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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2115/2023

ATAS/703/2024 du 17.09.2024 ( LCA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2115/2023 ATAS/703/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 septembre 2024

Chambre 15

En la cause

A______
représenté par Me Rachel DUC, avocate

 

 

demandeur

 

contre

SWICA ASSURANCE-MALADIE SA

 

défenderesse

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né le ______ 1961, a été engagé par B______ le 4 février 2010.

b. À ce titre, il était au bénéfice d'une assurance collective d'indemnités journalières en cas de maladie auprès de SWICA ASSURANCE-MALADIE SA (ci-après : SWICA).

Selon la police d'assurance, les indemnités journalières sont versées en cas de maladie, à hauteur de 80% du salaire, pendant 730 jours par cas, à l'expiration d'un délai d'attente de 30 jours.

D'après celle-ci, les conditions générales d'assurance régissant l'assurance collective indemnités journalière (édition 2005 ; ci-après : CGA) font partie intégrante du contrat.

B. a. Dans un certificat du 17 septembre 2021, la docteure C______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a attesté un arrêt de travail total du 15 septembre au 15 octobre 2021 pour cause de maladie.

b. Dans un décompte du 16 novembre 2021 à l'employeur, SWICA a fait état d'un versement en faveur de l'assuré de CHF 2'745.50 au titre des indemnités journalières pour une incapacité de travail totale du 1er au 31 octobre 2021, montant correspondant à 17 jours à CHF 161.50, quatorze jours ayant été imputés.

c. Dans un rapport du 20 décembre 2021, la Dre C______ a posé, en relation avec l'incapacité de travail, les diagnostics de trouble anxieux et anxiété généralisée (F41.1) et d'épisode dépressif de degré moyen (F32.1). Elle a indiqué qu'une approche non médicamenteuse était désirée par le patient pour le moment. Il avait un suivi psychothérapeutique auprès de Madame D______ et un suivi psychiatrique auprès de la docteure E______.

d. Le 5 janvier 2022, SWICA a invité l'assuré à s'annoncer auprès de l'assurance-invalidité.

e. À la demande de SWICA, le docteur F______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a examiné l'assuré.

Dans un rapport du 1er février 2022, l'expert a retenu le diagnostic de trouble anxieux, sans précision. Il a objectivé une anxiété, sans trouble de la concentration ni de l'humeur en faveur d'un état dépressif.

Il a estimé que la capacité de travail était complète dans l'activité habituelle d'éducateur qui était adaptée à l'état de santé. Compte tenu de la situation conflictuelle avec l'employeur actuel, une reprise de travail chez ce dernier ne paraissait pas souhaitable.

f. Par courrier du 16 mars 2022, l'employeur a résilié le contrat de travail avec effet au 30 juin 2022.

g. Par courrier du 24 mai 2022, SWICA, en considérant que la capacité de travail de l'assuré était complète dans l'activité habituelle auprès d'un autre employeur, a informé celui-ci qu'elle lui verserait les prestations d'indemnités journalières maladie jusqu'au 31 août 2022 pour tenir compte d'un délai d'adaptation de trois mois. Elle lui conseillait de s'annoncer à l'assurance-chômage pour toucher des prestations.

h. Par pli du 12 août 2022, l'assuré, sous la plume du syndicat Unia, a contesté les conclusions médicales de SWICA, rapport du 1er juillet 2022 du docteur G______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, à l'appui. Subsidiairement, il a sollicité que le délai d'adaptation soit porté à cinq mois au vu de son âge.

i. Par décompte du 21 août 2022 à l'employeur, SWICA a fait état d'un versement en faveur de l'assuré de CHF 5'043.70 au titre des indemnités journalières pour l'incapacité de travail totale du 1er au 31 août 2022, montant correspondant à 31 jours à CHF 162.70.

j. Dans une appréciation du 16 septembre 2022, le docteur H______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, médecin-conseil de SWICA, s'est prononcé sur le rapport du Dr G______ précité.

k. Par lettre du 28 septembre 2022, SWICA a maintenu sa position.

l. Le 1er mars 2023, l'assuré s'est inscrit à l'assurance-chômage en vue d'un travail à temps plein.

C. a. Par acte du 23 juin 2023, l'assuré a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice d'une demande en paiement à l'encontre de SWICA, en concluant, sous suite de dépens, préalablement, à la mise en œuvre de toute mesure d'instruction utile (notamment son audition, celle du Dr G______ ou expertise judiciaire), principalement, à la constatation qu'il disposait d'une capacité de travail nulle dans toute activité du 15 septembre 2021 au 28 février 2023 et d'une capacité de travail partielle depuis le 1er mars 2023, ainsi qu'à la condamnation de la défenderesse à lui allouer les prestations d'assurance à hauteur de CHF 29'231.50 pour la période du 1er septembre 2022 au 28 février 2023 et de CHF 14'599.60 pour la période dès le 1er mars 2023, sous réserve d'amplification en cas de prolongation de l'incapacité.

Il a allégué avoir retrouvé une capacité de travail partielle à compter du 1er mars 2023.

