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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/834/2024

ATAS/747/2024 du 01.10.2024 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/834/2024 ATAS/747/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 1er octobre 2024

Chambre 10

 

En la cause

A______

 

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1979, domicilié en France, a travaillé à partir du 9 janvier 2023 en qualité de spécialiste monteur électricien pour B______ (ci-après : l’employeur), à temps complet. À ce titre, il était assuré contre les accidents professionnels et non professionnels auprès de la caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : la SUVA).

b. Le 6 avril 2023, la docteure A______, médecin en France, a prescrit un arrêt de travail jusqu’au 11 avril 2023.

c. Par courriel du 12 avril 2023, l’assuré a indiqué à l’employeur qu’il pensait que son cas relevait d’un accident et non pas d’une maladie. Depuis un mois, il présentait des douleurs en bas de la rotule du genou, mais il avait continué « à forcer » dans une position à genoux toute la journée lorsqu’il avait « par exemple », travaillé sur des monoblocs chez D______. Ses troubles résultaient des tâches quotidiennes du travail et l’empêchaient d’effectuer son activité professionnelle correctement.

d. Le 17 avril 2023, l’employeur a adressé à la SUVA une déclaration de sinistre, mentionnant que l’assuré s’était blessé au genou et avait présenté une tuméfaction le 6 mars 2023, étant précisé que la date du sinistre était « imprécise ». Il était en arrêt de travail depuis le 6 avril 2023.

e. Par message du 18 mai 2023, l’assuré a demandé à la SUVA s’il avait droit à des prestations, dès lors que son contrat de travail avait pris fin depuis presque trois semaines. Il avait eu un arrêt de travail le 6 mars 2023, mais avait repris son activité, malgré les douleurs qui s’étaient empirées avec les différentes tâches sur le chantier. Il était à nouveau en incapacité de travail.

f. Le 22 mai 2023, la SUVA lui a répondu qu’il demeurait assuré auprès d’elle tant que durerait l’incapacité de travail pour l’accident.

g. Le 23 mai 2023, la SUVA a reçu un questionnaire pour « l’éclaircissement des faits », rempli par l’assuré. Ce dernier a expliqué travailler sur les chantiers où son corps était sollicité en permanence. Il montait et descendait des escabeaux, des échelles, des nacelles. Il avait ressenti la douleur dans une chaufferie sur un chantier où il avait travaillé. Compte tenu de la gêne importante, il avait consulté deux semaines plus tard un médecin qui lui avait prescrit quatre jours d’arrêt de travail. Il n’y avait toutefois eu aucune amélioration et il ne pouvait plus courir, faire son travail ou du sport, compte tenu de la douleur. Lorsqu’il se mettait à genoux ou accroupi, il lui était difficile de se relever. À la question de savoir s’il s’était produit quelque chose de particulier, comme une glissade, une chute ou un heurt, il a coché la case « Oui ». Interrogé sur ce qu’il s’était « produit exactement », il a indiqué « mauvais appui, trébuché ». Interrogé sur la date à laquelle il avait ressenti ces troubles pour la première fois, l’assuré a répondu « fin février environ ». Des examens complémentaires seraient prochainement réalisés.

h. Par rapport du 16 mai 2023 reçu par la SUVA le 23 mai 2023, la
Dre A______ a retenu le diagnostic de tendinite du tendon rotulien avec une atteinte osseuse. Elle avait été consultée le 6 avril 2023 en raison de gonalgies gauches après une position à genoux prolongée. Elle avait constaté des douleurs à la palpation en regard de l’épine tibiale gauche avec des signes d’inflammation locale, et une gêne essentiellement en flexion et en appui. Le traitement par
anti-inflammatoires s’était révélé inefficace et un avis chirurgical étant demandé. L’incapacité de travail était totale compte tenu du poste de travail du patient.

