Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/830/2024 du 22.10.2024 ( LAA ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/4002/2023 ATAS/830/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 22 octobre 2024 Chambre 10 |
En la cause
A______ représenté par Maître Sarah BRAUNSCHMIDT SCHEIDEGGER, avocate
| recourant |
contre
SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS représentée par Maître Filip BANIC, avocat
| intimée |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1975, a effectué une formation d’électricien en Serbie, est arrivé en Suisse en 2007 et est titulaire d’un livret C. Il a travaillé en qualité de monteur électricien pour différentes entreprises, en dernier lieu pour la société B______ SA
(ci-après : l’employeur) dès le 1er juillet 2015. À ce titre, il était assuré auprès de la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : la SUVA) contre les accidents professionnels et non professionnels.
b. Le 22 novembre 2019, l’assuré a chuté d’un échafaudage et subi une entorse de grade I du ligament collatéral interne du genou gauche, traitée par physiothérapie. Les examens complémentaires ont notamment révélé une minime fissure de la corne postérieure du ménisque interne et une minime ulcération cartilagineuse. L’évolution a été favorable et l’intéressé a repris le travail à 100% le
25 juillet 2020.
c. Par déclaration de sinistre du 19 avril 2021, l'employeur a informé la SUVA que l’assuré s'était blessé au genou gauche en tombant d'une échelle le
15 avril 2021.
d. Les premiers soins ont été prodigués au Centre Médical de Chêne-Bourg le
16 avril 2021 par le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, lequel a diagnostiqué une entorse du genou gauche.
e. Suite à une imagerie par résonnance magnétique (ci-après : IRM) du genou gauche réalisée le 22 avril 2021, la docteure D______, spécialiste FMH en radiologie, a conclu à un aspect tronqué du bord libre du ménisque interne et un aspect déstructuré du corps du ménisque faisant suspecter un status post-ancienne méniscectomie partielle, à un petit ostéophyte isolé sur la surface articulaire du condyle interne, avec un cartilage aminci en regard, pouvant créer un conflit mécanique douloureux avec l'épine tibiale interne, à une chondropathie de bas grade rotulienne et à un épanchement articulaire modéré.
f. Le 7 décembre 2021, le docteur E______, spécialiste FMH en radiologie, a procédé à une nouvelle IRM du genou gauche laquelle a mis en évidence une méniscopathie de la corne postérieure et de la partie médiale du ménisque interne avec une fissuration oblique de la corne postérieure vers la face inférieure, une amputation du bord libre et peut-être une discrète ébauche de languette sans réaction synoviale.
g. Dans son rapport du 21 mars 2022, la docteure F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d'assurance, a retenu les diagnostics de méniscopathie de la corne postérieure du ménisque interne post-traumatique, consécutive à un accident le 15 avril 2021, de flexum non réductible du genou gauche, d’ancienne fissure du ménisque interne gauche consécutive à la chute du 22 novembre 2019 et d'obésité. Elle a souligné que l'assuré présentait un flexum irréductible de 20 degrés et une boiterie, et préconisé un séjour auprès de la Clinique romande de réadaptation (ci-après : CRR).
h. Du 13 avril au 10 mai 2022, l'assuré a séjourné au sein de la CRR. Dans son rapport y relatif du 23 mai 2022, le docteur G______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation, a diagnostiqué des gonalgies gauches persistantes suite à un traumatisme du genou survenu le 15 avril 2021, avec une méniscopathie de la corne postérieure et une amputation du bord libre du ménisque interne, une chondropathie de grade III du condyle fémoral interne et un flexum du genou gauche. La participation du patient aux thérapies avait été moyenne, les douleurs et les autolimitations ayant restreint la mise en place d'un programme de rééducation adéquate. La situation n'était toutefois pas stabilisée du point de vue médical et la poursuite du traitement de physiothérapie était recommandée afin de diminuer les douleurs et améliorer la mobilité du genou gauche, la force et l'endurance du membre inférieure gauche. Aucune intervention chirurgicale n’était proposée.
Des radiographies réalisées le 15 avril 2022 avaient montré un léger rétrécissement de l’interligne articulaire interne du genou gauche, associé à une discrète formation ostéophytaire tibiale supérieure interne, un début d’arthrose
fémoro-patellaire gauche et une bonne minéralisation osseuse pour l’âge.
i. Dans un rapport du 13 juillet 2022, le Dr C______ a relevé que depuis le séjour à la CRR, le patient parvenait à marcher sans boiterie et sans douleurs. Le pronostic était favorable et une reprise du travail était prévue pour le 8 août 2022.
j. Le 12 août 2022, l'assuré a informé la SUVA qu'il n'avait pas pu reprendre son activité d'électricien, dès lors que son employeur avait été déclaré en faillite. Son médecin avait prolongé son incapacité de travail jusqu'au 8 septembre 2022.
k. Le 14 décembre 2022, le Dr C______ a indiqué que l'assuré ressentait une fatigue et des douleurs au niveau de la jambe gauche. L’arrêt de travail était reconduit et la poursuite des séances de physiothérapie préconisée. À la question de savoir si un dommage permanent était à craindre, le médecin traitant a mentionné des douleurs épisodiques.
l. Sur demande de l’assuré, un second séjour a été organisé à la CRR, du
14 février au 9 mars 2023. Dans son rapport du 23 mars 2023, le Dr G______ a confirmé les diagnostics précédemment posés. La participation de l’intéressé aux thérapies avait été considérée comme bonne, mais fluctuante en raison de la focalisation sur la douleur, la volonté de donner le maximum comme incertaine et le niveau de cohérence pendant l'évaluation comme moyen. Les limitations fonctionnelles définitives comprenaient le port de charges supérieures à 15-20 kg, le port répété de charges supérieures à 5-10 kg, les montées et descentes répétées d’escaliers et l’utilisation répétée d'échelles, les positions accroupies et à genoux, et la station debout statique prolongées. La situation était sur le point d'être stabilisée sur le plan médical, et la poursuite de la physiothérapie permettrait d'améliorer l'endurance et la force du membre inférieure gauche, sans toutefois avoir une influence sur les limitations fonctionnelles retenues. Le pronostic de réinsertion dans l'ancienne activité était considéré comme défavorable. Dans une activité respectant les limitations fonctionnelles, l'assuré présentait des chances de réinsertion, bien que des facteurs non médicaux puissent influencer son retour sur le marché du travail.
