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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2939/2022

ATAS/685/2024 du 11.09.2024 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2939/2022 ATAS/685/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 11 septembre 2024

Chambre 8

 

En la cause

A_______

représenté par Me Laurence MIZRAHI, avocate

 

 

ecourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A_______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le _______ 1981 et originaire du Portugal, est entré en Suisse en juillet 2011. Au Portugal, il avait travaillé comme boucher, chauffeur-livreur et technicien informatique, après avoir suivi un cours de réparation et d'installation de systèmes informatiques. En Suisse, il a été engagé comme boucher, puis comme chauffeur-livreur et préparateur pour une boulangerie. Il vit en concubinage et est père d'une enfant née en 2005.

b. Étant en incapacité de travail depuis janvier 2017, il a déposé une première demande de prestations de l’assurance-invalidité en novembre 2017 en raison d’un état dépressif et d’attaques de panique.

c. Par décision du 21 septembre 2018, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) lui a refusé le droit à une rente d’invalidité et à des mesures d'ordre professionnel.

B. a. En décembre 2020, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations de l’assurance-invalidité. Il travaillait alors comme opérateur auprès de B_______ pour un revenu mensuel de CHF 4'000.-. Le motif de sa demande était une incapacité de travail depuis le 12 octobre 2020 en raison d’une grave dépression, de vertiges, d’anxiété et d’une spondylarthrite ankylosante.

b. Le 14 décembre 2020, le docteur C_______, psychiatre-psychothérapeute, a attesté une incapacité de travail depuis le 13 janvier 2020 en raison d’un épisode dépressif sévère. L'assuré s’était adressé à ce médecin le 4 mars 2020.

c. Le 15 décembre 2020, l’employeur de l’assuré a fait une description de son poste de travail. Il consistait en approvisionnement des distributeurs, le transport des produits, le chargement du fourgon et des trajets en voiture. Cela impliquait le port de charges de 5 à 15 kg.

d. Dans son rapport du 23 décembre 2020, le docteur D_______, rhumatologue FMH, a attesté que l’assuré souffrait d’une spondylarthrite ankylosante et qu’il était toujours en incapacité de travailler.

e. À la demande de l’assureur perte de gain de son employeur, l’assuré a été soumis à une expertise bidisciplinaire au E______ (ci-après : E______) par les docteurs F______, rhumatologue FMH, et G______, psychiatre-psychothérapeute FMH. Dans leur rapport du 13 avril 2021, ils ont posé les diagnostics incapacitants de spondylo-arthropathie axiale avec atteintes des sacro-iliaques et de trouble dépressif récurrent, épisode actuellement moyen, en rémission partielle. Les diagnostics suivants étaient sans répercussion sur la capacité de travail : troubles de panique, anxiété généralisée, dysthymie, troubles mentaux et troubles du comportement liés à l’utilisation de sédatifs et hypnotiques, syndrome de dépendance, utilisation continue, et à l’utilisation d’opiacés, régime de substitution sous surveillance médicale. La capacité de travail était actuellement nulle dans toute activité pour des raisons psychiques. Au niveau rhumatologique, elle était de 50%. À terme, l’activité de chauffeur-livreur était plutôt déconseillée en raison de la manutention qu’elle impliquait. Les limitations fonctionnelles étaient, au niveau rhumatologique, le port de charges supérieures à 15 kg, les travaux en antéflexion ou torsion répétée du tronc. Dans une activité adaptée à ces limitations, la capacité de travail était de 100% sur le plan physique. Des mesures de réinsertion seraient possibles avec une présence professionnelle d’au moins deux heures par jour pendant quatre jours par semaine. Les experts ont émis le pronostic, sur le plan rhumatologique, qu’une amélioration franche pourrait être obtenue en trois à six mois avec une thérapie adaptée. Au niveau psychique, la poursuite du traitement médicamenteux associée à la psychothérapie devrait conduire à une rémission totale de l’épisode dépressif d’ici deux mois et permettre la reprise d’une activité professionnelle à plein temps.

f. Dans son avis médical du 17 juin 2021, le service médical régional pour la Suisse romande de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) a considéré que l’assuré présentait une capacité de travail totale dès le 13 avril 2021 dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles.

g. Le 22 juin 2021, l’OAI a informé l’assuré qu’il avait l’intention de lui refuser le droit à une rente et aux mesures d’ordre professionnel.

