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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3318/2023

ATAS/686/2024 du 03.09.2024 ( PC ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3318/2023 ATAS/686/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 3 septembre 2024

Chambre 2

 

En la cause

A______

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après l’assuré ou le recourant), né en 1938, s’est établi dans le canton de Genève en juillet 2004 en provenance d’Israël. Il perçoit une rente d’assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS) et une pension israélienne.

L’assuré est au bénéfice de prestations complémentaires servies par le service des prestations complémentaires (ci-après le SPC ou l’intimé).

b. Selon le certificat d’assurance-maladie du 9 octobre 2022, la prime mensuelle pour l’assurance obligatoire des soins de l’assuré s’élèverait à CHF 579.20 par mois en 2023.

c. Par décision portant sur le droit aux prestations dès le 1er janvier 2023, le SPC a fixé le montant des prestations complémentaires fédérales et cantonales à respectivement CHF 1'891.- et CHF 554.-, le montant alloué pour la prime d’assurance-maladie s’élevant en outre à CHF 628.- par mois. Les revenus pris en compte incluaient une rente étrangère de CHF 5'464.95.

d. À la suite de la révision du droit aux prestations complémentaires initiée en janvier 2023, le SPC, par décision du 28 mars 2023, a établi le droit de l’assuré dès le 1er avril 2023 à des prestations complémentaires fédérales et cantonales de respectivement CHF 1'752.20 et CHF 554.- et à un montant pour la prime d’assurance-maladie de CHF 579.20 par mois. Les revenus incluaient une rente étrangère de CHF 6'550.10.

e. Le SPC a rendu une nouvelle décision le 9 août 2023, portant sur le droit aux prestations de l’assuré dès le 1er juillet 2023. À compter de cette date, les prestations complémentaires fédérales et cantonales s’élevaient respectivement à CHF 1'173.- et CHF  554.- par mois et la prime d’assurance-maladie à CHF 579.20. La rente étrangère prise en compte était de CHF 6'550.10.

f. Le 18 août 2023, l’assuré a requis du SPC des explications sur les raisons qui l’avaient conduit à rendre une nouvelle décision et sur la baisse des prestations qui en résultait.

Il s’est formellement opposé à ladite décision par courrier du 19 septembre 2023.

g. Par décision du 3 octobre 2023, le SPC a écarté l’opposition. Dans le cadre de la révision du dossier, il avait appris que les primes d’assurance-maladie étaient inférieures au montant pris en compte jusqu’alors, et il avait corrigé ce point dans sa décision du 28 mars 2023. La rente israélienne avait en outre augmenté depuis la dernière mise à jour. Le SPC avait tenu compte d’un montant de CHF 545.84 par mois à ce titre, sur la base du relevé bancaire de l’assuré du mois de décembre 2022. Ce montant lui était favorable, puisque ses extraits de compte révélaient que ladite rente s’était élevée à CHF 6'987.77 en 2022. La décision du 9 août 2023 avait été rendue pour tenir compte du changement dans le mode de versement des prestations complémentaires, qui étaient désormais intégralement payées à l’assuré alors qu’auparavant, le SPC réglait directement le loyer à la gérance de celui-ci.

B. a. L’assuré a interjeté recours contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans). Il a contesté avoir reçu une rente israélienne supérieure aux CHF 6'550.10 retenus. L’intimé ne tenait pas compte du fait que le montant versé à ce titre de juin à septembre 2023 était inférieur de CHF 287.- aux rentes servies pour la même période en 2022, ce qui représentait une diminution de CHF 71.70 par mois.

b. Dans sa réponse du 6 novembre 2023, l’intimé a conclu au rejet du recours.

c. Par écriture du 20 novembre 2023, le recourant a répété que sa rente étrangère avait baissé.

