Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/673/2024 du 03.09.2024 ( CHOMAG ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/2203/2023 ATAS/673/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 3 septembre 2024 Chambre 15 |
En la cause
A______
| recourante |
contre
OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI
| intimé |
A. a. A______ (ci-après : l’employeuse) a fait parvenir à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) un formulaire de demande d’allocations d’initiation au travail (AIT) daté du 16 décembre 2021, en vue d’engager B______ (ci-après : l’employé), né en 1972, en qualité de « broker/trader » de métaux précieux à plein temps dès le 1er janvier 2022. Le contrat de travail annexé à la demande était de durée indéterminée et le salaire brut de CHF 10'000.- par mois. Le formulaire de demande complété par l’employeuse précisait que cette dernière s’engageait à rembourser les AIT (sollicitées pour une durée de 6 mois) sur ordre de la caisse de chômage compétente (dans ce cas : UNIA), si le contrat de travail devait être résilié pendant la période d’initiation (hors période d’essai) ou dans les trois mois suivants celle-ci, sauf cas de démission par l’employé ou licenciement de ce dernier par l’employeuse pour de justes motifs.
b. Par décision du 21 décembre 2021, le service d’aide au retour à l’emploi de l’OCE a accepté la demande d’AIT. La décision rappelait que le respect du contrat de travail était une condition essentielle dont dépendait le versement des AIT lesquelles seraient demandées en remboursement si le contrat de travail était résilié en dehors du temps d’essai et sans juste motif pendant la période d’initiation ou dans les trois suivants celle-ci.
c. Le 10 mai 2022, l’employé a adressé un courriel à sa conseillère en personnel pour l’informer que son employeuse, soit pour elle C______, lui avait signifié son congé le 5 mai 2022. Ce dernier lui avait indiqué dans une discussion préliminaire, le 29 avril 2022, que la société avait des difficultés économiques, raison pour laquelle le salaire du mois de mars avait été versé en deux fois, une moitié le 19 avril et le solde au début du mois de mai 2022. Compte tenu du contrat conclu dans le cadre de la mesure d’AIT, l’employé se disait navré et surpris d’apprendre son licenciement le 5 mai 2022. Était joint au courriel, une lettre reçue le 5 mai 2022 par l’employé de son employeuse rédigée dans les termes suivants :
« Pour faire suite à notre discussion du 29 avril 2022 et celle d’aujourd’hui 5 mai 2022, A______ met un terme à votre contrat de travail à partir d’aujourd’hui.
Dès lors, nous vous prions d’effectuer le passage de projets ci-dessous (1) que vous avez commencé et liquider, au mieux, les positions D______ et E______ que vous gérez pour notre société, et ceci jusqu’à aujourd’hui à 12.00 hs. De même, nous vous remercions de nous retourner les clés du bureau et prendre les affaires personnelles.
Vous n’êtes plus tenu de vous rendre à nos bureaux à moins que ce soit pour nous transmettre les parties de codes, il vous est demandé un voyage sur Châtel Saint Denis pour installer le nouveau code E______ et faire un échantillon de 10'000 unités de D______ et E______ pour tester la mise en production.
Nos comptables feront un décompte final avec les déductions de charges sociales et toute autre obligation légale.
Il va de soi que vous êtes tenu de garder secrète la teneur de nos projets et toute information concernant notre société selon le code des obligations suisse.
Nous vous remercions pour le travail accompli jusqu’à présent et formons tous nos vœux de succès pour l’avenir, aussi bien dans votre vie professionnelle que personnelle.
