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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2936/2023

ATAS/632/2024 du 21.08.2024 ( LAA ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2936/2023 ATAS/632/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 août 2024

Chambre 8

 

En la cause

A______

représenté par Me Clio HERRMANN, avocat

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1964, sans formation professionnelle, domicilié à Genève jusqu’en 2015, année de son déménagement en Guadeloupe, a exercé la profession de chauffeur-livreur pour la société B______ jusqu’à fin septembre 1997. Il a ensuite été engagé par C______, société sise dans le canton de Genève, en qualité de chauffeur de clark auxiliaire. Dans le cadre de ces deux emplois, il était assuré contre le risque accidents par la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : la SUVA).

b. Le 1er mai 1997, l’assuré a chuté d’une hauteur d’un mètre, ce qui avait occasionné une entorse de la cheville et de l’épaule gauches. Le diagnostic de périarthropathie de l’épaule gauche avec composante capsulaire, limitation douloureuse de la mobilité en abduction et en élévation, abaissement de l’épaule gauche, tendinoses et ténopériostites au niveau de l’apophyse coracoïde, de l’insertion du tendon du long chef du biceps ainsi que de l’insertion du tendon du supra-épineux et myoses au niveau du muscle supraépineux à gauche avait été posé lors d’un séjour à la Rheaklinik de Bellikon à fin 1997 et des limitations fonctionnelles avaient été mises en évidence : charger et décharger un camion (en tant que chauffeur) et travail au niveau de l’épaule ou au-dessus (lettre de sortie du 6 janvier 1998 signée par la Dre D______, médecine physique et réadaptation). Les séquelles accidentelles avaient toutefois disparu en avril 1999 (examen par le médecin-conseil de la SUVA, le Dr E______).

c. Le 2 mars 1998, il a été victime d’un accident de chantier qui a également été pris en charge par l’assureur précité. L’assuré a en effet chuté d’une hauteur de 12 mètres, ce qui avait entraîné des fractures des deux calcanéums, du scaphoïde du poignet gauche et une disjonction sacro-iliaque à droite. À l’issue du versement des indemnités journalières, soit dès le 1er septembre 2002, la SUVA a accordé une rente d’invalidité à 100% à l’assuré pour les séquelles du sinistre du 2 mars 1998, en se fondant sur les conclusions d’un examen final réalisé par son médecin-conseil, le Dr E______ (examen du 6 juin 2000), et les conclusions de l’expert psychiatre mandaté par l’assurance-invalidité, le Dr F______ (rapport du 29 juin 2001), étant précisé que le médecin-conseil avait laissé le soin à l’administration de se prononcer sur le lien de causalité entre les troubles psychologiques et l’accident. Le premier médecin retenait une pleine capacité de travail, sans diminution de rendement, dans une activité adaptée essentiellement en position assise (pas de position debout pendant de longues périodes, pas de déplacements sur de moyennes ou longues distances, pas de port de charges, pas d’activité nécessitant de s’agenouiller ou de s’accroupir). Quant au second, il avait considéré la capacité de travail nulle en raison de troubles psychopathologiques complexes, principalement narcissiques (personnalité narcissique ; F60.8).

B.            L’assurance-invalidité a également mis l’assuré au bénéfice d’une rente entière d’invalidité dès le 1er mai 1998, retenant un taux d’invalidité de 90% dès le 1er mai 1998 et de 100% dès le 1er septembre 1998. Cette décision était fondée sur les conclusions du Dr F______ et celles du Dr E______ (rapport du 6 juin 2000). La capacité résiduelle de travail avait été préalablement testée lors d’un stage d’observation professionnelle au Centre d’intégration professionnelle à Genève du 2 au 28 janvier 2001. Le rapport d’évaluation (ci-après : rapport COPAI) concluait à une capacité physique résiduelle de travail de 60%, dans une activité adaptée en position assise, l’assuré n'étant cependant pas en mesure de reprendre une activité professionnelle.