Il a soutenu que le rapport du Dr G______ exposait sa situation médicale de manière précise, circonstanciée et objective, à l'inverse de celui du Dr F______.

b. Dans sa réponse du 15 août 2023, la défenderesse a conclu, sous suite de frais et dépens, au rejet de la demande.

Elle a exposé que le droit du demandeur à des indemnités journalières fondé sur le contrat collectif conclu par l'ancien employeur s'était éteint de plein droit le 30 juin 2022, à l'extinction du contrat de travail, conformément à l'art. 25 des CGA. Alors qu'il était déjà représenté par le syndicat Unia, le demandeur n'avait pas demandé son droit de passage dans l'assurance individuelle dans les 90 jours suivant la fin des rapports de travail selon l'art. 43 des CGA. Il ne pouvait donc pas non plus prétendre aux indemnités journalières sur cette base. La défenderesse en a tiré la conclusion qu'à partir du 1er juillet 2022, le demandeur ne possédait plus de couverture d'assurance d'indemnités journalières.

Subsidiairement, la défenderesse a considéré que le rapport du Dr F______, sur lequel elle s'était appuyée pour mettre un terme aux prestations, revêtait pleine valeur probante et que le rapport du Dr G______ ne suffisait pas à le remettre en cause.

Enfin, elle a fait valoir qu'elle était en droit de suspendre le versement des indemnités journalières dès le 1er septembre 2022, en vertu de l'art. 59 CGA, dans la mesure où le demandeur, qui s'estimait incapable de travailler à 100% du 15 septembre 2021 au 28 février 2023 et à temps partiel dès le 1er mars 2023, ne s'était pas annoncé à l'assurance-invalidité en vue de sa réinsertion, et avait tardé à s'annoncer à l'assurance-chômage.

c. Dans sa réplique du 29 septembre 2023, le demandeur a allégué que son état psychologique ne lui permettait pas de gérer son courrier au moment de l'invitation faite par la défenderesse à s'annoncer à l'assurance-invalidité.

Il a contesté le rapport du Dr F______ faute d'anamnèse complète, en soulignant que l'entretien avait durée moins de deux heures. Il a relevé que l'expert s'était exprimé en ces termes à son sujet : « Il est difficile d'obtenir de sa part des réponses précises aux questions posées notamment en ce qui concerne sa situation sur le plan psychique que ce soit dans l'histoire actuelle ou au cours de l'anamnèse systématique. Il faut à plusieurs reprises le recentrer mais sans grand succès ».

Le demandeur a ajouté que les rapports de travail avaient pris fin au 31 décembre 2022 et non au 30 juin 2022, en joignant à cet effet le procès-verbal de transaction signé le 8 mars 2023 par-devant l'autorité de conciliation du Tribunal des prud'hommes.

Il a indiqué que la lettre du 16 mars 2022 et celle du 24 mai 2022 ne contenaient pas la moindre information sur le droit de passage dans l'assurance individuelle, tout en rappelant qu'il n'était pas en mesure de donner suite à la possibilité de conclure une telle assurance en raison de son état psychologique. À cet égard, il a proposé l'audition des Drs G______ et E______.

d. Dans sa duplique du 31 octobre 2023, la défenderesse a persisté dans ses conclusions.

Elle a produit en particulier les deux lettres du 22 juin 2022 adressées sous pli recommandé par le conseil de l'employeur au syndicat Unia et au demandeur concernant les modalités liées à la fin des rapports de travail, les informant notamment du droit de passage dans l'assurance individuelle, à faire valoir par écrit dans les 90 jours auprès de SWICA.

La défenderesse a répété que le rapport de l'expert était probant, en rappelant que la durée d'un examen n'était pas en soi un critère de la valeur probante d'un rapport médical.

Elle a admis que la lettre de résiliation du 16 mars 2022 ne contenait pas d'information concernant le droit de passage dans l'assurance individuelle, mais a relevé que le courrier du 22 juin 2022 précité expliquait de manière détaillée les modalités de ce droit. Dans la mesure où le demandeur était représenté dès décembre 2021 par le syndicat Unia et dès le 21 décembre 2022 par son avocat, ces derniers pouvaient invoquer ce droit de passage, le premier dès réception dudit courrier du 22 juin 2022, et le second dès réception des CGA qui lui avaient été communiquées, à sa demande, le 1er février 2023 selon le courriel d'accompagnement qu'elle a versé au dossier. D'autant plus que le délai de 90 jours n'était pas encore échu au moment de la transaction conclue avec l'ancien employeur le 8 mars 2023. La défenderesse en a inféré qu'il n'existait plus de couverture d'assurance d'indemnités journalières à partir du 1er janvier 2023.

Subsidiairement, si des indemnités journalières étaient dues du 1er septembre au 31 décembre 2022, elles devraient être versées à l'ancien employeur, soit le preneur d'assurance conformément à la police d'assurance, d'autant que selon le procès-verbal de transaction du 8 mars 2023, le demandeur reconnaissait n'avoir pas de prétention salariale à l'encontre de son ancien employeur entre le 1er septembre et le 31 décembre 2022 en raison de son incapacité totale de travailler.

e. Copie de cette écriture a été transmise au demandeur pour information.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la LAMal, relevant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance, du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1).