Meilleures salutations
(1) Téléphone Crypto : Code sources et mode d’emploi pour installer
Billet E______ : Code source et mode d’emploi pour son utilisation
Billet D______ : Code source et mode d’emploi pour son utilisation »
B. a. Le 22 mars 2023, l’OCE a reçu une copie de la lettre de licenciement du 5 mai 2022 ainsi qu’une attestation dans laquelle l’employeuse indiquait avoir mis fin au contrat de travail le 5 mai 2022 pour le 30 juin 2022, dans le respect du délai de congé d’un mois pour la fin d’un mois. Sous motif de la résiliation, l’employeuse a indiqué « raison économique ».
b. Par décision du 28 mars 2023, les AIT ont été révoquées compte tenu du licenciement par l’employeuse du contrat de travail de l’employé pour lequel il avait bénéficié d’AIT.
c. Le 26 avril 2023, l’employeuse s’est opposée à cette décision en soutenant avoir licencié son employé le 5 mai 2022 pour le 30 juin 2022 pour de justes motifs, soit : « 1. refus persistant de venir travailler, 2. non exécution de tâches ou délégation à d’autres personnes, incomplètes et répétées, non respect de délai imparti d’effectuer les projets qui lui ont été attribués, 3. Monsieur B______ exerce une activité professionnelle au sein d’une entreprise tierce, dont il est le seul propriétaire, alors même que sur son temps de travail au sein d’A______ est une activité à 100%. Une activité tierce de l’ampleur de celle créée par l’employé (Start-up) étant incompatible avec son contrat de travail …
Il est à remarquer que Monsieur B______ possédait un code source important pour la sécurité de l’entreprise (brevets de l’entreprise) et des informations confidentielles sur la sécurité d’A______,
Le rendu de ces codes sources n’a été possible que par le fait de la rétention de son dernier salaire et des négociations devant le tribunal des prud’hommes de Genève. Une décision de payer jusqu’au 30 juin 2022 nous a été imposée pour pouvoir retrouver les codes sources.
Dès lors que nous avons informé sa conseillère de nos intentions de le licencier dès mars 2022 et selon nos discussions orales ; elle nous a conseillé qu’il fallait aller avec délicatesse dans notre situation.
Compte tenu de ce qui précède, A______ a licencié (…) pour justes motifs, si bien que la société précitée n’est pas tenue de rembourser les coûts de la mesure AIT 1______ ».
d. Par acte du 2 juin 2023, l’OCE a maintenu sa décision en rappelant que selon l’attestation de l’employeuse le contrat de travail avait été résilié le 5 mai pour le 30 juin 2022 et non avec effet immédiat. Faute de motif de résiliation immédiat, l’employeuse ayant licencié l’employé durant la période d’initiation, elle devait rembourser les AIT perçues.
C. a. Par acte du 4 juillet 2023, l’employeuse a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans) d’un recours contre cette décision. Elle avait accepté la résiliation au 30 juin 2022 devant la juridiction des prud’hommes parce que son employé avait fait du chantage. Il avait conservé sans droit un code source, de sorte que le lien de confiance était brisé et la résiliation immédiate était fondée sur de justes motifs. L’employeuse avait informé la conseillère auprès de l’OCE en charge de ce dossier de ce qui précède et de sa volonté de licencier l’employé avec effet immédiat, mais la conseillère avait dit de le faire avec délicatesse afin de pouvoir récupérer le code. Les intentions de l’employé étaient dès le départ contraire à la bonne foi.
b. Par acte du 21 juillet 2023, l’OCE a maintenu sa décision.
c. Par acte du 24 août 2023, l’employeuse a réitéré ses griefs envers son ex-employé et persisté dans son recours.
d. L’OCE en a fait de même le 18 septembre 2023.
