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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3782/2023

ATAS/845/2024 du 30.10.2024 ( AI ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3782/2023 ATAS/845/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 octobre 2024

Chambre 4

 

En la cause

A______,

représentée par ASSUAS Association suisse des assurés

 

 

recourante

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en ______ 1969, travaillait comme serveuse lorsque le 15 octobre 2014, à la suite d'une glissade, elle a présenté des contusions au niveau des genoux, des chevilles et du poignet droit.

b. Le 17 août 2016, l'assurée a déposé une première demande de prestations auprès de l'office cantonal de l'assurance-invalidité (ci-après : l’OAI ou l’intimé).

c. Dans le cadre de l'instruction de cette demande, l'OAI a notamment recueilli divers rapports médicaux établis par les médecins de l'assurée, soit les docteurs B______, généraliste, C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, et D______, spécialiste FMH en rhumatologie, concernant son membre inférieur droit, en particulier son genou droit.

Il a en outre reçu, avec le dossier médical de l'assureur-accident, un rapport d'expertise orthopédique du 15 avril 2017, établi par le docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique. Selon ce rapport, l'assurée présentait un état post glissade et chute le 15 octobre 2014, avec des contusions multiples au niveau du poignet droit, des deux genoux et de la cheville gauche, ainsi qu'une probable élongation-dilacération au niveau du jumeau interne proximal et du tendon semi-membraneux, du côté droit. En relation avec ces atteintes, l'assurée subissait une souffrance cartilagineuse du genou droit, constitutive d'une préarthrose, en particulier au niveau du condyle fémoral externe, de la facette rotulienne externe et de l'articulation fémoro-rotulienne, sur la base d'une déviation en valgum, d'une probable hypoplasie condylienne externe et d'une dysplasie rotulienne subluxante, Wiberg III. Elle avait également une tendinopathie de la patte d'oie et une irritation du tractus ilio-tibial. Sans relation avec l'accident, elle présentait encore une dégénérescence méniscale interne au genou droit, un état post bartolonite traité par chirurgie, des allergies aux pollens et un excès pondéral. Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : travail léger, essentiellement en position assise, permettant de changer de position, sans déplacements trop importants, notamment sur terrain accidenté, dans les escaliers et/ou transport de poids, dépassant quelques kilos, sans positions contraignantes, telles qu'accroupie ou à genoux, et sans port de talons hauts. L'incapacité de travail était totale dans l'activité habituelle de serveuse. En revanche, dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles précitées, telle qu'une activité de téléphoniste, réceptionniste, caissière, contrôleuse de qualité sur de petites pièces ou surveillante par monitoring sur écran, la capacité de travail était de 100% et immédiate.

d. En mars 2018, l'OAI a soumis les documents médicaux de l'assurée au service médical régional de l'assurance-invalidité (ci-après : le SMR). Sur la base de ces rapports, le SMR a, par avis du 15 août 2018, retenu, à titre d'atteintes à la santé au sens de l'assurance-invalidité, présentes depuis le 4 janvier 2016, une gonarthrose droite et une chondropathie rotulienne et fémorale stade IV post traumatique et sur genu valgum. La capacité de travail était nulle dans l'activité habituelle de serveuse et de 100% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles. L'assurée était apte à la réadaptation dès le 1er décembre 2016.

e. Par décision du 25 septembre 2018, reprenant les termes de son projet de décision du 16 août 2018, l'OAI a rejeté la demande de rente de l'assurée. Il avait retenu un statut d'actif. La capacité de travail était nulle dans l'activité habituelle mais de 100% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles dès le 1er décembre 2016. Il avait procédé à l'évaluation théorique de la perte de gain de l'assurée, en comparant son gain sans invalidité et celui auquel elle pourrait prétendre dans une activité adaptée à 100%. Pour établir le gain après la survenance de l'invalidité, il s'était basé sur l'enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) de 2014, tableau TA1, dans une activité de niveau 1, répétitive sans besoin de formation, pour une femme, soit un salaire de CHF 47'388.- qui, indexé à 2016 via l'indice suisse des salaires nominaux (ISS), s'élevait à CHF 48'026.-. Quant au gain avant invalidité, il se fondait sur les informations communiquées par l'employeur pour retenir le montant de CHF 53'551.-, soit le salaire perçu depuis 2008 actualisé à 2016 au moyen de l’ISS. Après comparaison des gains, la perte s'élevait à 5'525.- (CHF 53'551.- – CHF 48'026.-), correspondant à un degré d'invalidité de 10%, inférieur à 40% et donc insuffisant à ouvrir le droit à une rente.