d. Le 20 novembre 2023, le recourant s’est adressé à l’intimé, faisant valoir une baisse du montant de sa rente israélienne entre 2022 et 2023 de CHF 75.92 par mois en moyenne. Il a transmis des extraits de son compte bancaire, dont il ressort que les versements correspondant à la rente israélienne se sont élevés à CHF 578.33 en juin 2022, CHF 575.22 en juillet 2022, CHF 607.25 en août 2022, CHF 575.63 en septembre 2022, CHF 575.66 en octobre 2022, CHF 535.26 en juin 2023, CHF 501.96 en juillet 2023, CHF 503.29 en août 2023, CHF 512.59 en septembre 2023, et CHF 476.01 en octobre 2023.

e. Le 14 décembre 2023, l’intimé a admis au vu des relevés bancaires que la rente israélienne avait diminué. Selon la pratique administrative, il convenait d’appliquer le cours de conversion moyen applicable au début du droit aux prestations pour déterminer le montant des rentes étrangères prises en compte. Les prestations complémentaires relevant d’une prestation annuelle, il n’y avait pas lieu de les recalculer chaque mois. La période litigieuse courait dès le 1er juillet 2023. Le taux de change entre le shekel et le franc suisse était d’ILS 1.- pour CHF 0.4650 au 30 juin 2023. Il y avait lieu d’inviter le recourant à produire une attestation de l’organisme israélien compétent indiquant le montant de sa rente en shekels pour l’année 2023. Ce montant serait converti en fonction du taux de change précité dans le calcul des prestations complémentaires.

f. La chambre de céans a invité le recourant à produire l’attestation requise par l’intimé le 18 décembre 2023.

g. Dans son écriture du 20 décembre 2023, le recourant a indiqué que sa rente israélienne s’élevait à ILS 1'775.- par mois. Il attendait la réponse officielle de l’organisme israélien.

Le 16 janvier 2024, le recourant a indiqué à la chambre de céans ne pas encore avoir reçu de document officiel. Il a produit diverses pièces relatives au montant de sa rente, dont une capture d’écran et une liste de prestations.

h. L’intimé a observé le 5 février 2024 qu’une attestation officielle pour 2023, traduite en français, était indispensable pour revoir les montants pris en compte à titre de rente israélienne. À défaut, il serait contraint de conclure au rejet du recours.

i. La chambre de céans a transmis cette écriture au recourant, qui a déféré à la requête de l’intimé le 4 mars 2024.

Il a produit un document en anglais de l’institution israélienne compétente, intitulée « Confirmation of benefit entitlement », attestant son droit à une rente de vieillesse depuis février 2003 et précisant que les mensualités pour octobre à décembre 2023 s’étaient élevées à ILS 2'166.- par mois. Il a également produit un document en anglais intitulé Pension rates, lequel mentionnait une rente d’ILS 1'834.- par mois pour les bénéficiaires de 80 ans et plus. Le recourant a soutenu que l’augmentation de la rente d’ILS 332.- pour les mois d’octobre à décembre 2023 visait à compenser la dépréciation du shekel depuis les événements d’octobre 2023. Le montant lui était versé en francs suisses, de sorte que l’indication du droit en shekels lui semblait inutile. Il a précisé qu’il attendait un document officiel attestant le montant total de la rente israélienne en 2023.

j. L’intimé s’est déterminé le 18 mars 2024. Il a indiqué consentir à se référer aux relevés bancaires du recourant pour la période du 1er juillet au 30 septembre 2023, en l’absence d’attestation officielle. La rente moyenne mensuelle s’élevait à CHF 505.95 pour cette période, soit à un montant annualisé de CHF 6'071.36. Du 1er octobre au 31 décembre 2023, la rente mensuelle d’ILS 2'166.- correspondait à une rente annualisée d’ILS 25'992.-, soit CHF 6'268.49 en fonction d’un taux de change ILS-CHF de 0.24117. Dès le 1er janvier 2024, le montant de la rente annualisée était de CHF 6'117.74, ce qui correspondait à ILS 25'993.- convertis selon un taux de change ILS-CHF 0.26537.

