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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2053/2024

ATAS/740/2024 du 26.09.2024 ( AVS ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2053/2024 ATAS/740/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 26 septembre 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

représentée par Me Nicolas MOSSAZ, avocat

 

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en ______ 1992, d’origine britannique, est arrivée, en provenance de Grande-Bretagne, en Suisse en août 2020 et a été mise au bénéfice de plusieurs autorisations de séjour (permis B/L). En mars 2023, elle a obtenu la nationalité belge (cf. base de données Calvin).

b. Du 14 septembre 2020 au 19 février 2023, l’intéressée a effectué un Master en science de l’innovation, développement humain et durabilité à l’Université de Genève.

c. Du 2 juin au 31 octobre 2021, l’assurée a effectué à Genève, dans le cadre de ses études, un stage, selon un contrat intitulé « short term temporary » (ci-après : STT), auprès de la B______ (ci-après : la B______ ou l’employeuse).

La B______, sise aux États-Unis, est une des cinq organisations formant le C______ (ci-après : le C______). La D______ (ci-après : la D______) est, quant à elle, composée de deux autres entités du C______.

d. Du 1er novembre 2021 au 30 juin 2022, l’assurée a été engagée par la B______ en tant que « short term consultant » (ci-après : STC) et son contrat a ensuite été renouvelé du 1er juillet au 31 décembre 2022 puis du 1er janvier au 30 juin 2023 et enfin du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024.

B. a. Le 11 mai 2023, l’assurée a sollicité, auprès de la Caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : CCGC), son affiliation en tant que salariée d’un employeur non tenu de payer des cotisations. Elle a indiqué, notamment, ne pas avoir de carte de légitimation, ne pas faire partie de la caisse de pension des Nations Unies et ne pas être soumise à une assurance sociale étrangère.

b. À la demande de la CCGC, l’assurée a transmis divers documents, dont une copie de son titre de séjour ainsi que les certificats de salaire pour les années 2021 (USD 13'681.60 net) et 2022 (USD 16'885.50 net).

c. Par décision du 15 juin 2023, la CCGC a affilié l’assurée, à compter du 1er juin 2021, en tant que personne salariée d’un employeur non tenu de cotiser. Etaient jointes les décisions de cotisations pour la période du 1er juin au 31 décembre 2021 (intérêts moratoires inclus), pour 2022 (intérêts moratoires inclus), et une facture différentielle pour la période du 1er janvier au 30 juin 2023.

d. Le 5 juillet 2023, l’assurée s’est opposée à ces décisions, faisant valoir que du 1er juin 2021 au 19 février 2023, son travail avait été effectué dans le cadre de ses études universitaires. En outre, elle se référait à une attestation établie le 23 juin 2023 par la D______, selon laquelle l’intéressée avait e statut de fonctionnaire international de la B______ en Suisse, nommée depuis le 1er novembre 2021, et par conséquent au bénéfice de privilèges et d’immunités selon les dispositions internationales applicables. La B______ avait d’ailleurs communiqué le nom de l’intéressée aux autorités suisses, pour la période courant du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022, selon une liste jointe.

e. Interrogée par la CCGC, la section de droit diplomatique et consulaire du Département fédéral des affaires étrangères (ci-après : DFAE) a répondu, par courriel du 1er février 2024, que l’intéressée avait été correctement affiliée en tant que « personne salariée d’un employeur non tenu de cotiser », puisqu’elle avait été engagée comme STC par la B______ entre juin 2021 et juin 2024. En effet, d’une part, cette employeuse n’était pas soumise aux assurances sociales suisses et, d’autre part, les personnes engagées par la B______ en tant que consultants, que ce soit en tant que STC ou en tant que « Extended Term Consultant » (ci-après : ETC), n’étaient pas soumises à l’ensemble des règles internes de la D______ (en particulier son régime d’assurances). Les consultants ne pouvaient donc pas se prévaloir des privilèges et immunités reconnus aux fonctionnaires de la B______ et partant, d’une exemption aux assurances sociales suisses. Il n’y avait donc pas lieu de tenir compte de l’attestation du 23 juin 2023 établie par la D______, selon laquelle l’assurée serait une fonctionnaire (« staff ») de la B______. Enfin, il existait un désaccord entre la Suisse et la D______ concernant le statut du personnel engagé en tant que consultant (ETC/STC), et des discussions avec la D______ étaient en cours à ce propos.