Elle a joint un rapport du docteur E______, spécialiste FMH en radiologie, suite à une radiographie du genou gauche réalisée le 11 mai 2023 qui avait mis en évidence un petit éperon osseux immédiatement en dessous de la tubérosité tibiale antérieure au niveau de l’insertion du tendon rotulien.

i. Une imagerie par résonnance magnétique (ci-après : IRM) du genou gauche, effectuée le 25 mai 2023 par le docteur F______, spécialiste FMH en radiologie, a permis de conclure à un aspect spiculaire de la tubérosité tibiale antérieure (TTA) sans anomalie de signal osseuse ni coiffe cartilagineuse, à une tendinopathie focale de la portion centrale et distale du tendon rotulien sans déchirure macroscopique, et à un bilan ménisco-ligamentaire sans déchirure.

j. Dans une appréciation du 29 juin 2023, le docteur G______,
médecin-conseil auprès de la SUVA, a retenu que l’assuré présentait un petit éperon osseux en-dessous de la tubérosité tibiale antérieure du genou gauche, qui était vraisemblablement à l’origine de ses douleurs lorsqu’il se mettait en position à genoux ou accroupie. Il s’agissait d’une excroissance osseuse excessive qui se formait sur une longue période et qui pouvait expliquer la tendinopathie focale du tendon rotulien découverte à l’IRM. La normalité des autres structures, notamment ligamentaire, tendineuse et méniscale, permettait d’exclure une pathologie aigue. D’autre part, l’assuré ne signalait aucun problème particulier à son genou droit. Il s’agissait donc clairement d’une atteinte purement locale. Un travail à genoux, ainsi que la montée et la descente fréquente d’escaliers ou d’escabeaux, n’étaient pas susceptibles d’entraîner le développement d’un éperon osseux ou d’une tendinopathie focale du tendon rotulien, à plus forte raison chez une personne qui avait débuté l’activité incriminée depuis moins de trois mois. Par contre, une aggravation secondaire des douleurs selon la position ou les mouvements était bien sûr possible, mais de manière non spécifique, ainsi qu’en témoignait la persistance de la symptomatologie alors que l’assuré était en arrêt de travail. En l’état, il ne considérait pas que le cas relevait d’une maladie professionnelle, de sorte qu’il proposait de refuser la prise en charge du cas.

k. Par courrier du 6 juillet 2023, la SUVA a informé l’assuré que ses troubles ne correspondaient pas à une affection due au travail et qu’elle ne pouvait lui allouer des prestations.

l. Le 17 octobre 2023, l’assuré a demandé à la SUVA de bien vouloir reconsidérer son appréciation et prendre en charge son accident. Il a joint des photos de l’endroit où il avait effectué sa mission le 6 mars 2023, rappelant qu’il s’agissait de tâches répétitives qu’il avait dû effectuer à genoux dans une chaufferie. Les examens complémentaires démontraient qu’il avait un souci à son genou.

m. Par courriel du 22 novembre 2023, l’assuré a requis la prise en charge des examens complémentaires effectués, ceux-ci ayant été requis par la SUVA.

n. En date du 29 novembre 2023, l’assuré a maintenu qu’il s’était blessé au travail à force d’effectuer les mêmes gestes, à savoir être debout, accroupi ou à genoux, et ce pendant plus d’un mois. Les examens radiologiques avaient montré un éperon osseux. Il s’agissait d’un accident du travail, car il n’avait jamais eu ce problème durant toute sa vie.

o. Dans une appréciation du 20 novembre 2023, le docteur H______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, médecin d’assurance auprès de la SUVA, a considéré que les troubles de l’assuré résultaient d’une lésion corporelle due de manière prépondérante à l’usure ou à la maladie, dès lors qu’il souffrait d’une tendinite du tendon rotulien favorisée et/ou accompagnée de rections osseuses.

B. a. Par décision du 20 décembre 2023, la SUVA a refusé d’allouer des prestations d’assurance à l’assuré, au motif qu’il ne s’agissait pas d’un accident, d’une lésion corporelle assimilée à un accident, ou d’une maladie professionnelle.

b. Le 18 janvier 2024, l’assuré a contesté cette position. Il n’avait jamais eu de douleurs au genou avant sa blessure au travail. Depuis lors, il avait dû cesser complètement toute activité sportive. Il ne pouvait ni courir, ni rester assis longuement.

c. Par décision sur opposition du 7 février 2024, la SUVA a rejeté l’opposition de l’assuré et confirmé sa décision du 20 décembre 2023. Elle a relevé que l’assuré n’avait pas été victime d’un accident, en l’absence de tout facteur extraordinaire lors du travail incriminé. En outre, le diagnostic ne relevait pas d’un cas de maladie professionnelle, étant rappelé les conclusions du Dr G______. En l’absence de tout élément permettant de mettre en doute l’analyse effectuée par ce médecin, elle avait refusé à bon droit d’engager sa responsabilité au titre de maladie professionnelle.