Étaient notamment joints à ce rapport une évaluation portant sur une mesure aux ateliers professionnels de la CRR, ainsi qu’un rapport de radiographies du genou gauche du 16 février 2023, aux termes duquel la gonarthrose gauche débutante était d’aspect inchangé par rapport à 2022.
m. Dans un rapport du 26 avril 2023, la Dre F______ a confirmé les diagnostics précédemment posés, à l’exception du flexum non réductible du genou gauche, lequel avait pu être bien récupéré suite aux deux séjours, ainsi que les limitations fonctionnelles retenues par le Dr G______. La gonarthrose fémoro-tibiale interne minime n'était pas présente sur les radiographies effectuées dans les suites de l'événement de 2019 et était visible sur les premiers clichés standards du 15 avril 2022. Il en allait de même de la calcification de l'épine tibiale antérieure. L’arthrose d'origine post-traumatique était, selon la vraisemblance prépondérante, liée au premier accident de 2021. Elle n'avait pas évolué depuis le dernier examen et était susceptible d'expliquer des douleurs et de s'aggraver par la suite. L'état de santé était stabilisé. La capacité de travail dans l'activité d'électricien était nulle. Dans une activité respectant les limitations fonctionnelles retenues par la CRR, l'assuré présentait une pleine capacité de travail, sans diminution de rendement. Il n’y avait pas à envisager d’atteinte à l’intégrité. En cas d’aggravation de l’arthrose, l’indemnité pour atteinte à l’intégrité serait à réévaluer.
n. Le 16 mai 2023, la SUVA a informé l'assuré qu'elle mettrait un terme au versement des indemnités journalières dès le 1er juillet 2023 et poursuivrait l'examen du cas pour déterminer si d'autres prestations pourraient être allouées.
B. a. Par décision du 15 juin 2023, la SUVA a nié le droit de l’assuré à une rente d'invalidité, au motif que la perte de revenu s’élevait à 9%, après comparaison des revenus sans invalidité (CHF 73'749.55) et avec invalidité (CHF 67'263.-). Par ailleurs, sur la base des constatations de la CRR, l’intéressé ne pouvait pas prétendre à une indemnité pour atteinte à l'intégrité.
b. Dans une opposition du 6 juillet 2023, complétée le 21 juillet 2023, l'assuré a contesté cette décision. Un abattement sur le revenu d'invalide aurait dû être retenu, puisque le pronostic de réinsertion sur le marché de l'emploi était difficile, et il ne comprenait pas les raisons pour lesquelles le revenu hypothétique avait été calculé sur la base d’une durée de travail hebdomadaire de 41.7 heures. Enfin, une indemnité pour atteinte à l'intégrité aurait dû lui être allouée, compte tenu de son atteinte définitive au genou gauche, qui engendrait encore des douleurs et une boiterie.
c. Par décision sur opposition du 27 octobre 2023, distribuée le 31 octobre 2023, la SUVA a rejeté l’opposition de l’assuré. Elle a relevé que l’intéressé était âgé de 48 ans, vivait en Suisse depuis 2010 et avait été en mesure de fournir ses services en qualité de monteur-électricien pour plusieurs entreprises. Il comprenait donc suffisamment le français et avait d’ailleurs été capable d'échanger avec ses collaborateurs et le personnel de la CRR. En outre, le niveau de compétence 1 déterminant ne nécessitait pas une bonne maîtrise d'une langue nationale. Par ailleurs, une réduction au titre du handicap dépendait de la nature des limitations fonctionnelles présentées et n'entrait en considération que si, sur un marché du travail équilibré, il n'y avait plus un éventail suffisamment large d'activités accessibles à l'assuré. En l'occurrence, les limitations fonctionnelles ne justifiaient pas d'appliquer un abattement d'invalide dès lors qu'elles ne restreignaient pas de manière significative les activités légères, étant encore rappelé que l'abattement au titre du handicap n'était pas automatique et que le salaire statistique retenu était tiré d'un tableau de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS) correspondant à un faible niveau d'exigence englobant un grand nombre de tâches légères ou moyennement lourdes. Les limitations fonctionnelles ne restreignaient pas de manière significative les activités légères. S'agissant de la durée hebdomadaire de travail à retenir, elle a précisé que les salaires bruts standardisés tenaient compte d'un horaire de travail de 40 heures, soit une durée hebdomadaire inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises. Dans la mesure où les salaires tirés de l'ESS étaient en principe déterminés en fonction d'un horaire de 40 heures par semaine, le Tribunal fédéral a estimé qu'il fallait les rapporter à la durée hebdomadaire de travail durant l'année considérée. Le revenu de valide avait été déterminé sur la base des indications fournies par l'employeur et fixé à CHF 5'544.45, ce qui correspondait à un salaire annuel de CHF 72'104.45
(CHF 5'544.45 x 13). Après adaptation du salaire, le gain de valide a été arrêté à CHF 73'749.55. La comparaison de ces gains révélait une perte de CHF 6'486.55, soit un taux d’invalidité de 9%, insuffisant pour ouvrir le droit à une rente. S’agissant de l’indemnité pour atteinte à l'intégralité, l’intéressé n'avait apporté aucun élément de preuve sur le plan médical justifiant de s'écarter des observations du Dr G______ et de la Dre F______, laquelle avait livré des conclusions claires et dûment étayées, qui n’étaient remises en question par aucun élément médical objectif. Les désagréments invoqués par l’assuré au niveau de sa vie privée, respectivement professionnelle, ne pouvaient être pris en considération que dans un cadre médical objectif.