f. Par décision sur opposition du 16 mai 2024, la CCGC a maintenu sa position en se référant à l’avis précité du DFAE. L’assurée ne disposait pas de carte de légitimation et n’aurait pu en obtenir une. En outre, on ne pouvait retenir que son emploi d’une durée de plus de trois ans avait été un stage effectué dans le cadre de ses études universitaires. Enfin, il n’était pas stipulé que les montants versés étaient destinés à couvrir d’éventuels frais de formation.

C. a. Par acte de son mandataire du 17 juin 2024, l’assurée a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre cette décision, concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation.

Selon la recourante, son affiliation aux assurances sociales suisses était contraire aux conventions internationales, dès lors qu’elle faisait officiellement partie du personnel de la B______ depuis le 1er novembre 2021 (la période de stage n’étant pas comptabilisée) et que son employeuse avait, à ce titre, communiqué son nom aux autorités suisses comme personne bénéficiant des immunités et des privilèges. Il s’agissait d’une prérogative de la B______, qui pouvait librement désigner les personnes qu’elle estimait pouvoir bénéficier desdits privilèges et immunités. Par ailleurs, dans le cadre de ses activités pour la B______, elle avait bénéficié d’une couverture d’assurance en cas d’accident ou de maladie liés au travail, et en cas de mort accidentelle lors d’une mission. En outre, le statut de fonctionnaire lui avait été reconnu par l’administration fiscale cantonale (ci-après : l’AFC), laquelle avait retenu qu’elle n’était pas imposable pour les années 2021 à 2023. Or, en cas de rejet de son recours, l’AFC risquait de revoir ses décisions.

b. Par réponse du 26 juin 2024, l’intimée a conclu au rejet du recours pour les motifs indiqués dans sa décision litigieuse. Il n’existait aucune base légale permettant d’exempter la recourante du paiement des cotisations sociales en Suisse.

c. Par réplique du 2 août 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 S'agissant de la recevabilité du recours, les conditions de délai et de forme prévues aux art. 56ss LPGA et 62ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]) sont remplies.

2.             Le litige porte sur la question de savoir si c’est à juste titre que l’intimée a considéré la recourante comme étant obligatoirement assujettie à l'AVS/AI/APG/AC/AF/Amat dès le 1er juin 2021, en raison de ses activités de stagiaire et de consultante déployées pour la B______.

3.              

3.1 Par renvoi de l'art. 1 LAVS, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-vieillesse et survivants, à moins que la loi n'y déroge expressément.

La LAVS a été modifiée dans le cadre de la révision "AVS 21" (modification du 17 décembre 2021, RO 2023 92 ; FF 2019 5979), entrée en vigueur le 1er janvier 2024. Comme ces modifications n'ont toutefois pas d'effet sur la présente cause, il n'y a pas lieu de se prononcer plus avant sur d'éventuels aspects de droit transitoire.  

3.2 Le litige présente un caractère transfrontalier, dès lors que la recourante, ressortissante britannique, était, avant son arrivée en Suisse en août 2020, domiciliée au Royaume-uni. Il y a donc lieu de déterminer, dans un premier temps, la législation applicable aux regards des dispositions de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP ; RS 0.142.112.681) et des règlements auxquels il renvoie.

3.3 Jusqu'au 31 mars 2012, les parties contractantes appliquaient entre elles le Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (RO 2004 121 ; ci-après : le règlement n° 1408/71). Une décision n° 1/2012 du Comité mixte du 31 mars 2012 (RO 2012 2345) a actualisé le contenu de l'annexe II ALCP avec effet au 1er avril 2012 en prévoyant, en particulier, que les parties appliqueraient désormais entre elles le Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, modifié par le Règlement (CE) n° 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 (RS 0.831.109.268.1).