C. a. Par acte du 8 mars 2024, l’assuré a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre la décision sur opposition précitée, concluant à son annulation. La blessure avait été contractée au travail et pendant les tâches qui lui avaient été confiées lors de sa mission. Pendant plus d’un mois, il avait été à genoux en rampant. Cette position quotidienne lui avait causé des dégâts au genou gauche, alors qu’il n’avait jamais eu de douleurs ou une quelconque blessure à cette articulation, étant relevé qu’il pratiquait des activités sportives. Depuis, il ne pouvait plus faire de sport, ni jouer avec ses enfants. La charge supplémentaire liée à la compensation avait causé un gonflement de son genou droit.

À l’appui de son recours, il a joint un rapport établi le 29 février 2024 par Monsieur I______, masseur kinésithérapeute en France, lequel a indiqué avoir été consulté par l’intéressé le 29 janvier 2024 dans le contexte de douleurs aux genoux droit et gauche. Celle au genou gauche était survenue neuf mois auparavant après que l’intéressé avait travaillé à genoux pendant un mois. La douleur au genou droit était apparue petit à petit au cours des neuf derniers mois, sans traumatisme évoqué. Le patient avait relaté une douleur constante au genou gauche dans les activités de la vie quotidienne, lors de la marche, de la montée et de la descente des escaliers. La douleur au genou droit était également constante et entraînait une difficulté à tendre le membre inférieur. Cet ensemble provoquait une boiterie à la marche et une montée et une descente asymétrique des escaliers selon le patient. Le tableau clinique du genou gauche semblait montrer une tendinopathie, par compression ou sur-sollicitation du tendon rotulien gauche pouvant s’expliquer par la position à genoux prolongée et le fait de passer de la position « debout » à « à genoux ». La douleur du genou droite semblait être une douleur de compensation.

b. Dans sa réponse du 8 mai 2024, l’intimée a conclu au rejet du recours. Elle a maintenu que l’intéressé n’avait pas été victime d’un accident, car le critère du facteur externe extraordinaire faisait clairement défaut. Par surabondance, même si l’existence d’un sinistre avait été établie, il ne pourrait être retenu que les lésions étaient dues à un traumatisme isolé, comme expliqué dans le rapport de son médecin-conseil annexé. En outre, le recourant présentait un aspect de tendinopathie, soit une inflammation de déstructuration partielle du tendon. Il ne souffrait donc pas d’une lésion corporelle devant être prise en charge par l’assureur-accidents, faute de déchirure de tendon. Enfin, comme déjà relevé, le Dr G______ avait expliqué les raisons pour lesquelles les troubles présentés n’étaient pas dus à une maladie professionnelle.

L’intimée a joint une appréciation du 6 mai 2024 du Dr H______, lequel a confirmé que la lésion corporelle présentée était due de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie. Le recourant présentait en effet une atteinte de type insertionite dont il n’était pas possible de déterminer si l’appui, même prolongé, même fréquent, était suffisant à la provoquer. Plus probablement, d’autres mécanismes qui n’étaient pas décrits dans les examens somatiques de l’intéressé, comme la rétraction des ischio-jambiers, l’existence d’une insertionite rotulienne pour excès d’utilisation, et ce au très long cours, pouvaient déclencher cette insertionite auto-entretenue d’ailleurs par ce spicule osseux qui était une cicatrisation calcifiée de tendinite chronique, dont l’origine avait pu s’étaler sur de nombreuses années et qui étaient sans rapport de causalité naturelle avec l’évènement, au degré de la vraisemblance prépondérante. L’intéressé ne souffrait pas non plus une lésion assimilée, puisqu’il avait présenté un aspect de tendinopathie, soit une inflammation de déstructuration partielle du tendon, et non pas une déchirure. Même en partant de l’hypothèse selon laquelle il aurait été victime d’un accident suite à un mauvais appui par exemple accompagné d’une glissade, les lésions structurelles objectivables ne pourraient pas être mises en relation de causalité avec un tel évènement, car le spicule ne pouvait pas avoir été créé par un événement contusionnel ou traumatique isolé. Il s’agissait d’un élément anatomique installé à la suite de tensions fortes exercées de façon chronique, dont la conséquence à l’évaluation cutanée ou clinique ne pouvait être qu’une douleur possible en regard et éventuellement une inflammation, ce qui n’avait pas été constaté dans le rapport initial. Si, par pure hypothèse, un tel évènement accidentel était survenu, il aurait cessé ses effets au 6 mai 2023, étant précisé que cette question était totalement médico-théorique.

c. Invité à répliquer, le recourant ne s’est pas manifesté.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du
6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur
l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Selon l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

À teneur de l’art. 58 al. 2 LPGA, si l’assuré ou une autre partie sont domiciliés à l’étranger, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de leur dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de leur dernier employeur suisse ; si aucun de ces domiciles ne peut être déterminé, le tribunal des assurances compétent est celui du canton où l’organe d’exécution a son siège.

