Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2133/2022

ATAS/728/2024 du 24.09.2024 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2133/2022 ATAS/728/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 24 septembre 2024

Chambre 15

 

En la cause

A______

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1980, a fait parvenir à l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI), le 4 décembre 2020, une demande de prestations d’invalidité, au motif qu’il était en incapacité de travail depuis le 6 avril 2020 (formulaire de demande : ch. 4.3 Incapacité de travail). Il avait suivi une formation dans le domaine des pompes funèbre en 1997 et en 1998 et de détective privé ensuite (ch. 5.3 Formation apprise). Il avait exercé, en dernier lieu avant l’incapacité de travail, à titre de détective privé indépendant, à plein temps, du 15 novembre 2018 au 18 juin 2019 pour un revenu total brut de CHF 250'000.- (ch. 5.4 Personne exerçant une activité lucrative ou accessoire). De nationalité française, l’assuré avait en outre indiqué être arrivé en Suisse le 1er mai 2019 (ch. 1.4 Citoyenneté).

b. Il ressort des extraits du registre du commerce suisse que l’assuré y a été inscrit en tant que titulaire d’une entreprise individuelle de détective privé entre le 11 décembre 2018 et le 27 septembre 2019, date de sa radiation pour cessation d’activité, ainsi que sous la raison individuelle « 7 Investigations, A______ », entre le 25 janvier 2016 et le 9 septembre 2019, date de sa radiation pour cessation d’activité.

c. Les extraits de son compte individuel de cotisations sociales suisses imprimés les 15 décembre 2020 et 21 janvier 2022 indiquent que l’assuré a été inscrit en Suisse en tant que personne de condition indépendante de 2006 à 2013, puis en 2019, et qu’il a annoncé les revenus annuels suivants :

                                                              i.      2006 : 16'000.- de mars à décembre

                                                            ii.      2007 : 41'100.-, mais ce montant a été corrigé en 15'661.- (après soustraction de -25'439.-) de janvier à décembre

                                                          iii.      2008 : 103'700.-, mais ce montant a été corrigé en 4'226.- (soustraction de -99'474.-) de janvier à décembre

                                                          iv.      2009 : 44'700.-, mais ce montant a été corrigé en 5'107.- (après soustraction de -25'439.-) de janvier à décembre

                                                            v.      2010 : 70'000.- et 66'200.-, mais ces montants ont été corrigés en 2'110.- (après soustraction de -67'890.- et -66'200.-) de janvier à décembre

                                                          vi.      2011 : 66'400.-, mais ce montant a été corrigé en 0 (après soustraction de -66'400.-)

                                                        vii.      2012 : 27'669.- et 38'731.-, mais ces montants ont été corrigés en 0 (après soustraction de -38'731.-, -2.- et -27'667.-)

                                                      viii.      2013 : 12'600.-, mais ce montant a été corrigé en 0 (après soustraction de 12'600.-)

                                                          ix.      2018 : 778.- en décembre

                                                            x.      2019 : 221'300.-, mais ce montant a été corrigé en 0 (après soustraction de -206'300.-, -15'000.- et -9'405.-)

B. a. L’OAI a instruit la demande en sollicitant des informations médicales concernant l’assuré. Il a relevé que l’assuré déposait une première demande de prestations pour une incapacité de travail durable ayant vraisemblablement débuté en avril 2020. La dernière activité exercée était celle de détective privé indépendant. L’assuré n’ayant pas d'assurance perte de gain, il ne bénéficiait pas d’indemnités journalières et se trouvait dans une situation financière délicate. Selon un rapport dressé par le service de réadaptation de l’OAI, l'assuré estimait présenter une incapacité de travail totale dans toute activité professionnelle et soutenait qu'aucun projet de reconversion professionnelle n’était envisageable. Il était très atteint physiquement et psychologiquement. Au vu de la situation médicale non stabilisée, ce service avait clôturé son mandat le 22 mars 2021. Interrogés par l’OAI, les médecins consultés par l'assuré n’avaient pas souhaité donner suite aux questions posées, de sorte qu’un rapport avait été requis du service médical régional de l’OAI (ci-après : SMR) pour déterminer la capacité de travail éventuelle de l’assuré.

