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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3989/2023

ATAS/789/2024 du 14.10.2024 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3989/2023 ATAS/789/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 octobre 2024

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

représentée par Me Aliénor WINIGER, avocate

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1972, de nationalité suisse, mariée, mère d’une enfant née le 18 octobre 1997 d’une précédente union, titulaire d’un CFC d’employée de commerce, a exercé une activité d’aide-ménagère à domicile depuis le 1er novembre 2019 à raison de 50 heures par mois. Le contrat de travail a été résilié le 31 mars 2021.

b. Le 15 novembre 2021, l’assurée a déposé une demande de prestations d’invalidité, en mentionnant une incapacité de travail totale depuis le 26 octobre 2020 en raison d’un pied de Charcot avec effondrement et luxation rapide de Lisfranc.

B. a. Le 27 juillet 2021, le docteur B______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a adressé l’assurée au docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, en mentionnant une prise en charge depuis une année pour un œdème et une déformation du pied chez une assurée diabétique. Il avait diagnostiqué un pied de Charcot avec un effondrement et une luxation rapide de Lisfranc. Le Charcot avait été stabilisé et une reconstruction chirurgicale pouvait être envisagée.

b. Le 22 novembre 2021, la docteure D______, spécialiste FMH en médecine interne, a attesté d’un diabète insulino-dépendant, HTA et obésité, un pied de Charcot avec effondrement et luxation de Lisfranc du pied droit. S’agissant de la capacité de travail, elle renvoyait au chirurgien orthopédiste.

c. Le 23 décembre 2021, les Drs C______ et E______, spécialiste FMH en orthopédie et traumatologie, ont attesté d’un mal perforant à droite constaté le 21 septembre 2021 et d’un traitement conservateur du pied de Charcot droit, avec une amélioration favorable et en voie de consolidation ; une chirurgie de reconstruction de l’arche était indiquée.

d. Le 4 janvier 2022, la docteure F______, médecin cheffe de clinique au service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur, et le docteur G______, médecin interne auprès de la consultation de l’appareillage de 5AL des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), ont indiqué que le pied gauche présentait une zone d’hyper-appui en médial au niveau du médio-pied qui nécessitait une modification de l’attelle de Crow. Il était ainsi proposé une chaussure orthopédique pour le pied droit. Un arrêt de travail d’un mois pour l’activité de femme de ménage était certifié.

e. Le 7 janvier 2022, la Dre F______ a rempli un rapport médical AI, attestant d’un pied de Charcot bilatéral, avec déformation des deux pieds. La marche était limitée. Elle ne pouvait se prononcer sur la capacité de travail.

f. Le 19 septembre 2022, la Dre D______ a mentionné un dernier rendez-vous le 12 janvier 2021 et une opération chirurgicale en discussion.

g. Le 16 novembre 2022, les docteurs H______, médecin chef de clinique, et I______, médecin interne, du service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur des HUG, ont attesté d’un mal perforant plantaire d’aspect calme et proposé la réalisation de deux bottes TCC (total contact cast) dans l’attente d’une botte de Crow bilatérale. L’assurée avait retiré sa botte de Crow gauche depuis septembre 2022. Des chaussures orthopédiques prescrites il y avait une année n’avaient pas été réalisées pour des questions assécurologiques et organisationnelles.

h. Le 14 décembre 2022, les Drs C______ et J______, médecin interne, ont attesté de plaintes de douleurs occasionnelles de la face dorsale des têtes métatarsiennes centrales bilatérales et d’une tuméfaction et rougeur occasionnelle. L’assurée présentait un mal perforant plantaire bilatéral et une prise en charge par l’équipe multidisciplinaire du 5AL était proposée.

i. Le 17 janvier 2023, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci‑après : SMR) a estimé que l’activité habituelle n’était plus exigible, mais que la capacité de travail dans une activité adaptée (sans port de charge supérieure à 5 kg, déplacements fréquents, en terrain accidenté, utilisation d’échelle, d’escabeau et station debout prolongée) était de 100% dès le 23 décembre 2021.

j. Le 18 janvier 2023, les docteurs K______, médecin adjoint agrégé responsable d’unité, et L______, médecin interne, de la consultation d’appareillage de 5AL, ont mentionné que l’assurée bénéficiait d’une botte de Crow depuis novembre 2022. Le mal perforant plantaire était actuellement résolu. L’assurée était confortable dans ses bottes de Crow, qu’il convenait de porter encore une année.

