Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/833/2024 du 22.10.2024 ( AI ) , ADMIS
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/1236/2024 ATAS/833/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 22 octobre 2024 Chambre 10 |
En la cause
A______ représentée par Me Éric MAUGUÉ, avocat
| recourante |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée), née le ______ 1974, mariée, mère de deux garçons nés le 7 juillet 2007, titulaire d'un certificat de capacité en qualité d'employée de commerce, a travaillé pour l'entreprise B______, tout d'abord en qualité d'apprentie téléphoniste, dès le 1er septembre 1991, puis comme opératrice technique à partir du mois d'août 1992, avant d'être promue au poste de financial customer consultant le 1er mars 2004. Après la naissance de ses jumeaux, l'assurée a diminué son taux d'activité à 60%, dès le 1er janvier 2008.
b. Le 25 août 2017, l'assurée a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI), mentionnant avoir été en incapacité de travail en raison de douleurs à l’épaule droite, à 100% du 13 mars au 7 mai 2017, à 50% du 8 mai au 9 août 2017 et à 30% du 10 au 31 août 2017, et en en raison d'une dépression (burn out) à 100% depuis le 2 juin 2017.
c. Le 9 octobre 2017, l'assurée s’est coupée en nettoyant un appareil électroménager et a subi une section du nerf collatéral radial du pouce droit.
d. Les suites du sinistre ont été prises en charge par son assureur-accidents, la SUVA Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accident (ci‑après : la SUVA), qui lui a notamment versé des indemnités journalières jusqu'au 31 décembre 2018, compte tenu d'une incapacité totale de travail.
e. Le 2 novembre 2017, l’assurée s’est soumise à une intervention consistant en la résection d’une anastomose du nerf collatéral radial du pouce droit devant un névrome.
f. L'assurée a été licenciée avec effet au 31 juillet 2018.
g. L'OAI a accordé à l’assurée des mesures d'intervention précoce sous la forme d'une aide au placement en prenant en charge les frais d’un bilan de compétences (communication du 9 octobre 2018).
h. Le 7 mai 2019, l'assurée a subi une résection du névrome et une anastomose microchirurgicale du nerf collatéral radial du pouce droit, compte tenu de la persistance des douleurs et de la sensibilité.
i. Par avis du 4 juin 2020, le docteur C______, médecin au service médical régional (ci-après : le SMR) de l'OAI, a constaté qu’il ressortait des pièces du dossier que le rhumatologue de l’assurée avait écrit que cette dernière ne présentait plus de limitation et d’incapacité dues à son épaule depuis le
1er septembre 2017, que son psychiatre avait décrit, le 14 février 2018, une évolution très favorable de l’épisode anxio-dépressif et attesté d’une capacité de travail totale chez un autre employeur, et que le médecin d’arrondissement de la SUVA avait retenu, le 3 avril 2020, qu’une activité adaptée légère, sans préhension de la main droite et sans utilisation ou contact du pouce droit, était possible. Au vu de ces éléments, il concluait que la capacité de travail de l'assurée était nulle dans toute activité depuis le 13 mars 2017 en raison des troubles de l’épaule entre les 13 mars et 1er septembre 2017 et en raison de la plaie au pouce droit depuis le 9 octobre 2017. Ladite capacité était cependant à nouveau entière dans une activité respectant les restrictions d’épargne du pouce droit depuis le 7 août 2019, soit trois mois après la dernière intervention chirurgicale.
j. L’OAI a octroyé à l'assurée diverses mesures professionnelles, soit une orientation professionnelle aux Établissements publics pour l'intégration
(ci-après : EPI), du 7 septembre au 6 décembre 2020 (communication du
19 août 2020), puis un reclassement professionnel sous la forme d’un stage pratique géré par les EPI du 7 décembre 2020 au 28 mars 2021 (communications des 23 décembre 2020 et 24 février 2021) et de cours en bureautique du 19 janvier au 23 mars 2021 (communication du 15 janvier 2021). Le reclassement professionnel a été prolongé, avec la prise en charge d'un stage dans l'économie accompagné d’un « job coaching », géré par les EPI, du 29 mars au
26 septembre 2021 (communications des 22 mars, 18 et 30 août 2021), une prestation de coaching du 21 février au 21 août 2022 (communication du
15 février 2022), des cours de français du 23 mai au 29 juillet 2022 (communication du 7 juin 2022). Un nouveau stage pratique a été organisé à 60% du 22 août 2022 au 28 février 2023 (communication du 30 septembre 2022).