h. Le 23 juin 2021, le Dr C_______ a attesté que l’assuré présentait une dépression chronique avec une polypathologie chronique. Sa capacité de travail était tout au plus de 20 à 40% dans une activité adaptée.

i. Par courriel du 24 juin 2021, l’assuré a contesté le projet de décision, en se prévalant du certificat médical précité.

j. Par décision du 25 octobre 2021, l’assurance-chômage a déclaré l’assuré apte au placement à 40% depuis le 14 septembre 2021.

k. Selon le rapport du 15 novembre 2021 du docteur H______ du service de rhumatologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), l’assuré souffrait d’une spondylarthrite axiale symptomatique depuis 2011, diagnostiquée en novembre 2020, très inflammatoire, avec les critères de New York positifs. À cela s’ajoutaient une carence de vitamine D et une dépression chronique. Il a proposé un changement du traitement médicamenteux et vivement conseillé la diminution de la consommation actuelle de tabac en raison de l’effet négatif du tabac au niveau de la progression de la spondylarthrite.

Dans son courrier du 15 novembre 2021 au mandataire du recourant, ce médecin a attesté que l’incapacité de travail était totale dans la profession habituelle. L’assuré devrait commencer un nouveau traitement dans quatre à six semaines avec une amélioration prévue à environ trois mois après le début du traitement. Selon la réponse au traitement et les choix d’emploi, il serait alors nécessaire de réévaluer sa capacité de travail.

l. Dans son rapport du 3 juin 2022, le Dr H______ a confirmé ses précédents diagnostics. Les diagnostics suivants étaient sans répercussion sur la capacité de travail : carence en vitamine D, ancienne toxicomanie sevrée depuis 2006, hépatite C traitée en 2015, hypertriglycéridémie et hypotestostéronémie. La spondylarthrite nécessiterait un traitement biologique, mais l’assuré était très réticent d’un tel traitement, à cause des antécédents de l’hépatite, et préférait pour l’instant poursuivre un traitement par des anti-inflammatoires et la rééducation moyennant la physiothérapie. Depuis le 31 août 2021, ce médecin constatait une amélioration de la symptomatologie avec la prise de Celebrex de 200 mg une fois par jour. Les restrictions fonctionnelles étaient en lien avec des douleurs du rachis secondaires à la spondylarthrite axiale et une raideur au niveau du rachis. L'assuré présentait également des enthésites avec des douleurs aux insertions tendineuses surtout au niveau de la paroi thoracique antérieure et dans la région lombaire. Concernant la capacité de travail, le Dr H______ a relevé que l’assuré avait dû travailler avec des machines à café et porter des charges lourdes. Il devait commencer à travailler dès 6h00 du matin, ce qui était difficile en raison des raideurs matinales en association avec la spondylarthrite. Un tel travail risquait d’être difficile à effectuer par l’assuré. Toutefois, un travail moins physique avec un début mi-matinée ou dans l’après-midi était tout à fait envisageable.

m. Dans son avis médical du 14 juillet 2022, le SMR a relevé que le Dr H______ mentionnait une nette amélioration sous Celebrex. Il n’y avait donc pas d’aggravation et même une certaine amélioration qui pourrait s’accentuer si l’assuré était compliant pour un traitement biologique. Le SMR a ainsi maintenu que la capacité de travail était nulle depuis le 12 octobre 2020 dans l’activité habituelle et de 100% dans une activité adaptée de type plutôt sédentaire depuis le 13 avril 2021, date de l’expertise du E______.

n. Par décision du 15 juillet 2022, l’OAI a confirmé son projet de décision. Il ressortait de la comparaison des gains avec et sans invalidité que l'assuré ne subissait aucune perte de gain dans une activité adaptée à ses limitations physiques. Par ailleurs, il existait sur le marché du travail primaire un certain nombre d'activités adaptées à son état de santé, ne nécessitant pas de formation préalable particulière pour être exercées.