k. Par écriture du 4 avril 2024, le recourant s’est plaint de ne pas avoir reçu d’explications claires, notamment sur le règlement des primes. L’intimé n’avait pas tenu compte de l’augmentation des différents postes de son budget, par exemple l’électricité et les médicaments.

l. Le 9 avril 2024, l’intimé a relevé que les montants correspondant à la rente israélienne dont il avait proposé de tenir compte dans ses déterminations du 18 mars 2024 étaient inférieurs au montant de CHF 6'550.10 retenu à ce titre dans la décision litigieuse, ce qui entraînerait une augmentation des prestations complémentaires.

m. Dans son écriture du 22 avril 2024, le recourant a souligné que l’intimé avait admis une rente annualisée de CHF 6'071.30 dans son écriture du 18 mars 2024, alors qu’il articulait un montant de CHF 6'550.10 dès le 1er juillet 2023. D’octobre à décembre 2023, la rente annualisée s’était réduite à CHF 6'117.74. Il s’est derechef interrogé sur la baisse des primes d’assurance-maladie

n. L’intimé ayant déclaré ne pas avoir d’observations complémentaires par pli du 7 mai 2024, la chambre de céans a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance‑vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC ‑RS 831.30).

Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La réforme du droit aux prestations complémentaires faisant l’objet de la modification légale du 22 mars 2019 (Réforme des PC) est entrée en vigueur le 1er janvier 2021.

Elle est applicable au présent litige, conformément au principe selon lequel, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire, le droit applicable est déterminé par les règles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; cf. également circulaire concernant les dispositions transitoires de la réforme des prestations complémentaires [C-R PC], édictée par l'office fédéral des assurances sociales [ci‑après : OFAS] et valable dès le 1er janvier 2021),

3.             En matière de prestations complémentaires fédérales, les décisions sur opposition sont sujettes à recours dans un délai de 30 jours (art. 56 al. 1 et 60 al. 1er LPGA ; art. 9 de la loi cantonale sur les prestations fédérales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité du 14 octobre 1965 [LPFC - J 4 20]) auprès du tribunal des assurances du canton de domicile de l'assuré (art. 58 al. 1 LPGA).

S'agissant des prestations complémentaires cantonales, l'art. 43 LPCC ouvre les mêmes voies de droit.

Déposé dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable.

4.             Le litige porte sur le montant des prestations complémentaires dès le 1er juillet 2023.

L’intimé a implicitement acquiescé partiellement au recours au cours de la présente procédure, en admettant la révision du droit aux prestations complémentaires en fonction des rentes effectivement versées en francs suisses du 1er juillet au 30 septembre 2023, puis du taux de conversion modifié du 1er octobre au 31 décembre 2023. Cet accord ne vide toutefois pas intégralement le litige de son objet, de sorte qu’il ne met pas fin à la procédure.

5.             La chambre de céans rappelle ce qui suit au sujet de l’établissement du droit aux prestations complémentaires.

5.1 L’art. 9 al. 1 LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants, mais au moins au plus élevé des montants suivants la réduction des primes la plus élevée prévue par le canton pour les personnes ne bénéficiant ni de prestations complémentaires ni de prestations d’aide sociale (let. a) ; 60 % du montant forfaitaire annuel pour l’assurance obligatoire des soins au sens de l’art. 10 al. 3 let. d (let. b). L’art. 10 al. 3 let. d précise que le montant pour l’assurance obligatoire des soins consiste en un montant forfaitaire annuel qui correspond au montant de la prime moyenne cantonale ou régionale pour l’assurance obligatoire des soins (couverture accidents comprise), mais qui n’excède pas celui de la prime effective.

L’art. 11 al. 1 let. d LPC inclut dans les revenus déterminants les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’AI. Les rentes provenant de l’étranger sont entièrement prises en compte dans les revenus, même si elles sont versées à l’étranger, sous réserve qu’elles puissent servir à l’entretien de l’ayant droit, c’est-à-dire qu’elles soient exportables et qu’il existe une possibilité de transfert effectif en Suisse (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l’AI, ch. 74 p. 156 ad art. 12 LPC).