Le Royaume-Uni s’étant retiré de l’Union européenne (UE) le 31 janvier 2020, l’ALCP (Accord sur les droits des citoyens ; RS.0.142.113.672) ne s’applique plus entre la Suisse et le Royaume-Uni, à compter du 1er janvier 2021.

Cela étant, l’Accord entre la Suisse et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relatif aux droits des citoyens à la suite du retrait du Royaume-Uni de l’UE et de la fin de l’applicabilité de l’ALCP, conclu le 25 février 2019 et entré en vigueur le 1er janvier 2021, prévoit le maintien de l’application du Règlement (CE) n° 883/2024 aux ressortissants britanniques qui se trouvaient déjà dans une situation transfrontalière au 31 décembre 2020 (cf. art. l, 25 al. 1 let. b et 26 al. 1 de l’Accord sur les droits des citoyens ; ATAS/1172/2022 du 21 décembre 2022 consid. 3.5), ce qui, en l’espèce, était le cas de la recourante qui a élu domicile en Suisse dès août 2020.

3.4 Aux termes de l’art. 2 §1 du règlement n° 883/2004, ce dernier s’applique aux ressortissants de l’un des États membres […] résidant dans un État membre qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres […].

Les personnes auxquelles le règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément au titre II (art. 11 § 1 du règlement n° 883/2004).

La personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre est, sous réserve des art. 12 à 16 (non applicables en l’occurrence), soumise à la législation de cet État membre (art. 11 § 3 let. a du règlement n° 883/2004).

Cette disposition fait du lieu de travail le critère principal de rattachement et consacre le principe de la lex loci laboris. L'État d'emploi est alors seul compétent en vertu du principe de l'unicité de la législation applicable prévu à l'art. 11 § 1 du règlement n° 883/2004, selon lequel les personnes auxquelles le règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre (ATF 142 V 192 consid. 3.1).

3.5 En l’occurrence, la recourante, ressortissante britannique, domiciliée en Suisse depuis le mois d’août 2020, a exercé, dès le mois de juin 2021, une activité salariée à Genève, de sorte qu’en vertu des dispositions précitées, c’est au regard de la législation suisse que le litige doit être examiné.

4.              

4.1 Aux termes de l'art. 1a al. 1 LAVS, sont assurées à l'AVS notamment les personnes physiques domiciliées en Suisse (let. a) ainsi que les personnes physiques qui exercent en Suisse une activité lucrative (let. b).

Les conditions d'assujettissement de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20 ; cf. art. 1b LAI), de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain du 25 septembre 1952 (LAPG - RS 834.1 ; cf. art. 16b LAPG), de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI - RS 837.0 ; cf. art. 2 LACI) et de la loi fédérale sur les allocations familiales du 24 mars 2006 (LAFam - RS 836.2 ; cf. art. 11 LAFam) et de la loi instituant une assurance en cas de maternité et d’adoption (LAMat – J 5 07 ; cf. art. 3 al. 1 let. c LAMat) renvoient toutes à la LAVS, de sorte que les considérations pour la LAVS valent pour ces autres lois, eu égard à l'objet du litige.

4.2 La loi prévoit certaines exceptions à l'assujettissement obligatoire à l'AVS (exemptions ex lege).

Dans le cas d’espèce, est déterminant l'art. 1a al. 2 let. a LAVS, selon lequel ne sont pas assurés les ressortissants étrangers qui bénéficient de privilèges et d'immunités, conformément aux règles du droit international public.

À teneur de l'art. 1let. c du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS ; RS 831.101), sont considérés comme ressortissants étrangers bénéficiant de privilèges et d’immunités au sens de l’art. 1a al. 2 let. a LAVS notamment les personnes bénéficiaires visées à l’art. 2 al. 2 let. a de la loi du 22 juin 2007 sur l’État hôte (LEH ; RS 192.12) […], lorsque ces personnes bénéficiaires sont appelées en qualité officielle auprès d’une organisation intergouvernementale, d’une institution internationale, d’un secrétariat ou autre organe créé par un traité international, d’une commission indépendante, d’un tribunal international, d’un tribunal arbitral ou d’un autre organisme international au sens de la loi sur l’État hôte.