C. a. Par acte du 30 novembre 2023, complété le 16 février 2024, l’assuré, représenté par une avocate, a interjeté recours contre la décision précitée. Il a conclu, sous suite de frais et dépens, à l’annulation de la décision entreprise, à l’octroi d’une rente d’invalidité de 19% et au renvoi du dossier à l’intimée pour qu’elle statue sur son droit à une indemnité pour atteinte à l’intégrité, dont il requérait un taux de 10%. Il a contesté l’absence de tout abattement, faisant valoir qu’il présentait d’importantes limitations fonctionnelles qui excluaient toute activité avec un port de charges légères et que son rendement était faible dans la plupart des activités, comme constaté à la CRR. En outre, il n’avait suivi que la scolarité obligatoire en Serbie et avait ensuite appris le métier d’électricien, qu’il avait exercé durant toute sa vie professionnelle, soit plus de 33 ans. Il était âgé de 49 ans, maitrisait mal le français et ne pouvait plus travailler dans le seul domaine dans lequel il avait de l’expérience. Il devrait donc accepter des activités professionnelles mal rémunérées pour rester compétitif. Sa situation justifiait un abattement de 10%. Concernant l’indemnité pour atteinte à l’intégrité, il a rappelé qu’une aggravation prévisible avait été retenue pour l’arthrose du genou gauche, de sorte que l’intimée devrait demander à son médecin-conseil de se prononcer sur l’aggravation prévisible et statuer en fonction sur le taux de l’indemnité.
b. Dans sa réponse du 18 avril 2024, l’intimée a conclu au rejet du recours. Aucun abattement sur le revenu d’invalide n’était justifié. En effet, s’agissant des limitations fonctionnelles, un abattement n’entrait en considération que pour autant que, sur un marché du travail équilibré, il n’y ait plus un éventail suffisamment large d’activités accessibles à l’assuré. Or, les restrictions retenues ne limitaient pas excessivement le nombre de postes à disposition du recourant, notamment au regard du fait qu’il pouvait porter des charges allant jusqu’à 15 kg, et de façon répétée des charges de 5 à 10 kg. Elle a notamment rappelé que d’importantes autolimitations avaient été observées à la CRR et que le
Dr C______ avait conclu à une capacité de travail entière avant le second séjour à la CRR, de surcroît dans l’activité habituelle. L’absence d’expérience et de formation n’était pas déterminante lorsque le revenu d’invalide était fixé en référence au salaire statistique pour des activités simples et répétitives de niveau de compétence 1, soit une catégorie d’emplois ne nécessitant ni formation ni expérience professionnelle spécifique. Ce niveau de compétence ne nécessitait pas une bonne maitrise d’une langue nationale, de sorte que la méconnaissance du français ne devait pas être prise en compte. De plus, le recourant était domicilié en Suisse depuis 14 ans, avait été en mesure d’exercer une activité exigeante et s’était exprimé sans recours à un interprète avec les collaborateurs de l’intimée, avec les médecins de la CRR et ses propres médecins. Le salaire d’invalide pouvait donc être confirmé. Concernant l’atteinte à l’intégrité, le Dr G______ avait constaté des signes dégénératifs « discrets », la Dre F______ avait retenu une gonarthrose fémoro-tibiale interne « minime », et observé que l’atteinte était stable et n’avait pas évolué en une année, après examen des radiographies d’avril 2022 et avril 2023. En l’absence de toute évolution entre ces deux clichés, il n’était pas possible de quantifier l’importance de la péjoration, au degré de la vraisemblance prépondérante requise.
c. Par réplique du 17 mai 2024, le recourant a persisté dans les termes de son recours. Il a notamment souligné que sa formation d’électricien n’était pas reconnue par un titre suisse, qu’il n’avait aucune autre expérience professionnelle, qu’il présentait de nombreuses limitations fonctionnelles, qu’il parlait très mal le français et n’avait pas de connaissances en anglais ou dans une langue nationale. À cet égard, il ressortait du dossier que les contacts avaient été très compliqués et exclusivement possibles avec la traduction de son ex-belle-mère. Il convenait de déterminer si les limitations fonctionnelles constituaient un facteur qui l’obligerait à mettre en valeur sa capacité de travail résiduelle sur le marché du travail à des conditions économiquement plus défavorables que la moyenne, soit entrainaient un désavantage salarial. Dans les cas similaires aux siens, le Tribunal fédéral avait systématiquement reconnu le bien-fondé d’un abattement. Concernant l’indemnité pour atteinte à l’intégrité, l’absence d’évolution durant un bref laps de temps ne permettait pas d’affirmer que l’atteinte n’évoluerait pas à l’avenir. Les médecins avaient relevé que l’arthrose était responsable des douleurs et s’aggraverait. La question était donc centrale et les médecins de l’intimée n’avait pas été interpellés à son sujet. Il existait très probablement des données médicales détaillées pour l’évolution usuelle de ce type d’arthrose.
d. Dans sa duplique, l’intimée a également maintenu ses conclusions. Elle a rappelé qu’elle avait déjà tenu compte des restrictions fonctionnelles dans la détermination de la capacité de travail du recourant. Le niveau de compétences 1 contenait, selon la jurisprudence, de nombreux emplois avec des tâches simples et légères compatibles avec les limitations retenues. Il n’y avait aucune raison d’effectuer un abattement à ce titre. Elle a en outre relevé que l’intéressé avait occupé un poste durant plusieurs années en qualité d’électricien avec toutes les exigences qui accompagnaient ce travail et sans que la langue ne constitue un frein à son intégration au sein de l’entreprise. L’arthrose avait fait l’objet d’une appréciation par la Dre F______, le 26 avril 2023, laquelle avait confirmé que l’atteinte était stable du point de vue radiologique. Il n’existait aucune raison de penser qu’une aggravation était à attendre justifiant une indemnité pour atteinte à l’intégrité.
e. Copie de cette écriture a été envoyée au recourant le 23 juillet 2024.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents du
20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.
1.3 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.
2. Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimée niant les droits du recourant à une rente d'invalidité et à une indemnité pour atteinte à l'intégrité, singulièrement sur la prise en compte d’un abattement dans la détermination du revenu d’invalide et sur une éventuelle aggravation prévisible de l’arthrose du genou gauche.