b. Dans un rapport du 31 mai 2021, le SMR a indiqué que l’assuré présentait des lombo-sciatalgies gauches sévères ayant justifié une incapacité de travail totale dans son activité de détective, depuis le mois de mai 2020. Une intervention neurochirurgicale (herniectomie) avait été prévue, puis annulée pour des raisons peu claires. Le bilan EMG de décembre 2020 relevait une compression radiculaire des racines L5 et S1. En février 2021, le docteur B______, neurochirurgien, ne retenait plus d'indication opératoire et conseillait une prise en charge à la consultation du dos des HUG. Dans son rapport médical du 1er avril 2021 et son courrier au Dr B______ du 24 mars 2021, le docteur C______, rhumatologue exerçant à la consultation du dos des HUG, expliquait que, lors de sa consultation, l'examen de l’assuré était plutôt rassurant, sans signe de syndrome radiculaire, avec seulement une lombalgie essentiellement mécanique. Ce médecin insistait sur l'importance des facteurs psycho-sociaux et sur la mauvaise prise en charge thérapeutique (absence de physiothérapie). Il attestait une capacité de travail nulle pour toute activité, mais expliquait qu'il ne lui était pas possible de se positionner sur l'évolution future. Les autres médecins n’avaient pas fourni d'information médicale utile. Le médecin du SMR concluait que la capacité de travail de l’assuré était bien nulle dans l'ancienne activité de détective indépendant (trop physique), mais qu’il n'était pas possible de déterminer sa capacité de travail dans une activité plus adaptée aux limitations fonctionnelles d'épargne du dos, du cou et de l'épaule gauche, en l'absence de réponse de la plupart des médecins traitants et de l'importance des facteurs psychosociaux. Le SMR jugeait dès lors indispensable de demander une expertise rhumatologique.

c. Après avoir sollicité qu’une décision soit prise sur la base du dossier ou à tout le moins que l’expertise, dont il contestait l’utilité, soit réalisée uniquement sur pièce, l’assuré a accepté de se soumettre à un examen clinique rhumatologique. Le médecin ayant procédé à cet examen, le 8 décembre 2021, a conclu que la capacité de travail dans l'activité habituelle était nulle, mais que, dès le 23 mars 2021, elle était de 50% dans une activité adaptée. Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : Limitations de la position assise avec possibilité de se lever 2 x/heure, posture en porte-à-faux lombaire, mouvements répétitifs de rotation ou flexion-extension de la colonne vertébrale, activité prolongée au-dessus de l'horizontale, mouvements répétitifs ou contre résistance de l'épaule gauche, port de charges répétitif au-delà de 5 kg, occasionnel au-delà de 10 kg, marche au-delà de 30 minutes.

d. Le 19 avril 2022, le service de réadaptation de l’OAI, en charge de déterminer l’invalidité de l’assuré, a rappelé qu’au moment de son incapacité de travail en mai 2022, l'assuré n'était plus en emploi. Sa dernière activité professionnelle de détective privé indépendant avait été interrompue pour des raisons économiques (concurrence). Pour déterminer le revenu sans invalidité, ce service avait dû se fonder sur les données statistiques de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS). Il avait considéré qu'avant son atteinte à la santé, l'assuré recherchait un emploi dans son domaine d'activité dans la sécurité. Un niveau de compétence 3 avait été retenu, car l'assuré avait une solide formation et expérience dans ce domaine.

Pour ce qui était du revenu d’invalide, il s’était également fondé sur les ESS total niveau 2, l'assuré ayant une formation dans la vente et le commerce. Il avait été directeur dans une entreprise informatique. Le service avait considéré que l’assuré avait des ressources, des compétences et des connaissances pour accéder à divers emplois respectant ses limitations fonctionnelles. Il y avait lieu de considérer qu'un marché équilibré du travail offrait un nombre significatif d'activités accessibles sans aucune formation supplémentaire. Enfin, le service avait proposé d'accorder une réduction supplémentaire de 10%.