L'existence d'un for au lieu de la succursale peut être admise lorsqu'il constitue pour le litige un point de rattachement prépondérant. Tel est notamment le cas lorsque l'assuré a travaillé pour la succursale d'une société, dans un canton différent du siège principal. Il s'agit là d'une compétence alternative, dès lors qu'il est uniquement question de faciliter l'action en justice et que rien n'empêche un justiciable de saisir le tribunal du canton de l'établissement principal
(ATF 
144 V 313 consid. 6.5).

En l’occurrence, le recourant est domicilié en France et le siège de l’employeur se situe dans le canton de Vaud. Celui-ci a toutefois également des bureaux à Genève, lieu où le recourant a effectué ses missions, de sorte que la chambre de céans est également compétente à raison du lieu.

1.3 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur la question de savoir si le recourant peut prétendre à des prestations de la part de l’intimée pour les troubles qu’il présente au genou gauche.

3.             Aux termes de l'art. 6 LAA, l'assureur-accidents verse des prestations à l'assuré en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle (al. 1). L’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu'elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l'usure ou à une maladie (al. 2) : les fractures (let. a) ; les déboîtements d'articulations (let. b) ; les déchirures du ménisque (let. c) ; les déchirures de muscles (let. d) ; les élongations de muscles (let. e) ; les déchirures de tendons (let. f) ; les lésions de ligaments (let. g) ; les lésions du tympan (let. h).

Selon l’art. 3 al. 1 LPGA, est réputée maladie toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n’est pas due à un accident et qui exige un examen ou un traitement médical ou provoque une incapacité de travail.

L’art. 4 LPGA dispose qu’est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort.

Conformément à l’art. 9 LAA, sont réputées maladies professionnelles les maladies dues exclusivement ou de manière prépondérante, dans l’exercice de l’activité professionnelle, à des substances nocives ou à certains travaux. Le Conseil fédéral établit la liste de ces substances ainsi que celle de ces travaux et des affections qu’ils provoquent (al. 1). Sont aussi réputées maladies professionnelles les autres maladies dont il est prouvé qu’elles ont été causées exclusivement ou de manière nettement prépondérante par l’exercice de l’activité professionnelle (al. 2). Sauf disposition contraire, la maladie professionnelle est assimilée à un accident professionnel dès le jour où elle s’est déclarée. Une maladie professionnelle est réputée déclarée dès que la personne atteinte doit se soumettre pour la première fois à un traitement médical ou est incapable de travailler (al. 3).

L’art. 14 de l’ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982
(OLAA - RS 832.202) relatif aux maladies professionnelles prévoit que les substances nocives et les maladies dues à certains travaux au sens de l’art. 9 al. 1 LAA sont énumérées à l’annexe 1.

3.1 La notion d'accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable ; le caractère soudain de l'atteinte ; le caractère involontaire de l'atteinte ; le facteur extérieur de l'atteinte ; enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident (ATF 142 V 219 consid. 4.31 ; 129 V 402 consid. 2.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_159/2023 du 9 novembre 2023 consid. 3.1).

Suivant la définition même de l'accident, le caractère extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné des conséquences graves ou inattendues. Pour admettre la présence d’un accident, il ne suffit pas que l’atteinte à la santé trouve sa cause dans un facteur extérieur. Encore faut-il que ce facteur puisse être qualifié d’extraordinaire. Cette condition est réalisée lorsque le facteur extérieur excède le cadre des événements et des situations que l'on peut objectivement qualifier de quotidiens ou d'habituels, autrement dit des incidents et péripéties de la vie courante (ATF 134 V 72 consid. 4.1 ; 129 V 402 consid. 2.1). Pour des lésions dues à l'effort (soulèvement, déplacement de charges notamment), il faut examiner de cas en cas si l'effort doit être considéré comme extraordinaire, en tenant compte de la constitution physique et des habitudes professionnelles ou autres de l'intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_827/2017 du 18 mai 2018 consid. 2.1). Il n'y a pas d'accident, au sens de ce qui précède, lorsque l'effort en question ne peut entraîner une lésion qu'en raison de facteurs maladifs préexistants, car c'est alors une cause interne qui agit, tandis que la cause extérieure – souvent anodine – ne fait que déclencher la manifestation du facteur pathologique (ATF 116 V 136 consid. 3b).