5.2 Au plan cantonal, l'art. 4 LPCC dispose qu'ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes dont le revenu annuel déterminant n'atteint pas le revenu minimum cantonal d'aide sociale applicable.

L'art. 5 LPCC renvoie à la réglementation fédérale pour le calcul du revenu déterminant, sous réserve notamment de l'ajout des prestations complémentaires fédérales au revenu déterminant et d’autres dérogations, non pertinentes en l’espèce.

6.             Les prestations complémentaires relèvent d’une prestation annuelle. La force de chose décidée de la décision portant sur une telle prestation est limitée, d'un point de vue temporel, à l'année civile à laquelle elle se rapporte (arrêt du Tribunal fédéral P 29/04 du 9 novembre 2004 consid. 4.3).

6.1 Aux termes de l'art. 23 de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301), sont pris en compte en règle générale pour le calcul de la prestation complémentaire annuelle, les revenus déterminants obtenus au cours de l'année civile précédente et l'état de la fortune le 1er janvier de l'année pour laquelle la prestation est servie (al. 1). La prestation complémentaire annuelle doit toujours être calculée compte tenu des rentes, pensions et autres prestations périodiques en cours (art. 11 al. 1 let. d et dbis LPC (al. 3). Si la personne qui sollicite l'octroi d'une prestation complémentaire annuelle peut rendre vraisemblable que, durant la période pour laquelle elle demande la prestation, ses revenus déterminants seront notablement inférieurs à ceux qu'elle avait obtenus au cours de la période servant de base de calcul conformément à l'al. 1 ou au 2, ce sont les revenus déterminants probables, convertis en revenu annuel, et la fortune existant à la date à laquelle le droit à la prestation complémentaire annuelle prend naissance, qui sont déterminants (al. 4). Les besoins vitaux ne doivent pas être déterminés sur une période de moins d’une année, mais en fonction des circonstances dans l’année précédente ou l’année en cours, à moins qu’une révision procédurale ou une reconsidération au sens de l’art. 53 al. 1 et al. 2 LPGA, ou une révision matérielle en lien avec une modification des circonstances personnelles ou économiques au sens de l’art. 25 OPC-AVS/AI soit indiquée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_141/2022 du 14 novembre 2022 consid. 5.2)

6.2 L’art. 25 OPC-AVS/AI dispose que la prestation complémentaire annuelle doit être augmentée, réduite ou supprimée notamment lorsque les dépenses reconnues, les revenus déterminants et la fortune subissent une diminution ou une augmentation pour une durée qui sera vraisemblablement longue ; sont déterminants les dépenses nouvelles et les revenus nouveaux et durables, convertis sur une année, ainsi que la fortune existant à la date à laquelle le changement intervient ; on peut renoncer à adapter la prestation complémentaire annuelle, lorsque la modification est inférieure à CHF 120.- par an (let. c) ; ou lors d’un contrôle périodique, si l’on constate un changement des dépenses reconnues, des revenus déterminants et de la fortune ; on pourra renoncer à rectifier la prestation complémentaire annuelle, lorsque la modification est inférieure à CHF 120.- par an (let. d). En cas d’augmentation de l’excédent des dépenses, la nouvelle décision doit porter effet dès le début du mois au cours duquel le changement a été annoncé, mais au plus tôt à partir du mois dans lequel celui-ci est survenu. Dans les cas prévus par l’al. 1 let. d, la nouvelle décision prend effet dès le début du mois au cours duquel le changement a été annoncé, mais au plus tôt à partir du mois dans lequel celui-ci est survenu et au plus tard dès le début du mois qui suit celui au cours duquel la nouvelle décision a été rendue. Dans ces deux cas, la créance en restitution est réservée lorsque l’obligation de renseigner a été violée (cf. art. 25 al. 2 let. c et d OPC-AVS/AI)