C. a. Par acte du 14 septembre 2022, l’assuré a interjeté recours contre cette décision, en concluant à son annulation et à l’octroi d’une rente d’invalidité entière, sous suite de dépens. Il a reproché à l’intimé de s’être fondé exclusivement sur l’expertise du 13 avril 2021 du E______. Au demeurant, celui-ci avait constaté qu’il ne pouvait exercer aucune activité lucrative au moment de l’expertise. Ce n’est que dans son pronostic que le E______ avait admis une capacité de travail entière après deux mois. L'intimé aurait dû instruire si son état de santé s'était effectivement amélioré après l'expertise. Or, au vu des certificats des médecins traitants, cela n'était pas le cas.

b. Dans sa réponse du 25 octobre 2022, l’intimé a conclu au rejet du recours. L’expertise du E______ revêtait une pleine valeur probante. Sur le plan psychiatrique, le rapport du Dr C_______ attestait certes un état dépressif sévère depuis 2018, mais ne fournissait aucun détail, ni une observation clinique y afférente, de sorte que ce rapport ne permettait pas de s’écarter des constatations cliniques des experts. Cela étant, un emploi respectant les limitations fonctionnelles sur le plan somatique était possible.

c. Dans son rapport du 14 octobre 2022, le docteur I______, spécialiste FMH en maladies tropicales et médecin de famille, a émis les diagnostics de spondylarthrose ankylosante (maladie de Bechterew), diabète type II, d’état dépressif majeur avec crises d’angoisse, d’hypertension artérielle (HTA) et de cures de méthadone. Tous les diagnostics étaient incapacitants, en particulier dans le contexte d’un travail de chauffeur-livreur ou dans un autre travail à effort physique. Les activités sans effort étaient possibles à 40% sur le plan psychique. La capacité de travail pourrait être améliorée par une réinsertion ou une formation dans une activité adaptée. L’état du recourant s’était aggravé depuis l’expertise du E______.

d. Dans son rapport du 24 novembre 2022, la docteure J______, spécialiste en médecine interne et psychiatrie, a attesté que l’assuré suivait un traitement psychiatrique et psychothérapeutique à une fréquence hebdomadaire. Les diagnostics invalidants étaient un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen avec syndrome somatique, une anxiété généralisée et un trouble panique. L’anxiété était palpable pendant les entretiens (débit du langage accéléré). L'assuré bénéficiait par ailleurs d’un traitement antidépresseur. Il avait des limitations fonctionnelles au niveau de la capacité d’adaptation aux règles et routines, de la flexibilité et la capacité de reconversion, de la capacité d’affirmation de soi et à établir des contacts avec des tiers. Il y avait également une diminution de la capacité à réaliser des activités spontanées et des capacités cognitives. Sa capacité de travail était de 40%. Par ailleurs, les maladies physiques avaient un impact négatif au niveau psychique, de sorte que le pronostic était défavorable. Cette praticienne ne partageait ainsi pas les conclusions de l’expertise du E______.

e. Le 20 décembre 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions sur la base des rapports médicaux précités. Ces éléments médicaux confirmaient que le pronostic du E______ ne s’était pas réalisé. Partant, il était nécessaire d’entendre les médecins traitants ou de mettre en œuvre une expertise judiciaire.

f. Dans son avis médical du 19 janvier 2023, le SMR a considéré que les médecins traitants n’amenaient pas de nouvel élément objectif en faveur d’une aggravation, tout en relevant que le Dr H______ décrivait une amélioration clinique de 70% sous traitement. La psychiatre traitante n’émettait pas de diagnostic inconnu de l’expert psychiatre et l’examen clinique par celle-ci n’était pas différent de celui décrit dans l’expertise du E______. Aucun trouble cognitif ni ralentissement psychomoteur n’était rapporté. Seules des plaintes subjectives du recourant étaient décrites.

g. Par écriture du 19 janvier 2023, l’intimé a persisté dans ses conclusions en se fondant sur l’avis du SMR.

h. Par écriture du 8 février 2023, le recourant a relevé que la psychiatre traitante décrivait une situation différente à celle de l’expertise du E______ et émettait des diagnostics différents. Elle se fondait en outre sur ses constatations et pas seulement sur l’anamnèse.

i. Par ordonnance du 20 juin 2023, la chambre de céans a mis en œuvre une expertise judiciaire psychiatrique et l'a confiée au docteur K______, psychiatre-psychothérapeute FMH.

j. Selon le rapport du 18 avril 2024 de la doctoresse L______ du service de rhumatologie des HUG, la spondylarthrite axiale provoquait une incapacité de travail de 40% dans une activité adaptée. Le recourant avait été vu en rhumatologie aux HUG pour la première fois en août 2021 où un traitement par Celebrex avait été mis en place avec une amélioration de la symptomatologie. Par la suite, la situation semblait s'être stabilisée du point de vue des douleurs rachidiennes. Une amélioration de la capacité de travail serait possible par un autre traitement. Toutefois, le patient refusait de prendre un traitement anti-TNF (tumor necrosis factor).

k. Dans son rapport du 26 avril 2024, l'expert judiciaire a diagnostiqué un trouble anxieux et dépressif mixte, une dépendance aux opiacés sous contrôle et au tabac, ainsi que des traits de personnalité accentués, de type dépendants et anxio-évitants. La capacité de travail était entière d'un point de vue psychiatrique dans une activité adaptée à l'état somatique et aux compétences du recourant depuis juillet 2021.