Le contrat d'assurance d'indemnités journalières en cas de maladie couvrant le risque de perte de gain, soumis à la LCA, relève de l'assurance complémentaire à l'assurance-maladie sociale (arrêts du Tribunal fédéral 4A_47/2012 du 12 mars 2012 consid. 2 ; 4A_118/2011 du 11 octobre 2011 consid. 1.3 et les références citées).

Selon l'art.1 let. b des CGA, le contrat est régi notamment par la LCA.

La compétence de la chambre de céans à raison de la matière pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Sauf disposition contraire du CPC, pour les actions dirigées contre les personnes morales, le for est celui de leur siège (art. 10 al. 1 let. b CPC), étant précisé que l’art. 17 al. 1 CPC consacre la possibilité d’une élection de for écrite.

En l'occurrence, selon l'art. 90 des CGA, le preneur d'assurance et l'assuré peuvent élire à leur choix le for ordinaire ou celui de leur domicile suisse ou dans la principauté du Liechtenstein.

Le demandeur, en sa qualité d'assuré, ayant son domicile dans le canton de Genève, la chambre de céans est compétente à raison du lieu pour connaître de la présente demande.

1.3 Les litiges relatifs aux assurances complémentaires à l'assurance-maladie ne sont pas soumis à la procédure de conciliation préalable de l'art. 197 CPC lorsque les cantons ont prévu une instance cantonale unique selon l'art. 7 CPC (ATF 138 III 558 consid. 4.5 et 4.6 ; ATAS/577/2011 du 31 mai 2011), étant précisé que le législateur genevois a fait usage de cette possibilité (art. 134 al. 1 let. c LOJ).

1.4 Pour le reste, la demande respecte les conditions formelles prescrites par les art. 130 et 244 CPC, ainsi que les autres conditions de recevabilité prévues par l’art. 59 CPC, de sorte qu’elle est recevable.

2.              

2.1 Sur le plan matériel, la LCA a fait l’objet d’une révision entrée en vigueur le 1er janvier 2022 (modification du 19 juin 2020 ; RO 2020 4969 ; RO 2021 357).

2.2 En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle qui était en vigueur lors de réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

Selon la disposition transitoire relative à cette modification, seules les prescriptions en matière de forme (let. a) et le droit de résiliation au sens des art. 35a et 35b (let. b) s’appliquent aux contrats qui ont été conclus avant l’entrée en vigueur de cette modification. S’agissant des autres dispositions de la LCA, elles s’appliquent uniquement aux nouveaux contrats (Message concernant la révision de la loi fédérale sur le contrat d’assurance, FF 2017 4812).

2.3 En l'occurrence, le contrat d'assurance a été conclu avant le 1er janvier 2022 et l’objet du litige ne porte ni sur des prescriptions en matière de forme, ni sur le droit de résiliation au sens des art. 35a et 35b LCA, de sorte que les dispositions de la LCA applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

3.             Le litige porte sur le droit éventuel du demandeur à des indemnités journalières au-delà du 31 août 2022, date à compter de laquelle la défenderesse a mis fin auxdites prestations.

4.              

4.1 La procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la LAMal (art. 243 al. 2 let. f CPC) et la chambre de céans établit les faits d'office (art. 247 al. 2 let. a CPC).

La jurisprudence applicable avant l'introduction du CPC, prévoyant l'application de la maxime inquisitoire sociale aux litiges relevant de l'assurance-maladie complémentaire, reste pleinement valable (ATF 127 III 421 consid. 2). Selon cette maxime, le juge doit établir d'office les faits, mais les parties sont tenues de lui présenter toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du litige. Ce principe n'est pas une maxime officielle absolue, mais une maxime inquisitoire sociale. Le juge ne doit pas instruire d'office le litige lorsqu'une partie renonce à expliquer sa position. En revanche, il doit interroger les parties et les informer de leur devoir de collaboration et de production des pièces ; il est tenu de s'assurer que les allégations et offres de preuves sont complètes uniquement lorsqu'il a des motifs objectifs d'éprouver des doutes sur ce point. L'initiative du juge ne va pas au-delà de l'invitation faite aux parties de mentionner leurs moyens de preuve et de les présenter. La maxime inquisitoire sociale ne permet pas d'étendre à bien plaire l'administration des preuves et de recueillir toutes les preuves possibles (ATF 125 III 231 consid. 4a).

4.2 La maxime inquisitoire sociale ne modifie pas la répartition du fardeau de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4C.185/2003 du 14 octobre 2003 consid. 2.1). Pour toutes les prétentions fondées sur le droit civil fédéral, l'art. 8 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), en l'absence de règles contraires, répartit le fardeau de la preuve et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 133 III 323 consid. 4.1 non publié ; 130 III 321 consid. 3.1 ; 129 III 18 consid. 2.6 ; 127 III 519 consid. 2a). Cette disposition ne prescrit cependant pas quelles sont les mesures probatoires qui doivent être ordonnées (cf. ATF 122 III 219 consid. 3c; 119 III 60 consid. 2c). Elle n'empêche pas le juge de refuser une mesure probatoire par une appréciation anticipée des preuves (ATF 121 V 150 consid. 5a). L'art. 8 CC ne dicte pas comment le juge peut forger sa conviction (ATF 122 III 219 consid. 3c ; 119 III 60 consid. 2c ; 118 II 142 consid. 3a). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, il ne s'applique que si le juge, à l'issue de l'appréciation des preuves, ne parvient pas à se forger une conviction dans un sens positif ou négatif (ATF 132 III 626 consid. 3.4 et 128 III 271 consid. 2b/aa). Ainsi, lorsque l'appréciation des preuves le convainc de la réalité ou de l'inexistence d'un fait, la question de la répartition du fardeau de la preuve ne se pose plus (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa).

