'observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l'autorité compétente, notamment refuse un travail convenable, ne se présente pas à une mesure de marché du travail ou l'interrompt sans motif valable, ou encore compromet ou empêche, par son comportement, le déroulement de la mesure ou la réalisation de son but (let. d).

Selon la jurisprudence, la suspension du droit à l’indemnité est destinée à poser une limite à l’obligation de l’assurance-chômage d’allouer des prestations pour des dommages que l’assuré aurait pu éviter ou réduire. En tant que sanction administrative, elle a pour but de faire répondre l’assuré, d’une manière appropriée, du préjudice causé à l’assurance-chômage par son comportement fautif (ATF 133 V 89 consid. 6.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C 316/07 du 6 avril 2008 consid. 2.1.2).

Conformément à l’art. 30 al. 2 LACI, l'autorité cantonale prononce les suspensions au sens de l'al. 1, let. c et d. À teneur de l’al. 3 de cette disposition, la durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute et ne peut excéder, par motif de suspension, 60 jours, et dans le cas de l'al. 1 let. g, 25 jours. L’al. 3bis prévoit en outre que le Conseil fédéral peut prescrire une durée minimale pour la suspension.

Selon l’art. 45 al. 3 OACI, la suspension est de 1 à 15 jours en cas de faute légère, de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne et de 31 à 60 jours en cas de faute grave.

5.2 En tant qu'autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème (indicatif) à l'intention des organes d'exécution. Un tel barème constitue un instrument précieux pour ces organes d'exécution lors de la fixation de la sanction et contribue à une application plus égalitaire des sanctions dans les différents cantons.

Le Bulletin LACI/IC prévoit une suspension de l’indemnité de cinq à neuf jours lorsque l’assuré ne présente pas de recherches d’emploi pendant la période de contrôle, la première fois. La sanction est de trois à quatre jours en cas de recherche insuffisante d'emploi, durant la période de contrôle, pour la première fois, de cinq à neuf jours pour la deuxième fois et de dix à dix-neuf jours pour la troisième fois, la faute étant considérée légère les deux premières fois et légère à moyenne pour la troisième fois (Bulletin LACI/IC, D79 1.C).

5.3 Si l’assuré est suspendu de façon répétée dans son droit à l’indemnité, la durée de suspension est prolongée en conséquence. Les suspensions subies pendant les 2 dernières années (période d’observation) sont prises en compte dans le calcul de la prolongation. Le nombre de jours de suspension par décision est limité à 60.

La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 8C 194/2013 du 26 septembre 2013 consid. 5.2). Le pouvoir d’examen de la chambre de céans n’est pas limité à la violation du droit, mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen du tribunal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge des assurances sociales ne peut toutefois, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration ; il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C 758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 4.3 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 110 ad art. 30).

5.4 En l’espèce, la durée de la suspension de onze jours a été justifiée par la faute commise et par le fait que le recourant avait déjà été sanctionné à deux reprises selon la décision attaquée.

Le recourant avait en effet déjà été sanctionné d’une suspension de cinq jours, par décision du 28 novembre 2023, parce qu’il avait manqué un entretien à l’ORP et d’une suspension de douze jours pour des recherches insuffisantes avant l’inscription au chômage par décision du 24 janvier 2024, lorsque la décision de sanction de onze jours a été prononcée le 18 mars 2024.

En remettant la preuve de ses recherches d'emploi le 19 janvier au lieu du 5, compte tenu du fait qu'il n’avait pas fait les dix recherches attendues, mais seulement sept pour trouver un travail convenable et qu’il avait déjà été sanctionné à deux reprises, le recourant a commis une faute que l’on doit qualifier de moyenne. La sanction de onze jours est ainsi proportionnelle à la faute commise.

5.5 Quant à la sanction de douze jours prononcée par décision du 18 mars 2024 et confirmée le 5 juin 2024, l’on ne saurait considérer qu’il s’agissait d’une quatrième sanction, le recourant n’ayant même pas encore reçu la décision et la motivation de la décision du même jour portant sur le mois de décembre 2023.

Dans ce cas, le recourant a respecté le délai pour soumettre ses preuves de recherches d’emploi. Et si certes seules neuf d’entre elles dataient du mois de janvier 2024, il est à relever que le recourant avait presque rempli son objectif et avait cru l’avoir rempli du fait qu’il avait fait trois recherches supplémentaires début février 2024 qu’il avait ajouté sur sa liste. Quand bien même les recherches doivent être faites dans le mois civil et que par conséquent les recherches de février ne peuvent être prise en compte pour le mois de janvier (mais le sont en février), il faut admettre qu’au vu de l’ensemble des circonstances la faute du recourant apparaît très légère.

Aussi une sanction de douze jours apparaît excessivement sévère. Afin de respecter le principe de proportionnalité, il y a lieu de s'écarter de l’application du barème du SECO pour cette sanction et de réduire la suspension de l'indemnité à trois jours.

6.             Le recours sera dès lors partiellement admis et la décision sur opposition du 5 juin 2024 sera réformée, en ce sens que la durée de la suspension du droit à l’indemnité est réduite à 3 jours.

Pour le surplus, la procédure est gratuite.


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

Préalablement :

1.        Ordonne la jonction des procédures A/2192/2024 et A/2193/2024 sous A/2192/2024.

À la forme :

2.        Déclare les recours contre les décisions des 4 et 5 juin 2024 recevables.

Au fond :

3.        Les admet partiellement.

4.        Annule la décision sur opposition du 5 juin 2024.

5.        Réforme la décision sur opposition du 5 juin 2024, en ce sens que la durée de la suspension du droit à l’indemnité est réduite à 3 jours.

6.        Confirme la décision sur opposition du 4 juin 2024.

7.        Dit que la procédure est gratuite.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le