Il ressort par ailleurs du rapport d'expertise que le recourant avait travaillé à 40% depuis mars 2023 à la M______ au remplissage des rayons et qu'il a été licencié de cet emploi pour le 31 mars 2024 en raison d'un arrêt de travail complet depuis le 28 janvier 2024 pour des raisons somatiques.

l. Dans son avis médical du 16 mai 2024, la doctoresse N______ du SMR s'est ralliée aux conclusions de l'expertise judiciaire au niveau psychiatrique. Une aggravation de l'état de santé sur le plan somatique ne pouvait être retenue, dans la mesure où le diagnostic de spondylarthrite axiale était connu et avait été pris en compte par l'expert rhumatologue en 2021.

m. Le 31 mai 2024, l'intimé a également accepté les conclusions de l'expertise judiciaire, tout en considérant que le volet rhumatologique ne permettait pas de retenir une aggravation notable de la situation.

n. Le 15 juillet 2024, le Dr I______ s'est déterminé sur l'expertise judiciaire. Au niveau psychique, l'état du recourant était stabilisé. La capacité de travail était de 60% dans une activité adaptée sur le plan somatique et psychique. Il ne partageait pas la conclusion à ce sujet de l'expert judiciaire, en considérant que la cure de méthadone et le syndrome douloureux chronique dans le contexte de la maladie de Bechterew limitait la capacité de travail également au niveau psychique. Le recourant présentait un caractère anxieux et prenait toujours un traitement anxiolytique et antidépresseur. Le syndrome anxieux et dépressif était d'intensité moyenne, voire importante selon les évènements de la vie quotidienne, et non d'intensité modérée comme retenu par l'expert judiciaire. La maladie de Bechterew provoquait un syndrome douloureux plus important depuis 2021, avec des douleurs lombaires et cervicales chroniques.

o. Le 12 août 2024, le recourant a contesté les conclusions de l'expertise judiciaire et a requis la mise en œuvre d'une expertise judiciaire bi-disciplinaire sur le plan psychiatrique et rhumatologique. Ses problèmes rhumatologiques avaient été insuffisamment instruits. Selon la Dresse L______, sa capacité de travail n'était que de 60% dans une activité adaptée au niveau somatique. Il a par ailleurs reproché à l'expert judiciaire de ne pas avoir retenu le diagnostic de trouble dépressif récurrent et d'avoir omis d'examiner l'impact des troubles rhumatologiques sur sa santé psychique.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pendant la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. c  de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA-GE - E 5 10), le recours est recevable.

3.             Lorsque l’administration entre en matière sur une nouvelle demande, après avoir nié le droit à une prestation [cf. art. 87 al. 3 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201)], l’examen matériel doit être effectué de manière analogue à celui d'un cas de révision au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA (ATF 133 V 108 consid. 5 et les références ; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2 et les références; ATF 130 V 71 consid. 3.2 et les références; cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_899/2015 du 4 mars 2016 consid. 4.1 et les références). 

L’art. 17 al. 1er LPGA dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Il convient ici de relever que l’entrée en vigueur de l’art. 17 LPGA, le 1er janvier 2003, n’a pas apporté de modification aux principes jurisprudentiels développés sous le régime de l’ancien art. 41 LAI, de sorte que ceux-ci demeurent applicables par analogie (ATF 130 V 343 consid. 3.5).

Tout changement important des circonstances propres à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3; ATF 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s'améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 consid. 4.1). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3; ATF 112 V 371 consid. 2b; ATF 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références). Un changement de jurisprudence n'est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2).

4.              