4.3 En vertu de l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. En conséquence, la partie qui fait valoir un droit doit prouver les faits fondant ce dernier, tandis que le fardeau de la preuve relatif aux faits supprimant le droit, respectivement l’empêchant, incombe à la partie, qui affirme la perte du droit ou qui conteste son existence ou son étendue. Cette règle de base peut être remplacée par des dispositions légales de fardeau de la preuve divergentes et doit être concrétisée dans des cas particuliers (ATF 128 III 271 consid. 2a/aa avec références). Ces principes sont également applicables dans le domaine du contrat d'assurance (ATF 130 III 321 consid. 3.1).

En principe, un fait est tenu pour établi lorsque le juge a pu se convaincre de la vérité d'une allégation. La loi, la doctrine et la jurisprudence ont apporté des exceptions à cette règle d'appréciation des preuves. L'allégement de la preuve est alors justifié par un « état de nécessité en matière de preuve » (Beweisnot), qui se rencontre lorsque, par la nature même de l'affaire, une preuve stricte n'est pas possible ou ne peut être raisonnablement exigée, en particulier si les faits allégués par la partie qui supporte le fardeau de la preuve ne peuvent être établis qu'indirectement et par des indices (ATF 132 III 715 consid. 3.1 ; 130 III 321 consid. 3.2). Tel peut être le cas de la survenance d'un sinistre en matière d'assurance-vol (ATF 130 III 321 consid. 3.2) ou de l'existence d'un lien de causalité naturelle, respectivement hypothétique (ATF 132 III 715 consid. 3.2). Le degré de preuve requis se limite alors à la vraisemblance prépondérante (die überwiegende Wahrscheinlichkeit), qui est soumise à des exigences plus élevées que la simple vraisemblance (die Glaubhaftmachung). La vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ou hypothèses envisageables ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 133 III 81 consid. 4.2.2 ; 132 III 715 consid. 3.1 ; 130 III 321 consid. 3.3).

En vertu de l'art. 8 CC, la partie qui n'a pas la charge de la preuve a le droit d'apporter une contre-preuve. Elle cherchera ainsi à démontrer des circonstances propres à faire naître chez le juge des doutes sérieux sur l'exactitude des allégations formant l'objet de la preuve principale. Pour que la contre-preuve aboutisse, il suffit que la preuve principale soit ébranlée, de sorte que les allégations principales n'apparaissent plus comme les plus vraisemblables (ATF 130 III 321 consid. 3.4). Le juge doit procéder à une appréciation d'ensemble des éléments qui lui sont apportés et dire s'il retient qu'une vraisemblance prépondérante a été établie (ATF 130 III 321 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_61/2011 du 26 avril 2011 consid. 2.1.1).

En ce qui concerne la survenance d’un sinistre assuré, le degré de preuve nécessaire est en principe abaissé à la vraisemblance prépondérante (en lieu et place de la règle générale de la preuve stricte ; ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3). Le défendeur conserve toutefois la possibilité d’apporter des contre-preuves ; il cherchera ainsi à démontrer des circonstances propres à faire naître chez le juge des doutes sérieux sur l’exactitude des allégations formant l’objet de la preuve principale (ATF 130 III 321 consid. 3.4).

Cependant, dans un arrêt du 31 août 2021, le Tribunal fédéral a modifié la jurisprudence précitée, en ce sens que l’existence d’un cas d’assurance constitué par une incapacité de travail est désormais soumise au degré de preuve de la preuve stricte (ATF 148 III 105 consid. 3.3.1 in fine). Par conséquent, la preuve est apportée lorsque le tribunal, en se fondant sur des éléments objectifs, est convaincu de l'exactitude d'une allégation de fait. Il suffit qu'il n'y ait plus de doutes sérieux quant à l'existence du fait allégué ou que les doutes qui subsistent éventuellement paraissent légers (ATF 148 III 105 consid. 3.3.1).

5.              

5.1 Aux termes de l’art. 168 al. 1 CPC, les moyens de preuve sont le témoignage (let. a) ; les titres (let. b) ; l’inspection (let. c) ; l’expertise (let. d) ; les renseignements écrits (let. e) ; l’interrogatoire et la déposition de partie (let. f).

5.2 Le principe de la libre appréciation des preuves s'applique lorsqu'il s'agit de se prononcer sur des prestations en matière d'assurance sociale. Rien ne justifie de ne pas s'y référer également lorsqu’une prétention découlant d'une assurance complémentaire à l'assurance sociale est en jeu (arrêt du Tribunal fédéral 4A_5/2011 du 24 mars 2011 consid. 4.2).