k. Le 3 mars 2023, l’assurée a rempli un questionnaire statut, en indiquant que ses problèmes de santé l’avaient empêchée d’augmenter son taux d’activité et qu’elle dépendait financièrement de son mari.

l. Le 13 avril 2023, le Dr H______ a indiqué qu’il était proposé à l’assurée de poursuivre le traitement par bottes de Crow pendant un an et nouveau contrôle. Le mal perforant plantaire bilatéral présent en novembre 2022 avait disparu.

m. Le 26 mai 2023, l’OAI a pris en charge le coût d’une paire de bottes de Crow, en se ralliant au rapport de la FSCMA - Centre de moyens auxiliaires, proposant leur prise en charge, en relevant que le GROUPE MUTUEL avait pris en charge une botte de Crow pour le pied gauche en septembre 2020, que l’assurée avait peu portée, ce qui avait entrainé un effondrement du pied gauche ; le pied droit avait suivi peu après. L’assurée portait sa botte de Crow depuis le 18 novembre 2022 du lever au coucher et avait cette fois bien compris l’enjeu de ces orthèses.

n. Le 20 juin 2023, le docteur M______, médecin interne de la consultation intra-hospitalière des HUG, a attesté d’une nouvelle lésion cutanée de la face médiale du médio-pied droit.

o. Le 3 juillet 2023, l’OAI a procédé à une enquête économique sur le ménage, concluant à un empêchement de 26,5% avant exigibilité et de 3% après exigibilité.

p. Le 4 juillet 2023, l’assurée a informé l’OAI que son mari n’avait plus de travail, son contrat de durée déterminée ayant pris fin.

q. Le 6 juillet 2023, l’OAI a fixé le degré d’invalidité de l’assurée dans la sphère professionnelle à 12,97%, soit un revenu sans invalidité en 2021 de CHF 61'840.- et un revenu d’invalide de CHF 53'825.- (selon l’ESS 2020, TA1, femme, total, niveau 1, pour 41,7 heures de travail par semaine, indexé à l’année 2021, sans déduction forfaitaire). Compte tenu d’un statut mixte 80% active - 20% ménagère, le degré d’invalidité total était de 10,98% (10,38% dans la sphère professionnelle et 0,6% dans la sphère ménagère).

r. Par projet de décision du 11 juillet 2023, l’OAI a rejeté la demande de prestations, le degré d’invalidité de 11% étant inférieur au seuil de 40% ouvrant le droit à une rente d’invalidité.

s. Le 21 août 2023, les Drs H______ et N______, médecin interne, ont relevé une plaie connue à droite, d’aspect calme, sans écoulement. Il était rappelé à l’assurée la nécessité de poursuivre le port des bottes de Crow.

t. Les 15 août et 22 septembre 2023, l’assurée, représentée par une avocate, s’est opposée au projet de décision, en faisant valoir qu’elle présentait une déformation sévère des deux pieds qui ne permettait pas d’exercer une activité lucrative ; le dossier manquait de documents médicaux récents et une expertise de médecine générale et d’orthopédie était nécessaire.

u. Le 19 septembre 2023, le SMR a maintenu ses conclusions.

v. Le 23 octobre 2023, le service de la réadaptation de l’OAI a estimé que l’assurée pouvait exercer des tâches de surveillance, de vérification, de contrôle, ouvrière à l’établi, dans le conditionnement léger ou encore des activités d’accueil. Des mesures n’étaient pas de nature à réduire le dommage.

w. Par décision non datée, reçue le 30 octobre 2023 par l’assurée, l’OAI a rejeté la demande de prestations.

C. a. Le 29 novembre 2023, l’assurée, représentée par son avocate, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision précitée, en concluant à son annulation et à l'octroi d’une rente fondée sur un taux d’invalidité de 100% dès le 1er juin 2022. Préalablement, elle a requis son audition, celle des Drs C______ et H______ et l’ordonnance d’une expertise judiciaire orthopédique. Le SMR n’expliquait pas quel élément intervenu en décembre 2021 lui aurait fait recouvrer une capacité de travail alors que l’état de ses pieds s’était aggravé. Elle a communiqué :

-     Un rapport de la consultation intra-hospitalière des HUG, du 23 juin 2023, posant les diagnostics de mal perforant plantaire de medio pied dans un contexte de pied de Charcot bilatéral (9 novembre 2022). L’assurée développait une nouvelle lésion cutanée de la face médiale pour laquelle la consultation était sollicitée. À l’examen physique, il existait une plaie chronique avec hyperbourgeonnement.