3. Conformément à l’art. 18 al. 1 LAA, si l’assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite d’un accident, il a droit à une rente d’invalidité, pour autant que l’accident soit survenu avant l’âge de référence.
L’art. 16 LPGA prévoit que pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré.
3.1 Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré. En règle ordinaire, il s'agit de chiffrer aussi exactement que possible ces deux revenus et de les confronter l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité. Dans la mesure où ils ne peuvent être chiffrés exactement, ils doivent être estimés d'après les éléments connus dans le cas particulier, après quoi l'on compare entre elles les valeurs approximatives ainsi obtenues (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 137 V 334 consid. 3.3.1).
Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente ; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 consid. 4.1 et les références).
3.2 Pour déterminer le revenu sans invalidité, il convient d'établir ce que l'assuré aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas devenu invalide. Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible. Partant de la présomption que l'assuré aurait continué d'exercer son activité sans la survenance de son invalidité, ce revenu se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l'assuré avant l'atteinte à la santé, en prenant en compte également l'évolution des salaires jusqu'au moment de la naissance du droit à la rente ; des exceptions ne peuvent être admises que si elles sont établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 144 I 103 consid. 5.3 ; 139 V 28 consid. 3.3.2 et les références ; 135 V 297 consid. 5.1 et les références ; 134 V 322 consid. 4.1 et les références). Toutefois, lorsque la perte de l'emploi est due à des motifs étrangers à l'invalidité, le salaire doit être établi sur la base de valeurs moyennes. Autrement dit, dans un tel cas, n'est pas déterminant pour la fixation du revenu hypothétique de la personne valide le salaire que la personne assurée réaliserait actuellement auprès de son ancien employeur, mais bien plutôt celui qu'elle réaliserait si elle n'était pas devenue invalide. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un tel cas d’exception se présente par exemple lorsque le poste de travail que l’assuré occupait avant la survenance de l’atteinte à la santé n’existe plus au moment de l’évaluation de l’invalidité, lorsqu’il n’aurait pas pu conserver son poste en raison des difficultés économiques, en cas de faillite ou de restructuration de l’entreprise (arrêt du Tribunal fédéral 8C_746/2023 du 7 juin 2024 consid. 4.3 et les références).
Lorsque la personne assurée, en bonne santé, ne travaillerait plus à son ancien poste, le revenu de valide doit être déterminé, conformément à la pratique, au moyen des valeurs statistiques (arrêt du Tribunal fédéral 8C_214/2023 du
20 février 2024 consid. 4.2.1 et les références).
3.3 En l'absence d'un revenu effectivement réalisé, soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l'atteinte à la santé, n'a pas repris d'activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l'ESS (ATF 148 V 174 consid. 6.2 et les références ; 143 V 295 consid. 2.2 et les références).
Il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS TA1_tirage_skill_level, à la ligne « total secteur privé »
(ATF 124 V 321 consid. 3b/aa). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale
(ATF 126 V 75 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_58/2021 du
30 juin 2021 consid. 4.1.1), étant précisé que, depuis l'ESS 2012, il y a lieu d'appliquer le tableau TA1_skill_level et non pas le tableau TA1_b
(ATF 142 V 178). Lorsque cela apparaît indiqué dans un cas concret pour permettre à l'assuré de mettre pleinement à profit sa capacité résiduelle de travail, il y a lieu parfois de se référer aux salaires mensuels de secteurs particuliers (secteur 2 [production] ou 3 [services]), voire à des branches particulières ; tel est notamment le cas lorsqu'avant l'atteinte à la santé, l'assuré a travaillé dans un domaine pendant de nombreuses années et qu'une activité dans un autre domaine n'entre pas en ligne de compte. Il y a en revanche lieu de se référer à la ligne
« total secteur privé » lorsque l'assuré ne peut plus raisonnablement exercer son activité habituelle et qu'il est tributaire d'un nouveau domaine d'activité pour lequel l'ensemble du marché du travail est en principe disponible (arrêt du Tribunal fédéral 8C_709/2023 du 8 mai 2024 consid. 6.2.1 et les références). En outre, lorsque les circonstances du cas concret le justifient, on peut s'écarter de la table TA1 (salaire mensuel brut [valeur centrale] selon les branches économiques dans le secteur privé) pour se référer à la table TA7 (salaire mensuel brut [valeur centrale] selon le domaine d'activité dans les secteurs privé et public ensemble), si cela permet de fixer plus précisément le revenu d'invalide et que le secteur en question est adapté et exigible. C'est le lieu de préciser que les tables TA1, T1 et TA7 des ESS publiées jusqu'en 2010 correspondent respectivement aux tables TA1_skill_level, T1_tirage_skill_level et T17 des ESS publiées depuis 2012 (arrêt du Tribunal fédéral 8C_205/2021 du 4 août 2021 consid. 3.2.2 et les références). La valeur statistique – médiane – s'applique, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3). Il convient de se référer à la version de l'ESS publiée au moment déterminant de la décision querellée (ATF 143 V 295 consid. 4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_801/2021 du
28 juin 2022 consid. 3.6), étant précisé que les tableaux TA1, T1 et T17 de
l’ESS 2022 ont été publiés le 29 mai 2024 et l’ESS 2020 le 23 août 2022.
3.3.1 La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 135 V 297 consid. 5.2 ; 134 V 322 consid. 5.2 et les références). Une telle déduction ne doit pas être opérée automatiquement, mais seulement lorsqu'il existe des indices qu'en raison d'un ou de plusieurs facteurs, l'intéressé ne peut mettre en valeur sa capacité résiduelle de travail sur le marché du travail qu'avec un résultat économique inférieur à la moyenne (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 146 V 16 consid. 4.1 et les références ; 126 V 75 consid. 5b/aa). Il n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération ; il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 126 V 75 consid. 5b/bb et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_608/2021 du 26 avril 2022
consid. 3.3 et les références). D'éventuelles limitations liées à la santé, déjà comprises dans l'évaluation médicale de la capacité de travail, ne doivent pas être prises en compte une seconde fois dans l’appréciation de l’abattement, conduisant sinon à une double prise en compte du même facteur (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 146 V 16 consid. 4.1 et ss. et les références).