La détermination du degré d’invalidité se présentait dès lors comme suit :

Salaire sans invalidité selon l’ESS 2018, actualisé à 2021 CHF 71'857.-

Exigible à 50%

Sous déduction supplémentaire de 10% CHF 32'336.-

Revenu sans invalidité pour un plein temps CHF 78'434.-

Perte de gain subie CHF 46'098.-

Taux d’invalidité après comparaison des revenus 58.77% arrondi à 59%

C. a. Par projet de décision du 25 avril 2022, l’OAI a indiqué à l’assuré qu’il entendait lui accorder une demi-rente d’invalidité dès le 1er juin 2021 (la demande ayant été déposée en décembre 2020), sur la base d’un taux d’invalidité de 59%.

b. Par courriel du 11 mai 2022, l’assuré a indiqué au gestionnaire de son dossier auprès de l’OAI avoir pris connaissance du projet de décision et valider celui-ci.

c. Par envoi du 20 mai 2022, l’OAI a envoyé à l’assuré la décision d’octroi d’une demi-rente et la décision concernant le montant des rentes dues, soit CHF 220.- par mois pour lui et CHF 88.- par mois pour sa fille D______. Le revenu annuel moyen était calculé sur 4 ans et 11 mois de cotisations, 4 années de tâches éducatives, soit 05.04 années prises en compte pour l’échelle 11 et s’élevait dès lors à CHF 40'152.-.

D. a. Par acte du 29 juin 2022, l’assuré a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans) d’un recours contre la décision du 20 mai 2022 lui donnant droit à une demi-rente d’invalidité dès le 1er juin 2022 (recte 2021), concluant à son annulation et à l’octroi d’une rente entière dès le 4 décembre 2020, calculée sur la base des derniers revenus concernant les exercices 2018 et 2019. Il soutenait que le droit à la rente devait avoir un effet rétroactif à la date du premier certificat d’incapacité de travail, soit dans son cas le 4 mai 2020. Il s’opposait au taux d’invalidité de 59%, au motif qu’il souffrait d’une dégénérescence osseuse prouvée par pièces médicales et suivait un traitement médical depuis deux ans à base d’antidouleurs très forts allant jusqu’à la prise de morphine, ainsi que des neuroleptiques et des myorelaxants, ce qui ne lui permettait pas de travailler. Il contestait enfin le calcul du montant des rentes, selon lui dénué de fondement, puisque les revenus pris en compte dans le calcul étaient insuffisants. Il avait facturé CHF 500'000.- entre les exercices 2018 et 2019.

b. L’OAI a conclu au rejet du recours.

c. Le recourant a fait valoir ses arguments à réitérées reprises par écrit et a versé des pièces complémentaires au dossier.

d. Une audience s’est tenue le 23 avril 2024, en l’absence du recourant qui s’en est excusé et qui a pu se prononcer ensuite par écrit. Lors de cette audience, le responsable du service des registres centraux de la caisse genevoise de compensation et une juriste responsable de ladite caisse ont confirmé et expliqué la teneur des inscriptions aux comptes individuels du recourant. Malgré les revenus annoncés par le recourant ou résultant de taxations d’office, ce dernier ne s’était que très partiellement acquitté de ses cotisations sociales. Faute pour celles-ci d’être recouvrables, notamment du fait du domicile à l’étranger du débiteur, les caisses avaient été amenées à revoir les revenus à prendre en compte au vu des seules cotisations payées. Ces montants figuraient dans l’extrait de comptes du recourant, lequel avait en définitive payé durant 4 ans et 11 mois les cotisations équivalentes à un revenu moyen bien inférieur au revenu annoncé par le recourant. Les revenus allégués par le recourant qui ne ressortaient pas de l’extrait de ses comptes individuels ne pouvaient pas être pris en compte, le recourant n’ayant pas contesté valablement ni sollicité d’éventuelles corrections des extraits de comptes figurant au dossier.

e. Des renseignements complémentaires ont encore été sollicités de la caisse cantonale vaudoise de compensation, laquelle a expliqué que le recourant avait annoncé sa fin d’activité au 30 juin 2019 et n’avait jamais payé les cotisations proratisées de cette année qui avaient dès lors été annulées (-9'405.-).

f. Les parties ont pu s’exprimer sur l’ensemble du dossier et des actes d’instruction avant que la cause ne soit gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

2.2 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

2.3 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

3.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est, en principe, celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

En l’occurrence, le recourant a sollicité une rente le 4 décembre 2020 et le droit à une demi-rente lui a été reconnu dès le mois de juin 2021, de sorte que les faits pertinents sont antérieurs au changement de loi. Les dispositions légales applicables seront dès lors citées dans leur ancienne teneur.