C.           a. Tant l’Office de l’assurance-invalidité pour les assurés résidant à l’étranger (ci-après : OAIE) que la SUVA ont mis en œuvre une révision de la rente d’invalidité.

b. L’OAIE a soumis l’assuré à une expertise rhumatologique confiée au Dr G______ (rhumatologue), lequel a examiné l’assuré en date du 16 novembre 2016. Il a retenu les diagnostics de fracture avec déformation des deux calcanéums (S92.0), une fracture avec enfoncement des astragales (S92.1) et des douleurs articulaires des deux chevilles (M25.5). L’assuré présentait une mobilité quasi nulle des deux chevilles, rendant la marche en terrain irrégulier très difficile, voire impossible ; des troubles de l’équilibre en rapport avec la perte de l’adaptation du pied résultant de la quasi-absence de mobilité des articulations de la cheville et une pseudo-arthrodèse associée à peu de douleurs au repos. D’un point de vue rhumatologique, le médecin considérait la capacité de travail entière dans une activité adaptée, avec les limitations fonctionnelles suivantes : absence de port de charge, pas de situation debout prolongée, pas de marche de plus de 40-60 minutes d’affilée par jour et pas plus de trois heures de marche par semaine. Un travail de bureau sédentaire était envisageable et la situation médicale était inchangée par rapport à l’année d’octroi de la rente d’invalidité, 2001.

c. Le Dr H______ (psychiatre) a quant à lui procédé à l’évaluation psychiatrique de l’assuré. Dans son rapport du 18 janvier 2017, l’expert n’a retenu aucun symptôme psychique (troubles narcissiques, personnalité paranoïaque, idées délirantes) à l’origine de limitations fonctionnelles et a relevé que les éléments invoqués par l’assuré étaient principalement dus à des difficultés sur le plan physique et non psychiatrique. La capacité de travail de l’intéressé était par conséquent entière d’un point de vue psychiatrique.

d. Dans un avis du 6 mars 2017, le Dr I______, psychiatre et médecin interne de l’OAIE, a retenu une capacité de travail entière dans une activité adaptée. Il a précisé que bien que l’assuré fût en rémission de son trouble de la personnalité et qu’il ne présentât pas de limitations fonctionnelles psychiques, son status ne lui permettait pas une auto-réadaptation d’un point de vue psychique, compte tenu de la durée de la rente perçue, de l’absence de formation professionnelle, de l’échec d’une réadaptation professionnelle antérieure ainsi que du risque d’une nouvelle accentuation problématique des traits de la personnalité. Une mesure d’observation devait être mise en place préalablement à une réadaptation professionnelle.

e. Un stage d’observation ayant été considéré comme superflu au regard du dossier médical et compte tenu du fait que l’assuré savait faire preuve d’auto-réadaptation sachant qu’il pratiquait la pêche et la cuisine de manière quotidienne en Guadeloupe, l’OAIE a supprimé, par décision du 17 décembre 2019, le droit à la rente. L’OAIE a considéré que l’état de santé psychique s’était amélioré et ne justifiait plus d’incapacité de travail, alors que les limitations fonctionnelles somatiques, si elles n’avaient pas subi de modification, permettaient l’exercice d’une activité adaptée à plein temps. Le taux d’invalidité en découlant était insuffisant pour permettre l’octroi d’une rente (33%).

f. Sur recours interjeté par l’assuré contre cette décision, le Tribunal administratif fédéral a jugé que les rapports d’expertise des Drs G______ et H______ ne permettaient pas de porter un jugement valable sur l’état de santé de l’assuré, et en particulier ne permettaient pas de démontrer une amélioration de la capacité de travail (arrêt du 25 octobre 2021). Il a dès lors annulé la décision entreprise et renvoyé la cause à l’OAIE pour instruction complémentaire, avec mise en œuvre d’une expertise pluridisciplinaire (psychiatrique, rhumatologique, neurologique et médecine interne), tout en précisant que le dossier ne recelait en l’état pas de motif de révision justifiant une suppression de la rente.