4.1 De jurisprudence constante, le juge apprécie en règle générale la légalité des décisions entreprises d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1). Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent en principe faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1; ATF 130 V 130 consid. 2.1). Même s'il a été rendu postérieurement à la date déterminante, un rapport médical doit cependant être pris en considération, dans la mesure où il a trait à la situation antérieure à cette date (cf. ATF 99 V 98 consid. 4 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 9C_259/2018 du 25 juillet 2018 consid. 4.2).

4.2 En l'espèce, l'objet du litige est la question de savoir si l'état de santé du recourant s'est aggravé après le rejet de sa première demande de prestations, par décision du 21 septembre 2018, au point de lui ouvrir le droit à une rente. Est déterminant l'état de santé du recourant au moment de la décision litigieuse, le
15 juillet 2022. Une aggravation après cette date ne fait plus l'objet du litige.

5.              

5.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du RAI sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

5.2 En l’occurrence, la décision querellée a certes été rendue postérieurement au 1er janvier 2022. Toutefois, la demande de prestations ayant été déposée en décembre 2020 et le délai d’attente d’une année venant à échéance le 12 octobre 2021, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait antérieurement au
1er janvier 2022 (cf. art. 28 al. 1 let. b et 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

6.              

6.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

6.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

6.3 Selon les art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

7.             Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-          Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2) 

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-          Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

8.              

8.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

8.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

8.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

8.3.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

8.3.2 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

8.3.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

9.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

10.        

10.1 . En l'espèce, selon le rapport du 13 avril 2021 du E______, le recourant présente les diagnostics incapacitants de spondylo-arthropathie axiale avec atteintes des sacro-iliaques et de trouble dépressif récurrent, épisode actuellement moyen, en rémission partielle. Les diagnostics suivants sont sans répercussion sur la capacité de travail : troubles de panique, anxiété généralisée, dysthymie, troubles mentaux et troubles du comportement liés à l’utilisation de sédatifs et hypnotiques, syndrome de dépendance, utilisation continue, et à l’utilisation d’opiacés, régime de substitution sous surveillance médicale. La capacité de travail est nulle au moment de cette expertise dans toute activité pour des raisons psychiques. Au niveau rhumatologique, elle est de 50% dans l'activité exercée habituellement. À terme, l’activité de chauffeur-livreur est plutôt déconseillée en raison de la manutention qu’elle implique. Les limitations fonctionnelles sont, au niveau rhumatologique, le port de charges supérieures à 15 kg, les travaux en antéflexion ou torsion répétée du tronc. Dans une activité adaptée à ces limitations, la capacité de travail est de 100% sur le plan physique. Des mesures de réinsertion seraient possibles avec une présence professionnelle d’au moins deux heures par jour pendant quatre jours par semaine. Les experts ont émis le pronostic, sur le plan rhumatologique, qu’une amélioration franche pourrait être obtenue en trois à six mois avec une thérapie adaptée. Au niveau psychique, la poursuite du traitement médicamenteux associée à la psychothérapie devrait conduire à une rémission totale de l’épisode dépressif d’ici deux mois et permettre la reprise d’une activité professionnelle à plein temps.

10.2 Cette expertise remplit formellement tous les critères pour lui reconnaître une valeur probante, sous réserve de son pronostic en ce qui concerne les atteintes psychiques. Elle a en effet été établie en pleine connaissance du dossier médical, prend en considération les plaintes du recourant, repose sur des constatations objectives et contient des conclusions motivées.

11.          

11.1 Le recourant a ensuite fait l'objet d'une expertise psychiatrique judiciaire, afin d'établir si le pronostic des experts du E______ s'est réalisé au niveau psychiatrique, soit une rémission totale du trouble dépressif dans les deux mois après cette expertise.

Dans son rapport du 26 avril 2024, l'expert judiciaire diagnostique un trouble anxieux et dépressif mixte, une dépendance aux opiacés sous contrôle et au tabac, ainsi que des traits de personnalité accentués, de type dépendants et anxio-évitants. La capacité de travail est entière depuis juillet 2021 d'un point de vue psychiatrique dans une activité adaptée à l'état somatique et aux compétences du recourant. Cet expert constate ainsi que le pronostic des experts du E______ s'est réalisé.