4.             L’objet de la contestation est constitué par la décision du 20 mai 2022.

5.              

5.1 En premier lieu, le recourant se plaint du fait que le départ de sa rente d’invalidité ait été fixé au mois de juin 2021.

5.2 L’art. 28 al. 1 LAI prévoit que l’assuré doit être incapable de travailler pendant au moins une année avant qu’un droit à une rente d’invalidité naisse, si tant est que les autres conditions de celui-ci, et notamment celle du délai d’attente de six mois après le dépôt de la requête de prestations de l’art. 29 al. 1 LAI, soient remplies.

5.3 En l’espèce, le droit du recourant à une rente d’invalidité est donc né au 1er juin 2021 puisque son incapacité de travailler a débuté au mois de mai 2020 et que la demande de prestations a été faite en décembre 2020.

Le grief du recourant est ainsi infondé.

C’est en effet à raison que l’intimé a retenu le 1er juin 2021 comme date d’ouverture du droit à la rente du recourant.

6.              

6.1 Le recourant conteste ensuite le taux d’invalidité de 59% retenu par l’intimé, au motif qu’il souffre d’une dégénérescence osseuse prouvée par pièces médicales et qu’il suit un traitement médical depuis deux ans à base d’antidouleurs très forts allant jusqu’à la prise de morphine, ainsi que des neuroleptiques et des myorelaxants, ce qui ne lui permettait pas de travailler.

6.2 En vertu de l’art. 28 LAI, l’assuré a droit à une rente d’invalidité aux conditions suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a) ; il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) ; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c) (al. 1).

6.3 En matière de droit social, le degré de preuve standard est celui de la vraisemblance prépondérante (ATF 144 V 427 consid. 3.3 ; ATF 142 V 435 consid. 1 ; ATF 138 V 218 consid. 6 ; ATF 115 V 133 consid. 8b).

Le fait que la maxime inquisitoire trouve application, s’agissant de l’établissement des faits en procédure administrative sociale selon les art. 43 al. 1 et 61 let. c LPGA, ne signifie pas qu’aucune des parties ne supporte le fardeau de la preuve. L’assuré qui fait valoir un droit à l’encontre d’une institution sociale supporte les conséquences de l’absence de preuve relative à un fait nécessaire à fonder sa prétention (ATF 144 V 427 consid. 3.2 ; ATF 138 V 218: consid. 6 ; ATF 115 V 133 consid. 8a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_593/2021 du 6 janvier 2022 consid. 2.4).

6.4 En l’occurrence, l’intimé a invité le recourant à se soumettre à une expertise, mais ce dernier a refusé. Ce dernier a accepté, en fin de compte, de se soumettre à un examen rhumatologique auprès d’un médecin spécialisé du SMR. Le rapport de ce rhumatologue a été fait sur la base d’un examen du recourant, le 8 décembre 2021, et sur les éléments du dossier. Le spécialiste a conclu que la capacité de travail de l’assuré, dans son activité habituelle, était nulle, mais qu’elle était de 50% dans une activité adaptée, dès le 23 mars 2021. Le spécialiste a retenu des limitations fonctionnelles (limitations de la position assise avec possibilité de se lever 2 x/heure, posture en porte-à-faux lombaire, mouvements répétitifs de rotation ou flexion-extension de la colonne vertébrale, activité prolongée au-dessus de l'horizontale, mouvements répétitifs ou contre résistance de l'épaule gauche, port de charges répétitif au-delà de 5 kg, occasionnel au-delà de 10 kg, marche au-delà de 30 minutes) pour parvenir à ces conclusions. Le rapport de ce spécialiste en rhumatologie qui a eu l’occasion d’examiner le recourant et a pris connaissance de son dossier médical permet de répondre aux questions pertinentes pour établir la capacité de travail de ce dernier. Son avis s’inscrit dans le prolongement de celui donné par le Dr C______ qui expliquait que l'examen de l’assuré était plutôt rassurant, sans signe de syndrome radiculaire, avec seulement une lombalgie essentiellement mécanique. Aucun médecin n’a pour le surplus contesté l’avis du rhumatologue du SMR à la suite de son rapport motivé. Les arguments du recourant ne reposent quant à eux pas sur des éléments médicaux qui auraient été omis, mais sur son propre ressenti.