D.           a. La SUVA, de son côté, a soumis le cas à son médecin-conseil après avoir versé au dossier les rapports des Drs G______ et H______. Dans son avis du 22 juillet 2020, le Dr J______, spécialiste en orthopédie et médecin-conseil de l’assureur, a considéré que la situation somatique était identique à celle qui avait été constatée en 2000 par le Dr E______. Les conclusions divergentes du Dr K______, médecin généraliste français ayant examiné l’assuré (rapport du 2 avril 2019), ne pouvaient être suivies, rien ne motivant une diminution de la capacité de travail en position assise. Quant à la pathologie psychiatrique, elle s’était améliorée (plus de symptômes psychiques suffisamment prononcés pour reconnaître des limitations fonctionnelles), selon l’avis de l’expert psychiatre le Dr H______, mandaté par l’assurance-invalidité. L’assuré avait donc recouvré une pleine capacité de travail.

b. L’assureur a par conséquent procédé à une comparaison des revenus et a considéré que le taux d’invalidité, après abattement de 5% sur le salaire statistique d’invalide, était de 4% en 2020, de sorte que la rente a été supprimée avec effet au 1er octobre 2020 (décision du 25 août 2020).

L’assuré s’est opposé à cette décision. Il a produit un rapport du Pr L______, ancien médecin chef du Service d’orthopédie et de traumatologie de l’appareil locomoteur, puis du Département de Chirurgie des HUG. Ce médecin avait conclu à une incapacité de travail totale dans toute activité, en raison de l’état douloureux engendré par le handicap qui empêchait l’assuré de se concentrer sur une tâche même sédentaire. Il notait également que l’état de santé n’était pas stabilisé, dès lors que l’arthrose des pieds de l’assuré s’aggravait progressivement. L’assuré a également contesté la valeur probante du rapport du Dr G______, les revenus avec et sans invalidité retenus par l’assureur et le taux d’abattement sur le salaire statistique. Il a notamment conclu à la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé dans la procédure l’opposant à l’assurance-invalidité et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité.

c. La SUVA a accédé à la demande de suspension de la procédure.

E.            Donnant suite à l’arrêt du Tribunal administratif fédéral, l’OAIE a confié une expertise pluridisciplinaire au M______. La SUVA s’est jointe au mandat d’expertise.

Les Drs N______, psychiatre, O______, neurologue, P______, médecin interne, et Q______, rhumatologue, ont rendu leur rapport en date du 6 mars 2023.

Au terme d’une évaluation consensuelle, les experts ont retenu les diagnostics suivants, avec impact sur la capacité de travail : douleurs de la cheville gauche suite à une fracture ouverte du calcanéum en 1998 ; douleur de l’épaule gauche sur tendinopathie fissuraire et calcifiante du tendon du sous-scapulaire, tendinite du tendon du supra-épineux sans fissuration, bursite sous-acromio-deltoïdienne et arthrose acromio-claviculaire ; perte de poids anormale. Sans impact sur la capacité de travail, les médecins ont noté, en sus des douleurs de la cheville gauche et de l’épaule gauche repris dans cette catégorie : une suspicion de polyneuropathie des membres inférieurs, d’étiologie indéterminée ; un status post-fracture fermée du calcanéum de la cheville droite en 1998 ; des troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation de dérivés du cannabis ; des changements dans les relations familiales durant l’enfance ; un état dentaire déplorable ; un tabagisme chronique. Sur le plan somatique, ils ont mentionné les limitations fonctionnelles suivantes : activité sédentaire et sans port de charges ; pas de position accroupie ou à genoux ; pas de montée / descente d’escaliers ; pas de marche sur terrain irrégulier ; pas d’effort du membre supérieur gauche au-delà de la ligne des épaules, en abduction et en antépulsion. Au niveau psychiatrique, les experts ont retenu que l’assuré devait évoluer dans un environnement calme, répétitif, avec peu de contacts avec autrui, ne nécessitant pas d’apprentissage théorique.

L’évaluation des aspects liés à la personnalité mettaient en évidence des traits de personnalité avec quelques éléments persécutifs, une certaine psychorigidité et des croyances du surnaturel, sans que cela constitue un trouble spécifique de la personnalité. Le fait que l’assuré ait travaillé durant 17 ans dans le milieu ordinaire, puis ait réussi à reconstruire une vie à la suite de l’accident majeur de 1998 plaidait contre un diagnostic de trouble de la personnalité. Les traits de personnalité de type méfiance, persécution et mégalomanie rapportés épisodiquement lors des évaluations figurant au dossier avaient totalement disparu lors de l’expertise de 2016, mais quelques signes de cette catégorie étaient retrouvés par les experts.