k. L’assurée a été en arrêt de travail à partir du 29 novembre 2022.
l. Par rapport du 30 novembre 2022, le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie, a indiqué avoir été consulté la veille par l’assurée en raison de douleurs au membre supérieur gauche, évoluant depuis le mois de février 2022, qu’il attribuait à une compensation dans le contexte de la réinsertion professionnelle. La patiente avait bénéficié d’une infiltration sous-acromiale gauche au mois d’octobre 2022, sans effet.
m. Par rapport du 9 février 2023, le docteur E______, spécialiste FMH en rhumatologie, a diagnostiqué des douleurs à l’épaule gauche sur une fissure du labrum antérieur, une tendinopathie fissuraire et une possible capsulite surajoutée, troubles ayant des répercussions sur la capacité de travail. Il a également relevé une endométriose et un status post opératoire de la main droite avec une notion de section du nerf médian, sans influence sur ladite capacité. Toutes les mobilités en force, élévation et abduction de l’épaule étaient douloureuses et limitées, et certaines postures statiques pouvaient être douloureuses.
n. Le 17 février 2023, l’assurée s’est inscrite auprès de l’office cantonal de l’emploi, déclarant être apte au placement à 60% dès le 1er mars 2023.
o. Mandaté par l'OAI, le docteur F_____, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie, a effectué une expertise orthopédique. Dans son rapport du 3 juillet 2023, l'expert a retenu, à titre de diagnostics ayant des répercussions sur la capacité de travail, des douleurs de type neuropathique du bord radial du pouce droit et de la région du thénar avec une importante allodynie (status après une plaie dans la région du thénar à droite avec une lésion du nerf collatéral radial du pouce le 9 octobre 2017 ; status après une résection et une anastomose du nerf collatéral radial du pouce droit pour un névrome le 2 novembre 2017 ; status après une résection itérative de névrome du nerf collatéral radial du pouce droit avec une anastomose microchirurgicale et la mise en place d'un tube de Reaxon à droite), des omalgies à l'épaule droite (status après une contusion épaule droite en 2012 ; status après une tendinite calcifiante du
sus-épineux et une bursite sous-acromiale, traitées par infiltrations cortisonées en mars 2017) et des omalgies à l'épaule gauche (minime enthésopathie du tendon du supra-épineux avec une bursite sous-acromiale selon une arthro-IRM épaule gauche du 10 novembre 2022). Il a également relevé une endométriose en traitement, sans répercussion sur la capacité de travail.
L’assurée devait éviter la fonction de préhension (pince) entre le pouce et l'index droit, le contact direct avec le pouce et la région du thénar à droite, l’utilisation de la souris d'ordinateur, le port de charges et les gestes répétitifs avec sa main droite. Les doigts 2e à 5e étaient totalement fonctionnels, mais l’intéressée ne pouvait pas faire usage de son pouce et devait éviter tout contact sur la région du thénar. Elle pouvait être considérée presque comme une monomanuelle gauche.
À son avis, la capacité de travail dans une activité parfaitement adaptée aux limitations fonctionnelles était complète. En raison des douleurs, une diminution du rendement de l'ordre de 30% lui paraissait toutefois justifiée. Par ailleurs, l'état de la main droite était à son avis cristallisé, de sorte qu'aucune mesure médicale ou thérapie ayant un impact sur la capacité de travail n'était envisageable.
p. Par décision du 19 décembre 2023, la SUVA a octroyé à l'assurée une
demi-rente d'invalidité, basée sur un salaire assuré de CHF 58'477.-, et une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 10%. Cette décision est entrée en force.
q. Par avis du 17 juillet 2023, le SMR a considéré, sur la base du rapport d’expertise du Dr F_____, que la nouvelle pathologie de l'épaule gauche présentée par l'assurée n'entrainait pas de modification de son avis du 4 juin 2020. Les limitations fonctionnelles étaient inchangées et la capacité de travail entière dans une activité adaptée.
