Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2162/2024

ATAS/781/2024 du 10.10.2024 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2162/2024 ATAS/781/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 10 octobre 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

 

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en ______ 1968, jardinier, s’est inscrit auprès de l’office régional de placement (ci-après : l'ORP) en date du 7 juin 2022, se déclarant apte à être placé dès cette date, à un taux d’activité de 100 %.

b. Lors de son entretien du 17 juin 2022 avec son conseiller en personnel, son attention a été attirée sur ses obligations de demandeur d’emploi et sur le fait que tout manquement aux obligations envers l’assurance-chômage, ainsi qu’aux instructions de l’ORP pouvait entraîner une suspension de son éventuel droit aux indemnités de chômage.

c. Par courrier du 25 avril 2024, l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l'OCE) a informé l’assuré que ses recherches d’emploi étaient manquantes pour le mois de mars 2024 et qu’un délai lui était fixé au 10 mai 2024 pour faire ses observations, dans le cadre de son droit d’être entendu.

B. a. Par décision du 14 mai 2024, l’OCE a prononcé une sanction de suspension de dix jours du droit de l’assuré à l’indemnité de chômage, à compter du 1er avril 2024. Il était relevé que l’assuré n’avait pas fait usage de son droit d’être entendu dans le délai qui lui avait été imparti et qu’il n’avait fait aucune recherche personnelle d’emploi au mois de mars 2024 au lieu des 10 recherches qui étaient demandées par l’ORP ; par conséquent, il y avait motif à sanction.

b. Par e-mail du 21 mai 2024, l’assuré a réagi en exposant qu’il avait effectué ses 10 recherches d’emploi, comme toujours, et avait envoyé ces dernières par la Poste. À la lecture de la décision, il s’était renseigné auprès de la Poste et avait appris que la livraison du courrier « n’était pas sécurisée ».

c. Par courrier d’opposition du 22 mai 2024 adressé à l’OCE, l’assuré a répété ses explications en joignant, en copie, les justificatifs de ses postulations démontrant qu’il avait bien recherché un emploi durant la période concernée.

d. Par décision sur opposition du 31 mai 2024, l’OCE a rejeté l’opposition du 22 mai 2024 et confirmé la décision du 14 mai 2024. Il était rappelé le devoir de l’assuré d’adresser la preuve de ses recherches d’emploi au plus tard le 5 du mois suivant soit par envoi automatique depuis la plate-forme de services en ligne (e-AC) sur Job-Room.ch ou par courrier, le cachet de la Poste faisant foi. Dès lors que l’assuré avait la charge de la preuve qu’il avait posté son courrier en temps utile et qu’il devait supporter les conséquences de l’absence de preuve, son retard dans la transmission des preuves de recherches d’emploi devait être assimilé à l’absence de recherches d’emploi, ce qui expliquait la sanction prononcée. La quotité de cette dernière était justifiée du fait qu’il s’agissait d’un deuxième manquement de ce type de la part de l’assuré, étant précisé que la durée de la suspension était conforme au barème du secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) pour un tel manquement et respectait le principe de la proportionnalité.

C. a. Par acte déposé au guichet du greffe de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), en date du 27 juin 2024, l’assuré a recouru contre la décision sur opposition du 31 mai 2024. Dans les grandes lignes, il a répété les explications déjà fournies au stade de l’opposition et a conclu à ce que sa faute soit qualifiée de légère et à ce que la sanction soit réduite à 5 jours.

b. Par réponse du 25 juillet 2024, l’OCE a persisté dans la décision querellée en considérant que le recourant n’apportait aucun élément nouveau permettant de revoir cette dernière.

c. Invité à répliquer, le recourant n’a pas réagi.

d. La chambre de céans, par courrier du 6 septembre 2024, a octroyé au recourant un nouveau délai pour répliquer au 23 septembre 2024. Ce dernier n’a pas réagi.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

f. Les autres faits et documents seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la suspension de 10 jours du droit à l'indemnité du recourant.

3.            

3.1 L’assuré qui fait valoir des prestations d’assurance doit, avec l’assistance de l’Office du travail compétent, entreprendre tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l’abréger. Il lui incombe, en particulier, de chercher du travail, au besoin en dehors de la profession qu’il exerçait précédemment. Il doit pouvoir apporter la preuve des efforts qu'il a fournis (art. 17 al. 1 LACI). L'assuré doit se conformer aux prescriptions de contrôle édictées par le Conseil fédéral (art. 17 al 2 in fine LACI).

Pour juger de la suffisance des efforts consentis par l'intéressé dans ses recherches d'emploi, il doit être tenu compte non seulement de la quantité, mais aussi de la qualité des démarches entreprises (ATF 124 V 231 consid. 4). L'assuré doit cibler ses recherches d'emploi, en règle générale, selon les méthodes de postulation ordinaires et fournir à l'office compétent la preuve des efforts qu'il entreprend pour trouver du travail (art. 26 al. 1 et 2 de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 [ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02]).