L’incapacité de travail reconnue était d’origine rhumatologique, neurologique et de la médecine interne. La capacité de travail dans l’activité habituelle était nulle. Dans une activité adaptée, la capacité de travail était nulle jusqu’au 7 juin 2020 (jour correspondant aux constatations du médecin d’arrondissement de la SUVA) pour des raisons rhumatologiques, et entière sans diminution de rendement dès cette date.

L’état de santé et la capacité de travail n’avaient pas évolué, d’un point de vue psychiatrique et rhumatologique, depuis le 6 juillet 2007, date de la dernière révision opérée par l’assurance-invalidité, ni dans l’activité habituelle de chauffeur poids-lourds, ni dans une activité adaptée.

Le pronostic était bon du point de vue rhumatologique, réservé en neurologie, impossible à établir en médecine interne. Sur le plan psychiatrique, le pronostic pourrait être bon avec un accompagnement psychologique, lequel n’était toutefois pas exigible.

Les experts estimaient que seules les douleurs et limitations des amplitudes des chevilles étaient en lien de causalité avec l’accident et les limitations fonctionnelles découlant de l’accident du 2 mars 1998 étaient les suivantes : pas de port de charges supérieures à 10 kg, pas de position accroupie ou à genoux, pas de montée et de descente d’escaliers, pas de marche sur terrain irrégulier. La capacité de travail était entière et sans diminution de rendement dans une activité respectant ces exigences. Une adaptation régulière des chaussures devait par ailleurs être garantie à la suite de l’accident. L’atteinte à l’intégrité a été fixée à 30% pour arthrodèse sous-astragalienne (15% pour chaque pied). L’état de santé était stabilisé depuis le 7 juin 2000 du point de vue rhumatologique ; une psychothérapie était souhaitable, mais non exigible, d’un point de vue psychiatrique.

Dans son évaluation psychiatrique, la Dre N______ a retenu le diagnostic d’autres troubles spécifiés (recte : précisés) de la personnalité et de comportement chez l’adulte (F68.8), en raison d’éléments persécutifs, d’une certaine psychorigidité et de quelques croyances au surnaturel, sans qu’un trouble spécifique de la personnalité au sens de la cotation F60 puisse être retenu. Ce diagnostic n’était pas repris dans l’évaluation consensuelle. L’expert a exposé qu’il était difficile à l’assuré de pouvoir imaginer effectuer un travail adapté autre qu’engageant son corps tout entier comme il avait toujours aimé le faire. Une psychothérapie aurait pu être efficace dans une perspective de changement de point de vue. Si la proposition n’était pas repoussée par l’assurée, celui-ci n’avait toutefois pas les moyens financiers pour assurer sa prise en charge. L’experte a considéré que l’assuré avait une capacité moyenne à s’adapter aux règles de routine. Il avait de grandes difficultés dans la flexibilité et le changement. Il était persévérant, pouvait s’assumer lui-même. Il avait peu de contact avec les autres, pas d’activité de groupe et était plutôt solitaire, mais déclarait lui-même être moins impulsif que durant sa jeunesse et que ses relations interpersonnelles s’étaient améliorées. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la Dre N______ a considéré qu’il n’y avait eu, depuis mars 1998, aucune limitation de la capacité de travail dans l’activité habituelle, ni dans une activité adaptée pour laquelle elle indiquait des limitations fonctionnelles en lien avec les traits de personnalité. Elle considérait par ailleurs qu’il n’y avait eu aucune évolution sur le plan psychiatrique depuis le 6 juillet 2007. Enfin, les troubles/diagnostics retenus n’étaient pas en lien de causalité avec l’accident du 2 mars 1998.

F.            Dans un projet de décision du 10 mai 2023, confirmé par décision du 28 juin 2023, l’OAIE a maintenu le droit à la rente entière d’invalidité. L’OAIE a considéré qu’au terme de l’examen réalisé les 7 et 8 février 2023, les experts du M______, tout en fixant l’exigibilité à 100% dans une activité adaptée, n’avaient retenu aucune évolution sur les plans rhumatologiques et psychiatriques, et que les limitations fonctionnelles étaient superposables à celles retenues lors de l’examen initial du droit à la rente. En l’absence d’amélioration durable et significative, le droit à la rente était maintenu.