Dans les données subjectives, l'expert judiciaire mentionne que le recourant rapporte que son état psychique est en partie amélioré et qu'il se sent moins déprimé et angoissé. Des épisodes anxieux aigus persistent, mais sont moins fréquents (environ une fois par mois), et le recourant arrive à mieux les contrôler. Néanmoins, il y a toujours un fond d'anxiété et d'irritabilité, ainsi qu'un manque d'énergie et de motivation. Le recourant est à la recherche d'un emploi plus adapté à son dos, mais se sent limité par ses lacunes en français. Il a le projet de se convertir dans le transport de personnes et a déjà passé la partie théorique du permis nécessaire pour cette activité. Il ne se sent toutefois pas en état de travailler à plus de 60% à cause de ses limitations physiques (dos) et psychiques (dépression, anxiété).

Par rapport à l'état clinique tel qu'il ressort du dossier médical en 2017 et 2020, l'expert relève qu'il y a une nette amélioration, compatible avec la reprise d'un travail adapté sur le plan somatique à 100%. Le recourant semble toutefois avoir une perception exagérément pessimiste de son état de santé.

Le trouble anxieux et mixte entraîne une diminution de la motivation et de l'énergie, ainsi qu'une certaine appréhension face aux autres et à la nouveauté. Le recourant présente également des difficultés dans la gestion des émotions et dans les relations interpersonnelles. Il s'agit toutefois de limitations modérées qui devraient être surmontables par un effort de volonté et l'aide thérapeutique de ses médecins. La prise quotidienne de méthadone ne provoque en principe pas de sédation fonctionnellement significative.

Sur le plan des ressources, le recourant est entouré de sa famille, en particulier sa fille et l'ami de celle-ci. Il présente toutefois une limitation de la capacité de s'adapter au stress, notamment relationnel, en raison d'une estime de soi vulnérable et de traits de personnalité dépendants.

11.2 L'expertise judiciaire est également conforme aux critères jurisprudentiels pour lui accorder une pleine valeur probante. Il est à cet égard à relever qu'elle est notamment fondée sur trois entretiens avec le recourant (sur une période de quatre mois), ainsi que des entretiens avec les Drs O______ et J______.

12.         Le recourant conteste les conclusions de ces expertises, sur la base des avis de ses médecins traitants et des autres experts psychiatres.

12.1 Sur le plan somatique, le Dr H______ confirme dans son rapport du
15 novembre 2021 le diagnostic de spondylarthrite axiale symptomatique depuis 2011, diagnostiquée en novembre 2020. Ce syndrome est très inflammatoire, avec les critères de New York positifs. Ce médecin propose un traitement anti-TNF et conseille la diminution de la consommation actuelle de tabac en raison de l’effet négatif du tabac au niveau de la progression de la spondylarthrite. L'importance d'une activité physique et de la physiothérapie avec des séances en piscine et en salle est soulignée.

Dans son courrier du 15 novembre 2021 au mandataire du recourant, le
Dr H______ atteste que l’incapacité de travail est totale dans la profession habituelle. L’assuré devrait commencer un nouveau traitement dans quatre à six semaines avec une amélioration prévue à environ trois mois après le début du traitement. Selon la réponse au traitement et les choix d’emploi, il serait nécessaire de réévaluer sa capacité de travail.

Le Dr H______ constate ensuite que, depuis le 31 août 2021, les douleurs se sont améliorées avec la prise de Celebrex (rapport du 3 juin 2022). Le recourant est cependant très réticent d'un traitement biologique. Selon le Dr H______, un travail moins physique que l'activité habituelle et qui ne débute pas très tôt le matin est tout à fait envisageable. Ce médecin n'est toutefois pas en mesure de fixer le taux de la capacité de travail dans un tel emploi.

Selon le Dr I______, la capacité de travail n'est que de 40% dans une activité adaptée essentiellement en raison des affections physiques (rapport du 14 octobre 2022).

Dans son rapport du 18 avril 2024, la Dresse L______, la spondylarthrite axiale provoque une incapacité de travail de 40% dans une activité adaptée. Le recourant a été vu en rhumatologie aux HUG pour la première fois en août 2021 où un traitement par Celebrex a été débuté avec une amélioration de la symptomatologie. Par la suite, la situation semble s'être stabilisée du point de vue des douleurs rachidiennes. Une amélioration de la capacité de travail serait possible par un autre traitement. Toutefois, le patient refuse de prendre un traitement anti-TNF.

Selon le Dr I______, la maladie de Bechterew provoque un syndrome douloureux plus important depuis 2021, avec des douleurs lombaires et cervicales chroniques (rapport du 15 juillet 2024).