Selon l’art. 26 al. 2 OACI, l’assuré doit remettre la preuve de ses recherches d’emploi pour chaque période de contrôle au plus tard le 5 du mois suivant ou le premier jour ouvrable qui suit cette date. À l’expiration de ce délai, et en l’absence d’excuse valable, les recherches d’emploi ne sont plus prises en considération.

Selon le Bulletin LACI IC du SECO, ch. B316, l'autorité compétente dispose d'une certaine marge d'appréciation pour juger si les recherches d'emploi sont suffisantes quantitativement et qualitativement. Elle doit tenir compte de toutes les circonstances du cas particulier.

3.2 Le droit de l'assuré à l'indemnité est suspendu lorsqu'il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce qu'on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable (art. 30 al. 1 let. c LACI).

L’art. 30 al. 1er let. c LACI prévoit une sanction en cas de violation de l’obligation de diminuer le dommage consacrée à l’art. 17 al. 1er LACI. La suspension du droit à l’indemnité est destinée à poser une limite à l’obligation de l’assurance-chômage d’allouer des prestations pour des dommages que l’assuré aurait pu éviter ou réduire. En tant que sanction administrative, elle a pour but de faire répondre l’assuré, d’une manière appropriée, du préjudice causé à l’assurance-chômage par son comportement fautif (ATF 133 V 89 consid. 6.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_316/07 du 6 avril 2008 consid. 2.1.2).

Selon l’art. 30 al. 3 LACI, la durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute. Ainsi, en cas de faute légère, la durée de la suspension est de 1 à 15 jours (let. a), de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne (let. b) et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (let. c) (art. 45 al. 2 OACI).

La durée de la suspension du droit à l'indemnité de chômage est fixée compte tenu non seulement de la faute, mais également du principe de proportionnalité (Thomas NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in Soziale Sichereit, SBVR, Vol. XIV, 2ème éd., n. 855 p. 2435). En tant qu'autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème (indicatif) à l'intention des organes d'exécution. Un tel barème constitue un instrument précieux pour ces organes d'exécution lors de la fixation de la sanction et contribue à une application plus égalitaire dans les différents cantons. Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d'apprécier le comportement de l'assuré compte tenu de toutes les circonstances - tant objectives que subjectives - du cas concret, notamment des circonstances personnelles, en particulier celles qui ont trait au comportement de l'intéressé au regard de ses devoirs généraux d'assuré qui fait valoir son droit à des prestations (arrêt du Tribunal fédéral 8C_537/2013 du 16 avril 2014 consid. 5.1).

Il résulte de l’échelle des suspensions établie par le SECO à son chiffre D63 que si l’assuré est suspendu de façon répétée dans son droit l’indemnité, la durée de suspension est prolongée en conséquence. Les suspensions subies pendant les deux dernières années (période d’observation) sont prises en compte dans le calcul de la prolongation. L’échelle de suspension à son chiffre D79, ch. 1D, prévoit, en cas d’absence de recherches d’emploi pendant la période de contrôle, que la première fois, la faute est légère et punie d’une suspension allant de 5 à 9 jours. La deuxième fois, l’assuré est averti que la prochaine fois, son aptitude au placement sera réexaminée, sa faute est estimée comme étant légère ou moyenne et est punie d’une suspension allant de 10 à 19 jours. Il en est de même des recherches d’emploi remises trop tard (D79, ch. 1.E) pour lesquelles les mêmes sanctions s’appliquent.

S’il est vrai que le barème du SECO fait preuve d'un certain schématisme en tant que la durée de la suspension est fonction de la durée du délai de congé, il n'en demeure pas moins que les autorités décisionnelles doivent fixer la sanction en tenant compte de toutes les circonstances du cas d'espèce. C'est ainsi que si le délai de congé est de deux mois ou plus et que sur l'ensemble de cette période, l'assuré n'a pas fait des recherches d'emploi quantitativement et/ou qualitativement suffisantes, la sanction est comprise entre 6 et 8 jours selon le barème du SECO. Cependant, si en dépit de recherches insuffisantes, il est établi que l'assuré a régulièrement postulé pour des emplois au cours de la période précédant son chômage et qu'il a en outre intensifié ses recherches à mesure que la période de chômage effective se rapprochait, l'autorité devra en tenir compte et diminuer le nombre de jours de suspension, le barème n'ayant à cet égard qu'un caractère indicatif (arrêt du Tribunal Fédéral 8C_708/2019 du 10 janvier 2020).

4.             Sauf disposition contraire de la loi, le juge des assurances sociales fonde sa décision sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante (ATF 126 V 353 consid. 5b). En droit des assurances sociales, il n'existe pas de principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

5.             En l'occurrence, l’assuré ne conteste pas ne pas avoir remis en temps utile les preuves de recherches d’emploi du mois de mars 2024, mais conclut à une diminution de la sanction en alléguant que la précédente sanction était trop élevée et que pour un léger retard de réception, une sanction de 1 jour de suspension en lieu et place de 5 jours aurait été plus adéquate. Il en découle, selon lui, que la présente sanction devrait être réduite.