Il n’existe ainsi pas d’élément médical dans le dossier qui permettrait de valablement remettre en cause le rapport du rhumatologue interrogé par l’intimé.

En conséquence, la chambre de céans n’a pas de motif de s’en écarter.

6.5 Le recourant s’oppose au taux de 59% en particulier parce que l’intimé a retenu un revenu sans invalidité fondé sur l’ESS et non sur d’éventuels honoraires qu’il aurait facturés en 2018 et 2019.

La chambre de céans relève à cet égard que le recourant a indiqué dans sa demande de prestations que sa dernière activité lucrative avait pris fin le 18 juin 2019 et qu’il avait réalisé un revenu global de CHF 250'000.- pour son dernier emploi. Il ressort des extraits du registre du commerce concernant ses activités de détective que les deux entreprises individuelles du recourant ont été radiées pour cause de cessation d’activité respectivement les 12 septembre et 2 octobre 2019. Ses comptes individuels indiquent en outre qu’il n’a pas payé, entre 2013 et 2019, de cotisation sociale sur des revenus qu’il aurait perçus et déclarés.

Au vu de ces faits, l’intimé a retenu à raison que le recourant était sans activité au moment de son invalidité, soit en avril 2020, et qu’il ne réalisait plus de revenu. C’est dès lors à bon droit qu’il s’est fondé sur l’ESS pour fixer le revenu que le recourant aurait gagné dans sa dernière activité.

Le recourant a en outre soutenu qu’il avait dû cesser son activité en raison de la concurrence déloyale d’un tiers, de sorte que l’on ne saurait reprocher à l’intimé d’en avoir pris acte et d’avoir ainsi considéré que le recourant n’avait plus d’activité pour une cause étrangère à son invalidité. Pour ce motif également, l’intimé était fondé à agir comme il l’a fait pour établir le revenu sans invalidité du recourant.

Dans le cadre de son recours, le recourant a indiqué avoir facturé CHF 500'000.- entre 2018 et 2019 à un client, E______, et à l’entreprise de ce dernier, F______. Ces montants ne peuvent cependant pas être pris en compte à titre de revenu, le recourant ne les ayant pas annoncés comme tels et n’ayant pas payé de cotisation sur ceux-ci. Il faut ajouter qu’il apparaît au dossier, dans une lettre d’un ancien conseil du recourant que ce dernier a été poursuivi pénalement pour escroquerie pour des honoraires qu’il aurait facturés à F______ et que E______ n’aurait pas honoré une partie des factures dont le recourant se prévalait (à hauteur de CHF 680'840.88). Il existe ainsi un doute sur le bien-fondé de ces factures et il n’est en tout état pas établi que le recourant aurait encaissé les montants allégués. Pour ces motifs également, la chambre de céans ne saurait écarter le salaire statistique retenu par l’intimé au profit des montants de CHF 250'000.- respectivement CHF 500'000.- que le recourant prétend avoir facturés et non encaissés en 2018 et 2019. Les pièces produites en cours d’instruction par le recourant ne permettent pas d’établir à satisfaction de droit les revenus allégués. En effet, la liste de montants que le recourant aurait encaissés durant plusieurs années sur ses comptes bancaires ne permet de retenir qu’il s’agissait pour tout ou en partie de revenus de son activité professionnelle ni quelles charges en auraient été déduites. S’agissant en particulier des attestations d’encaissements se rapportant à 2018 et 2019, force est de constater que celles qui sont signées se rapportent à E______, aujourd’hui décédé, qui accusait le recourant d’escroquerie. Les montants listés pour les années 2008 et suivantes ne correspondent enfin pas à des revenus que le recourant aurait déclarés à l’administration fiscale, de sorte qu’ils n’ont pas été imposés en Suisse et aucune cotisation n’a été prélevée sur ceux-ci. Le recourant ne saurait se prévaloir aujourd’hui de ces montants à titre de revenu sans qu’il n’ait sollicité des corrections des administrations concernées et acquitté ses éventuelles dettes.