Selon la jurisprudence, le critère du facteur extraordinaire extérieur peut résulter d'un « mouvement non coordonné ». Lors d'un mouvement corporel, l'exigence d'une incidence extérieure est en principe remplie lorsque le déroulement naturel d'un mouvement corporel est influencé par un empêchement « non programmé », lié à l'environnement extérieur. Dans le cas d'un tel mouvement non coordonné, l'existence du facteur extérieur doit être admise, parce que le facteur extérieur – la modification entre le corps et l'environnement extérieur – constitue en même temps le facteur extraordinaire en raison du déroulement non programmé du mouvement (ATF 130 V 117 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_159/2023 du 9 novembre 2023 consid. 3.2 et les références). On peut ainsi retenir à titre d'exemples de facteurs extérieurs extraordinaires le fait de trébucher, de glisser ou de se heurter à un objet (RAMA 2004 n° U 502 p. 184 consid. 4.1 ; RAMA 1999 n° U 345 p. 422 consid. 2b). Le Tribunal fédéral a, dans un arrêt récent, nié le facteur extraordinaire chez un assuré qui avait monté un petit escalier normal en tenant quelque chose à la main (arrêt du Tribunal fédéral 8C_24/2022 du 20 septembre 2022, in SVR 2023 UV n° 13 p. 40).

Lorsque la lésion se limite à une atteinte corporelle interne, qui pourrait également survenir à la suite d'une maladie, le mouvement non coordonné doit en apparaître comme la cause directe selon des circonstances particulièrement évidentes. Un accident se manifeste en règle générale par une lésion perceptible à l'extérieur. Lorsque tel n'est pas le cas, il est plus vraisemblable que l'atteinte soit d'origine maladive (arrêt du Tribunal fédéral 8C_693/2010 du 25 mars 2011 consid. 5.2).

3.2 Se fondant sur la délégation de compétence prévue à l'art. 9 al. 1 LAA, ainsi que sur l'art. 14 OLAA, le Conseil fédéral a dressé à l'annexe I de l'OLAA la liste des substances nocives, d'une part, et la liste de certaines affections, ainsi que des travaux qui les provoquent, d'autre part. Selon la jurisprudence, la définition du risque assuré est des plus restrictives et la liste figurant en annexe I à l'OLAA est exhaustive (arrêt du Tribunal fédéral U 290/99 du 2 mai 2000 consid. 2a).

La clause générale de l'art. 9 al. 2 LAA répond au besoin de combler d'éventuelles lacunes qui subsisteraient dans la liste que le Conseil fédéral est chargé d'établir en vertu de l'art. 9 al. 1 LAA (ATF 116 V 136 consid. 5a). Selon la jurisprudence, l'exigence d'une relation exclusive ou nettement prépondérante est réalisée lorsque la maladie professionnelle résulte à 75% au moins de l'activité professionnelle (ATF 119 V 200 consid. 2b). En d'autres termes, il faut que les cas d'atteintes pour un groupe professionnel déterminé soient quatre fois plus nombreux que ceux enregistrés dans la population en général (ATF 116 V 136 consid. 5c).

4.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

Les explications d'un assuré sur le déroulement d'un fait allégué sont au bénéfice d'une présomption de vraisemblance. Il peut néanmoins arriver que les déclarations successives de l'intéressé soient contradictoires avec les premières. En pareilles circonstances, selon la jurisprudence, il convient de retenir la première affirmation, qui correspond généralement à celle que l'assuré a faite alors qu'il n'était pas encore conscient des conséquences juridiques qu'elle aurait, les nouvelles explications pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (ATF 143 V 168 consid. 5.2.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016, déjà cité, consid. 4.3).

5.             En l’espèce, l’intimée considère que l’événement annoncé ne constitue ni un accident, faute de facteur extérieur extraordinaire, ni une lésion assimilée, en l’absence d’une déchirure du tendon, ni une maladie professionnelle, compte tenu des explications de ses médecins-conseils.

5.1 Dans son courriel du 12 avril 2023, le recourant a indiqué à l’employeur qu’il présentait des douleurs depuis un mois, mais qu’il avait continué « à forcer » en travaillant « toute la journée » en position à genoux, comme « par exemple » chez D______. Il n’a donc pas signalé la survenance d’un évènement particulier.