Le principe de la libre appréciation des preuves signifie que le juge apprécie librement les preuves, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Dès lors, le juge doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de statuer sur le droit litigieux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_253/2007 du 13 novembre 2007 consid. 4.2).

En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

L’expertise en tant que moyen de preuve admis au sens de l’art. 168 al. 1 let. d CPC ne vise que l’expertise judiciaire au sens de l’art. 183 al. 1 CPC. Une expertise privée n’est en revanche pas un moyen de preuve mais une simple allégation de partie (ATF 141 III 433 consid. 2.5.2 et 2.5.3). Lorsqu’une allégation de partie est contestée de manière circonstanciée par la partie adverse, une expertise privée ne suffit pas à prouver une telle allégation. En tant qu’allégation de partie, une expertise privée peut, combinée à des indices dont l’existence est démontrée par des moyens de preuve, amener une preuve. Toutefois, si elle n’est pas corroborée par des indices, elle ne peut être considérée comme prouvée en tant qu’allégation contestée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_626/2015 du 24 mai 2016 consid. 2.5).

En ce qui concerne les rapports des médecins de l’assuré, le juge doit avoir égard au fait que la relation de confiance unissant un patient à son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci ; cela ne justifie cependant pas en soi d’évincer tous les avis émanant des médecins traitants. Il faut effectuer une appréciation globale de la valeur probante du rapport du médecin traitant au regard des autres pièces médicales (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_12/2012 du 20 juillet 2021 consid. 7.1).

6.              

6.1 Depuis l'entrée en vigueur de la LAMal, le 1er janvier 1996, les assurances complémentaires à l'assurance-maladie sociale au sens de cette loi sont soumises au droit privé, plus particulièrement à la LCA ; ATF 124 III 44 consid. 1a/aa). Comme l'art. 100 al. 1 LCA renvoie à la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) pour tout ce qu'elle ne règle pas elle-même, la jurisprudence en matière de contrats est applicable. D'après celle-ci, les conditions générales font partie intégrante du contrat. Les dispositions contractuelles préformulées sont en principe interprétées selon les mêmes règles que les clauses contractuelles rédigées individuellement (ATF 133 III 675 consid. 3.3 ; 122 III 118 consid. 2a ; 117 II 609 consid. 6c).

6.2 La LCA ne comporte pas de dispositions particulières à l'assurance d'indemnités journalières en cas de maladie ou d'accident, de sorte qu'en principe, le droit aux prestations se détermine exclusivement d'après la convention des parties (ATF 133 III 185 consid. 2). Le droit aux prestations d'assurances se détermine donc sur la base des dispositions contractuelles liant l'assuré et l'assureur, en particulier des conditions générales ou spéciales d'assurance (arrêt du Tribunal fédéral 5C.263/2000 du 6 mars 2001 consid. 4a).

7.              

7.1 Selon l'art. 2 des CGA, SWICA garantit une couverture d'assurance destinée à protéger l'assuré des conséquences économiques de la maladie (…) dans le cadre des prestations convenues.

Selon l'art. 3 des CGA, est considérée comme une maladie toute atteinte à la santé physique ou psychique non consécutive à un accident exigeant un examen ou un traitement médical ou entraînant une incapacité de travailler.

Selon l'art. 12 des CGA, en cas d'incapacité de travail complète de l'assuré médicalement attestée, SWICA verse l'indemnité journalière convenue dans le contrat.

Selon l'art. 13 des CGA, en cas d'incapacité de travail partielle d'au moins 25%, l'indemnité journalière est versée proportionnellement au degré de cette incapacité de travail.

Selon l'art. 16 des CGA, l'incapacité de travail est définie comme étant l'inaptitude partielle ou totale de l'assuré à fournir le travail que l'on peut raisonnablement attendre de lui dans sa profession actuelle ou son domaine de tâches, en raison d'une atteinte à sa santé physique ou psychique. Au bout de trois mois d'incapacité de travailler, l'exercice d'une activité dans une autre profession ou un autre domaine de tâches est envisagé pour l'assuré, dans les limites de ce que l'on peut raisonnablement attendre de lui.

Selon l'art. 21 des CGA, l'indemnité journalière est allouée au maximum pendant la durée fixée dans le contrat. Le délai d'attente convenu est déduit de la durée de paiement des prestations. Sauf arrangements contractuels contraires, le droit aux indemnités s'éteint avec l'écoulement de la durée maximum de versement des prestations dans un cas de maladie, qu'il s'agisse des cas de maladie déjà survenus ou de ceux qui surviendraient au futur.

Selon l'art. 25 des CGA, après extinction de la couverture d'assurance, l'obligation qui incombe à SWICA de verser des prestations s'éteint.

Selon l'art. 42 des CGA, la couverture d'assurance prend fin pour chaque assuré notamment lors de son départ de l'entreprise assurée.

Selon l'art. 43 des CGA, en cas de sortie du groupe des assurés ou d'extinction du contrat, l'assuré domicilié en Suisse (…) a le droit de passer dans l'assurance individuelle. Il doit pour cela faire valoir son droit de passage par écrit dans les 90 jours (…).