Cette décision est entrée en force.

B. a. Le 22 mai 2023, l'assurée a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l'OAI.

À l'appui de sa demande, elle a en particulier produit les rapports médicaux suivants :

-          un rapport du 9 février 2023 du service de radiologie de l'hôpital de la Tour, concernant une radiographie du même jour du genou droit de l'assurée, faisant état d'une discrète arthrose fémoro-patellaire avec ostéophytose marginale ;

-          un rapport du 10 février 2023 du service de radiologie de l'hôpital de la Tour, concernant des radiographies de la colonne du pouce droit, mettant en évidence une calcification millimétrique dans les parties molles jouxtant l'interligne articulaire interphalangienne ;

-          un rapport du 7 mars 2023 du docteur F______, spécialiste FMH en radiologie, concernant une IRM du genou gauche de l'assurée, mettant en évidence une fissure horizontale (grade III) au sein de la corne postérieure du ménisque médial, se prolongeant à la jonction corne postérieure-segment moyen sous forme d'une fissuration intra-méniscale horizontale (grade II). Elle était en association avec une petite amputation partielle et des irrégularités du bord libre de sa corne postérieure, avec un petit flap méniscal attaché au bord libre de la corne postérieure paramédiane. Il était également fait état d'une gonarthrose tri-compartimentale modérée, prédominant en fémoro-tibial médial et fémoro-patellaire, avec des abrasions cartilagineuses profondes (grade IV) condylienne médiale et patellaire latérale. Enfin, il y avait un très discret épanchement intra-articulaire ;

-          un rapport du 13 mars 2023 du docteur G______, spécialiste FMH en anesthésiologie, diagnostic et traitement de la douleur, selon lequel l'examen clinique mettait en évidence une marche claudicante, un genou droit sec avec palpation douloureuse aux trois compartiments et un test de McMurray positif, et, au niveau plantaire, une palpation de l'aponévrose reproduisant la talalgie connue. Une infiltration de l'aponévrose plantaire gauche à son insertion calcanéenne avait été réalisée, avec résultat initial satisfaisant. Une IRM des genoux réalisée le 3 mars 2023 révélait une gonarthrose tri-compartimentale bilatérale avec des abrasions cartilagineuses profondes et une lésion du ménisque interne des deux côtés. La gonalgie étant invalidante, une évaluation chirurgicale semblait raisonnable ;

-          un rapport du 14 mars 2023 du docteur H______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, selon lequel l'IRM des genoux démontrait, au niveau du genou droit, une souffrance fémoro-patellaire floride stade 4 avec une petite lésion méniscale associée, et une situation quasi identique au niveau du genou gauche. Il existait une décompensation fémoro-patellaire bilatérale très bruyante du point de vue clinique et à l'origine du handicap ressenti par l'assurée, les ménisques n'étant probablement pas le vrai problème. Il faudrait s'orienter vers un réalignement des deux rotules par transposition tubérositaire tibiale des deux côtés.