7.             Les directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (ci‑après : DPC) publiées par l'OFAS, dans leur teneur au 1er janvier 2023, prévoient à leurs chiffres 3452.01 à 3452.04 que pour les rentes et pensions qui sont versées en devises d'États parties à l'accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'Union européenne ou à la Convention AELE, le cours de conversion applicable est le cours du jour publié par la Banque centrale européenne. Le premier cours du jour disponible du mois qui précède immédiatement le début du droit à la prestation est déterminant. Pour la conversion en francs suisses des rentes et pensions des autres États, il convient d'appliquer le cours des devises (vente) actuel de l'Administration fédérale des douanes au moment du début du droit aux prestations complémentaires. Il en va de même pour les paiements d'arriérés. Lors d'une modification sensible des cours durant l'année, il convient de procéder conformément aux chiffres 3641.01ss DPC. Aux termes du chiffre 3641.01 DPC, lors de chaque changement survenant au sein d'une communauté de personnes qui est à la base du calcul des prestations complémentaires annuelles, lors de chaque modification de la rente de l'AVS ou de l'AI et s'il intervient, pour une période longue, une diminution ou une augmentation notable des revenus déterminants et des dépenses reconnues, les prestations complémentaires annuelles doivent être augmentées, réduites ou supprimées en cours d'année. Sont déterminants les nouveaux éléments de revenus et de dépenses durables, convertis en revenus et dépenses annuels, et la fortune existant à la date à laquelle le changement intervient. Un nouveau calcul des prestations complémentaires annuelles, à la suite d'une diminution effective de la fortune est admissible sur demande, mais une fois par an seulement (ch. 3641.02 DPC). Lorsque la modification du montant des prestations complémentaires annuelles est inférieure à CHF 120.- par an, on peut renoncer à une adaptation (ch. 3641.03).

Destinées à assurer l'application uniforme des prescriptions légales, les instructions de l'administration, en particulier de l'autorité de surveillance, visent à unifier, voire à codifier la pratique des organes d'exécution. Elles ont notamment pour but d'éviter, dans la mesure du possible, que les autorités ne rendent des décisions viciées qu'il faudra ensuite annuler ou révoquer et d'établir des critères généraux pour trancher chaque cas d'espèce, cela aussi bien dans l'intérêt de la praticabilité que pour assurer une égalité de traitement des ayants droit. Selon la jurisprudence, ces directives n'ont d'effet qu'à l'égard de l'administration. Elles ne créent pas de nouvelles règles de droit, et donnent le point de vue de l'administration sur l'application d'une règle de droit, et non pas une interprétation contraignante de celles-ci (ATF 129 V 200 consid. 3.2). Elles ne constituent pas des normes de droit fédéral et n'ont pas à être suivies par le juge. Elles servent tout au plus à créer une pratique administrative uniforme et présentent à ce titre une certaine utilité. Elles ne peuvent en revanche sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, les directives ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 141 V 175 consid. 4.1).

8.             Le Tribunal fédéral a admis dans un arrêt de 2000 que les revenus étrangers déterminants en matière de prestations complémentaires devaient être convertis conformément au taux de conversion applicable au début de l'année ressortant des tables de cours de conversion pour les revenus et les fortunes établis par l'OFAS (arrêt du Tribunal fédéral P 28/00 du 13 septembre 2000 consid. 2a publié in AHI‑Praxis 5/2001 p. 214). Depuis le 1er janvier 2008, l'OFAS n'établit plus ces tables de conversion.

La modification du taux de change applicable à la conversion d'une rente étrangère est un motif de révision des prestations complémentaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_180/2009 du 9 septembre 2009 consid. 5.1). Il n'y a toutefois pas lieu à révision lorsque la modification est inférieure à CHF 120.-, conformément à l'art. 25 al. 1 let. c 3ème phrase OPC-AVS/AI, cette disposition potestative n'excluant pas un certain pouvoir d'appréciation sur ce point (arrêt du Tribunal fédéral P 30/99 du 24 août 1999 consid. 2, 3b et 3c).