r. L'OAI a mis en œuvre une enquête économique sur le ménage, réalisée au domicile de l'assurée le 8 janvier 2024. Il ressort du rapport y relatif du
9 janvier 2024 que l'intéressée avait fait le choix de diminuer son temps de travail pour prendre soins de ses deux fils jumeaux et avait ainsi repris le travail à 60% en 2008, après son congé maternité. Elle était actuellement à la recherche d’un emploi adapté à ses limitations fonctionnelles à temps partiel, comme avant l’atteinte à la santé. À la question de savoir si elle aurait poursuivi l'activité au même taux sans atteinte à la santé, l'assurée a répondu « oui ». L'enquêtrice a retenu des empêchements, sans aide exigible de la famille, à hauteur de 65% pour le poste alimentation, 56% pour l'entretien du logement ou de la maison, 24% pour les achats, courses diverses et tâches administratives, 50% pour la lessive et l'entretien des vêtements, 0% pour les soins et assistance aux enfants et aux proches, et 5% pour le soin du jardin et de l'extérieur de la maison, ou la garde des animaux domestiques. Compte tenu de l'aide exigible des membres de la famille, ces empêchements ont été évalués, respectivement, à 18%, 15%, 1%, 50%, 0% et 5%. Il en résultait un taux d'invalidité dans l'accomplissement des tâches ménagères de 13.2%.
B. a. En date du 16 janvier 2024, l'OAI a informé l'assurée qu'il envisageait de rejeter sa demande de rente et de mesures professionnelles. Il a retenu que son statut était celui d'une personne se consacrant à 60% à son activité professionnelle et à 40% à l'accomplissement de ses travaux habituels dans le ménage. Il reconnaissait une incapacité de travail totale dans l'activité habituelle dès le 13 mars 2017 (début du délai d'attente d'un an), mais la capacité de travail s'élevait à 100% dès le 7 août 2019 dans une activité adaptée à son état de santé. Son service de la réadaptation professionnelle estimait, au vu de la formation de l'intéressée, de son parcours professionnel et des limitations fonctionnelles, qu'une activité dans le domaine administratif était adaptée et lui permettrait de trouver des postes qui offraient une diversité des tâches suffisante, sans impliquer une utilisation intensive d'un clavier. La comparaison des gains sans invalidité (CHF 93'147.-) et avec invalidité (CHF 44'329.-) révélait une perte de gain de CHF 48'818.-, soit un degré d'invalidité de 52.41% dans la sphère professionnelle. L'enquête à domicile avait conclu à des empêchements dans la sphère ménagère de 13.2%. Ainsi, le degré d'invalidité s'élevait à 31.45% (60% x 52.41%) pour la part professionnelle et à 5.28% (40% x 13.2%) pour les travaux habituels, soit un total de 37%. Le degré d'invalidité étant inférieur à 40%, le droit à la rente ne pouvait pas naître.
b. Le 14 février 2024, l'assurée a contesté le statut retenu par l'OAI, rappelant qu'elle avait travaillé à 100% avant la naissance de ses enfants et qu'elle avait réduit son taux d'activité pour se consacrer à ces derniers. Toutefois, elle aurait repris un travail à 100%, à tout le moins lorsque ses enfants auraient atteint l'âge de 16 ans. Il convenait donc d'appliquer la méthode générale de comparaison des revenus pour apprécier son invalidité. Subsidiairement, elle a contesté la teneur du rapport d'enquête ménagère, lequel contenait de nombreuses erreurs et
contre-vérités.
c. Par décision du 29 février 2024, l'OAI a rejeté la demande de l'assurée, considérant que les éléments produits ne lui permettaient pas de modifier sa précédente appréciation.
C. a. Par acte du 15 avril 2024, l'assurée, représentée par un avocat, a interjeté recours contre la décision précitée par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice. Elle a conclu, sous suite de frais et dépens, préalablement, à l'audition des parties et, principalement, à l'annulation de la décision entreprise, à ce que l'intimé soit condamné à lui verser une rente d'invalidité de 52% à tout le moins, rétroactivement du 1er mars au 31 décembre 2023, avec intérêts moratoires à 5% l'an sur les arriérés dès le 24e mois suivant l'exigibilité, et de 59% à tout le moins, rétroactivement au 1er janvier 2024 et pour l'avenir, avec intérêts moratoires à 5% l'an sur les arriérés dès le 24e mois suivant l'exigibilité.
