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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3159/2024

ATAS/821/2024 du 22.10.2024 ( LAA )

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3159/2024 ATAS/821/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident du 22 octobre 2024

Chambre 3

 

En la cause

A______

représentée par Me Alexandre GUYAZ, avocat

 

recourante

 

contre

ZURICH COMPAGNIE D'ASSURANCES SA

 

intimée

 


ATTENDU EN FAIT

 

Que Madame A______ (ci-après l’assurée) était assurée contre le risque d’accidents auprès de ZÜRICH, COMPAGNIE D’ASSURANCES (ci-après l’assureur) lorsque, le 29 juin 2005, un incendie s’est déclaré dans la banque où elle travaillait ;

Que l’assurée a respiré une épaisse fumée noire et a immédiatement souffert d’irritation aux yeux et d’oppression dans le thorax ;

Que par décision du 8 septembre 2006, l’assurance a mis un terme à ses prestations au motif que les atteintes résiduelles ne pouvaient être qualifiées de suites tardives de l’accident ;

Que sur opposition de l’assurée, l’assureur a statué le 20 janvier 2011 et admis l’existence d’un lien de causalité naturelle entre l’accident et les atteintes à la santé, mais jusqu’au 31 décembre 2010 uniquement ; qu’il a nié à l’assurée le droit à des indemnités journalières ou à une rente, vu l’absence d’incapacité de travail, mais lui a reconnu le droit à une indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI) de CHF 6'408.- ;

Que, saisie d’un recours de l’assurée, la Cour de céans, par arrêt du 16 mai 2013 (ATAS/475/2013) l’a admis partiellement, en ce sens qu’elle a renvoyé la cause à l’assureur pour instruction complémentaire et nouvelle décision sur la question de l’IPAI et confirmé la décision du 20 janvier 2011 pour le surplus ;

Que par décision incidente du 21 février 2014, l’assureur a ordonné une expertise qu’il a confiée à la Clinique B______ ;

Que par écriture du 25 mars 2014, l’assurée a interjeté recours contre cette décision en contestant le centre d’expertise désigné par l’assureur ;

Que cette procédure a abouti à un accord des parties, entériné par arrêt du 20 novembre 2014 (ATAS/1211/2014) : l’assurance a accepté de se contenter de questions supplémentaires au docteur C______ – spécialiste FMH en ophtalmologie qui avait été mandaté par l’assureur pour expertiser l’assurée en 2010 – et de ne mandater qu’un pneumologue et un neuropsychologue, ce dernier étant appelé à se prononcer sur la nécessité d’une expertise psychiatrique ; les parties ont accepté les experts proposés par la Cour de céans, soit Madame D______, neuropsychologue, et le Professeur E______, médecin-chef du service de pneumologie du Centre universitaire hospitalier du canton de Vaud (CHUV) ; elles ont également convenu des questions à soumettre à ces experts ;

Que le 14 décembre 2014, le Dr C______ a complété son estimation de l’atteinte à l’intégrité ;

Que par courrier du 29 janvier 2015 à l’assurance, l’assurée, convoquée par le Dr C______ pour une expertise, a indiqué refuser de s’y soumettre, arguant que ses atteintes ophtalmologiques devaient uniquement faire l’objet de questions complémentaires ;

Que le 30 mars 2015, le Dr C______ a allégué qu’il ne lui était pas possible de se déterminer sur le degré de sévérité des atteintes et leur caractère invalidant dans la vie quotidienne, difficiles à quantifier par des moyens objectifs et s’évaluant plutôt lors d’un entretien clinique ; il ne pouvait se déterminer sur la base du dossier sur le taux d’atteinte à l’intégrité pour les séquelles ophtalmologiques de l’assurée ;

Que Mme D______ a réalisé une expertise neuropsychologique et rendu son rapport en date du 16 avril 2015 ;

Que le 24 juin 2015, l’assurée a accepté de se soumettre à un examen par le Dr C______, tout en émettant certaines réserves quant au rapport à venir ;

Que le Prof. E______ a rendu son rapport d’expertise pneumologique le 19 août 2015 ;

Que le Dr C______ a rendu le sien en date du 20 mars 2016 ;