-     Un rapport du Dr H______ du 21 août 2023, selon lequel l’assurée était actuellement suivie pour une plaie plantaire à droite. Elle se plaignait de difficultés à garder les bottes pendant les journées chaudes. Une consultation était prévue en novembre 2023, soit à une année du port de bottes.

-     Des certificats médicaux du département de chirurgie des HUG, attestant d’une incapacité de travail totale de la recourante du 23 décembre 2021 au 23 février 2022 et du 1er août 2022 au 31 octobre 2022.

b. Le 3 janvier 2024, l’OAI a conclu au rejet du recours, en relevant que selon le rapport des HUG du 23 décembre 2021, l’atteinte à la santé avait été traitée conservativement avec une amélioration favorable et une limitation à la marche.

c. Le 20 février 2024, la recourante a relevé qu’en décembre 2021 elle présentait notamment une hypoesthésie des nerfs profonds et du nerf tibial et que son état ne s’était pas amélioré, les médecins traitants ayant encore constaté une incapacité de travail totale. Elle devait être opérée le 7 mars 2024. HELSANA, assureur perte de gain maladie, ne lui avait toujours pas transmis son dossier malgré ses relances. Elle a communiqué :

-     le rapport de la consultation de l’appareillage du 5AL du 4 janvier 2022 ;

-     un courrier de HELSANA, constatant l’épuisement du droit aux indemnités journalières le 26 octobre 2022.

d. Le 27 mai 2024, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

La recourante a indiqué qu’elle avait subi une intervention au pied gauche le 7 mars 2024. En décembre 2021, elle était totalement incapable de travailler car elle avait encore des problèmes au pied gauche, le pied droit était stabilisé.

La recourante a produit le compte rendu opératoire du 11 mars 2023 concernant une ostectomie percutanée cunéiforme médiale du pied gauche et attestant d’un arrêt de travail total du 8 mars au 8 avril 2024.

e. À la demande de la chambre de céans, le département de chirurgie des HUG (docteur O______, médecin interne, signant au nom du Dr C______, en concertation avec les Drs J______ et N______) a indiqué que la recourante présentait un pied de Charcot bilatéral, que l’intervention du 7 mars 2024 avait permis d’améliorer l’état de santé, la recourante pouvant maintenant marcher avec des chaussures orthopédiques sur mesure, qu’il était nécessaire qu’elle porte des bottes de Crow, qu’avant le 7 mars 2024, la recourante ne pouvait pas effectuer une activité professionnelle à 100%, avec le port de ses bottes elle ne pouvait rester de longues heures debout ou assise et un repos quotidien devant être effectué. Elle pouvait reprendre une activité avec une mobilité limitée, sans port de charge et sans déplacement secondaire accidenté depuis la mise en place des chaussures orthopédiques.

f. Le 16 août 2024, la recourante a observé que le Dr O______ confirmait son incapacité de travail jusqu’au 7 mars 2024.

g. Le 20 août 2024, le SMR et l’intimé ont maintenu leurs conclusions.

h. À la demande de la chambre de céans, le Dr O______ a indiqué, le 30 septembre 2024, que depuis la consultation du 16 janvier 2024, la recourante était en incapacité de travail totale pour son activité de femme de ménage et pouvait uniquement porter des charges de moins de 15 kg, sans marche prolongée de longue durée. Avant cette consultation, elle était déjà en arrêt de travail avec des chaussures adaptées.

i. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité, singulièrement sur l’évaluation de sa capacité de travail.

3.             Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

En l’occurrence, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait au plus tôt en mai 2022, soit six mois après le dépôt de la demande de prestations du 15 novembre 2021 (art. 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.

3.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

3.2 A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40 % au moins (art. 28 al. 1 LAI).

Une rente n'est pas octroyée tant que toutes les possibilités de réadaptation au sens de l'art. 8 al. 1bis et 1ter n'ont pas été épuisées (art. 28 al. 1bis LAI).

3.3  

3.3.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Dans certaines circonstances, il peut être nécessaire de demander des renseignements auprès du médecin traitant afin que le SMR puisse établir une évaluation globale et compréhensible de la capacité fonctionnelle résiduelle, qui tienne compte de tous les facteurs médicaux influents [OFAS, Dispositions d’exécution relatives à la modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité (Développement continu de l’AI), rapport explicatif (après la procédure de consultation) du 3 novembre 2021 (ci-après : rapport explicatif), ad art. 49 al. 1bis, p. 60].