Dans un premier moyen, la recourante a contesté la méthode choisie par l'intimé pour évaluer son taux d'invalidité. L'application de la méthode mixte était discriminatoire au regard des art. 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950
(CEDH - RS 0.101), dans la mesure où elle avait réduit son taux d'activité pour des raisons familiales, et également contraire à la jurisprudence fédérale, selon laquelle il convenait de choisir la méthode de calcul du taux d'invalidité en fonction de ce que l'assuré aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Elle avait travaillé jusqu'en 2007 à 100%, soit jusqu'à la naissance de ses jumeaux, et aurait repris un travail à un tel taux sans son invalidité, à tout le moins une fois que ses enfants auraient atteint l'âge de
16 ans. Elle a résumé la situation financière de sa famille, qui vivait grâce au seul salaire de son époux, et relevé qu'ils avaient des enfants à charge, tous deux en études. Au vu de leur situation économique, elle aurait travaillé à 100% sans son invalidité, une fois que ses enfants auraient atteint une autonomie suffisante, étant souligné que lors de la survenance de son incapacité de travail, en 2017, ils n'étaient âgés que de 10 ans. Elle n'avait pas compris la signification de la question 2.3 du rapport d'enquête économique, en ce sens qu'elle avait répondu qu'elle poursuivrait actuellement son activité au même taux compte tenu de son atteinte à la santé. Partant, l’intimé aurait dû recourir à la méthode générale de comparaison des revenus et lui octroyer une rente d'invalidité d'au moins 52% pour un taux d'invalidité correspondant, et ce depuis le 1er mars 2023.
Dans un second grief, la recourante a contesté le calcul de l'invalidité dans la sphère professionnelle. L'intimé aurait en effet dû tenir compte de l’entrée en vigueur du nouvel art. 26bis al. 3 du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201) et appliquer une déduction forfaitaire de 10% du salaire d'invalidité, avant de procéder à la déduction de 30% en raison de la diminution du rendement. Il aurait donc ainsi dû soustraire un montant de CHF 6'333.- (CHF 63'327.- / 10) du revenu de CHF 63'327.-, en sus de la déduction relative à la diminution de rendement. Le salaire avec invalidité s'élevait, à compter du 1er janvier 2024, à CHF 37'996.-, de sorte que son taux d'invalidité était, depuis cette date, de 59% à tout le moins.
La recourante a également contesté les conclusions de l'enquête ménagère. Différentes appréciations de l'enquêtrice n'étaient pas conformes à ses déclarations, ni à la réalité de l'organisation de la vie de famille. Tout d'abord, il était indiqué à tort qu'elle souhaiterait exercer son activité à 60% sans atteinte à la santé. Si son état de santé le lui permettait, elle travaillerait à plein temps. En outre, le rapport mentionnait erronément lequel de ses enfants rentrait pour le repas de midi. Il convenait également de préciser que si ses fils étaient autonomes pour se rendre aux entraînements de football, ils devaient être véhiculés en cas de matchs, selon le lieu où se déroulaient ceux-ci. S'agissant des courses, elle a souligné qu'elle effectuait, avant son accident, des petites commissions en semaine, dont son époux devait désormais se charger. C'était donc à tort que l'enquêtrice avait retenu un empêchement de 0% pour ce poste. Par ailleurs, avant son atteinte à la santé, sa mère ne venait qu'une fois par semaine pour faire à manger aux enfants, et non pas deux. Désormais, elle venait quatre fois par semaine pour effectuer la cuisine et le ménage, ce qui ressortait au demeurant du rapport, de sorte qu'il était incompréhensible que l'enquêtrice n'ait pas retenu un taux d'empêchement concernant les soins aux enfants. Enfin, l'enquêtrice paraissait avoir largement sous-évalué le degré d'empêchement de certains travaux, singulièrement ceux ayant trait à l'alimentation, dès lors que sa mère devait être présente quatre fois par semaine pour assurer le bon déroulement de ces tâches. Il en allait de même concernant les travaux lourds.
La recourante a notamment produit des pièces relatives à son dernier emploi et son contrat de bail, ses avis de taxation fiscale pour les années 2020 à 2022, les attestations de scolarité de ses enfants.
b. Dans sa réponse du 14 mai 2024, l'intimé a indiqué modifier ses conclusions dans le sens où la recourante devait se voir octroyer 40% d'une rente entière dès le 1er janvier 2024. Pour le surplus, sa décision était confirmée.