Que par courriel du 14 juin 2016, l’assurance a informé l’assurée de son intention de confier une expertise ophtalmologique au docteur F______ ;

Que par courrier du 1er juillet 2016, l’assurée s’y est opposée en arguant que le fait que les conclusions du Dr C______ ne donnent pas satisfaction l’assurance n’autorisait pas cette dernière à requérir une seconde expertise ; ce procédé était d’autant moins acceptable qu’il était contraire à l’arrêt du 20 novembre 2014 ;

Que par décision incidente du 28 juillet 2016, l’assurance a confirmé la mise en œuvre d’une expertise confiée au Dr F______ ;

Que le docteur G______, spécialiste FMH en psychiatrie, a examiné l’assurée en juin 2016 et rendu son rapport en date du 16 septembre suivant ;

Que le 6 février 2017, l’assurée a signalé à l’assurance une dégradation de sa santé survenue le 22 novembre 2016, dont elle a demandé qu’elle soit prise en considération ;

Que par décision du 10 février 2017, confirmée sur opposition le 20 avril 2017, l’assurance a reconnu à l’assurée le droit à une indemnité complémentaire de CHF 21'360.- pour l’atteinte à l’intégrité de 30% ; qu’en revanche, s’agissant des symptômes psychiques, l’assureur a considéré qu’ils n’étaient pas en lien de causalité adéquate avec l’accident, qualifié de moyennement grave, de sorte qu’il niait toute responsabilité de ce chef ;

Que, saisie d’un recours de l’assurée, la Cour de céans l’a admis partiellement en date du 14 mars 2019 (ATAS/252/2019), en ce sens qu’elle a reconnu à l’assurée le droit à une IPAI globale de 25% pour les troubles ophtalmologiques, nié le droit de l’assurée à une IPAI pour troubles psychiques et renvoyé la cause à l’assurance pour instruction complémentaire sur l’aggravation de l’atteinte à l’intégrité pulmonaire et nouvelle décision sur ce point ;

Que le Professeur E______, mandaté par l’assurance pour procéder à une expertise pneumologique, a rendu son rapport en date du 15 mai 2020 et répondu à des questions complémentaires en dates des 30 avril et 5 juillet 2021 ;

Que par courrier du 29 juillet 2021, l’assurée a invoqué une nette aggravation de son état de santé et sollicité de la part de l’assurance une nouvelle évaluation du lien de causalité adéquate entre l’accident et ses troubles psychiques, cas échéant une révision de la décision prise en 2019 en matière d’atteinte à l’intégrité concernant ces troubles (sic) ;

Que le 28 août 2023, l’assurée a transmis à l’assurance un rapport de son nouveau pneumologue traitant, la docteure H______ ; qu’elle a par ailleurs sollicité la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique, puis l’octroi d’indemnités journalières jusqu’au 31 décembre 2022, d’une rente d’invalidité à compter du 1er janvier 2023, d’une IPAI complémentaire, ainsi que la prise en charge de ses frais et traitements médicaux dès le 1er janvier 2023 ;

Que par courrier du 5 août 2024, l’assureur a informé l’assurée qu’il souhaitait mettre sur pied une nouvelle expertise médicale pluridisciplinaire ;

Que par courrier du 22 août 2024, l’assurée a soulevé des objections ;

Que par décision incidente du 28 août 2024, l’assurance a ordonné une expertise qu’elle a confiée au I______, plus particulièrement aux docteurs J______, pneumologue, K______, ophtalmologue, L______, psychiatre et M______, s’agissant de la médecine interne, étant précisé qu’un bilan neuropsychologique pourrait être confié au surplus par l’expert psychiatre à Madame N______ ; qu’il était encore précisé qu’un éventuel recours ne déploierait pas d’effet suspensif ;

Que par écriture du 26 septembre 2024, l’assurée a interjeté recours contre cette décision, en concluant préalablement à ce que l’effet suspensif soit restitué à son recours, et, quant au fond, à ce que la décision soit annulée et la cause renvoyée à l’intimée pour mise en œuvre d’une expertise psychiatrique auprès du professeur , et, en tant que de besoin, à l’envoi de questions complémentaires à l’expert E______ ;