Il ne résulte pas de ces rapports qu'au moment de la décision litigieuse du
15 juillet 2022, date déterminante pour l'examen de l'aggravation depuis la décision du 21 septembre 2018, le recourant présentait une incapacité de travail dans une activité adaptée en raison de la maladie de Bechterew. Au contraire, les Drs H______ et L______ relèvent une amélioration postérieurement à cette expertise avec l'instauration d'un traitement de Celebrex, comme l'a constaté le SMR. Par conséquent, les conclusions du E______ ne sont pas mises en cause par ces avis, du moins à la date de la décision litigieuse. Au demeurant, le recourant n'a pas contesté initialement dans son recours le taux de capacité de travail de 100% dans une activité adaptée sur le plan somatique. Il s'était uniquement prévalu de ce que son état psychique ne s'était pas amélioré, contrairement au pronostic des experts du E______.

Il est cependant possible que l'atteinte somatique se soit péjorée après juillet 2022, même si, formellement, ni le Dr H______ ni la Dresse L______ n'en font état. Seul le Dr I______ atteste une aggravation de la spondylarthrite depuis l'expertise du E______.

Il est vrai que l'appréciation de la capacité de travail dans une activité adaptée de la Dresse L______ diffère de celle du Dr F______ du E______. L'expert rhumatologue estime qu'elle est de 100% dans une telle activité, tandis que la praticienne traitante l'évalue à 60%. Quant au Dr H______, il considère, dans son rapport du 3 juin 2022, que la reprise d'un travail moins physique est tout à fait envisageable, sans précision du taux. Dans la mesure où le rapport de la
Dresse L______ date de 2024, la différence d'appréciation s'explique éventuellement par une aggravation depuis juillet 2022.

En l'absence d'aggravation de la maladie de Bechterew démontrée au moment de la décision litigieuse, il y a lieu suivre l'avis de l'expert rhumatologue du E______, d'autant plus qu'il y a une amélioration postérieurement à cette expertise avec l'instauration d'un traitement de Celebrex. Ainsi, une capacité de travail de 100% doit être admise dans une activité adaptée.

Quant à une aggravation postérieure à la décision litigieuse, il appartient au recourant de déposer le cas échéant une demande de révision.

12.2 Sur le plan psychique, le recourant reproche à l'expert judiciaire de ne pas avoir retenu le diagnostic d'état dépressif récurrent invalidant, alors même qu'il a été émis par les Drs J______ et G______ du E______. En effet, selon le recourant, il avait présenté trois épisodes dépressifs séparés, ce qui était également admis par les autres psychiatres et experts qui l'ont examiné.

12.2.1 La question de savoir si le diagnostic de l'état dépressif récurrent est réalisé peut toutefois rester ouverte. En effet, dans les périodes de rémission, ce diagnostic ne justifie pas une incapacité de travail durable. Or, au moment de l'expertise judiciaire, les symptômes du trouble dépressif étaient d'intensité modérée et ceci depuis juillet 2021. Il est à cet égard à relever que le recourant fait les courses et partage les tâches ménagères avec sa compagne et sa fille. Il regarde le football à la télévision ou au stade, répare des appareils électroniques en panne pour ses amis (téléphones portables, ordinateurs), s'occupe du courrier et des paiements, prépare parfois le repas et fait des promenades avec sa famille. Il part également en vacances en voiture au Portugal, mais s’il avait dû s'arrêter la dernière fois chaque heure en raison de douleurs au dos. En outre, l'expert relève que le vécu de type dépressif relaté par le recourant est fluctuant et n'est pas accompagné de signes objectifs, tels qu'une tristesse visible et constante, un ralentissement moteur, verbal et idéique ou l'auto-négligence. Son poids est objectivement dans les limites normales, de sorte que la perte de poids de 10 kg en deux ans et demi, selon le recourant, ne peut être considéré comme un symptôme dépressif.

Cela étant, la conclusion du Dr K______, selon laquelle le syndrome anxio-dépressif est d'intensité modérée, paraît convaincante.

Au demeurant, le Dr K______ explique dans les détails pourquoi il ne retient pas un trouble dépressif récurrent, mais uniquement un syndrome anxieux et dépressif. Il ne peut ainsi pas être considéré qu'il a ignoré des éléments de l'anamnèse. Seule la qualification des troubles ressortant des rapports et des allégations du recourant est différente.