3.3.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

3.3.2.1.    Selon l’art. 54a LAI, les services médicaux régionaux établissent les capacités fonctionnelles de l’assuré qui sont déterminantes pour l’assurance-invalidité en vertu de l’art. 6 LPGA, pour l’exercice d’une activité lucrative raisonnablement exigible ou pour l’accomplissement des travaux habituels (al. 3).

Lors de la détermination des capacités fonctionnelles, la capacité de travail attestée médicalement pour l’activité exercée jusque-là et pour les activités adaptées est évaluée et justifiée en tenant compte, qualitativement et quantitativement, de toutes les ressources et limitations physiques, mentales et psychiques (art. 49 al. 1bis RAI).

3.3.2.2.    En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

3.4  

3.4.1 En vertu de l’art. 28b LAI, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2) ; pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). Pour les taux d’invalidité compris entre 40 et 49%, la quotité de la rente s’échelonne de 25 à 47,5% (al. 4).

La quotité de la rente est déterminée en fonction de l’incapacité de gain au moment où le droit à la rente prend naissance (art. 28 al. 1 let. c LAI). Le droit à la rente naît au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré à fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18ème anniversaire de l’assuré (art. 29 al. 1 LAI).

3.4.2 Pour évaluer le taux d'invalidité d’un assuré exerçant une activité lucrative, le revenu qu’il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré. Le Conseil fédéral fixe les revenus déterminants pour l’évaluation du taux d’invalidité ainsi que les facteurs de correction applicables (art. 16 LPGA et 28a al. 1 LAI).

Selon l’art. 24septies RAI, le statut d’un assuré est déterminé en fonction de la situation professionnelle dans laquelle il se trouverait s’il n’était pas atteint dans sa santé (al. 1). L’assuré est réputé exercer une activité lucrative au sens de l’art. 28a al. 1 LAI dès lors qu’en bonne santé, il exercerait une activité lucrative à un taux d’occupation de 100% ou plus (al. 2 let. a).

3.4.3 La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants des revenus sans et avec invalidité et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 137 V 334 consid. 3.1.1 ; 128 V 29 consid. 1 ; 104 V 135 consid. 2a et 2b).

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente ; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 143 V 295 consid. 2.3 et les références ; 129 V 222 ; 128 V 174).

3.5 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération (ATF 144 V 427 consid. 3.2 ; 139 V 176 consid. 5.3 et les références).  Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

4.              

4.1 En l’occurrence, l’intimé a retenu une capacité de travail nulle de la recourante dans son ancienne activité dès le 26 octobre 2020 et de 100% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles depuis le 23 décembre 2021, soit sans port de charge supérieure à 5 kg, déplacements fréquents, en terrain accidenté, utilisation d’échelle, d’escabeau et station debout prolongée. L’intimé a estimé que la recourante présentait, dès cette dernière date, une aptitude à la réadaptation.

La recourante estime qu’elle est totalement incapable de travailler depuis le 16 octobre 2020, à tout le moins jusqu’au 7 mars 2024.

4.1.1 Selon les rapports médicaux au dossier, la recourante a présenté une atteinte aux pieds depuis octobre 2020 (pied de Charcot). En septembre 2021, la consultation ambulatoire de suivi des HUG a constaté un mal perforant à droite dans un contexte de pied de Charcot diabétique et neuropathique et le 23 novembre 2021 le traitement conservateur du pied droit a amené une amélioration favorable, de sorte qu’une proposition de chaussage orthopédique a été effectuée. Un rendez-vous à trois mois était programmé pour voir si une chirurgie de reconstruction de l’arche serait indiquée. L’état de santé, comme relevé par l’intimé, s’est donc effectivement amélioré à fin décembre 2021.

Cependant, le 4 janvier 2022 déjà, les Drs F______ et G______ ont attesté d’une péjoration du pied gauche, avec une zone d’hyper-appui en médial au niveau du médio-pied, nécessitant une modification de l’attelle de Crow. Cette péjoration a donné lieu à un arrêt de travail d’un mois et une proposition de consultation quatre mois plus tard.

Au vu de ces éléments, l’aptitude à la réadaptation de la recourante, fixée par l’intimé le 23 décembre 2021, est prématurée, l’aggravation du pied gauche de la recourante ayant nécessité des soins en janvier 2022, de sorte qu’une incapacité de travail totale dans toute activité est documentée jusqu’à fin janvier 2022. En revanche, dès février 2022, le recourante présente une capacité de travail dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles décrite par le SMR.