Au vu de l’ensemble des circonstances, le recours aux statistiques de la branche ne prête pas le flanc à la critique dans le cas d’espèce et le taux d’invalidité de 59% ne peut dès lors qu’être confirmé.

7.              

7.1 Le recourant conteste enfin le revenu moyen pris en compte par l’administration pour calculer sa rente, sans remettre en cause les années de cotisations prises en compte ou la bonification retenue.

7.2 Selon l’art. 36 al. 2 LAI, les dispositions de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10) sont applicables par analogie au calcul des rentes ordinaires. Le Conseil fédéral peut édicter des dispositions complémentaires. Selon l’art. 37 al. 1 LAI, le montant des rentes d’invalidité correspond au montant des rentes de vieillesse de l’assurance-vieillesse et survivants. L’art. 32 al. 1 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201), prévoit en outre que les art. 50 à 53bis du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101) sont applicables par analogie aux rentes ordinaires de l’assurance-invalidité.

7.3 Selon l’art. 29bis LAVS, le calcul d’une rente ordinaire est déterminé, d’une part, par le nombre d’années de cotisations de l’assuré (1) et, d’autre part, par son revenu annuel moyen (2), sur la base d’une période courant entre le 1er janvier qui suit la date où l’ayant droit a eu 20 ans révolus et le 31 décembre de l’année qui précède celle de la réalisation du risque assuré (voir également : Ueli KIESER, Alters- und Hinterlassenenversicherung, in : Soziale Sicherheit/Sécurité sociale Meyer éd., 3ème éd. 2016, n. 556, p. 1351).

Selon l’art. 29ter LAVS, l’assuré bénéficie d’une durée de cotisations complète lorsqu’il présente le même nombre d’années de cotisations que les assurés de sa classe d’âge.

Selon l’art. 30ter al. 1 LAVS et l’art. 137 RAVS, il est établi pour chaque assuré tenu de payer des cotisations des comptes individuels (un par caisse de compensation) où sont portées les indications nécessaires au calcul des rentes ordinaires.

Selon l’art. 50 RAVS, une année de cotisations est considérée comme entière lorsqu’une personne a cotisé pendant plus de onze mois au total. Si l’assuré ne bénéficie pas d’une durée de cotisations complète, il faut comparer son nombre d’années de cotisations entières avec la durée de cotisations complète correspondant à sa classe d’âge au moyen du tableau qui se trouve à l’art. 52 RAVS afin de déterminer quelle table de rentes est applicable (de 1 à 43 ; la table 44 étant applicable en cas de durée de cotisations complète).

7.4 Une fois établie la table des rentes applicable à un assuré, il est nécessaire de connaître son revenu annuel moyen pour déterminer, sur la base de ladite table, le montant de sa rente d’invalidité ou de vieillesse. L’Office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS) arrête le contenu des tables de rentes (sur la base de la formule des rentes prévues à l’art. 34 LAVS) et leur usage est obligatoire selon l’art. 53 RAVS.

Selon l’art. 30 al. 2 LAVS, le revenu annuel moyen correspond à la somme des revenus (le cas échéant revalorisés selon l’art. 30 al. 1 LAVS et l’art. 51bis RAVS) provenant d’une activité lucrative et des bonifications pour tâches éducatives ou pour tâches d’assistance, divisés par le nombre d’années de cotisations.

Selon la jurisprudence relative à l'art. 36 al. 2 LAI, en relation avec les art. 50 RAVS et 29ter al. 2 let. a LAVS, les cotisations de celui qui se prévaut d’un droit à une rente doivent avoir effectivement été payées au moment de la survenance de l’invalidité pour pouvoir être prises en compte (arrêts du Tribunal fédéral 9C_145/2019 du 29 mai 2019 consid. 4.1 ; 8C_721/2013 du 4 mars 2014 consid. 4.1). A priori, il faut comprendre par-là que les cotisations doivent remplir les conditions d’une inscription au compte individuel de l’assuré au sens des art. 30ter al. 2 LAVS et 138 RAVS (en ce sens : Ueli KIESER, Alters- und Hinterlassenenversicherung, in : Soziale Sicherheit/Sécurité sociale Meyer éd., 3ème éd. 2016, n. 562, p. 1352).