Dans un arrêt portant sur la conversion d'une rente allemande servie en euros, le Tribunal fédéral a considéré que l'application des taux de conversion fixés par la Commission administrative des communautés européennes pour la sécurité sociale des travailleurs migrants et publiés au Journal officiel de l'Union européenne au début de l'année correspondante, telle que prévue alors par la pratique administrative, était une solution adaptée au cas concret et conforme au droit. Les taux établis par cette commission ne correspondaient pas aux taux du jour du paiement de la rente étrangère, ce qui pouvait avoir pour conséquence qu'un bénéficiaire de prestations complémentaires pouvait se voir imputer une rente plus élevée que celle perçue lors d'une baisse du taux de change. Inversement, en cas d'augmentation dudit taux, le bénéficiaire obtenait une rente plus élevée que celle prise en compte dans le calcul, de sorte que la situation était équilibrée sur la durée. Partant, il n'y avait aucun argument justifiant de remettre en cause l'application des taux établis par la Commission (arrêt du Tribunal fédéral 9C_377/2011 du 12 octobre 2011 consid. 3.3). Par ailleurs, le Tribunal fédéral a souligné en matière de conversion en euros d'une rente de vieillesse exportée qu'il n'existait pas de droit à bénéficier du cours le plus favorable (ATF 141 V 246 consid. 6.2). Le Tribunal fédéral a encore récemment confirmé l’application des dispositions du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (RS 0.831.109.268.11) et de la décision H3 de la commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale du 15 octobre 2009 relative à la date à prendre en compte pour établir les taux de change visée à l’art. 90 du règlement, dispositions reprises dans les directives DPC. Rappelant que les prestations complémentaires devaient en principe être calculées en fonction des revenus de l’année précédente – sauf en cas de révision procédurale ou matérielle ou de reconsidération –, il n'y avait pas de place pour un nouveau calcul mensuel du droit aux prestations complémentaires tenant compte du montant en francs suisses de la rente allemande convertie effectivement crédité sur le compte bancaire de l’intéressée à la fin du mois précédent, tel qu’entrepris par la juridiction cantonale. Un tel calcul reviendrait à contourner les dispositions du droit communautaire. Le fait que la rente soit versée directement en francs suisses n’était pas pertinent Le Tribunal fédéral a souligné que les directives DPC étaient conformes au droit fédéral, notamment en tant qu’elles prévoyaient que seule une modification sensible du cours de la monnaie pouvait conduire à une révision du droit aux prestations complémentaires (arrêt du Tribunal fédéral 8C_701/2023 du 9 avril 2024 consid. 5.2.2, 5.3.1 et 5.3.2).

9.             En l’espèce, la chambre de céans note en préambule que l’intimé était fondé à reprendre le calcul des prestations complémentaires dès juillet 2023, au vu de la modification des modalités du versement du loyer.

9.1 S'agissant des dépenses liées à l'assurance-maladie, le montant retenu par l'intimé à ce titre correspond à la prime due selon le certificat d’assurance du 9 octobre 2022 et échappe ainsi à toute critique.

9.2 Le recourant se plaint en outre du fait que l’intimé n’aurait pas tenu compte de l’augmentation générale du coût de la vie.

Il faut ici rappeler que les prestations complémentaires visent à garantir un minimum vital aux bénéficiaires de rentes de vieillesse (ATF 127 V 368 consid. 5a), et que les besoins vitaux sont réputés couverts par les prestations complémentaires ajoutées aux revenus déterminants. Cela a pour conséquence qu’on ne saurait admettre une déduction de la fortune afin de combler un déficit résultant de dépenses liées à des besoins vitaux à la fin de l’année qui excéderaient le forfait (arrêt du Tribunal fédéral 9C_397/2013 du 15 octobre 2013 consid. 6.1). Les besoins vitaux couverts par le forfait incluent en particulier l’alimentation, l’habillement, les soins corporels, l’électricité et l’eau, les impôts et les activités culturelles (Ralph JÖHL/Patricia USINGER-EGGER, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], vol. XIV, Soziale Sicherheit, 3ème éd. 2016, n. 57).