3.3.2 Concernant l'abattement pour les limitations fonctionnelles, on rappellera qu'une réduction au titre du handicap dépend de la nature des limitations fonctionnelles présentées et n'entre en considération que si, sur un marché du travail équilibré, il n'y a plus un éventail suffisamment large d'activités accessibles à l'assuré (ATF 148 V 419 consid. 6 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_454/2023 du 19 décembre 2023 consid. 5.4 ; 8C_147/2023 du 8 août 2023 consid. 5.2.2 et les arrêts cités).
La jurisprudence accorde notamment une déduction sur les revenus d'invalide si la capacité de travail d'une personne assurée est limitée, même lorsqu'elle effectue un travail physiquement léger et non qualifié (ATF 126 V 75 consid. 5a/bb). Si, en revanche, un travail léger à moyen-lourd est raisonnable, aucune déduction n'est justifiée, même si les performances sont limitées, car le salaire barème au niveau d'exigence 4 (niveau de compétence de l’ESS de 2012) comprend déjà un grand nombre de tâches légères et moyennement lourdes (arrêts du Tribunal fédéral 8C_381/2017 du 7 août 2017 consid. 4.2.2 ; 8C_253/2017 du 29 juin 2017 consid. 4.3.2 ; 8C_805/2016 du 22 mars 2017 consid. 3.4.2).
Dans une affaire concernant un assuré qui devait éviter les montées et les descentes d'escaliers, la marche sur terrain inégal et les marches prolongées sur terrain plat, le port de charges lourdes et le port répétitif de charges moyennes, ainsi que les positions contraignantes pour le genou, le Tribunal fédéral a constaté qu’au regard des nombreuses activités que recouvraient les secteurs de la production et des services, un nombre suffisant d'entre elles correspondaient à des travaux respectant les limitations fonctionnelles de l'assuré. Une déduction supplémentaire sur le salaire statistique ne se justifiait ainsi pas pour tenir compte des circonstances liées à son handicap (arrêt du Tribunal fédéral 8C_659/2021 précité consid. 4.3.1).
3.3.3 L'absence d'expérience et de formation ne joue pas de rôle lorsque le revenu d'invalide est déterminé en référence au salaire statistique auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des activités simples et répétitives de niveau de compétence 1. En effet, ce niveau de compétence de l'ESS concerne une catégorie d'emplois ne nécessitant ni formation ni expérience professionnelle spécifique (arrêts du Tribunal fédéral 8C_659/2021 précité consid. 4.3.2 ; 8C_118/2021 du 21 décembre 2021 consid. 6.3.2 ; 8C_175/2020 du 22 septembre 2020
consid. 4.2).
3.3.4 Par ailleurs, le niveau de compétence 1 ne nécessite pas, selon la jurisprudence constante, une bonne maîtrise d'une langue nationale (arrêts du Tribunal fédéral 8C_64/2021 du 14 avril 2021 consid. 6.3 ; 9C_115/2018 du
5 juillet 2018 consid. 5.2 et les références).
3.3.5 L'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d'appréciation (ATF 132 V 393 consid. 3.3).
À cet égard, le pouvoir d'examen de l’autorité judiciaire cantonale n'est pas limité à la violation du droit (y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation), mais s'étend également à l'opportunité de la décision administrative
(« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l'opportunité de la décision en cause, l'examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité, dans un cas concret, a adoptée dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. A cet égard, le tribunal des assurances sociales ne peut pas, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l'administration ; il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 et la référence).
3.4 Le salaire fondé sur les ESS doit encore être adapté à l’horaire de travail usuel de la branche et indexé à l’année déterminante en tenant compte des valeurs spécifiques au sexe (ATF 129 V 408).
Le cas échéant, il y a lieu d'adapter le salaire statistique à l'évolution des salaires nominaux en appliquant soit le chiffre définitif de l'indice suisse des salaires nominaux publié au moment déterminant de la décision litigieuse, soit la plus récente estimation trimestrielle (ATF 143 V 295 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_659/2022 du 2 mai 2023 consid. 7.2).
3.5 Le taux d'invalidité doit être arrondi au pourcentage supérieur ou inférieur selon les règles mathématiques reconnues. Si le résultat est inférieur ou égal à x.49...%, il convient donc de l’arrondir à x%. Cela vaut également dans l'assurance-accidents, même si l'arrondi à l'unité supérieure ou inférieure (hormis la valeur de référence de 10% [cf. art. 18 al. 1 LAA]) représente une perte ou un gain de quelques francs sur le montant mensuel de la rente (ATF 131 V 121 consid. 3.2. et 3.3 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 8C_167/2022 du
18 août 2022 consid. 5.4).
3.6 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références.). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39
consid. 6. 1 et la référence).
4. En l’espèce, l’intimée a nié le droit du recourant à une rente au motif que son degré d’invalidité, fixé à 9%, était insuffisant. Il ressort de la décision litigieuse qu’elle a déterminé le revenu avec invalidité sur la base de l’ESS 2020 (homme, secteur privé, niveau de compétence 1, CHF 5'251.- par mois). Après adaptation à la durée de travail hebdomadaire usuelle en Suisse (CHF 5'251.- : 40 x 41.70 heures x 12), le salaire annuel était de CHF 65'815.11, porté à CHF 67'262.62 compte tenu de l'évolution des salaires jusqu'en 2023. Quant au salaire sans invalidité, elle l’a arrêté à CHF 73'749.55, sur la base des indications fournies par l’ancien employeur (CHF 5'544.45 x 13 et adaptation du salaire).
4.1 Le recourant conteste uniquement l’absence de prise en considération d’un abattement dans la détermination du revenu d’invalide.