7.5 L’art. 141 al. 3 RAVS prévoit ainsi que la rectification des inscriptions ne peut être exigée lors de la réalisation du risque assuré, que si l’inexactitude des inscriptions est manifeste ou si elle a été pleinement prouvée. Cela ne peut être compris qu’en ce sens qu’une inscription figurant sur un extrait de compte bénéficie d’une force probante particulière (du même avis : Ueli KIESER, Alters- und Hinterlassenenversicherung, in : Soziale Sicherheit/Sécurité sociale Meyer éd., 3ème éd. 2016, n. 567, p. 1354). La procédure de rectification prévue par la loi serait du reste privée de la majeure partie de sa pertinence si une autorité sociale ou un tribunal social pouvait s’écarter librement des informations figurant sur un extrait de compte AVS au moment de statuer sur une rente d’invalidité ou de vieillesse.

Il revient donc à celui qui se prévaut de l’inexactitude des informations mentionnées sur un extrait de compte AVS de démontrer celle-ci, faute de quoi il convient de considérer que les informations mentionnées sur un tel extrait de compte sont exactes (dans le même sens : ATAS/1215/2019 du 30 décembre 2019 consid. 6c).

Cela vaut tant pour l’extrait de compte propre à une seule caisse de compensation selon l’art. 141 al. 1 RAVS, que pour l’extrait de compte « complet » selon l’art. 141 al. 1bis RAVS.

7.6 Le cas d’assurance du recourant est survenu en juin 2021. Le nombre d’années effectivement cotisées en Suisse par le recourant entre 2001, année de ses 20 ans, et 2021, ressort de son compte individuel et s’établit à 4 ans et 11 mois. Ce point n’est à juste titre pas contesté par le recourant. Seul le montant des revenus retenus l’est.

À cet égard, l’instruction a permis d’établir que les revenus ressortant du compte individuel du recourant avaient été reconstitués à partir des cotisations sociales effectivement payées par le recourant. Ce procédé permet de connaître les cotisations effectivement payées et le revenu qui y correspond. Le recourant ne s’étant acquitté que très partiellement de cotisations sociales, seules les cotisations effectivement payées doivent être prises en compte dans le calcul de la rente.

Comme rappelé ci-dessus, les cotisations de celui qui se prévaut d’un droit à une rente doivent avoir effectivement été payées au moment de la survenance de l’invalidité pour pouvoir être prises en compte. C’est dès lors à raison que l’intimé s’est fié aux comptes individuels du recourant et non à ses allégations quant aux factures qu’il aurait encaissées ces dernières années.

Il doit ainsi être tenu compte des revenus relatifs aux cotisations effectivement payées, soit les revenus suivants: 16'000.- (2006, 10 mois) + 15'661.- (2007, 12 mois) + 4'226.- (2008, 12 mois) + 5'107.- (2009, 12 mois) + 2'110.- (2010, 12 mois) + 778.- (2018, un mois) = 43'882.- tel que cela ressort de l’extrait du compte individuel.

La caisse s’étant fondée sur ces chiffres pour établir le droit à la rente du recourant et de sa fille (CHF 220.- et CHF 88.-), les autres éléments du calcul n’étant pas contestés et étant conformes aux comptes individuels quant au nombre de mois cotisé (59), la décision fixant le montant des rentes ne saurait être valablement remise en cause par le recourant. Elle doit être confirmée.

Comme indiqué ci-dessus en lien avec le revenu statistique retenu par l’intimé, le recourant ne saurait se prévaloir aujourd’hui de revenus sur lesquels il n’a pas acquitté de cotisations sociales sans même avoir sollicité et obtenu des corrections de ses comptes des administrations concernées (administration fiscale et caisse de compensation) ni acquitté d’éventuelles dettes sociales.

8.             Pour ces motifs, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge du recourant.


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge du recourant.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon l’art. 85 LTF, s’agissant de contestations pécuniaires, le recours est irrecevable si la valeur litigieuse est inférieure à 30’000 francs (al. 1 let. a). Même lorsque la valeur litigieuse n’atteint pas le montant déterminant, le recours est recevable si la contestation soulève une question juridique de principe (al. 2). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le