S'agissant du statut, il ressortait des éléments du dossier que l'intéressée avait travaillé à 60% depuis le 1er mars 2004, soit avant son atteinte à la santé, et ce même lorsque ses enfants étaient scolarisés et avaient donc un âge compatible avec l'exercice d'une activité lucrative à temps complet. La recourante avait déclaré à l'enquêtrice qu'elle travaillerait à temps partiel sans atteinte à la santé et qu'elle était actuellement à la recherche d'un emploi adapté à ses limitations fonctionnelles à temps partiel, comme avant ses troubles. Aucun élément objectif au dossier ne venait corroborer ses déclarations quant à une modification de son statut. Elle n'avait notamment pas fait état d’une demande d'augmentation de son taux de travail auprès de son ancien employeur, ou de recherches d'emploi à 100% dans une autre activité. Par ailleurs, il n'y avait pas eu de changement dans ses situations personnelle ou financière qui justifierait une modification du temps de travail. Enfin, l'application de la méthode mixte se révélait contraire à la CEDH lorsqu'une rente était supprimée ou réduite dans le cadre d'une révision, et dans la mesure où cette suppression ou diminution intervenait à la suite d'un changement de statut de personne exerçant une activité lucrative à plein temps à personne exerçant une activité lucrative à temps partiel, pour des motifs d'ordre familial.
Concernant l'enquête économique sur le ménage, les empêchements de la recourante avaient été évalués en tenant compte de l'ensemble des éléments médicaux au dossier et se fondaient sur ses déclarations. Ce rapport remplissait les exigences pour se voir reconnaître une valeur probante, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de s'en écarter.
S'agissant du calcul du degré d'invalidité, une déduction forfaitaire de 10% devait être appliquée dès le 1er janvier 2024, conformément au nouvel art. 26bis al. 3 RAI, ce qui donnait, pour la part professionnelle, un empêchement de 57.17%, soit un degré d’invalidité de 34.3% (60% x 57.17%).
À l'appui de son écriture, l'intimé a produit une note interne relative à la détermination du degré d'invalidité. Il en ressort que le revenu avec invalidité était fixé à CHF 63'327.- pour un taux de travail de 100%. En raison de la diminution de rendement constatée de 30% et de la réduction forfaitaire de 10%, le revenu brut se montait à CHF 39'896.-. Concernant le revenu sans invalidité pour un plein temps, il était fixé à CHF 93'147.- pour 2024. La perte de gain se montait ainsi à CHF 53'251.-, correspondant à un degré d'invalidité de 57.17%. Compte tenu de la pondération pour les assurés ayant un statut mixte, l'invalidité était de 34.30% pour la part professionnelle (60% x 57.17%) et de 5.28% pour la part ménagère (40% x 13.20%), soit un total de 39.58%.
c. Dans sa réplique du 18 juin 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions. Il résultait de son contrat de travail du 25 février 2024, et d'un courrier de B______ du 31 octobre 2007, qu'elle avait réduit son taux d'occupation à 60% au 1er janvier 2008. Elle a également produit une attestation de sa supérieure, confirmant qu'elle avait travaillé à 100%, ce qui ressortait également de l'examen de son extrait du compte individuel et de ses fiches de salaire. C'était donc à tort que l'intimé avait considéré qu'elle avait travaillé à 60% depuis le 1er mars 2004. Il ressortait effectivement du rapport d'enquête qu'elle avait indiqué qu'elle était à la recherche d'un emploi adapté à ses limitations fonctionnelles à temps partiel, comme avant ses problèmes de santé. Cependant, cette déclaration signifiait simplement qu'elle poursuivrait actuellement son activité au taux de 60%, compte tenu de son atteinte, et non pas dans l'hypothèse où elle aurait été en bonne santé. Conformément à la jurisprudence en matière du droit de la famille, on était en droit d'attendre d'un parent se consacrant à la prise en charge des enfants qu'il recommence à travailler ou qu'il augmente son taux d'activité, en principe à 50% dès l'entrée du plus jeune enfant à l'âge obligatoire, à 80% à partir du moment où celui-ci débutait le degré secondaire, et à 100% dès la fin de la 16e année. En l'occurrence, au moment où elle avait été victime de l'accident ayant entrainé son invalidité, ses enfants étaient âgés de 10 ans et n'avaient donc pas encore commencé le degré secondaire. Il était donc parfaitement usuel qu'elle travaille à 60% dès le 1er janvier 2008 en vue de s'occuper d'eux. Il importait peu que le Tribunal fédéral avait circonscrit le champ d'application de l'arrêt de la CEDH du 2 février 2016 aux situations dans lesquelles une rente d'invalidité était supprimée ou réduite dans le cadre d'une révision en raison d'un changement de statut pour des motifs d'ordre familial. Ledit arrêt concernait une situation dans laquelle les art. 8 et 14 CEDH avaient été violés en raison de l'application de la méthode mixte à une assurée ayant déclaré qu'elle aurait diminué son taux d'activité à la naissance de son enfant pour s'occuper de lui, ce qui était son cas. Le raisonnement de l'intimé faisait en outre fi de la jurisprudence, selon laquelle il convenait de déterminer le statut et la méthode d'évaluation du taux d'invalidité en établissant si l'intéressé aurait exercé une activité à temps complet ou partiel, ou serait non actif, si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Elle avait toujours travaillé à plein temps jusqu'à la naissance de ses jumeaux, et n'avait cessé d'évoluer dans l'entreprise qui l'avait engagée dès 1991, étant apprentie téléphoniste, puis opératrice technique et enfin promue au poste de financial customer consultant. Elle avait également prouvé que les charges financières du ménage l'auraient conduite à reprendre une activité lucrative à plein temps si sa santé le lui avait permis. Elle avait donc toutes les raisons de souhaiter poursuivre son activité à temps plein au moment où ses enfants auraient atteint une autonomie suffisante.