-          un rapport du 20 mars 2023 de l'hôpital de la Tour, selon lequel l'assurée avait été admise le jour même en urgence pour des douleurs thoraciques. Les diagnostics étaient des palpitations et des douleurs rétrosternales d'origine indéterminée ;

-          un rapport du 30 mars 2023 du docteur I______, spécialiste FMH en ophtalmologie et ophtalmo-chirurgie, concernant une opération de l'œil droit en raison d'une cataracte corticonucléaire ;

-          un rapport du 13 juin 2023 de la docteure J______, médecin généraliste, selon lequel l'assurée l'avait consultée le 23 janvier 2023 pour des douleurs aux genoux. Les diagnostics étaient des gonalgies aigues bilatérales sur gonarthrose avancée aux genoux précoce, des talalgies aigues bilatérales sur épine calcanéenne bilatérale et apponévrosite plantaire, un état anxieux important, de l'hypertension artérielle, un probable symptôme des jambes sans repos et une probable rhiarthrose au pouce droit. L'état de santé de l'assurée s'aggravait de jour en jour, tant sur le plan physique que psychique. La capacité de travail était actuellement nulle.

b. Ces rapports ont été soumis au SMR, qui, par avis du 3 juillet 2023, a estimé que ceux-ci confirmaient la réalité des problèmes retenus en 2018 et qu'une activité adaptée était possible à temps plein et sans baisse de rendement depuis la dernière décision de l’assurance-invalidité. Il n'y avait pas de nouvelle limitation fonctionnelle qui entraverait l'activité adaptée telle que décrite en conclusion de l'instruction initiale et de la position du SMR de 2018.

c. Par projet de décision du 7 juillet 2023, l'OAI a informé l'assurée que, sur la base de l'avis du SMR, il n'entendait pas entrer en matière sur sa nouvelle demande.

d. Le 17 juillet 2023, l'assurée a contesté ce projet de décision et a produit :

-          un rapport du 29 juin 2023 du docteur K______, FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), établi à la suite d'une consultation concernant les douleurs aux genoux. L'assurée avait bénéficié d'un traitement complet associant antalgiques, anti-inflammatoires, Voltaren, Brufen, Dafalgan, infiltrations cortisoniques et injections de PRP. Il était fait état d'une douleur irradiant du dos à la face postérieure de la cuisse et de la face antéro-latérale de la jambe, ainsi que le bord externe du pied évoquant une sciatique de topographie L5 ou S1. La marche était pénible, les genoux semi-fléchis et le tronc ante-fléchi. Il n'y avait pas d'épanchement interarticulaire à l'examen clinique. Une extension complète avait été possible, l'assurée se tenant en légère flexion ; la mobilité en flexion était de 100° de chaque côté ; pas de laxité frontale ni antéro-postérieure. La douleur prédominait sur la partie fémoro-patellaire et plus rarement sur la fémoro-tibiale médiale. Seule la poursuite du traitement conservateur était proposée, étant précisé qu'à ce stade, il ne fallait pas opérer.

-          un rapport du 29 septembre 2023 de la Dre J______ selon lequel les diagnostics retenus étaient : des gonalgies aigues bilatérales sur gonarthrose avancée aux genoux précoce et sur lésions méniscales ; des talagies aigues bilatérales sur épine calcanéenne bilatérale et aponévrosite plantaire ; un état anxieux, voire anxio-dépressif ; une suspicion de fibromyalgie ; un probable syndrome des jambes sans repos ; une hypertension artérielle et une rhizarthrose au pouce droit. Il était rappelé que l'assurée souffrait d'importants troubles aux genoux et aux pieds, avec des décompensations très fréquentes, l'empêchant de marcher, la handicapant de façon aigue et compliquant son état de santé au niveau du corps entier, entrainant des décompensations au niveau du rachis cervical, dorsal et lombaire et sur le plan psychique. Il existait une aggravation évidente de l'état de santé, de jour en jour, et son état ne lui permettait actuellement pas de travailler.

e. Ces rapports ont été soumis au SMR qui, par avis du 16 octobre 2023, a estimé que les pièces apportées au dossier ne permettaient pas de retenir une aggravation notable de l'état de santé de l'assurée depuis le dernier avis (du 3 juillet 2023), précisant que la dernière activité de nettoyeuse de l'assurée ne respectait pas les indications émises dans l'avis du SMR du 15 août 2018.

f. Par décision du 17 octobre 2023, l'OAI a confirmé son projet de décision.

C. a. Par acte du 14 novembre 2023, l'assurée, représenté par un mandataire professionnel, a interjeté recours par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre cette décision, concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à ce que l'intimé entre en matière sur sa nouvelle demande.