4.3 Selon l’art. 2 al. 2 let. a LEH, les bénéficiaires physiques auxquels la Confédération peut accorder des privilèges, des immunités et des facilités sont notamment les personnes appelées, à titre permanent ou non, en qualité officielle auprès de l’un des bénéficiaires institutionnels mentionnés à l’al. 1, tels que les organisations intergouvernementales ou les institutions internationales (art. 2 al. 1 let. a et b LEH).

Le contenu et le champ d'application des privilèges, immunités et facilités sont régis par les art. 3 et 4 LEH et précisés dans l'ordonnance du 7 décembre 2007 sur l'État hôte (OLEH ; RS 192.121), édictée par le Conseil fédéral sur la base de l'art. 33 LEH.

Les privilèges et les immunités comprennent, entre autres, l'exemption du régime de la sécurité sociale suisse (art. 3 al. 1 let. h LEH).

Les privilèges, les immunités et les facilités des personnes appelées, à titre permanent ou non, en qualité officielle auprès des bénéficiaires institutionnels (au sens de l’art. 2 al. 2 let. a LEH), dépendent de l’exercice effectif d’une fonction officielle constatée par le DFAE (art. 9 al. 2 OLEH).

Toute question relative à la constatation de l’exercice effectif d’une fonction officielle, […] à la portée des privilèges, des immunités et des facilités accordés ou tout autre sujet concernant le statut juridique en Suisse des personnes bénéficiaires se règle entre le DFAE et le bénéficiaire institutionnel concerné, conformément aux usages diplomatiques, à l’exclusion de toute intervention de la personne bénéficiaire (art. 9 al. 3 OLEH).

Selon l’art. 11 al. 1 OLEH, pour les organisations intergouvernementales et les institutions internationales notamment […], les catégories de personnes bénéficiaires sont notamment les membres de la haute direction (let. a) ; les hauts fonctionnaires (let. b) ; les autres fonctionnaires (let. c) ; les représentants des membres de l’organisation (let. d) ; les experts et toute autre personne appelée en qualité officielle auprès de ces bénéficiaires institutionnels (let. e) […].

4.4 En règle générale, les conventions internationales créant un organisme international prévoient l’exclusion – pour l’organisme et son personnel – de toute obligation découlant de la législation en matière d’assurances sociales de l’État hôte. Les bénéficiaires institutionnels mettent en place leur propre régime de sécurité sociale à l’intention de leur personnel, ceci afin, d’une part, d’assurer une même couverture sociale à leurs employés quel que soit le lieu de leurs activités dans le monde et, d’autre part, de ne pas dépendre de la législation de l’État hôte dans la définition des droits sociaux de leurs fonctionnaires. […] Il est donc logique que les personnes couvertes par le régime de sécurité sociale propre à l’organisation qui les emploie soient exemptées du régime de sécurité sociale de l’État hôte, afin d’éviter que les intéressés ne soient soumis à deux régimes cumulativement, et donc à l’obligation de verser deux fois des cotisations sociales (Message du Conseil fédéral relatif à la LEH, FF 2006 7603, 7633).

4.5 Les fonctionnaires internationaux étrangers résidant en Suisse ne sont pas assurés à l’AVS (ATF 133 V 233).  

De manière générale, la notion de fonctionnaire international est une notion large, qui englobe également les membres du personnel temporaire travaillant de façon continue et exclusive (par opposition à un consultant) au service, notamment, d'un organisme agissant au nom de plusieurs États, comme une organisation internationale (arrêt du Tribunal fédéral C 88/06 du 25 août 2006 consid. 2 et la référence). 

L'ensemble du personnel étranger d’une organisation internationale n'est pas nécessairement au bénéfice de privilèges et d'immunités fondés sur le droit international public. En effet, on ne saurait s'écarter des dispositions de la loi pour exclure de l'assurance des personnes qui remplissent les conditions d'affiliation et ont, le plus souvent, grand intérêt à être assujetties. Il n'est ainsi pas possible de considérer comme non assurées des personnes qui ont leur domicile civil en Suisse et ne satisfont à aucune des conditions de l'art. 1er al. 2 aLAVS (ATF 98 V 182 et cf. RCC 1985 p. 463 consid. 3b).