À cet égard, les certificats d’arrêt de travail total émis par le département de chirurgie des HUG des 22 décembre 2021, 25 janvier, 29 août et 23 octobre 2022, ne spécifient pas à quelle activité ils se réfèrent et on ne saurait admettre, dans ces conditions, qu’ils concernent toute activité, même adaptée aux limitations fonctionnelles de la recourante. Par ailleurs, les médecins traitants de la recourante, par l’intermédiaire du Dr O______, ont indiqué le 8 juillet 2024 qu’une activité adaptée n’était exigible de la recourante que depuis la mise en place des chaussures orthopédiques, soit postérieurement à l’intervention du 7 mars 2024 (activité avec une mobilité limitée, sans port de charge, sans déplacement secondaire accidenté). Cependant, cette affirmation n’est pas étayée. En particulier, ils estiment qu’avant le 7 mars 2024, une activité à un taux de 100% n’était pas possible en raison du port de bottes, lesquelles rendaient impossible la station debout ou assise « de longues heures » et du fait qu’un repos quotidien devait être effectué, sans expliquer en quoi une activité qui respecterait ces limitations ne serait pas exigible. Le 30 septembre 2024, le Dr O______ a précisé que l’incapacité de travail totale était celle dans l’activité de femme de ménage dès le 16 janvier 2024 et qu’auparavant la recourante était déjà en arrêt de travail, avec des chaussures orthopédiques. Les médecins n’excluent ainsi pas clairement l’exigibilité d’une activité adaptée (soit selon l’avis du SMR du 17 janvier 2023, une activité sans port de charge supérieure à 5 kg, sans déplacement fréquent, en terrain accidenté, sans utilisation d’échelle, escabeau et station debout prolongée). Dans ces conditions, l’inexigibilité d’une activité adaptée n’est pas établie dès février 2022.

Par la suite, en novembre 2022, l’état des deux pieds de la recourante s’est péjoré, par l’apparition d’un mal perforant plantaire bilatéral. Le 18 janvier 2023 toutefois, la situation s’était déjà améliorée, la recourante ne rapportant pas de douleurs et se disant confortable dans ses bottes de Crow (rapport de la consultation d’appareillage de 5AL des HUG du 18 janvier 2023). Le 13 juin 2023, la recourante a à nouveau présenté un mal perforant plantaire du médio-pied à droite attesté le 20 juin 2023 par le Dr M______. Le 15 août 2023, la plaie était trouvée calme à droite.

Il y a ainsi lieu d’admettre que la recourante, dès le 9 novembre 2022, a présenté une nouvelle incapacité de travail totale dans toute activité, prolongée jusqu’au 17 janvier 2023, puis à nouveau présente du 13 juin au 14 août 2023.

4.1.2 Au vu de ce qui précède, on ne saurait retenir une incapacité de travail totale de la recourante dans toute activité depuis le 23 décembre 2021, de façon continue jusqu’au 7 mars 2024, comme le prétend la recourante.

Comme on l’a vu, au mieux, une telle incapacité de travail peut être admise du 26 octobre 2020 jusqu’à janvier 2022, puis à nouveau du 9 novembre 2022 au 17 janvier 2023 et du 13 juin au 14 août 2023.

4.2 Il convient de calculer le degré d’invalidité de la recourante.

Le statut de celle-ci, mixte 80% active - 20% ménagère, ainsi que les revenus sans et avec invalidité ne sont pas contestés par la recourante.

À l’issue du délai d’attente, le 26 octobre 2021, la recourante présente une incapacité de travail totale dans toute activité, de sorte qu’elle aurait droit à une rente entière d’invalidité. Cependant, la demande de prestations ayant été déposée le 15 novembre 2021, le droit à la rente ne peut naitre qu’au plus tôt le 1er mai 2022. Or, dès le 1er février 2022, la recourante présente une capacité de travail totale dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, de sorte qu’au 1er mai 2022, son degré d’invalidité, de 11% tel que calculé par l’intimé et non contesté, n’ouvre plus le droit à une rente d’invalidité. Quant aux incapacités de travail subséquentes, soit celles du 9 novembre 2022 au 17 janvier 2023 et du 13 juin au 14 août 2023, elles sont insuffisantes pour ouvrir le droit à une rente d’invalidité (art. 29bis et 88a RAI).

5.             Partant, le recours ne peut qu’être rejeté.

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner la recourante au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1 bis LAI).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à charge de la recourante.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le