Elle prenait acte du fait que l'intimé admettait qu'il aurait dû procéder à l'application de la déduction forfaitaire de 10% depuis le 1er janvier 2024. Toutefois, le taux d'invalidité dans la sphère professionnelle était largement supérieur à 34.30%, puisque la méthode générale de comparaison des revenus s’appliquait. Il en résultait un droit à une rente d'invalidité de 57%.
d. Dans sa duplique du 18 juillet 2024, l'intimé a maintenu intégralement ses conclusions et soutenu que le rapport d’enquête ménagère était probant.
e. Par écriture spontanée du 5 août 2024, la recourante a pris acte que l'intimé ne contestait plus qu'elle avait travaillé à temps plein jusqu'à la naissance de ses enfants. Dans la mesure où elle avait réduit son taux d'activité pour s'occuper d’eux, il était normal qu'elle travaillait encore à 60% en 2017, ce qui était d'ailleurs supérieur au taux d'activité exigible d'un parent dont les enfants avaient cet âge selon la jurisprudence en droit de la famille. Elle avait démontré que sans son atteinte à la santé, elle aurait repris une activité à temps plein, compte tenu de son évolution professionnelle et des charges de la famille.
f. Copie de cette écriture a été transmise à l'intimé le 8 août 2024.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques inclusivement
(art. 38 al. 4 let. a LPGA et art. 89C let. a LPA), le recours est recevable.
2.
2.1 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.
2.2 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du
19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du
3 novembre 2021 du RAI.
En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).
En l’occurrence, la décision querellée porte sur l’octroi d’une rente dont le droit est né postérieurement au 31 décembre 2021, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.
3. Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité à compter du 1er mars 2023.
4. L’art. 8 LPGA prévoit qu’est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. L’art. 4 LAI précise en outre que l’invalidité peut résulter d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident.
Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable
(al. 2).
À teneur de l’art 28 al. 1 LAI, l’assuré a droit à une rente aux conditions
suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a) ; il a présenté une incapacité de travail
(art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) ; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c).
En vertu de l’art. 28b LAI, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2) ; pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). Pour les taux d’invalidité compris entre 40 et 49%, la quotité de la rente s’échelonne de 25 à 47.5% (al. 4)
Conformément à l’art. 28a LAI, l’évaluation du taux d’invalidité des assurés exerçant une activité lucrative est régie par l’art. 16 LPGA. Le Conseil fédéral fixe les revenus déterminants pour l’évaluation du taux d’invalidité ainsi que les facteurs de correction applicables (al. 1). Le taux d’invalidité de l’assuré qui n’exerce pas d’activité lucrative, qui accomplit ses travaux habituels et dont on ne peut raisonnablement exiger qu’il entreprenne une activité lucrative est évalué, en dérogation à l’art. 16 LPGA, en fonction de son incapacité à accomplir ses travaux habituels (al. 2). Lorsque l’assuré exerce une activité lucrative à temps partiel ou travaille sans être rémunéré dans l’entreprise de son conjoint, le taux d’invalidité pour cette activité est évalué selon l’art. 16 LPGA. S’il accomplit ses travaux habituels, le taux d’invalidité pour cette activité est fixé selon l’al. 2. Dans ce cas, les parts respectives de l’activité lucrative ou du travail dans l’entreprise du conjoint et de l’accomplissement des travaux habituels sont déterminées ; le taux d’invalidité est calculé dans les deux domaines d’activité (al. 3).