e. À la demande de la chambre de céans, l’employeuse a fait parvenir les pièces en lien avec la procédure prud’homale. Au nombre de ces pièces figurent un courrier du 1er juillet 2022 de l’avocat de l’employé exigeant le paiement des salaires des mois de mai et juin 2022 et un courriel adressé le 5 juillet 2022 par l’employeuse répondant audit avocat en les termes suivants :
« Nous ne sommes pas sûrs que vous ayez la totalité des informations et/ou votre client ne vous a pas informé de la totalité des faits et accords. Il devait rendre le matériel de l'entreprise F______/notre société de sécurité d'une valeur assez importante (plusieurs centaines de milliers de CHF et la base de notre entreprise), il n'a donc pas été libéré de travail, non seulement il ne pas fait, il n'a pas donné le code source pour lequel nous attendons, après 2 mois, une réponse. En outre, M. B______ a monté son entreprise à l'intérieur de nos locaux, il a demandé des avances en janvier pour faire acompte de 20'000 CHF à son notaire pour son Sàrl (CHE-189.493.076. Nouvelle société à responsabilité limitée, statuts du 01.02.2022./preuves par email), il est mal venu maintenant de dire qu'il a été payé en retard. Nous ne lui avons pas demandé de loyer, frais des téléphone, utilisations de salles, café, etc. mais nous pouvons changer d'avis. De plus, en avril et mai sa banque a refusé les payements venant de notre banque Swissquote, il a dû être payé par twint sur le compte de sa compagne (encore une fois on a tous les messages). Sans compter que l'administration des AIT a payé les indemnités avec 3 TROIS mois de retard, sans compter que l'accord était qu'il démissionnait dans les 3 mois pour continuer son entreprise (nous avons l'enregistrement audio sur cet accord et nous avons les notes filmées dans nos caméras de cette discussion), Il avait besoin de ce 3 mois... De plus, il a travaillé pour SON ENTREPRISE 98% au lieu de travailler pour A______ (des centaines de mails et mises en demeure, WhatsApp, réunions suivi des emails), des tâches non effectuées, des tâches assignées qu'il réassigne à externes de l'entreprise...La liste est longue des problèmes. Nous tolérions le double emploi, au début, mais à partir de mars M. B______ n'a plus collaboré DU TOUT avec notre entreprise qui le payait, d'ailleurs il a géré un fonds "Crypto" sans avoir des licences et pour le faire il m'a fait perdre plusieurs dizaines de milliers de francs (nos comptables sont témoins). Si M. B______ s'entête à continuer dans sa marche, alors qu'il sait qu'il est de mauvaise foi (7 témoins contre lui dans notre entreprise et plusieurs visiteurs de réunions avec lui), nous nous resservons le droit de défendre nos intérêts par plainte pénale et civile, ce sera alors avec nos avocats G______. J'espère pas en arriver là, nous avons été lésés. Puis, en ce qui concerne les payements que les autorités nous ont avancé, depuis que les problèmes ont commencés en mars, j'ai informé sa conseillère H______, nous lui avons demandé des informations pour le contrat mais lui avons faire part de nos problèmes pour récupérer le code (du coup, nous n'avons pas le code mais une demande d'avocat). Pour terminer ce cas, je propose qu’il donne ce qui nous appartient comme convenu. Nous payerons les salaires mais aucunement les vacances, ni les frais d’avocat car il a été libéré 2 mois avant. C’est fou comme on a voulu donner un coup de main à un ancien camarade de classe, au chômage, et je me retrouve à avoir une de son avocat. »
Figuraient également dans les pièces produites par la recourante la requête en conciliation de son ex-employé du 26 juillet 2022 (conclusions en paiement des salaires des mois de mai et juin 2022 et des salaires des vacances non prises).
f. Par lignes du 16 juillet 2024, l’OCE s’est prononcée sur les pièces transmises en relevant qu’il était établi que le licenciement n’avait pas été notifié avec effet immédiat, les parties ayant trouvé un accord. Il a persisté dans ses conclusions.
g. À l’issue de l’instruction, la cause a été gardée à juger.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA).
2. Le litige porte sur le bien-fondé de la décision sur opposition de l’intimé du 2 juin 2023 confirmant la révocation de la décision d’octroi de l’AIT du 28 mars 2023 et par laquelle l’intimé invitait la caisse de chômage à demander à l’employeuse le remboursement des AIT versées pour la période du 1er janvier au 30 juin 2022.
3.
3.1 Selon l’art. 59 al. 1 et 1bis LACI, l'assurance alloue des prestations financières au titre des mesures relatives au marché du travail en faveur des assurés et des personnes menacées de chômage. Ces mesures comprennent des mesures de formation (section 2), des mesures d'emploi (section 3) et des mesures spécifiques (section 4).