Selon l'art. 44 des CGA, le preneur d'assurance est tenu de fournir suffisamment à l'avance à la personne qui sort du cercle des assurés des informations sur le droit de passage dans l'assurance individuelle et le délai à observer.

7.2 En l'occurrence, la défenderesse, en se référant au rapport d'expertise psychiatrique du 1er février 2022, établi à sa demande, qui considérait que le demandeur, au jour de l'expertise le 25 janvier 2022, disposait d'une capacité de travail entière dans son activité habituelle d'éducateur, a cessé de prester au-delà du 31 août 2022.

Par contre, le demandeur, en s'appuyant sur le rapport de son psychiatre traitant du 1er juillet 2022, requiert le versement d'indemnités journalières correspondant à une incapacité de travail de 100% pour la période s'étendant du 1er septembre 2022 au 28 février 2023 et de 50% pour la période dès le 1er mars 2023.

7.3 Au préalable, il convient de déterminer la période sur laquelle les indemnités journalières peuvent porter.

Le régime ordinaire de l'assurance pour perte de gain en cas de maladie régie par la LCA est le versement des prestations jusqu'à épuisement de celles-ci lorsque le sinistre est intervenu durant la période de couverture ; il est toutefois possible de déroger à ce régime ordinaire par l'adoption d'un système particulier prévoyant la cessation du paiement des indemnités d'assurance à la fin des rapports de travail (ATF 127 III 106 consid. 3b). Dans cette dernière hypothèse, le travailleur a la possibilité de maintenir son droit aux prestations d'assurance après la fin des relations contractuelles, en formulant une demande de transfert ; pour ce faire, il doit agir dans un certain délai, défini dans les conditions générales d'assurance (arrêt du Tribunal fédéral 4A_186/2010 du 3 juin 2010 consid. 3).

En l'occurrence, les art. 25 et 42 des CGA précités prévoient la suppression du droit aux prestations lorsque l'assuré, après un événement ouvrant le droit aux prestations, sort de l'assurance collective parce qu'il a cessé d'appartenir au cercle des assurés notamment après la fin des rapports de travail.

Par courriers du 22 juin 2022, le demandeur a été informé du fait que la couverture d'assurance prenait fin lors de son départ de l'entreprise et qu'il pouvait agir dans un délai de 90 jours pour s'affilier à titre individuel. Or, le demandeur, qui a été correctement informé de ses droits, n'a pas sollicité son passage dans l'assurance individuelle.

Dans la mesure où le contrat de travail du demandeur a pris fin le 31 décembre 2022, celui-ci ne faisait plus partie du cercle des bénéficiaires de l'assurance collective au-delà de cette date. Par conséquent, le demandeur peut réclamer, le cas échéant, des indemnités journalières uniquement pour la période du 1er septembre au 31 décembre 2022.

7.4 Sur le plan purement médical, l'expertise psychiatrique se fonde sur l'anamnèse et les plaintes du demandeur (p. 3-6), le rapport du médecin traitant du 20 décembre 2021 (l'unique rapport médical au dossier ; p. 7), ainsi que l'examen clinique (p. 6-7). L'expert, sur la base de ses observations, a retenu le diagnostic de troubles anxieux non incapacitant.

Certes, l'expert a indiqué qu'il était « difficile d'obtenir de [la] part [du demandeur] des réponses précises aux questions posées notamment en ce qui concerne sa situation sur le plan psychique que ce soit dans l'histoire actuelle ou au cours de l'anamnèse systématique. Il fa[llait] à plusieurs reprises le recentrer mais sans grand succès » (p. 3 et 6). Ceci dit, en dépit du caractère irritable et agacé du demandeur qui ne comprenait pas les raisons de sa convocation à cette expertise (p. 6), celui-ci a néanmoins collaboré ; l'expert a ainsi pu obtenir des renseignements sur les antécédents médicaux du demandeur (p. 6), sur ses plaintes au moment de l'évaluation, et il a pu poser le diagnostic sur la base des signes cliniques. Ainsi, l'expert s'est déterminé sur le cas du demandeur en toute connaissance de cause.

En particulier, le demandeur faisait état d'un sentiment de colère, d'une baisse de son moral et de troubles du sommeil consécutivement à un conflit sur son lieu de travail (p. 3). Il se plaignait d'une fluctuation de son humeur et d'une baisse de son énergie et de l'estime de soi. Il se sentait humilié (p. 4 et 8).

Toutefois, l'expert n'a pas observé de troubles du cours de la pensée, qui était fluide et dont le contenu était qualitativement normal (p. 6). Sur le plan émotionnel, le demandeur présentait une irritabilité, une tension, une discrète agitation anxieuse et une discrète dysphorie, sans abaissement notable de l'humeur en faveur d'un état dépressif, ni asthénie physique ou psychique. Le demandeur, qui se montrait assez tonique (p. 8) et dont l'appétit était conservé (p. 4), verbalisait essentiellement un sentiment d'injustice et de déception de ne pas avoir pu être entendu en ce qui concerne ses doléances dans le cadre de son travail (p. 7). L'expert a exclu un trouble de la personnalité au sens d'une classification diagnostique reconnue. Il n'a pas non plus mis en évidence de troubles des fonctions intellectuelles supérieures. Il n'y avait pas de troubles de la vigilance, de l'attention ou de la concentration. Le demandeur était parfaitement orienté dans le temps et l'espace, sans troubles mnésiques ni troubles du langage. La perception de soi et des autres n'était pas altérée. Il en allait de même de la capacité de jugement et du contrôle des affects (p. 7).