G.           Statuant sur l’opposition de l’assuré le 12 juillet 2023, la SUVA a considéré n’avoir disposé de la preuve du motif de révision qu’au moment de la reddition du rapport d’expertise pluridisciplinaire par le M______. Elle a donc admis la poursuite du versement de la rente entière d’invalidité jusqu’au 31 mars 2023. En revanche, dès le 1er avril 2023, elle a estimé que le trouble de la personnalité narcissique qui avait justifié la reconnaissance d’une totale incapacité de travail avait disparu. Le refus d’entreprendre une psychothérapie qui avait conduit le Dr F______, expert psychiatre, à reconnaître une totale incapacité de travail, n’était plus d’actualité, puisque l’assuré avait déclaré à l’experte N______ qu’il aurait aimé pouvoir reparler du traumatisme qu’avait été pour lui l’accident de travail. Dans ces circonstances, une capacité de travail entière dans une activité adaptée aux limitations physiques était reconnue. Après avoir procédé à la comparaison des revenus (Revenu sans invalidité : revenu statistique selon le tableau T17 pour un homme en 2020, adapté à l’horaire usuel de travail [42.7 heures par semaine], indexé à la hausse des salaires nominaux pour 2023, soit CHF 78'555.91 ; revenu avec invalidité : revenu statistique selon le tableau TA1 [production et services] pour un homme en 2020, adapté à l’horaire usuel de travail [41.7 heures], indexé à la hausse des salaires nominaux pour 2023, soit CHF 67'262.62), la SUVA a retenu un degré d’invalidité de 14% et admis le droit à une rente fondée sur ce taux dès le 1er avril 2023.

H.           a. C’est contre cette décision que l’assuré a interjeté recours, par écriture du 14 septembre 2023, concluant, à titre principal, à l’octroi d’une rente entière d’invalidité à compter du 1er avril 2023, et, à titre subsidiaire, à l’octroi d’une rente d’invalidité de 44% dès le 1er avril 2023.

En substance, le recourant a fait valoir qu’il n’existait pas de motif de révision, les experts du M______ considérant qu’il n’y avait eu aucune évolution notable de son état de santé, ni d’un point de vue rhumatologique et/ou neurologique en lien avec l’accident, ni d’un point de vue psychiatrique. A ce dernier propos, le recourant faisait en outre grief à l’intimée d’avoir pris en considération les troubles psychiques pour comparer son état de santé entre l’ouverture du droit à la rente et la situation actuelle, dès lors que la décision de base ne tenait pas compte de ceux-ci et était exclusivement fondée sur des motifs d’ordre physique.

Dans une argumentation subsidiaire, le recourant s’en est pris à la détermination des revenus avec et sans invalidité, y compris au refus de l’intimée d’appliquer un abattement sur le dernier cité, l’abattement devant s’élever à 25%.

b. Se référant aux considérants de sa décision entreprise, la SUVA a conclu au rejet du recours par acte du 13 novembre 2023. Elle a fait remarquer que l’état de santé psychique avait bien été pris en considération lors de l’octroi de la rente, sur recommandation de son médecin-conseil. Quant à la comparaison des revenus à laquelle elle avait procédé, elle ne souffrait pas la critique.

c. Il a été procédé à un deuxième échange d’écritures, sur quoi la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Selon l’art. 58 al. 2 LPGA, si le recourant est domicilié à l’étranger, le tribunal des assurances compétent est celui de son dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de son dernier employeur suisse.

L’assuré étant domicilié à l’étranger et tant son dernier domicile en Suisse que le domicile de son dernier employeur dans ce pays étant dans le canton de Genève, la compétence de la chambre de céans pour juger du cas d’espèce est établie.

2.             Interjeté dans le délai de trente jours (cf. art. 60 LPGA) et dans les formes prévues par la loi (cf. art. 61 let. b LPGA et art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA – E 5 10]), le recours est recevable.

3.             L’objet du litige est le droit du recourant à la poursuite du versement de la rente d’invalidité à 100% versée depuis 2002 au-delà du 31 mars 2023, en lien avec un événement accidentel survenu en mars 1998.

4.              

4.1 Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. Dans la mesure où l'accident en cause est survenu avant cette date, le droit du recourant aux prestations d'assurance est soumis à l'ancien droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016.

4.2 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA ; ATF 129 V 402 consid. 2.1, 122 V 230 consid. 1 et les références).