À l'appui de son recours, elle a en particulier produit un rapport d'expertise du 26 juillet 2023 établi par le docteur L______, spécialiste FMH en médecine physique et rééducation, mandaté par l'assureur perte de gain pour évaluer la capacité de travail de la recourante.

b. Invité à se déterminer, l'intimé a, par réponse du 12 décembre 2023, conclu au rejet du recours.

c. Par réplique et duplique des 10 janvier et 1er février 2024, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

d. Le 25 avril 2024, la recourante a encore produit un rapport du 5 février 2024 du docteur M______, spécialiste FMH en radiologie, à propos d'une IRM lombo-sacrée et du bassin réalisée le 24 janvier 2024.

e. Par pli du 17 mai 2024, l'intimé a indiqué avoir soumis ce dernier rapport au SMR, lequel avait émis un avis du 6 mai 2024. Le SMR relevait que l'IRM réalisée le 24 janvier 2024 devait être corrélée à la symptomatologie qui en avait motivé l'indication et que si celle-ci s'était dégradée depuis la décision litigieuse, il s'agissait d'une atteinte postérieure à la décision. Ainsi, il n'y avait pas lieu de revenir sur son avis du 16 octobre 2023.

f. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 A teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

1.3 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

2.             Le litige porte sur le point de savoir si l’intimé était en droit de refuser d'entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations déposée par la recourante le 22 mai 2023, au motif que celle-ci n'avait pas rendu plausible une modification de son état de santé susceptible d'influencer ses droits.

3.              

3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI et de la LPGA du 19 juin 2020 sont entrées en vigueur (développement continu de l’AI ; RO 2021 705), ainsi que celles du règlement et de l'ordonnance correspondants.

Les dispositions concernant les conditions d’entrée en matière sur les nouvelles demandes de prestations n'ont toutefois pas été modifiées dans le cadre du développement de l'AI susmentionné, raison pour laquelle aucune question de droit intertemporel ne se pose à cet égard (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).

3.2 Lorsqu’une rente a été refusée parce que le degré d’invalidité était insuffisant, une nouvelle demande ne peut être examinée que si la personne assurée rend plausible que son invalidité s’est modifiée de manière à influencer ses droits (art. 87 al. 2 et 3 du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité [RAI - RS 831.201]). Cette exigence doit permettre à l’administration qui a précédemment rendu une décision de refus de prestations, entrée en force, d’écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes dans lesquelles la personne assurée se borne à répéter les mêmes arguments sans rendre plausible une modification des faits déterminants depuis le dernier examen matériel du droit aux prestations (ATF 133 V 108 consid. 5.2 ; 130 V 64 consid. 2 et 5.2.3).

Lorsqu'elle est saisie d'une nouvelle demande, l'administration doit commencer par examiner si les allégations de l'assuré sont, d'une manière générale, plausibles. Si tel n'est pas le cas, l'affaire est liquidée d'entrée de cause et sans autres investigations par un refus d'entrer en matière (ATF 125 V 410 consid. 2b ; 117 V 198 consid. 3a et les références).

L'exigence du caractère plausible de la nouvelle demande selon l'art. 87 RAI ne renvoie pas à la notion de vraisemblance prépondérante usuelle en droit des assurances sociales. Les exigences de preuves sont, au contraire, sensiblement réduites en ce sens que la conviction de l'autorité administrative n'a pas besoin d'être fondée sur la preuve pleinement rapportée qu'une modification déterminante est survenue depuis le moment auquel la décision refusant les prestations a été rendue. Des indices d'une telle modification suffisent alors même que la possibilité subsiste qu'une instruction plus poussée ne permettra pas de l'établir (arrêts du Tribunal fédéral 8C_619/2022 du 22 juin 2023 consid. 5.1 et la référence ; 9C_552/2022 du 20 mars 2023 consid. 4.2 ; Damien VALLAT, La nouvelle demande de prestations AI et les autres voies permettant la modification de décisions en force, RSAS 2003, p. 396 ch. 5.1 et les références). En revanche, une appréciation différente de la même situation médicale ne permet pas de rendre plausible une aggravation au sens de l'art. 87 al. 2 RAI (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_619/2022 du 22 juin 2023 consid. 5.1 et les références).