La carte de légitimation dont bénéficient les ressortissants étrangers au bénéfice de privilèges et d’immunités sert de titre de séjour en Suisse et remplace l'autorisation de séjour délivrée sur la base des dispositions ordinaires du droit des étrangers. Elle atteste d'éventuels privilèges et immunités dont jouit son titulaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_360/2016 du 31 janvier 2017 consid. 5.3.1 et les références).

4.6 La Mission permanente de la Suisse auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève (ci-après : Mission suisse) a émis des directives (disponibles sur son site internet) concernant le statut particulier des consultants, des stagiaires ou des bénévoles travaillant pour les organisations internationales ou les missions permanentes. Ces personnes, qui ne sont pas des fonctionnaires, ne jouissent d’aucuns privilèges et immunités. Elles sont soumises au droit suisse et reçoivent, en principe, une carte de légitimation de type « H ». Il en va de même pour les personnes, de nationalité suisse ou détentrices d’un permis B, C ou Ci, qui travaillent comme non-fonctionnaires d’une organisation internationale ou d’une mission permanente, et qui ne reçoivent pas de carte de légitimation. Ces personnes sont considérées par les caisses cantonales de compensation comme salariées d’un employeur non tenu de cotiser. Enfin, s’agissant en particulier des stagiaires qui, avant d’être engagés comme tels, avaient leur domicile en Suisse (ressortissants suisses ou détenteurs d’un permis B, C ou Ci), ces personnes restent soumises aux assurances AVS et doivent s’annoncer à la caisse cantonale de compensation, même si elles perçoivent une indemnité forfaitaire pour couvrir leurs dépenses (https://www.eda.admin.ch/missions/mission-onu-geneve/fr/home/manuel-application-regime/introduction/Manuel-personnes-sans-privileges-et-immunites-carte-H/Non-fonctionnaires-oi-et-stagiaires-mp-legislations-en-matiere-impots-et-sociale.html, consulté le 29 août 2024).

5.              

5.1 Au plan international, les Statuts de la B______ du 25 mai 1955 (Statuts - RS 0.979.4) sont entrés en vigueur pour la Suisse le 29 mai 1992.

L’art. VI des Statuts porte notamment sur les immunités et privilèges des fonctionnaires et employés de la B______ (section 8) et sur l’exemption des charges fiscales (section 9). Selon la let. b de cette section, aucun impôt ne sera perçu sur les traitement et émoluments versés par la Société aux administrateurs, à leurs suppléants, aux fonctionnaires et aux employés de la Société qui ne sont pas des nationaux, sujets, ou autres ressortissants du pays où ils exercent leurs fonctions.

5.2 Le 25 septembre 2012, la Suisse a ratifié la Convention du 21 novembre 1947 sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées (Convention du 21 novembre 1947 ; RS 0.192.110.03), laquelle est applicable à la B______ (sous réserve des dispositions figurant à l’annexe XIII).

L’art. VI de la Convention du 21 novembre 1947 est consacré aux privilèges et immunités dont bénéficient les fonctionnaires des institutions spécialisées. Selon la let. b de la section 19, ces derniers jouiront, en ce qui concerne les traitements et émoluments qui leur sont versés par les institutions spécialisées, des mêmes exonérations d’impôt que celles dont jouissent les fonctionnaires de l’Organisation des Nations Unies (ci-après : ONU) et dans les mêmes conditions. Selon la section 18 de la Convention du 21 novembre 1947, chaque institution spécialisée déterminera les catégories de fonctionnaires auxquelles s’appliquent les dispositions de l’art. VI […]. Elle en donnera communication aux gouvernements de tous les États parties à la Convention en ce qui concerne ladite institution ainsi qu’au Secrétaire général des Nations Unies. Les noms des fonctionnaires compris dans ces catégories seront communiqués, de temps à autre, aux gouvernements précités.