La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1; 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l'accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n° U 206 p. 328 consid. 3b; RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 360 consid. 5b; ATF 125 V 195 consid. 2; RAMA 2000 n° U 363 p. 46).

4.3 L’art. 17 al. 1 LPGA dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Il convient ici de relever que l’entrée en vigueur de l’art. 17 LPGA, le 1er janvier 2003, n’a pas apporté de modification aux principes jurisprudentiels développés sous le régime de l’ancien art. 41 LAI, de sorte que ceux-ci demeurent applicables par analogie (ATF 130 V 343 consid. 3.5).

Tout changement important des circonstances propres à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3; 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s'améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 consid. 4.1). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3; 112 V 371 consid. 2b; 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références). Un changement de jurisprudence n'est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid.5.4; 130 V 343 consid. 3.5.2).

Aux termes de l’art. 88a al. 1 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RS 831.201 - RAI), si la capacité de gain s’améliore, il y a lieu de considérer que ce changement supprime, le cas échéant, tout ou partie de son droit aux prestations dès qu’on peut s’attendre à ce que l’amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période. Il en va de même lorsqu’un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu’une complication prochaine soit à craindre.

4.4  

4.4.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

4.4.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 137 V 210 consid. 1.3.4 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).

Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

5.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6. 1 et la référence).

6.              

6.1 En l’espèce, le recourant conteste que son état de santé se soit amélioré, arguant premièrement que la prétendue modification de son état de santé psychique fondant la décision dont est recours serait irrelevante, dans la mesure où la décision d’octroi de rente n’avait pris en considération que les seules séquelles physiques de l’accident.

6.1.1 Quand bien même la décision initiale d’octroi de rente est fort peu motivée, il n’en demeure pas moins qu’elle mentionne le défaut d’exigibilité de reprise du travail découlant directement de l’expertise du Dr F______, psychiatre. Le médecin-conseil de l’intimée avait, après avoir constaté une capacité de travail entière dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles de nature physique, laissé à l’administration la charge de se prononcer sur le lien de causalité s’agissant des troubles psychiques ressortant du rapport COPAI. Sur cette base, l’intimée s’est procurée l’expertise psychiatrique sus-évoquée et a considéré que les troubles et l’incapacité de travail totale qui en découlait étaient à la charge de l’assurance-accidents. Cette position, qui eut certainement mérité une instruction complémentaire malgré le caractère relativement grave de l’accident, ne saurait toutefois être revue dans le cadre de la présente procédure. Il sera revenu ci-dessous (consid. 6.2.4) sur le lien de causalité entre les troubles psychiques retenus par les experts du M______ dans le cadre de la procédure de révision et l’accident assuré.

6.1.2 Dans ces circonstances, c’est à bon droit que l’intimée a examiné l’éventuelle modification de l’état de santé du recourant en prenant en considération la sphère psychiatrique.

6.2 Reste à déterminer si, comme le soutient l’intimée, il y a eu une amélioration notable de l’état de santé justifiant de retenir une pleine capacité de travail d’un point de vue psychiatrique.

6.2.1 Dans leur rapport du 15 mars 2001, les maîtres de stage du COPAI et le Dr R______ relataient que toute exigence exprimée était considérée par le recourant comme excessive face au sentiment d’être une victime non reconnue. Celui-ci avait déclaré ne pas avoir besoin d’aide (particulièrement d’aide psychologique) et qu’il était capable de s’en sortir seul. Il s’était montré très méfiant, mais pouvait se sentir rassuré avec des explications, était contestataire s’il pensait avoir raison, faisait preuve d’impulsivité et avait un comportement quelque peu marginal. Finalement, le rapport avait conclu à des capacités sociales incompatibles avec un emploi dans le circuit économique normal.

Le Dr F______, psychiatre mandaté par l’assurance-invalidité, avait exposé dans son expertise du 29 juin 2001 que le recourant souffrait de troubles psychopathologiques complexes, principalement narcissiques (personnalité narcissique ; F60.8), et qu’il n’était pas apte à reprendre le travail. Des éléments borderline étaient également relatés, tels que la fugue, la rage, l’impulsivité, la toxicomanie, les aspects caractériels et la relation tout ou rien. L’intéressé vivait sa lutte contre son état d’handicapé comme une sorte de défi contre lui-même. Une évolution dépressive était par ailleurs à craindre en cas d’insuccès d’une réadaptation par soi-même.