4.1.1 En ce qui concerne un éventuel abattement lié aux limitations fonctionnelles, la chambre de céans rappellera que doivent être évités le port de charges supérieures à 15-20 kg, le port répété de charges supérieures à 5-10 kg, les montées et descentes répétées d’escaliers et d'échelles, les positions accroupies, à genoux et debout prolongées. Le recourant ne remet pas en cause ces restrictions, qui représentent des mesures relativement classiques d'épargne en vue d'éviter des gonalgies.
Elles ne sauraient donc être considérées comme importantes. Il sera encore observé que contrairement à ce que soutient l’intéressé, les activités impliquant un port de charges légères sont exigibles, puisqu’aucune restriction n’est retenue pour celles de moins de 5 kg et celles entre 5 et 10 kg devant uniquement être évitées de façon répétée.
Le niveau de compétence 1 de l'ESS contient suffisamment d'emplois avec des tâches simples et légères, compatibles avec les limitations fonctionnelles du recourant. Une déduction sur le salaire statistique ne se justifie donc pas à ce titre.
4.1.2 Le recourant fait également valoir que le rapport de la CRR attesterait d’un rendement faible dans la plupart des activités.
Certes, l’évaluation aux ateliers professionnels a mis en évidence une vitesse d’exécution ralentie pour certaines activités. Toutefois, il ressort très clairement du rapport y relatif que les observations n’étaient que le reflet des limitations et des performances auxquelles l’intéressé avait bien voulu consentir, qu’il avait adopté des comportements opposés, soit en s’autolimitant soit en effectuant des manutentions en force et en vitesse sans réflexion ergonomique. De plus, le patient rapportait diverses douleurs aux niveaux des épaules, du dos et de la fesse droite, lesquelles sont sans rapport avec l’accident assuré. Il sera également relevé que le Dr G______ a fait état d’une participation aux thérapies fluctuante en raison de la focalisation sur la douleur, et retenu une incertitude quant à la volonté du patient « de donner le maximum ».
Il a été conclu que le recourant était, d'un point de vue strictement médical, objectivement en mesure de reprendre à plein temps l'exercice d'une activité lucrative sans diminution de rendement, ce que l’intéressé ne conteste pas.
4.1.3 S’agissant du niveau de français du recourant, il est rappelé la jurisprudence constante, aux termes de laquelle le niveau de compétence 1, déterminant en l’occurrence, ne nécessite pas une bonne maîtrise d'une langue nationale.
Si les pièces du dossier attestent des difficultés du recourant, elles permettent également de conclure que celui-ci « se débrouille pour parler et comprendre » (notice téléphonique de l’intimée du 12 août 2022). Son niveau de français, avec une « expression et compréhension simple » n’a par ailleurs pas été un obstacle lors de ses activités aux ateliers de la CRR. On relèvera encore que l’intéressé a été en mesure de travailler pour différents employeurs depuis son arrivée à Genève en 2007.
4.1.4 Le recourant ne peut pas non plus se prévaloir de son impossibilité à exercer le seul métier dans lequel il dispose d’une expérience et de son absence de toute formation reconnue en Suisse, dès lors que les activités pertinentes dans le cas présent ne nécessitent ni formation ni expérience professionnelle spécifiques.
4.1.5 En définitive, rien ne permet de retenir que le recourant, âgé de 48 ans au moment de la décision litigieuse, au bénéfice d'un permis d'établissement, vivant en Suisse depuis 2007, qui dispose d'une certaine capacité d'adaptation sur le plan professionnel, aurait des perspectives de gain moindres.
La chambre de céans ne pouvant pas, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l'administration, aucun abattement ne sera appliqué au salaire statistique.
4.2 À toutes fins utiles, la chambre de céans observera à l’attention du recourant que le calcul opéré par l’intimée lui est avantageux.
4.2.1 En effet, concernant le salaire sans invalidité, il ressort du dossier que l’intéressé a perdu son travail suite à la faillite de son employeur, et non pas en raison de ses problèmes de santé. Dans de telles circonstances, le revenu de valide doit être déterminé, conformément à la pratique, au moyen des valeurs statistiques. L’intimée aurait donc dû se rapporter aux ESS.
Si on se référait au tableau T17 « Salaire mensuel brut (valeur centrale) selon les groupes de professions, l'âge et le sexe ; Secteur privé et secteur public (Confédération, cantons, districts, communes, corporations) ensemble, Suisse, en 2020 », étant rappelé que l’ESS 2022 n’avait pas encore été publiée lors du prononcé de la décision litigieuse, il conviendrait de retenir le « Grand groupe de professions 9 », soit celui correspondant au niveau de compétence 1, puisque la catégorie 7 des « Métiers qualifiés de l’industrie et de l’artisanat » ne saurait entrer en considération, dès lors que le recourant ne peut se prévaloir d’aucun diplôme reconnu en Suisse. Pour un homme âgé entre 30 et 49 ans, le salaire mensuel pour les « Profession élémentaires » s’élève à CHF 5'329.- et le revenu de la ligne 93, « Manœuvres des mines, du bâtiment, des trav. publics, ind. manufact. et transp. » mentionne un revenu mensuel de CHF 5'564.-. En tenant compte de ce dernier, plus élevé, il en résulte un revenu annuel de CHF 66'768.-, lequel doit être adapté à l’horaire de travail usuel de la branche, soit 41.1 heures en 2020 (Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique, D 35 - Production et distribution d’énergie) et qui correspond à un montant de CHF 68'604.10. Compte tenu des indices déterminants (2020 : 2298 ; 2023 : 2343 pour un homme [Évolution des salaires nominaux, des prix à la consommation et des salaires réels, 2010-2023]), le revenu se monte à
CHF 69'947.50 après indexation à 2023.
Une telle solution serait donc défavorable pour le recourant, au vu du salaire de valide fixé par l’intimée à CHF 73'749.55, d’après les indications de l’ancien employeur.