L'administration se montrera d'autant plus exigeante pour apprécier le caractère plausible des allégations de l'assuré que le laps de temps qui s'est écoulé depuis sa décision antérieure est bref. Elle jouit sur ce point d'un certain pouvoir d'appréciation que le juge doit en principe respecter. Ainsi, le juge ne doit examiner comment l'administration a tranché la question de l'entrée en matière que lorsque ce point est litigieux, c'est-à-dire quand l'administration a refusé d'entrer en matière en se fondant sur l'art. 87 RAI et que l'assuré a interjeté recours pour ce motif (ATF 109 V 108 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_789/2012 du 27 juillet 2013 consid. 2.2).

3.3 Le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'autorité (cf. art. 43 al. 1 LPGA), ne s'applique pas à la procédure de l'art. 87 al. 3 RAI (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5 et les références). La personne assurée a en effet le fardeau de la preuve en ce qui concerne l'existence d'un changement plausible des circonstances depuis le dernier refus de prestations entré en force (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_619/2022 du 22 juin 2023 consid. 3.2 et les références). Eu égard au caractère atypique de cette procédure dans le droit des assurances sociales, le Tribunal fédéral a précisé que l'administration pouvait appliquer par analogie l'art. 73 aRAI (cf. art. 43 al. 3 LPGA depuis le 1er janvier 2003) - qui permet aux organes de l'AI de statuer en l'état du dossier en cas de refus de l'assuré de coopérer - à la procédure régie par l'art. 87 al. 3 RAI, à la condition de s'en tenir aux principes découlant de la protection de la bonne foi (cf. art. 5 al. 3 et 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 [Cst. - RS 101] ; ATF 124 II 265 consid. 4a). Ainsi, lorsqu'un assuré introduit une nouvelle demande de prestations ou une procédure de révision sans rendre plausible que son invalidité s'est modifiée, notamment en se bornant à renvoyer à des pièces médicales qu'il propose de produire ultérieurement ou à des avis médicaux qui devraient selon lui être recueillis d'office, l'administration doit lui impartir un délai raisonnable pour déposer ses moyens de preuve, en l'avertissant qu'elle n'entrera pas en matière sur sa demande pour le cas où il ne se plierait pas à ses injonctions. Enfin, cela présuppose que les moyens proposés soient pertinents, en d'autres termes qu'ils soient de nature à rendre plausibles les faits allégués. Si cette procédure est respectée, le juge doit examiner la situation d'après l'état de fait tel qu'il se présentait à l'administration au moment où celle-ci a statué (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5 et les références).

En matière d’assurance-invalidité notamment, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références).

En cas de nouvelle demande de prestations, la dernière décision entrée en force reposant sur un examen matériel du droit à la rente constitue le point de départ temporel pour examiner si un assuré a rendu plausible une modification déterminante des faits influant sur le droit aux prestations (ATF 133 V 108 consid. 5 ; 130 V 71 consid. 3).

L'examen du juge est limité au point de savoir si les pièces déposées en procédure administrative justifiaient ou non l'entrée en matière sur la nouvelle demande, sans prendre en considération les documents médicaux déposés ultérieurement à la décision administrative, notamment au cours de la procédure cantonale de recours (arrêt du Tribunal fédéral 9C_629/2020 du 6 juillet 2021 consid. 4.3.1).

4.             En l’occurrence, la chambre de céans relèvera, à titre liminaire, que, conformément à la jurisprudence susmentionnée, elle ne peut tenir compte dans son examen des pièces médicales produites seulement au cours de la procédure judiciaire, soit du rapport d'expertise du 26 juillet 2023 du Dr L______ ainsi que du rapport d'IRM du 24 janvier 2024 du Dr M______, dès lors qu’elle doit se cantonner au point de savoir si les pièces déposées en procédure administrative justifiaient ou non une entrée en matière sur la nouvelle demande. 