S’agissant de la B______, la Convention du 21 novembre 1947 prévoit à l’art. 5 de l’annexe XIII que ses dispositions, y compris celles de cette annexe, ne portent pas modification ou amendement, ni n’exigent la modification ou l’amendement des statuts de la Société, et n’affectent ni ne limitent aucun des droits, immunités, privilèges ou exceptions accordés à la Société ou à l’un de ses membres, gouverneurs, administrateurs, suppléants, fonctionnaires ou employés par les statuts de la Société ou par un statut, une loi ou un règlement de l’un quelconque des membres de la Société ou d’une division politique dudit membre, ou par toute autre disposition.

5.3 Les fonctionnaires de l’ONU sont exonérés de tout impôt sur les traitements et émoluments versés par l’ONU (art. V, let. b de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies du 13 février 1946, entrée en vigueur pour la Suisse le 25 septembre 2012 [RS 0.192.110.02] et art. V let. b de l’Accord sur les privilèges et immunités de l’ONU conclu entre le Conseil fédéral suisse et le Secrétaire général de l’ONU, entré en vigueur le 1er juillet 1946 ; [RS 0.192.120.1]).

6.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

7.              

En l’espèce, l’intimée considère que la recourante, domiciliée et engagée à Genève par la B______ en tant que stagiaire dès le 1er juin 2021, puis en tant que consultante « STC » dès le 1er novembre 2021, est assujettie obligatoirement à l’AVS.

La recourante, quant à elle, fait valoir qu’en tant que consultante « STC » de la B______ depuis le 1er novembre 2021, elle fait officiellement partie de son personnel et a acquis le statut de fonctionnaire internationale, de sorte que l’exemption à l’AVS doit lui être accordée.

7.1 Il n’est pas contesté, ni contestable, que la B______, qui dispose de la personnalité juridique internationale conférée par le traité international qui l’a créée (art. VI section 2 des Statuts), est une organisation intergouvernementale et partant, un bénéficiaire institutionnel au sens des art. 2 al. 1 LEH et 6 al. 1 let. a OLEH.

Il convient donc de déterminer si la recourante, en raison de ses activités de stagiaire et de consultante « STC » déployées pour la B______, bénéficiait de privilèges et d’immunités au sens de l’art. 1a al. 2 let. a LAVS, étant rappelé notamment que l’exemption des ressortissants étrangers à l’assujettissement à l’AVS vise uniquement les personnes couvertes par le régime de la sécurité sociale mise en place par l’entité internationale qui les emploie (cf. Message du Conseil fédéral relatif à la LEH, FF 2006 7603, 7633).

À teneur des contrats conclus entre la B______ et la recourante, que ce soit en tant que stagiaire ou en tant que consultante « STC » (cf. pièce 4 chargé intimée), l’intéressée était effectivement considérée comme un membre du personnel de la D______ et soumise au règlement du personnel en vigueur (« during this assignement you will be considered a World Bank staff member and will be subject to the staff rules currently in effect »). Par ailleurs, la B______ a communiqué aux autorités suisses le nom de la recourante comme faisant partie de son personnel officiel, pour la période du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022 et partant, comme bénéficiant des immunités et privilèges (pièce 17 chargé recourante), ce que l’AFC a d’ailleurs admis en l’exemptant de 2021 à 2023.

Cela étant, la chambre de céans est d’avis que ces éléments ne suffisent pas à retenir qu’en raison de ses activités déployées à Genève pour la B______ en tant que stagiaire et en tant que consultante « STC », la recourante, ressortissante étrangère, bénéficiait de privilèges et d’immunités au sens de l’art. 1a al. 2 let. a LAVS, ce pour les motifs qui suivent.

Il résulte des contrats conclus entre la recourante et la B______ que l’intéressée n’était pas tenue de travailler de manière exclusive pour son employeuse (cf. pièce 4 chargé intimée, section « employement and conflict of interest »), de sorte que, conformément à la jurisprudence, le statut de fonctionnaire international ne peut lui être reconnu (cf. arrêt du Tribunal fédéral C 88/06 du 25 août 2006 consid. 2). Á cela s’ajoute le fait qu’en tant que ressortissante étrangère domiciliée à Genève au moment de son engagement par la B______ en tant que stagiaire, dès le 2 juin 2021, puis en tant que consultante « STC », dès le 1er novembre 2021, l’intéressée, alors au bénéfice d’un permis C, n’a pas reçu la carte de légitimation délivrée aux fonctionnaires internationaux, et ce malgré la mention de son nom sur la liste des fonctionnaires internationaux que la B______ a adressée aux autorités suisses (pour la période du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022).