4.2.2 S’agissant du revenu avec invalidité, l’intimée a retenu un salaire mensuel de CHF 5'261.- en se référant à l’ESS 2020, sans toutefois en préciser le tableau. Cette information ne ressort pas non plus clairement de son document intitulé « Calcul du taux d’invalidité avec les chiffres de l’enquête suisse sur la structure des salaires » (pièce 146), qui mentionne uniquement « Branche économique :
01-96 TOTAL ».
Comme relevé précédemment, il convient de se référer au TA1_skill_level, ligne « Total ». Or, en 2020, le revenu s’élevait à CHF 5'357.- pour un homme avec un niveau de compétence 1, ce qui correspond à un revenu annuel de CHF 64'284.-, porté à CHF 67'016.10 compte tenu de la durée normale de travail de 41.7 heures, puis à CHF 68'328.40 après indexation à 2023, soit un montant supérieur à celui pris en considération par l’intimée.
5. Aux termes de l'art. 24 LAA, si par suite d'un accident, l'assuré souffre d'une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique, il a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l'intégrité (al. 1). L'indemnité est fixée en même temps que la rente d'invalidité ou, si l'assuré ne peut prétendre une rente, lorsque le traitement médical est terminé (al. 2).
D'après l'art. 25 LAA, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité est allouée sous forme de prestation en capital (al. 1, 1ère phrase) ; elle ne doit pas excéder le montant maximum du gain annuel assuré à l'époque de l'accident et elle est échelonnée selon la gravité de l'atteinte à l'intégrité (al. 1, 2e phrase). Le Conseil fédéral édicte des prescriptions détaillées sur le calcul de l'indemnité (al. 2).
Selon l’art. 36 de l’ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202), édicté conformément à la délégation de compétence de l’art. 25 al. 2 LAA, une atteinte à l'intégrité est réputée durable lorsqu'il est prévisible qu'elle subsistera avec au moins la même gravité pendant toute la vie (al. 1, 1ère phrase) ; elle est réputée importante lorsque l'intégrité physique ou mentale subit, indépendamment de la diminution de la capacité de gain, une altération évidente ou grave (al. 1, 2ème phrase). L’indemnité pour atteinte à l'intégrité est calculée selon les directives figurant à l'annexe 3 à l'OLAA (al. 2). En cas de concours de plusieurs atteintes à l'intégrité physique ou mentale, dues à un ou plusieurs accidents, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité est fixée d'après l'ensemble du dommage (al. 3, 1ère phrase). Il est équitablement tenu compte des aggravations prévisibles de l'atteinte à l'intégrité ; une révision n'est possible qu'en cas exceptionnel, si l'aggravation est importante et n'était pas prévisible (al. 4).
5.1 L'indemnité pour atteinte à l'intégrité vise à compenser le préjudice immatériel (douleurs, souffrances, diminution de la joie de vivre, limitation des jouissances offertes par l'existence etc.) qui perdure au-delà de la phase du traitement médical et dont il y a lieu d'admettre qu'il subsistera la vie durant (ATF 133 V 224 consid. 5.1 et les références). Elle se caractérise par le fait qu'elle est exclusivement fixée en fonction de facteurs médicaux objectifs, valables pour tous les assurés, et sans égard à des considérations d'ordre subjectif ou personnel. En cela, elle se distingue de l'indemnité pour tort moral du droit civil, qui procède de l'estimation individuelle d'un dommage immatériel au regard des circonstances particulières du cas. Cela signifie que pour tous les assurés présentant un status médical identique, l'atteinte à l'intégrité est la même, et sans égard à des considérations d'ordre subjectif ou personnel (ATF 115 V 137 consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_656/2022 du 5 juin 2023 consid. 3.2 et les références ; 8C_703/2008 du 25 septembre 2009 consid. 5.1 et les références).
Contrairement à l’évaluation du tort moral, la fixation de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité peut se fonder sur des critères médicaux d’ordre général, résultant de la comparaison de séquelles similaires d’origine accidentelle, sans qu’il soit nécessaire de tenir compte des inconvénients spécifiques qu’une atteinte entraîne pour l’assuré concerné. En d’autres termes, le montant de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité ne dépend pas des circonstances particulières du cas concret, mais d’une évaluation médico-théorique de l’atteinte physique ou mentale, abstraction faite des facteurs subjectifs (ATF 115 V 147 consid. 1 ; 113 V 218 consid. 4b et les références ; voir aussi 125 II 169 consid. 2d).
5.2 L’art. 36 OLAA a été jugée conforme à la loi en tant qu'elle définit le caractère durable de l'atteinte (ATF 133 V 224 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral U 401/06 du 12 janvier 2007 consid. 2.2). Le caractère durable de l'atteinte doit être à tout le moins établi au degré de la vraisemblance prépondérante
(ATF 124 V 29 consid. 4b/cc). Quant au caractère important de l'atteinte, le ch. 1 de l'annexe 3 à l'OLAA précise que les atteintes à l'intégrité qui sont inférieures à 5% selon le barème ne donnent droit à aucune indemnité. Il faut en conclure qu'une atteinte est réputée importante si elle atteint au moins ce pourcentage (Thomas FREI et Juerg P. BLEUER, Évaluation d'atteintes à l'intégrité multiples, in SUVA Medical 2012, p. 202).
Le taux d'une atteinte à l'intégrité doit être évalué exclusivement sur la base de constatations médicales (ATF 115 V 147 consid. 1 ; 113 V 218 consid. 4b ; RAMA 2004 p. 415 ; arrêt du Tribunal fédéral U 134/03 du 12 janvier 2004 consid. 5.2). Il incombe, dans un premier temps, au médecin de se prononcer, en tenant compte des atteintes énumérées à l'annexe 3 de l'OLAA et dans les tables de la SUVA, sur la question de savoir si, et dans quelle mesure, il existe un dommage. Il appartient toutefois à l'administration ou au tribunal de procéder à l'évaluation juridique, sur la base des constatations médicales, de l'existence d'une atteinte à l'intégrité, de déterminer si le seuil de gravité est atteint et, dans l'affirmative, l'étendue de l'atteinte. Bien que l’administration et le tribunal doivent s'en tenir aux données médicales, l'évaluation de l'atteinte à l'intégrité, en tant que fondement du droit aux prestations, relève, en fin de compte, de leur domaine de compétence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_746/2022 du
18 octobre 2023 consid. 4.2 et les références).