L’art. 65 let. b et c LACI prévoit, au titre de mesures spécifiques, que les assurés dont le placement est difficile et qui, accomplissant une initiation au travail dans une entreprise, reçoivent de ce fait un salaire réduit, peuvent bénéficier d'allocations d'initiation au travail lorsque le salaire réduit durant la mise au courant correspond au moins au travail fourni et (let. b) qu'au terme de cette période, l'assuré peut escompter un engagement aux conditions usuelles dans la branche et la région, compte tenu, le cas échéant, d'une capacité de travail durablement restreinte (let. c).
L’art. 66 al. 1 et 2bis LACI prévoit que les AIT couvrent la différence entre le salaire effectif et le salaire normal que l'assuré peut prétendre au terme de sa mise au courant, compte tenu de sa capacité de travail, mais tout au plus 60 % du salaire normal (al. 1). Les assurés âgés de 50 ans ou plus ont droit aux allocations d'initiation au travail pendant douze mois (al. 2bis).
Aux termes de l’art. 90 al. 3 de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02), l'autorité cantonale vérifie auprès de l'employeur si les conditions dont dépend l'octroi d'AIT sont remplies. Elle peut exiger que les conditions selon l'art. 65 let. b et c LACI fassent l'objet d'un contrat écrit..
3.2 Le Tribunal fédéral a retenu, à réitérées reprises, que la formule de confirmation de l'employeur relative à l'initiation au travail modifie et complète le contrat de travail en posant des conditions supplémentaires - notamment la durée minimale du contrat de travail - auxquelles l'employeur se soumet expressément en le signant. Il a jugé que l’autorité cantonale peut introduire de telles conditions, qui font l'objet d'une clause accessoire, dans le cadre des compétences qui lui sont conférées par l'art. 90 al. 3 OACI, dès lors qu'elles servent à la réalisation des exigences posées par la loi (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 14/ 02du 10 juillet 2002; GRISEL, Traité de droit administratif, vol. I, p. 408 sv.; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER, Grundriss des Allgemeinen Verwaltungsrechts, 3ème éd., Zurich 1998, p. 186 sv.). Dans un arrêt C 15/05 du 23 mars 2006, le Tribunal fédéral des assurances a confirmé que ce formulaire est une clause accessoire au contrat de travail, laquelle prime tout accord contenant des clauses contraires.
Lorsque l'octroi des AIT est soumis à la condition du respect du contrat de travail, il s'agit là d'une réserve de révocation qui a explicitement pour effet qu'en cas de violation des obligations contractuelles par l'employeur, notamment la durée minimale de l'engagement de l'assuré - sous réserve d'une résiliation pour justes motifs -, les conditions du droit aux allocations d'initiation ne sont pas remplies. Une telle réserve est tout à fait admissible au regard du but de la mesure, qui est de favoriser l'engagement durable de personnes au chômage dont le placement est fortement entravé, ainsi que d'éviter une sous-enchère sur les salaires, ainsi qu'un subventionnement des employeurs par l'assurance-chômage (ATF 126 V 45 consid. 2a et les références).
3.3 Selon le Bulletin LACI/MMT J 27, janvier 2019, du secrétariat d’État à l’économie, l’employeur s’engage à remplir un certain nombre d’obligations. Afin que l'employeur soit parfaitement informé, il est ainsi recommandé d'introduire une clause dans la « Demande et confirmation relative à l'initiation au travail qui protège les assurés contre les licenciements pendant les AIT et/ou durant une période après l'échéance des AIT ». Cela signifie que le contrat de travail ne peut être résilié durant les périodes précitées. L'employeur peut ainsi être tenu de restituer les allocations perçues si les rapports de travail sont résiliés sans justes motifs (art. 337 al. 2 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse [CO, Code des obligations - RS 220]) avant l'échéance du délai indiqué par l'autorité compétente ; cette restitution s'opère conformément à l'art. 95 al. 1 LACI. S'il apparaît après le début de l'initiation que celle-ci ne pourra raisonnablement être menée à bien, le rapport de travail doit être cependant résilié. L'autorité compétente doit être avisée au préalable du possible échec de l'initiation afin de tenter de rétablir l'entente entre le travailleur et l'employeur.