Dans le formulaire relatif à l’éclaircissement des faits, l’intéressé a mentionné un mauvais appui et un trébuchement. Un tel incident n’est toutefois pas cohérent avec ses précédentes explications, ni d’ailleurs avec les autres indications contenues dans ce questionnaire, puisqu’il a noté que les douleurs étaient apparues en raison de sollicitations « en permanence », après avoir monté et descendu des escabeaux, des échelles et des nacelles de façon répétée. L’intéressé n’a d’ailleurs pas été en mesure de préciser la date à laquelle serait survenu l’accident, comme cela ressort non seulement du questionnaire transmis à l’intimée, mais également de la déclaration de sinistre. D’ailleurs, le recourant ne soutient pas, dans le cadre de la présente procédure, qu’il aurait été victime d’un mouvement non coordonné, mais relève que ses troubles sont apparus après avoir travaillé pendant plus d’un mois en position à genoux en rampant.

En outre, les pièces médicales au dossier confirment l’absence de tout facteur extraordinaire. La Dre A______ a en effet rapporté l’apparition de douleurs consécutivement à une position à genoux prolongée, et I______ a relaté que les douleurs au genou gauche étaient survenues après que le patient avait travaillé à genoux « pendant un mois ».

Dans ces circonstances, l’existence d’un mouvement non coordonné au sens de la jurisprudence peut être écartée et l’intimée était fondée à conclure que l’évènement annoncé ne répond pas aux conditions d’un accident.

5.2 La radiographie pratiquée le 11 mai 2023 a mis en évidence un petit éperon osseux sous la tubérosité tibiale antérieure au niveau de l’insertion du tendon rotulien. La médecin traitant a ainsi retenu le diagnostic de tendinite du tendon rotulien avec une atteinte osseuse. L’IRM réalisée le 25 mai 2023 a confirmé une tendinopathie du tendon rotulien.

En l’absence de toute déchirure du tendon atteint, l’intimée a conclu à juste titre que le recourant ne souffre pas d’une lésion corporelle comprise dans la liste énumérée à l'art. 6 al. 2 LAA, de sorte que la présomption qu'il s'agit d'une lésion corporelle assimilée à un accident devant être prise en charge par l'assureur-accidents ne peut pas s’appliquer.

5.3 Le Dr G______ a été invité à examiner si le cas du recourant relevait d’une maladie professionnelle. Ce médecin a expliqué que l’intéressé présentait un petit éperon osseux situé sous la tubérosité tibiale antérieure du genou gauche, soit une excroissance osseuse excessive qui se formait sur une longue période. Cet éperon était vraisemblablement à l’origine des douleurs et pouvait expliquer la tendinopathie du tendon rotulien. Il a rappelé que toutes les autres structures, ligamentaire, tendineuse et méniscale, étaient normales, ce qui permettait de conclure à une atteinte purement locale. Un travail à genoux, ainsi que la montée et la descente fréquente d’escaliers ou d’escabeaux, n’étaient pas susceptibles d’entraîner le développement d’un éperon osseux ou d’une tendinopathie focale du tendon rotulienne d’autant plus que l’intéressé avait débuté l’activité en cause depuis moins de trois mois. En outre, l’atteinte ne concernait que le côté gauche.

Le Dr H______ a abondé dans ce sens, estimant que les troubles du recourant résultaient d’une lésion corporelle due de manière prépondérante à l’usure ou à la maladie. Il a précisé que le spicule osseux était une cicatrisation calcifiée de tendinite chronique, dont l’origine avait pu s’étaler sur de nombreuses années.

Le recourant ne fait valoir aucun argument susceptible de remettre en cause les appréciations des médecins de l’intimée, rendues après une analyse de tous les rapports médicaux au dossier et qui sont dûment motivées. Il n’a pas davantage produit de document suggérant que ses troubles seraient dus de manière nettement prépondérante à son activité professionnelle, que ses douleurs ne seraient pas causées par l’éperon osseux, ou encore que ce dernier aurait pu se développer en seulement deux mois, étant rappelé qu’il a commencé à travailler pour l’employeur le 9 janvier 2023 et signalé des douleurs au genou gauche dès le
6 mars 2023.

Partant, l’intimée pouvait, sur la base des rapports de ses médecins-conseils, nier l’existence d’une maladie professionnelle.

6.             Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Joanna JODRY

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le