5.1 Au vu du dossier, qui montre qu’à l’exception d’un manquement commis en décembre 2022, l’assuré a remis régulièrement le nombre prévu de recherches d’emploi à l’ORP et a suivi les instructions et les mesures fixées par ce dernier, la chambre de céans considère qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’assuré a globalement pris au sérieux ses obligations de demandeur d’emploi et qu’il a bien effectué ses recherches d’emploi, pendant le mois de mars 2024, mais qu’il n’a pas été en mesure de démontrer qu’il les avait transmises dans les délais à l’ORP.

Or, si la maxime inquisitoire dispense les parties de l’obligation de prouver, elle ne les libère pas du fardeau de la preuve ; en cas d’absence de preuve, c’est à la partie qui voulait en déduire un droit d’en supporter les conséquences (ATF 117 V 264 consid. 3), sauf si l’impossibilité de prouver un fait peut être imputée à son adverse partie (ATF 124 V 375 consid. 3).

Partant, le recourant n’étant pas en mesure de démontrer qu’il a posté les preuves de recherches d’emploi du mois de mars 2024 dans le délai légal, le principe de la faute doit être admis, ce que le recourant ne conteste pas, puisqu’il ne conclut pas à l’annulation de la décision querellée mais à la diminution de la sanction.

5.2 S’agissant de la quotité de la sanction, l’assuré a subi une première sanction de 5 jours de suspension de son droit à l’indemnité de chômage, par décision sur opposition du 13 avril 2023, pour n’avoir pas remis dans les délais ses recherches d’emploi du mois de décembre 2022.

Le cas était similaire à celui faisant l’objet du présent recours puisque, selon les explications données par l’intéressé, ce dernier avait transmis ses recherches d’emploi par la Poste, mais l’ORP ne les avait pas reçues et l’assuré n’avait pas été en mesure de démontrer qu’il avait posté les preuves de recherches d’emploi dans le délai légal.

Conformément au barème du SECO, ce premier manquement avait été considéré comme une faute légère et puni du minimum prévu par la fourchette de sanctions, soit 5 jours de suspension du droit l’indemnité.

Quinze mois après le manquement du mois de décembre 2022, le recourant se retrouve dans la même situation, pour n’être pas en mesure de démontrer qu’il a posté dans le délai ses preuves de recherches d’emploi du mois de mars 2024.

L’intimé a tenu compte de la précédente sanction, conformément au barème du SECO et a infligé une suspension du droit à l’indemnité de 10 jours.

Dans un arrêt du 14 juin 2012 (8C_2/2012), le Tribunal fédéral a jugé qu'un assuré qui remet ses recherches hors délai ne doit pas se voir imposer la même sanction que celui qui ne procède à aucune recherche d'emploi, surtout si le retard est léger et survient pour la première fois pendant la période de contrôle. Il a ainsi confirmé qu’un formulaire de recherches remis pour la première fois avec 5 jours de retard alors que l’assurée avait fait des recherches de qualité justifiait une sanction, non pas de 5 jours de suspension du droit à l’indemnité, mais de 1 jour seulement. Le Tribunal fédéral a jugé qu'une sanction s'imposait, même en cas de retard minime (soit 1 jour, arrêt du Tribunal fédéral 8C_604/2018 du 5 novembre 2018).

Dans le cas d’espèce, l’assuré expose que, dès qu’il a été averti du problème de réception, il s’est « démené pour faire parvenir les recherches du mois concerné par e-mail puis par courrier recommandé ».

À teneur du dossier, ce n’est qu’après réception du courrier du 25 avril 2024, l’informant du manquement et l’invitant à faire des observations, que l’assuré a réagi et a fait parvenir les preuves de recherches d’emploi du mois de mars 2024 à l’intimé.

On ne se trouve donc pas dans un cas de léger retard (soit 5 jours selon la jurisprudence du Tribunal fédéral citée supra), mais de retard plus important, avec une action de l’assuré qui n’est pas spontanée, mais consécutive à l’information qu’il a reçue de l’ORP au sujet du manquement constaté.

Étant rappelé que cette omission constitue, non pas le premier manquement du recourant depuis son inscription au chômage, mais le second, qui s’est produit exactement dans les mêmes circonstances que le premier manquement, ce qui semble démontrer que le recourant n’a pas modifié sa pratique, de telle manière qu’il soit désormais en mesure de prouver l’envoi de ses formulaires de recherches d’emploi.

Partant, la quotité de la sanction apparaît proportionnée à la faute, au vu du barème suggéré par le SECO et du fait qu'il s'agit du second manquement reproché à l'assuré, ce d’autant plus que la sanction fixée par l’intimé correspond au minimum de la fourchette de sanctions prévu par ledit barème.

6.              

6.1 Eu égard aux considérations qui précèdent, le recours est rejeté.

6.2 Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA en lien avec l’art. 1 al. 1 LACI).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le