Ceci étant dit, il convient, pour examiner le bien-fondé du refus de l’intimé d’entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations de la recourante, de comparer les faits tels qu’ils se présentaient au jour de la décision litigieuse, le 17 octobre 2023, avec ceux présents au 25 septembre 2018, date de la décision de refus de prestations de l’intimé.

En 2018, lors de la décision de refus de prestations, les diagnostics retenus étaient des atteintes au genou droit, sous la forme de gonarthrose et chondropathie rotulienne et fémorale stade IV post traumatique, sur genu valgum. Le SMR avait estimé que la capacité de travail était nulle dans l'activité habituelle de serveuse et de 100% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, soit un travail physiquement léger, essentiellement en position assise, permettant de changer de position, pas de déplacement sur de longue distance, ni en terrain accidenté, escaliers, transport de charge, pas de position accroupie ou à genoux ou avec mise en torsion des genoux, port de talon à proscrire.

Le 17 octobre 2023, date du refus d’entrer en matière, les rapports médicaux versés à la procédure administrative mettent en évidence de nouveaux éléments. Désormais, les deux genoux présentent des atteintes articulaires dégénératives semblables et petites lésions associées (cf. rapports du 9 février 2023 de l'hôpital de la Tour, du 7 mars 2023 du Dr F______, du 13 mars 2023 du Dr G______, du 14 mars 2023 du Dr H______, des 13 juin et 29 septembre 2023 de la Dre J______ et du 29 juin 2023 du Dr K______). En outre, il existe une atteinte au pouce droit, mise en évidence par IRM du 10 février 2023 (cf. rapport du 10 février 2023 du service de radiologie de l'hôpital de la Tour). Des douleurs au niveau du dos sont également rapportées par la Dre J______ mais aussi par le Dr K______ (cf. rapports du 29 juin 2023 du Dr K______ et du 29 septembre 2023 de la Dre J______). Enfin, la Dre J______ évoque des troubles généraux aux deux membres inférieurs, non exclusivement au niveau des genoux, un état anxieux important et de l'hypertension artérielle (cf. rapport du 29 septembre 2023 de la Dre J______).

L'intimé estime qu'aucune différence diagnostique ou aggravation ne ressort des pièces médicales produites et que, quoi qu'il en soit, il faut se fonder sur les répercussions fonctionnelles de l'atteinte et leur impact sur la capacité de gain. Il relève que le médecin traitant décrit des plaintes en lien avec les atteintes connues de la recourante et énonce un vécu douloureux difficile mais sans suivi psychiatrique proposé ou mis en place. Il considère que malgré des changements radiologiques, les images médicales montrent des atteintes connues et prises en compte précédemment, ne justifiant pas de nouvelles limitations. Par ailleurs, il relève que l'activité exercée en dernier lieu par la recourante ne respectait pas les limitations retenues en 2018.

Contrairement à ce que retient l'intimé, la chambre de céans constate que depuis que celui-ci a rendu la décision initiale de refus de prestations, de nouveaux troubles sont apparus. S'il est possible que les limitations physiques retenues dans le cadre de l'atteinte au genou droit soient les mêmes que celles liées aux troubles aux deux membres inférieurs, force est de constater toutefois que le dossier médical, au jour de la décision litigieuse, fait également état, sur le plan somatique, d'atteintes plausibles au pouce droit et au dos ainsi que d'hypertension artérielle. Sur la base de ces éléments, force est d’admettre que la recourante a rendu plausible une aggravation de son état de santé.

Partant, l’intimé doit entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations.

5.             Le recours sera admis, la décision litigieuse annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour instruction et nouvelle décision.

La recourante, assistée d'un mandataire professionnel, obtient gain de cause ; dès lors, une indemnité de CHF 1’500.- lui sera accordée, à titre de participation à ses frais et dépens, à charge de l’intimé (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ;
art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Annule la décision 17 octobre 2023.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction et nouvelle décision.

5.        Alloue à la recourante une indemnité de dépens de CHF 1'500.- à la charge de l’intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le