L'expert, qui a étudié le rapport du médecin traitant du 20 décembre 2021, a écarté, au jour de l'expertise, les diagnostics d'état dépressif moyen et d'anxiété généralisée, en l'absence de critères majeurs et mineurs d'un état dépressif au sens du système de classification reconnu CIM-10 et faute d'éléments en faveur d'une anxiété généralisée. Il a également exclu un trouble de l'adaptation au regard du fonctionnement de l'assuré et de la préservation de ses capacités personnelles et sociales (p. 8).

Le demandeur, en effet, qui n'avait jamais été hospitalisé en milieu psychiatrique (p. 7), qui était moins angoissé depuis qu'il n'était plus en contact avec ses collègues (p. 4), fréquentait des spectacles humoristiques, pratiquait une activité sportive (il faisait régulièrement du vélo et la natation), assumait ses tâches administratives, faisait son ménage et ses courses, préparait ses repas, bricolait, regardait la télévision, et rencontrait souvent ses parents et ses amis. Il s'était également dernièrement engagé en tant que bénévole en faveur des personnes atteintes d'autisme (p. 4-6).

Dans son rapport du 1er juillet 2022, le psychiatre traitant, qui s'est déterminé sur l'expertise, a retranscrit les données personnelles, familiales et socioprofessionnelles du demandeur (p. 1-2). Il a ensuite évoqué le conflit professionnel à l'origine de l'atteinte à la santé du demandeur et fait état des symptômes que ce dernier présentait lors du début du suivi au cabinet en octobre 2021 (état de choc émotionnel, fatigabilité invalidante, grande labilité émotionnelle, fort sentiment de colère, tristesse, crises d'angoisse avec crises de pleurs plusieurs fois par jour, insomnie, ruminations négatives, cauchemars récurrents, idées de dévalorisation de soi, présences d'idées noires, isolement social marqué ; p. 2).

Le psychiatre traitant a souligné que l'absence de contact entre le demandeur et sa fille depuis la naissance de celle-ci (qui vivait en Espagne) provoquait chez celui-ci une douleur aiguë (p. 2). Ce fait était connu de l'expert psychiatre (p. 4 et 6) qui avait mentionné que le demandeur avait présenté une symptomatologie dépressive dans le contexte de la séparation avec son épouse en 1998 pour laquelle il avait suivi un traitement pendant deux à trois ans (p. 6). En tout cas, bien que le demandeur ait des idées de culpabilité en lien avec l'absence de contact avec sa fille (rapport d'expertise p. 4), il n'en demeure pas moins que ces événements (séparation d'avec l'épouse, absence de contact avec sa fille) ne l'ont pas empêché d'entamer une reconversion professionnelle comme socio-éducateur puis de travailler pendant treize ans auprès de son dernier employeur (p. 5).

Le psychiatre traitant a persisté à retenir les diagnostics de trouble anxieux généralisé et d'épisode dépressif moyen. Dans une appréciation du 16 septembre 2022, le médecin-conseil de la défenderesse, un spécialiste de la discipline médicale ici pertinente, s'est prononcé sur le rapport du psychiatre traitant du 1er juillet 2022, en expliquant que le premier diagnostic n'était pas seulement caractérisé par un « sentiment de nervosité » mais qu'il était défini avant tout par la présence « d'anxiété et soucis excessifs (attente avec appréhension) survenant la plupart du temps durant au moins six mois concernant un certain nombre d'événements ou d'activités ». À cet égard, le médecin-conseil constatait que le psychiatre traitant évoquait seulement un « sentiment d'un avenir bouché » et une « révolte ressentie en lien avec [l]es problèmes de santé et sur l'avenir ». Or, cela ne correspondait pas à la notion d'une « attente avec appréhension ».

En ce qui concerne le second diagnostic, le psychiatre traitant décrivait une thymie abaissée, une perturbation émotionnelle, des pensées anxieuses, un sentiment de révolte, des crises d'angoisse, des craintes et des peurs, un sentiment de stress et de panique, un sentiment presque permanent de nervosité, et une irritabilité. À ce propos, le médecin-conseil relevait que cette description était difficilement compatible avec la notion de dépression « majeure » de l'humeur ou avec le critère d'une humeur déprimée la plupart des jours et la plupart de la journée selon la définition du DSM-5. Elle correspondait en revanche à « l'humeur fluctuante » rapportée par l'expert psychiatre.

Le médecin-conseil ajoutait que le psychiatre traitant ne citait aucun exemple concret s'agissant du critère cardinal alternatif d'une anhédonie dont il faisait état en employant les termes de « perte de plaisir dans des activités habituellement agréables », alors que l'expert psychiatre avait décrit plusieurs activités précises dans lesquelles le demandeur s'investissait encore avec intérêt voire plaisir.