L’art. 24septies RAI stipule que le statut d’un assuré est déterminé en fonction de la situation professionnelle dans laquelle il se trouverait s’il n’était pas atteint dans sa santé (al. 1). L’assuré est réputé (al. 2) : exercer une activité lucrative au sens de l’art. 28a al. 1 LAI dès lors qu’en bonne santé, il exercerait une activité lucrative à un taux d’occupation de 100% ou plus (let. a) ; ne pas exercer d’activité lucrative au sens de l’art. 28a al. 2 LAI dès lors qu’en bonne santé, il n’exercerait pas d’activité lucrative (let. b) ; exercer une activité lucrative à temps partiel au sens de l’art. 28a al. 3 LAI dès lors qu’en bonne santé, il exercerait une activité lucrative à un taux d’occupation de moins de 100% (let. c).
4.1 Pour déterminer la méthode d'évaluation de l'invalidité applicable dans un cas particulier, il faut à chaque fois se demander ce que l'assuré aurait fait si l'atteinte à la santé n'était pas survenue (ATF 137 V 334 consid. 3.2). Il convient par conséquent de procéder à une évaluation hypothétique incluant la prise en compte des choix également hypothétiques que l'assuré aurait faits (ATF 144 I 28
consid. 2.4).
Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels
(ATF 144 I 28 consid. 2.3 ; 137 V 334 consid. 3.2 ; 117 V 194 consid. 3b ; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assuré, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l'arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).
Selon la pratique, la question du statut doit être tranchée sur la base de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l'éventualité de la reprise d'une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de vraisemblance prépondérante
(ATF 144 I 28 consid. 2.3 et les références ; 141 V 15 consid. 3.1 ; 137 V 334 consid. 3.2 ; 125 V 146 consid. 2c et les références).
4.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références.). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
5. En l’espèce, l’intimé a retenu un statut mixte avec une part professionnelle de 60% et une part ménagère de 40%, considérant que les éléments figurant au dossier ne permettaient pas de confirmer les déclarations d’intention de la recourante, aux termes desquelles elle aurait travaillé à 100% sans atteinte à la santé.
La recourante conteste cette appréciation et allègue avoir travaillé à plein temps jusqu’à la naissance de ses jumeaux et avoir réduit son taux d’activité à 60% pour s’occuper d’eux, mais soutient que, sans atteinte à la santé, elle aurait repris une activité à 100% dès qu’il auraient eu l’âge de 16 ans.
5.1 La chambre de céans constate tout d’abord que l’intimé a retenu, dès le dépôt de la demande de prestations de la recourante, qu’il convenait d’appliquer la méthode mixte, et ce sans même avoir interrogé l’intéressée à cet égard (note interne du 20 octobre 2017). Il a également indiqué, tant dans le mandat d’expertise médicale que dans celui d’enquête ménagère, que la recourante avait un statut mixte comprenant une part professionnelle de 60% et une part ménagère de 40% (courrier au Dr F_____ du 9 juin 2023 et mandat d’enquête ménagère du 5 octobre 2023), alors que l’intéressée n’avait pas encore été invitée à préciser ses intentions.
Elle constate ensuite que les considérations de l'enquêtrice relatives au choix du statut mixte ne sont ni claires, ni convaincantes. Aux questions 2.2 et 2.3 du rapport du 9 janvier 2024, ainsi libellées : « Sans atteinte à la santé, une activité lucrative serait-elle exercée à ce jour, selon l’assuré(e) ? » et « L’activité exercée serait-elle poursuivie au même taux », l’enquêtrice a coché deux fois la case « Oui ». Sous « Motivation », elle a noté : « L’assurée a fait le choix de diminuer son temps de travail pour prendre soin de ses deux fils jumeaux. Elle a repris à 60% après son congé maternité », ce qui ne donne aucune indication quant au choix qu’aurait opéré l’intéressée si elle avait été en bonne santé. Il en va de même de la dernière phrase écrite par l’enquêtrice : « Actuellement elle est à la recherche d’un emploi adapté à ses limitations fonctionnelles à temps partiel comme avant l’atteinte à la santé ». Le fait que la recourante recherche désormais un travail à 60% ne permet pas de tirer des conclusions sur ce qu’elle aurait choisi de faire si elle n’avait pas présenté des troubles invalidants.