Mais surtout, force est de constater que les contrats conclus entre la recourante et la B______ ne font nullement état du fait que l’intéressée aurait été, que ce soit en tant que stagiaire ou en tant que consultante « STC », mise au bénéfice du régime de la sécurité sociale proposé par son employeuse (tel qu’un plan de retraite, des prestations en cas de maternité, des prestations familiales, etc.) et la recourante ne le prétend pas, au demeurant. L’absence de couverture sociale en faveur de l’intéressée est d’ailleurs corroborée par les informations publiées par la B______ et le C______ sur leur site internet. Il en ressort, en effet, que les employés engagés à plein temps (« staff ») bénéficient de tous les avantages sociaux (« with full benefits ») et se distinguent des employés « STC », engagés pendant 150 jours au maximum par année fiscale et ne disposant d’aucuns avantages sociaux (« with no benefits » ; https://www.worldbank.org/en/about/careers/staff-appointments, consulté le 29 août 2024). La B______ expose, en outre, l’ensemble des bénéfices auxquels a droit son « staff », dont notamment un plan d'épargne retraite complet financé par le C______, alors que les personnes engagées sous contrats « STC » et « STT » en sont exclues, celles-ci n’ayant droit qu’à une assurance-maladie et à une assurance en cas de décès accidentel (https://www.ifc.org/en/about/careers/benefits et https://www.worldbank.org/en/about/unit/human-resources/benefits, consultés le 29 août 2024).

7.2 Au vu de ce qui précède, et comme l’a relevé le DFAE dans son courriel du 1er février 2024, il y a lieu de retenir que la recourante n’était pas affiliée au régime de la sécurité sociale mise en place par son employeuse ou par le C______, que ce soit dans le cadre de ses activités déployées auprès de la B______ à Genève, en tant que stagiaire ou en tant que consultante « STC ». En outre, dans le cadre de ses activités pour la B______, l’intéressée n’avait pas le statut de fonctionnaire international et ne revêtait pas une qualité officielle dans ses fonctions (au sens des art. 1b let. c RAVS et 11 al. 1 let. e OLEH).

Pour l’ensemble de ces motifs, la recourante ne saurait être considérée comme faisant partie du cercle des personnes bénéficiant de privilèges et d’immunités selon les règles du droit international public (cf. art. 1a al. 2 let. a LAVS ; 1b let. c RAVS ; 2 al. 2 let. a LEH ; section 9 let. b des Statuts et art. VI section 19 let. b de la Convention du 21 novembre 1947), de sorte que l’exemption de s’affilier à l’AVS ne peut lui être reconnue.

Partant, quand bien même la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961, entrée en vigueur pour la Suisse le 24 avril 1964 (RS 0.191.01), serait, comme l’avance la recourante, applicable au présent litige, elle ne saurait non plus fonder, en l’absence d’une affiliation de l’intéressée au régime de la sécurité sociale propre à la B______, une exemption au système suisse de la sécurité sociale.

Enfin, le fait que l’AFC pourrait, en cas de rejet du recours, revenir sur ses décisions d’exemption de taxation, ne saurait être un élément à prendre en considération dans le cadre du présent litige, contrairement à ce qu’avance la recourante.

C’est donc à bon droit que l’intimée a affilié la recourante en tant que salariée d’un employeur non tenu de payer des cotisations, dès le 1er juin 2021 et lui a réclamé les cotisations d’assurances sociales correspondantes, étant encore relevé que l’intéressée, dans le cadre de son recours, ne prétend plus, à juste titre, que les montants versés en sa faveur par la B______ seraient des prestations destinées à permettre sa formation ou son perfectionnement professionnels et partant, non soumises à cotisations, au sens de l’art. 6 al. 2 let. g RAVS.

8.              

8.1 A l’aune de ce qui précède, le recours doit être rejeté.

8.2 Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario et 89H al. 1 LPA).

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le