12.2.2 Le recourant critique ensuite que l'expert judiciaire n'a pas examiné l'impact de ses problèmes rhumatologiques sur sa santé psychique. Cela est inexact. Il est vrai toutefois que le Dr K______ ne semble pas considérer que les atteintes physiques influencent le psychisme, dès lors que les experts du E______ les ont qualifiées de non incapacitantes. En l'absence d'informations objectives sur l'état somatique actuel, l'expert judiciaire ne s'estime en outre pas être en mesure d'apprécier une éventuelle interaction entre l'état psychique et l'état somatique, si celui-ci devait s'être aggravé.

Toutefois, peu importe de savoir si l'état somatique influence et explique le trouble anxio-dépressif. En effet, comme exposé ci-dessus, les éléments d'un trouble dépressif d'intensité moyenne à sévère ne sont pas présents.

12.2.3 Enfin, l'analyse des indicateurs établis par la jurisprudence pour examiner la capacité de travail réellement exigible sur le plan psychique ne permet pas de conclure à une capacité de travail diminuée.

Certes, selon le Dr K______, il n'y a pas d'exagération des symptômes ni de discordances entre les plaintes, le comportement et les limitations alléguées. Le tableau clinique est également cohérent, sauf que le recourant surestime ses limitations fonctionnelles.

Cependant, les troubles psychiques diagnostiqués sont de gravité faible, au moment de l'expertise et depuis juillet 2021. Le recourant est par ailleurs entouré par sa compagne, sa fille et l'ami de celle-ci, même s'il rapporte que les relations avec sa compagne se sont détériorées depuis deux ans, de sorte qu'ils ne se parlent plus beaucoup. Selon l'expert judiciaire, la compagne est néanmoins un soutien important. Le recourant avait en outre trouvé par lui-même des emplois, quoique non adaptés à ses limitations fonctionnelles, en 2020 et en 2023. Encore récemment, il s'est orienté vers une formation de transport de personnes et a passé la partie théorique du permis nécessaire pour une telle activité. Ainsi, même s'il présente une fragilité structurelle de la personnalité qui complique ses relations interpersonnelles et limite sa résistance au stress, et même s'il présente des comorbidités somatiques, il ne peut être considéré qu'il ne dispose d'aucune ressource. Quant à la compliance, elle doit être considérée comme médiocre. En premier lieu, le taux sanguin de l'antidépresseur était insuffisant au moment de l'expertise judiciaire. Cela peut être dû à une prise irrégulière. L'expert judiciaire n'exclut cependant pas d'autres causes. Par ailleurs, entre juin et décembre 2023, le recourant n'était pas venu à la consultation chez la Dresse J______, de sorte que la psychothérapie hebdomadaire chez la psychologue a été interrompue. Toutefois, selon le recourant, c'est cette médecin qui avait annulé plusieurs rendez-vous. Enfin, le recourant a toujours refusé le traitement anti-TNF, alors qu'il pourrait considérablement améliorer la spondylarthrite, selon ses rhumatologues et l'expert E______.

Au vu de ce qui précède, il s'avère que plusieurs critères jurisprudentiels pour évaluer la capacité de travail exigible en cas de troubles psychiques ne sont pas remplis. Une incapacité de travail ne peut ainsi pas être admise.

13.         Cela étant, il y a une aggravation de l'état de santé du recourant depuis septembre 2018, dès lors qu'il présente maintenant également une atteinte somatique invalidante dans son activité habituelle. Cependant, moins d'une année après le début de son incapacité de travail en octobre 2020, il a recouvré une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée. Partant, seule une perte de gain dans l'exercice d'une telle activité à 40% au moins pourrait ouvrir le droit à une rente.

Le 18 juin 2021, l'intimé retient un revenu annuel brut avec invalidité de
CHF 62'015.-, sur la base des salaires moyens ressortant de l'Enquête suisse des salaires (ESS) 2018, publiée le 21 avril 2020, et en tenant compte d'une réduction de 10%. Le revenu annuel sans invalidité est déterminé à CHF 52'000.-, de sorte qu'aucune perte de gain n'est établie.

Quant au recourant, il n'a pas contesté ce calcul, lequel est au demeurant conforme à la loi et à la jurisprudence en la matière.

Par conséquent, le recourant ne peut prétendre à une rente.

14.         Le recourant ne demande pas de mesures d'ordre professionnel.

15.         Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et le recourant condamné au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al.1bis LAI).

 

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge du recourant.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Pascale HUGI

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Maya CRAMER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le