Les pièces du dossier permettent de tenir pour établi, au degré de la vraisemblance prépondérante requis, que la recourante a effectivement toujours travaillé à 100% jusqu’à son congé maternité. En effet, le contrat de travail conclu dès le
1er mars 2004 mentionne expressément ce taux d’activité et le courrier de son ancien employeur du 31 octobre 2007 confirme la réduction dudit pourcentage à 60% dès le 1er janvier 2008. En outre, les gains indiqués dans son extrait de compte individuel ont progressivement augmenté entre 1992 et 2004, à l’exception de l’année 2000. L’intimé, qui ne fait valoir aucun indice susceptible de remettre en cause les allégations de la recourante, ne semble d’ailleurs plus contester ce point. Il appert donc que la recourante a travaillé à plein temps dès 1993, jusqu’à la naissance de ses jumeaux au mois de juillet 2007, et qu’elle a réduit son taux d’activité pour se consacrer à eux dès le 1er janvier 2008. Lorsqu’elle a été victime de l’accident depuis lequel elle présente des limitations fonctionnelles, ses enfants étaient âgés de 10 ans, et donc encore à l’école primaire. L’intimé ne saurait donc en déduire que l’intéressée n’avait pas la volonté de travailler à nouveau à plein temps, sans atteinte à la santé.
D’après les avis de taxation produits, le salaire brut de l’époux s’élevait à
CHF 92'578.- en 2022 et les époux ne sont pas imposés sur la fortune. Ils ont en outre bénéficié de subsides de l’assurance-maladie, à tout le moins durant les années 2020 à 2022. La situation économique de la famille, qui comprend deux adolescents en étude, conforte les allégations de la recourante, aux termes desquelles elle aurait repris une activité professionnelle à 100%, à tout le moins dès que ses enfants auraient atteint l’âge de 16 ans.
Ainsi, compte tenu de l'activité effectivement exercée par la recourante durant toute sa carrière professionnelle, de 1992 à la fin de l’année 2007, des atteintes à la santé de la recourante survenues dès 2017 lorsque ses enfants avaient 10 ans, de la situation financière des époux qui bénéficient de subsides de
l’assurance-maladie, il apparait, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la recourante aurait, sans atteinte à la santé, exercé une activité lucrative à 100%, dès le mois de mars 2023.
Partant, il convient de retenir un statut d'active en faveur de la recourante, de sorte que la valeur probante de l’enquête ménagère n’a pas à être examinée.
5.2 S’agissant du calcul du degré d’invalidité dans la sphère professionnelle, il est rappelé que la décision litigieuse retient une perte de gain de 52.41%.
La recourante a initialement conclu à l’octroi d’une rente d’invalidité de 52% dès le 1er mars 2023 et de 59% dès le 1er janvier 2024. Elle n’a fait valoir aucun argument à l’encontre des revenus avec et sans invalidité retenus par l'intimé pour la comparaison des gains, si ce n’est de ne pas avoir appliqué l’art. 26bis al. 3 RAI, en vigueur depuis le 1er janvier 2024, lequel prévoit une déduction forfaitaire de 10% du salaire d'invalide.
Dans son écriture de réponse, l’intimé a admis que ladite déduction forfaitaire devait être prise en compte. Selon ses nouveaux calculs, le degré d’invalidité de la recourante était fixé à 57.17% pour la part professionnelle dès le 1er janvier 2024.
Le 18 juin 2024, la recourante a conclu à l’octroi d’une rente d’invalidité de 57% dès le 1er janvier 2024.
Dans ces conditions, les calculs du degré d’invalidité effectués par l’intimé pour la part professionnelle peuvent être confirmés, sans pondération au vu du statut d’active retenu.
La recourante a donc droit à une rente d’invalidité de 52% dès le 1er mars 2023, étant rappelé qu’elle a bénéficié de mesures de réadaptation professionnelle jusqu’au 28 février 2023, et de 57% dès le 1er janvier 2024.
6. Au vu de ce qui précède, le recours est admis et la décision de l'intimé du
29 février 2024 annulée.
La recourante a droit à l'octroi d'une rente d’invalidité de 52% dès le
1er mars 2023 et de 57% dès le 1er janvier 2024.
La recourante obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 3'000.- lui est accordée à titre de participation à ses frais et dépens, à charge de l'intimée
(art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 -
RFPA ; RS E 5 10.03).
Étant donné que depuis le 1er juillet 2006, la procédure n'est plus gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.-.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet.
3. Annule la décision du 29 février 2024.
4. Dit que la recourante a droit à une rente d’invalidité de 52% dès le
1er mars 2023 et de 57% dès le 1er janvier 2024.
5. Alloue à la recourante une indemnité de CHF 3'000.- à charge de l’intimé.
6. Met un émolument de CHF 200.- à charge de l’intimé.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Julia BARRY |
| La présidente
Joanna JODRY |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le