La fiction de la couverture des besoins vitaux par le forfait prévu à l’art. 10 al. 1 let. a LPC exclut également la prise en compte de variations des coûts de la vie dans le calcul des prestations (arrêt du tribunal des assurances du canton de St. Gall du 19 décembre 2023 EL 2023/32 consid. 4.2).

Partant, le recourant ne peut prétendre à des prestations complémentaires plus importantes pour ce motif.

9.3 En ce qui concerne la rente israélienne, il n’est pas contesté que celle-ci doit être incluse dans les revenus déterminants.

Comme on l’a vu, la dévaluation de la monnaie dans laquelle est servie une rente étrangère avant conversion peut conduire à la révision du droit aux prestations, si la différence excède CHF 120.- par an. Tel est bien le cas en l’espèce, au vu des différences entre les montants correspondant à la rente israélienne perçus par le recourant en 2022 et en 2023.

9.4 Il faut relever que l’intimé s’est fondé dans sa décision du 8 août 2023 sur les montants versés en francs suisses sur le compte bancaire du recourant pour établir le montant de la rente israélienne. Dans ses déterminations du 18 mars 2024, il a également admis la référence aux montants effectivement versés en francs suisses sur le compte du recourant pour la période du 1er juillet au 30 septembre 2023. Ce faisant, il s’écarte de la pratique, confirmée par la jurisprudence, consistant à convertir le montant de la rente en devises étrangères selon le taux de conversion au début du droit aux prestations. Cela étant, si ce procédé n’est pas exactement conforme aux directives de l’OFAS, il représente dans le cas d’espèce une solution pragmatique en l’absence de document officiel au dossier indiquant le montant annuel de la rente en shekels. De plus, il n’est pas défavorable au recourant, puisqu’il tient compte des montants effectivement perçus et à sa disposition pour pourvoir à son entretien.

Les relevés bancaires révèlent que les rentes israéliennes se sont élevées à CHF 501.96 en juillet, CHF 503.29 en août et CHF 512.59 en septembre 2023, ce qui représente en moyenne CHF 505.95 par mois et CHF 6'071.36 par an. La chambre de céans confirmera ainsi le montant annualisé de CHF 6'071.36 à titre de rente israélienne à inclure dans les revenus déterminants pour le droit aux prestations du 1er juillet au 30 septembre 2023, chiffre proposé par l’intimé au cours de la présente procédure.

Pour la période d’octobre à décembre 2023, l’attestation de l’organisme israélien produite par le recourant mentionne une rente d’ILS 2'166.- par mois. Au 30 septembre 2023, un shekel s’échangeait contre CHF 0.24114 selon les taux de change publiés par l’Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (ci‑après : OFDF), disponibles sur https://www.rates.bazg.admin.ch/home. Cela correspond à une rente mensuelle convertie en francs suisses de CHF 522.30 ou CHF 6'267.70 une fois annualisée, soit un montant légèrement inférieur au chiffre de CHF 6'268.49 articulé par l’intimé dans sa proposition du 18 mars 2024.

S’agissant du montant de la rente israélienne pris en compte dès le 1er janvier 2024, elle ne fait pas l’objet du litige, au vu du fait que la décision dont est recours porte uniquement sur 2023. La chambre de céans n’est ainsi pas fondée à l’examiner dans le cadre de la présente procédure.

10.         Compte tenu des éléments qui précèdent, le recours est partiellement admis.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario et art. 89H al. 1 de la loi sur la procédure administrative [LPA - E 5 10]).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement au sens des considérants.

3.        Annule la décision du 3 octobre 2023.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour nouvelle décision sur le droit aux prestations complémentaires dès le 1er juillet 2023, tenant compte d’une rente étrangère annualisée de CHF 6'071.35 pour la période du 1er juillet au 30 septembre 2023, et de CHF 6'267.70 pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2023.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le