3.4 Aux L’art. 337 CO dispose que l’employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs ; la partie qui résilie immédiatement le contrat doit motiver sa décision par écrit si l’autre partie le demande (al. 1). Sont notamment considérées comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d’exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (al. 2). Le juge apprécie librement s’il existe de justes motifs, mais en aucun cas il ne peut considérer comme tel le fait que le travailleur a été sans sa faute empêché de travailler (al. 3).
Selon la jurisprudence, la résiliation immédiate pour justes motifs, qui constitue une mesure exceptionnelle, doit être admise de manière restrictive. Elle n'est pas destinée à sanctionner un comportement isolé et à procurer à l'employeur une satisfaction (arrêt du Tribunal fédéral 4A_60/2014 du 22 juillet 2014 consid. 3.1).
En règle générale, seule une violation particulièrement grave des obligations contractuelles peut justifier une telle résiliation ; si le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement. Les manquements doivent objectivement être de nature à détruire le lien de confiance essentiel dans des rapports de travail, ou à tout le moins de l’ébranler si sérieusement que la poursuite du contrat ne peut pas être exigée. Ils doivent en outre avoir concrètement conduit à une telle érosion des liens de confiance (ATF 130 III 213 consid. 3.1).
Une prestation du travailleur mauvaise ou insuffisante n’est pas à elle seule un motif de licenciement immédiat. Un renvoi immédiat ne peut se justifier que si les carences sont si graves qu’elles empêchent de satisfaire même les exigences minimales du poste (Christian FAVRE / Charles MUNOZ / Rolf A. TOBLER, Le contrat de travail, Lausanne 2001, art. 337 CO n. 1.11). D'après la jurisprudence, les faits invoqués par la partie qui résilie doivent avoir entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. Seul un manquement particulièrement grave justifie le licenciement immédiat du travailleur ou l'abandon abrupt du poste par ce dernier. En cas de manquement moins grave, celui-ci ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement. Par manquement de l'une des parties, on entend en règle générale la violation d'une obligation imposée par le contrat mais d'autres faits peuvent aussi justifier une résiliation immédiate (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 31; 129 III 380 consid. 2.2 p. 382).
3.5 Selon la jurisprudence, l'employeur doit notifier le licenciement immédiat dès qu'il a connu le juste motif dont il entend se prévaloir, ou au plus tard après un bref délai de réflexion. S'il tarde à réagir, il est présumé avoir renoncé au licenciement immédiat ; à tout le moins, il donne à penser que la continuation des rapports de travail est possible jusqu'à la fin du délai de congé (ATF 127 III 310 consid. 4b).
Comme juste motif de résiliation, seul un fait qui s'est produit avant le prononcé de résiliation entre en considération. L'employeur ne peut par ailleurs plus se prévaloir a posteriori de faits dont il avait connaissance au moment du licenciement (ATF 142 III 579 consid. 4.3 p. 580).
Le Tribunal fédéral a jugé que, s'agissant des AIT, il n’est pas exclu de considérer une résiliation comme étant survenue pour de justes motifs, même si cela n'est pas mentionné dans la lettre de résiliation, pour autant que les motifs invoqués par la suite fassent apparaître comme non exigible la continuation des rapports de travail (ATF 126 V 42 consid. 3 p. 46 s. ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 15/05 du 23 mars 2006 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 14/02 du 10 juillet 2002 consid. 4). Il faut toutefois que les justes motifs invoqués après la résiliation soient en étroite corrélation avec les motifs figurant dans la lettre de licenciement (arrêt du Tribunal fédéral des assurances sociales C 4/02 du 10 juillet 2002).
3.6 Le juge apprécie librement s’il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 CO) et applique les règles du droit et de l’équité (art. 4 CC [code civil suisse du 10 décembre 1907 ; RS 210]). À cet effet, il prendra en considération tous les éléments du cas particulier, notamment la position et la responsabilité du travailleur, le type et la durée des rapports contractuels, ainsi que la nature et l’importance des incidents invoqués. Pour l’employeur, des motifs économiques (manque de travail par exemple) ne constituent pas de justes motifs au sens de l’art. 337 CO (ATF 126 V 42 consid. 3b ; TF 8C_818/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).
4.