Que la recourante soutient qu’une expertise multidisciplinaire est inutile ; qu’elle reproche à l’assureur de chercher uniquement par ce moyen à obtenir de nouveaux avis médicaux, notamment sur les plans pneumologique et ophtalmologique, en espérant qu’ils lui soient plus favorables que les avis exprimés jusqu’alors par les experts E______ et C______ ; que la recourante rappelle qu’elle s’est déjà soumise à dix expertises et examens effectués par des experts de premier plan ; qu’elle considère que l’état de fait pertinent du point de vue médical a dès lors déjà été instruit de manière satisfaisante ; qu’elle ajoute que, cela étant, elle ne s’oppose pas à une expertise psychiatrique, ni à un bilan neuropsychologique et propose de mandater le Professeur O______, qui connait déjà son dossier ; que, s’agissant de l’effet suspensif, la recourante fait valoir qu’il n’existe aucune raison de le retirer et s’insurge d’avoir déjà été convoquée par le I______ pour le 13 novembre 2024 ;

Qu’invitée à se déterminer sur le retrait de l’effet suspensif, l’intimée, par écriture du 7 octobre 2024, a expliqué que celui-ci avait pour objectif « d’accélérer la procédure afin qu’une décision globale sur le fond puisse enfin être prise à réception du rapport d’expertise dans cette affaire qui dure depuis de nombreuses années » ; que néanmoins, l’intimée, après pesée des intérêts en présence, admet que la gestion du dossier supporterait un report de l’expertise prévue ; qu’elle ne s’oppose dès lors pas à la restitution de l’effet suspensif et invite la Cour de céans à statuer en ce sens.

CONSIDERANT EN DROIT

 

Que, conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20) ;

Que sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie ;

Qu’à teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément ;

Qu’interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 et 60 de la LPGA; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [(LPA-GE - E 5 10)] ;

Que depuis le 1er janvier 2021, les art. 49 al. 5 et 52 al. 4 LPGA prévoient que l’assureur peut, dans sa décision ou dans sa décision sur opposition, priver toute opposition ou tout recours de l’effet suspensif, même si cette décision porte sur une prestation en espèces ;

Que les dispositions de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA – RS 172.021) continuent à s’appliquer pour les questions liées à l’effet suspensif qui ne sont pas réglées par les art. 49 al. 5 et 52 al. 4 LPGA (cf. art. 55 al. 1 LPGA) ;

Que le juge saisi du recours peut restituer l'effet suspensif à un recours auquel l’autorité inférieure l’avait retiré, la demande de restitution de l’effet suspensif étant traitée sans délai, conformément à l'art. 55 al. 3 PA ;

Que, selon la jurisprudence, le retrait de l’effet suspensif est le fruit d’une pesée des intérêts qui s’inscrit dans l’examen général du principe de la proportionnalité, lequel exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l’aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; qu’en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 142 I 76 consid. 3.5.1 et la référence) ;

Que la possibilité de retirer ou de restituer l'effet suspensif au recours n'est pas subordonnée à la condition qu'il existe, dans le cas particulier, des circonstances tout à fait exceptionnelles qui justifient cette mesure ; qu’il incombe bien plutôt à l'autorité appelée à statuer d'examiner si les motifs qui parlent en faveur de l'exécution immédiate de la décision l'emportent sur ceux qui peuvent être invoqués à l'appui de la solution contraire ; que l'autorité dispose sur ce point d'une certaine liberté d'appréciation ;

Qu’en l’espèce, l’intimée a spontanément admis que la mise en œuvre de l’expertise qu’elle juge nécessaire pouvait être reportée dans l’attente de l’issue de la procédure ;

Que, dans ces circonstances, il y a lieu de restituer l’effet suspensif au recours et d’inviter l’intimée à reporter l’exécution du mandat d’expertise.

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant selon l’art. 21 al. 2 LPA-GE

À la forme :

1.      Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet d’accord entre les parties et restitue au recours l’effet suspensif.

3.        Invite dès lors l’intimée prier le centre I______ de mettre en suspens l’exécution du mandat jusqu’à l’issue de la procédure.

4.        Réserve la suite de la procédure.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) aux conditions de l’art. 93 al. 1 LTF ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le