5.3 L’annexe 3 à l'OLAA comporte un barème, reconnu conforme à la loi et non exhaustif (ATF 124 V 29 consid. 1b et les références ; 124 V 209 consid. 4a/bb et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_745/2022 du 29 juin 2023 consid. 3.2 et la référence), des lésions fréquentes et caractéristiques, évaluées en pour cent (ATF 124 V 209 consid. 4bb).
Pour les atteintes à l'intégrité spéciales ou qui ne figurent pas dans la liste, le barème est appliqué par analogie, en fonction de la gravité de l'atteinte (ch. 1 al. 2 annexe 3 OLAA). On procédera de même lorsque l’assuré présente simultanément plusieurs atteintes à l’intégrité physique, mentale ou psychique. Les atteintes à l’intégrité pour lesquelles un taux inférieur à 5% serait appliqué selon le barème ne donnent droit à aucune indemnité. Les atteintes à l’intégrité sont évaluées sans les moyens auxiliaires – à l’exception des moyens servant à la vision (ch. 1 al. 2 de l'annexe 3).
La Division médicale de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) a établi plusieurs tables d'indemnisation des atteintes à l'intégrité selon la LAA (disponibles sur www.suva.ch). Ces tables n'ont pas valeur de règles de droit et ne sauraient lier le juge. Toutefois, dans la mesure où il s'agit de valeurs indicatives, destinées à assurer autant que faire se peut l'égalité de traitement entre les assurés, elles sont compatibles avec l'annexe 3 à l'OLAA (ATF 132 II 117 consid. 2.2.3 ; 124 V 209 consid. 4a/cc ; 116 V 156 consid. 3a).
Selon la table 5, « Indemnisation des atteintes à l ’intégrité selon la LAA », relative à l’atteinte à l ’intégrité résultant d ’arthroses, aucune indemnité n’est prévue en cas d’arthrose légère.
5.4 S'il y a lieu de tenir équitablement compte d'une aggravation prévisible de l'atteinte lors de la fixation du taux de l'indemnité, cette règle ne vise toutefois que les aggravations dont la survenance est vraisemblable et - cumulativement - l'importance quantifiable. Le taux d'une atteinte à l'intégrité dont l'aggravation est prévisible, au sens de l'art. 36 al. 4 OLAA, doit être fixé sur la base de constatations médicales (arrêt du Tribunal fédéral 8C_745/2022 du 29 juin 2023 consid. 3.3 et les références).
Si l'atteinte à la santé évolue dans le cadre du pronostic initial, il est exclu de réviser une indemnité pour atteinte à l'intégrité une fois que celle-ci a été accordée. En revanche, l'indemnité peut être réévaluée si l'atteinte à l'intégrité s'aggrave ultérieurement de manière significative (d’au moins 5%) par rapport au pronostic (arrêt du Tribunal fédéral 8C_746/2022 du 18 octobre 2023
consid. 2.2 et les références ; RAMA 1991 n° U 132 p. 305).
À titre d'exemples, le Tribunal fédéral a nié le caractère prévisible d'une aggravation en fonction de l'indication du médecin selon laquelle « il n'était pas impossible » que l'affection (périarthrite scapulo-humérale) entraînât « d'ici quelques années » une arthrose moyenne (RAMA 1998 p. 602 consid. 3b) ; à l'inverse, il a admis l'aggravation prévisible d'une arthrose du genou dans le cas où le médecin a fait état d'une telle aggravation « en raison de l'évolution toujours défavorable de l'arthrose » (arrêt du Tribunal fédéral 8C_459/2008 du
4 février 2009 consid. 2.3, in SVR 2009 UV n° 27 p. 98) ; il a également admis que le développement d’une arthrose fémoro-patellaire moyenne est une aggravation importante, laquelle n’avait pas été prise en considération initialement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_751/2023 du 21 mai 2024 consid. 6.2.2).
6. En l’occurrence, le recourant requiert le renvoi de la cause à l’intimée pour que cette dernière invite son médecin-conseil à se déterminer sur l’aggravation prévisible de l’arthrose du genou gauche.
6.1 La chambre de céans relèvera cependant que la Dre F______ s’est prononcée sur la question, dans son rapport du 26 avril 2023. Elle a expliqué qu’aucune indemnité n’était à envisager pour cette arthrose, qu’elle a qualifiée de minime. Cette appréciation quant au degré de gravité de cette atteinte n’est pas critiquable, puisque le rapport de radiographie du 16 février 2023 fait état d’une arthrose débutante.
L’arthrose n’étant que légère, ce que le recourant ne conteste au demeurant pas, celle-ci n’ouvre en principe pas le droit à une indemnité, dès lors que le recourant ne présente pas d’autres troubles, notamment pas de troubles fonctionnels de son membre inférieur gauche.
6.2 En ce qui concerne l’aggravation prévisible, il ressort des explications de la Dre F______ que l’arthrose n’a pas évolué entre les 15 avril 2022 et
16 février 2023, mais qu’elle est susceptible de s’aggraver, qu’une « rechute » est possible.
L’absence d’évolution entre les examens radiologiques de 2022 et 2023 est également attestée dans les rapports de radiographie, ainsi que par le rapport du Dr G______.
Dans ces circonstances, l’intimée était fondée à retenir que l’aggravation, qui ne peut certes pas être exclue, n’est en l’état pas prévisible. Son évolution ne peut pas être estimée en l’absence de toute progression lors des deux derniers contrôles.
Cela étant, conformément à la jurisprudence, en cas de développement d’une arthrose de degré moyen, celle-ci sera considérée comme une aggravation importante, qui n’avait initialement pas été prise en considération, et pourra alors faire l’objet d’une demande de réévaluation.
7. Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Dit que la procédure est gratuite.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Julia BARRY |
| La présidente
Joanna JODRY |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le