Au sujet des cognitions, l'expert et le psychiatre traitant s'accordaient pour dire qu'elles étaient caractérisées par une sentiment de « frustration » et d' « injustice », qui n'était toutefois pas congruent avec une dépression majeure de l'humeur.

La perte de confiance « en l'employeur », en « l'être humain et au système » que relatait le psychiatre traitant était, d'après le médecin-conseil, une attribution externe. Le sentiment de « culpabilité » rapporté concernait l'absence de contact avec la fille et rien n'indiquait que ce sentiment fût excessif ou inapproprié. Le psychiatre traitant évoquait encore un « sentiment de honte » concernant l'état psychique. Or, cela était explicitement exclu du critère par le DSM-5. Celui-ci faisait également état d'une « sensation d'échecs » sans préciser si elle était excessive ou inappropriée. Au final, le médecin-conseil constatait l'absence de description d'idées négatives de soi qui soient caractéristiques d'une dépression majeure de l'humeur alors que ce critère était « presque toujours présent » et « même dans les formes légères » selon la CIM-10.

Le médecin-conseil relevait encore que les « idées noires » ne constituaient pas un signe psychiatrique précis, qu'il n'était fait aucune mention d'un changement d'appétit ou de poids, que les insomnies survenaient « parfois » et non pas la plupart des nuits, et qu'il n'y avait pas de ralentissement ou d'agitation sur le plan psychomoteur. En somme, il excluait tout trouble dépressif de quelque intensité que ce se soit, tout en soulignant que le traitement antidépresseur prescrit à sa dose thérapeutique minimale après un an de suivi spécialisé était incohérent avec la prise en charge des diagnostics proposés par le psychiatre traitant.

L'on ajoutera que le psychiatre traitant indiquait que les crises d'angoisse avaient considérablement diminué grâce à la psychothérapie et au traitement prescrit (p. 4), c'est-à-dire qu'il admettait une amélioration de la situation médicale, tout en reconnaissant, de manière contradictoire, une totale incapacité de travail (p. 7). Le psychiatre traitant mettait également en évidence que l'état de santé psychique du demandeur impactait son fonctionnement quotidien et que son réseau social était très restreint et ses ressources internes pauvres (p. 5 et 7). Or, comme exposé supra, au vu des déclarations mêmes du demandeur lors de l'expertise, son contexte familial et social lui procurait des ressources mobilisables et l'atteinte à la santé invoquée ne le limitait pas dans l'exécution de ses travaux habituels puisqu'il était parfaitement autonome dans les fonctions de la vie quotidienne. Si à la suite d'un accident survenu en juillet 2021 ayant entrainé une atteinte au genou droit, le demandeur a été empêché de faire des activités physiques qu'il aimait pratiquer auparavant, il n'empêche qu'à l'époque de l'expertise, il n'avait pas prétendu avoir complètement cessé le sport.

Pour ces motifs, le rapport du psychiatre traitant ne peut se voir reconnaître une valeur probante, à l'inverse de celui de l'expert psychiatre qui a effectué une analyse objective du cas du demandeur en concluant que l'activité habituelle d'éducateur auprès d'un autre employeur était tout à fait envisageable à plein temps.

Le rapport d'expertise emporte donc la conviction d'autant plus que le demandeur, représenté durant la période ici litigieuse du 1er septembre au 31 décembre 2022 d'abord par le syndicat Unia puis par un avocat depuis le 21 décembre 2022 (son dossier pièce 0), ne s'est pas annoncé à l'assurance-invalidité, ce qui entre en contradiction avec l'allégation selon laquelle il était totalement incapable d'exercer la moindre activité lucrative.

Quant au reproche selon lequel l'expertise était de durée brève, en l'occurrence 1h45 environ (p. 6), c'est le lieu de rappeler que la durée de l'examen - qui n'est pas en soi un critère de la valeur probante d'un rapport médical -, ne saurait remettre en question la valeur du travail de l'expert, dont le rôle consiste notamment à se prononcer sur l'état de santé psychique de l'assuré dans un délai relativement bref (arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2018 du 12 décembre 2018 consid. 4.2).

7.5 En définitive, le demandeur n'a pas prouvé avoir présenté une incapacité de travail totale du 1er septembre au 31 décembre 2022.

Au vu de ce qui précède, la chambre de céans disposant de tous les éléments nécessaires pour statuer sur le droit éventuel du demandeur à des indemnités journalières, il est superflu, par appréciation anticipée des preuves (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2), d'organiser une audience de débats et de donner suite aux mesures d'instructions sollicitées par celui-ci (dans ce sens : ATAS/408/2024 du 3 juin 2024 consid. 10 ; ATAS/1016/2023 du 19 décembre 2023 consid. 9.2.2).

8.             La demande en paiement est dès lors rejetée.

9.             Pour le surplus, il n'est pas alloué de dépens à la charge du demandeur (art. 22 al. 3 let. b de la loi d'application du code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 [LaCC - E 1 05]) ni perçu de frais judiciaires (art. 114 let. e CPC).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande en paiement du 23 juin 2023 recevable.

Au fond :

2.        La rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le