4.1 En l’espèce, la décision d’octroi des AIT du 21 décembre 2021 précise qu’après le temps d’essai, le contrat de travail ne peut être résilié pendant l’initiation et jusqu’à trois mois après la fin de l’initiation au travail, sauf pour de justes motifs au sens de l’art. 337 CO.
En résiliant le contrat de travail de l’assuré le 5 mai 2022, pour le 30 juin 2022, soit avant l’échéance du délai indiqué dans la décision d’octroi des prestations, la recourante a contrevenu à cette injonction.
4.2 Il convient donc d’examiner si la recourante peut se prévaloir de l’existence de justes motifs à la résiliation.
Dans le cas particulier, la recourante et son employé avait convenu, selon les termes d’un courriel de la recourante (ci-dessus EN FAIT C.e) que l’employé démissionnerait dans les trois mois pour continuer son entreprise, l’idée étant qu’il bénéficie de trois mois d’AIT. L’employeuse acceptait ainsi d’aider son employé, un ancien camarade d’école, en l’employant durant quelques mois afin de lui permettre de créer sa propre entreprise. À teneur d’un échange entre la recourante et l’avocat de son ancien employé, il apparaît que ces derniers sont entrés en conflit en cours de contrat. La recourante soutient que son employé a travaillé la majorité du temps pour la constitution de son entreprise et qu’il ne lui a pas rendu un code source lui étant destiné. L’employé, par l’intermédiaire de son conseil, a contesté ces faits en soutenant avoir rempli son cahier des charges et avoir tenté de restituer ledit code à son employeuse sans succès. Les parties ont finalement trouvé un arrangement lors d’une audience de conciliation, à l’issue duquel l’employeuse a versé le salaire de l’employé jusqu’à la fin du mois de juin, soit les deux mois de salaires restés impayés depuis la résiliation du contrat.
Malgré le conflit entre ces deux parties et compte tenu des éléments contradictoires au dossier sur les raisons réelles de la résiliation, il ne peut pas être admis au degré de vraisemblance suffisant que l’employeuse avait un motif fondé de résiliation du contrat de travail de son employé avec effet immédiat le 5 mai 2022. Le fait que la recourante a partiellement libéré l’employé de son obligation de travailler le 5 mai 2022 tout en lui demandant de remplir certaines tâches inachevées révèle que la poursuite du contrat jusqu’au 30 juin 2022 restait acceptable malgré les désaccords des parties au contrat de travail. La question de la restitution du code source auquel se raccroche la recourante s’est posée postérieurement à la résiliation du contrat par lettre du 5 mai 2022, étant relevant que l’employeuse avait initialement indiqué dans l’attestation destinée à l’OCE que le motif de la résiliation était d’ordre économique. En outre, l’avocat de l’employé a soutenu à cet égard que son mandant avait à plusieurs reprises tenté de joindre son employeuse pour lui remettre ledit code et a rappelé à cette dernière que le code était à sa disposition en son Étude.
Dans ces circonstances, la chambre de céans considère que la recourante n’avait pas de justes motifs au sens de l’art. 337 CO, lorsqu’elle a résilié le contrat de travail de son employé le 5 mai 2022 pour le 30 juin 2022.
En ce qui concerne l’accord initial entre l’employeuse et son ancien camarade de classe selon lequel l’employé comptait démissionner de lui-même après trois mois de travail pour l'employeuse, ce qui devait lui permettre de créer sa société en percevant des AIT, il démontre que les parties ne cherchaient pas atteindre le but du versement des allocations et que, partant, les allocations déjà versées l'ont été indûment. Il ne se justifie pas de renoncer à la restitution de ces prestations. L’intimé était fondé à prononcer la révocation de la mesure. La décision attaquée doit donc être confirmée.
5. Au vu des éléments qui précédent, le recours doit être rejeté.
Il n'y a pas lieu de percevoir de frais judiciaires, ni d'allouer de dépens à la recourante qui succombe (art. 61 let. a et g LPGA).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Dit que la procédure est gratuite.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Nathalie KOMAISKI |
| La présidente
Marine WYSSENBACH |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le