6.2.2 Dans son rapport du 6 juin 2023, qui remplit à l’évidence les critères pour que pleine valeur probante lui soit reconnue, la Dre N______ avait quant à elle retenu les diagnostics de troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation de dérivés du cannabis (F12) et d’autres troubles spécifiés (recte : précisés) de la personnalité et du comportement chez l’adulte (F68.8). Tout en reconnaissant la présence d’éléments persécutifs, d’une certaine psychorigidité, de croyances au surnaturel, d’une méfiance en début d’examen, ainsi que d’éléments du registre de la mégalomanie (cf. évaluation consensuelle), elle se prononçait en défaveur de la reconnaissance d’un trouble de la personnalité tel que retenu par son confrère en 2001, diagnostic qui n’aurait pas pu être posé selon elle. Il n’y avait pas, et il n’y avait jamais eu d’incapacité de travail d’un point de vue psychiatrique selon l’experte.

6.2.3 Il s’agit là à l’évidence d’une appréciation divergente d’un même état de fait, ce d’autant que l’experte mentionne une absence d’évolution de l’état de santé. On ne voit en effet pas, à l’instar de ce qu’a retenu le Tribunal administratif fédéral dans son arrêt du 25 octobre 2021 s’agissant de l’appréciation du Dr H______, précédent expert psychiatre, en quoi la situation de fait se serait modifiée au point de justifier une réévaluation de la capacité de travail. Les différents traits de personnalité relevés par le Dr F______ sont manifestement toujours présents. Le recourant a persisté dans la mise en œuvre de son autoguérison, se soignant par lui-même avec des sources d’eau chaude et des plantes, notamment. Il a repris la consommation de stupéfiants et, quoi qu’en dise l’intéressé, il semble toujours présenter une certaine difficulté dans les relations sociales, difficulté empreinte d’impulsivité. L’absence de survenue d’un conflit ouvert avec un ancien voisin en Guadeloupe n’apparaît pas liée à la diminution de son impulsivité, mais bien plutôt à l’intervention de tiers. De la version qu’il a donné de cet événement à l’experte, il ressort en outre un certain détachement vis-à-vis d’autrui et un manque de reconnaissance envers ceux qui lui auraient apparemment apporté leur soutien. Ceci vient rejoindre les remarques du Dr F______ aux termes desquelles le recourant manque d’empathie.

6.2.4 Dans la mesure où les conclusions de la Dre N______ relatives aux diagnostics et à la capacité de travail ne sauraient être retenues au motif qu’elles constituent une appréciation divergente d’un état de fait similaire, sa conclusion relative à l’absence de lien de causalité entre les troubles non-invalidants diagnostiqués et l’accident assuré n’emporte aucune conséquence. L’intimée ne s’en est d’ailleurs par prévalue dans sa décision litigieuse.

6.2.5 S’agissant du changement de position du recourant concernant une prise en charge psychothérapeutique, celle-ci n’est pas déterminante. L’intimée est partie d’une prémisse erronée en exposant que le Dr F______ avait reconnu une incapacité de travail entière en raison du refus de toute aide extérieure par le recourant. Ce médecin avait mentionné qu’un tel traitement devrait être mis en place avant toute tentative de reprise du travail, sans lier cette recommandation à ses conclusions. Sur ce point, les avis des Drs F______ et N______ se rejoignent, puisque chacun estime nécessaire la mise en place d’une psychothérapie, sans toutefois en faire dépendre leurs conclusions relatives à la capacité de travail. Le changement d’attitude du recourant sur ce point doit également être relativisé, car s’il ne se dit plus fermé à une psychothérapie, il n’a pas non plus démontré une volonté de traiter les troubles dont il est atteint, puisque la psychothérapie est vue exclusivement comme un moyen de reparler du traumatisme qu’a été pour lui l’accident, et non comme une mesure de soins.

6.2.6 Le dossier ne permet pas non plus de retenir que le recourant se serait adapté à son handicap psychique, justifiant par là une révision du droit à la rente (cf. ATF 141 V 9 consid. 2.3). Les conditions dans lesquelles vit le recourant depuis de nombreuses années (très grande solitude) le mettent en grande partie à l’abri de situations problématiques avec autrui en raison de ses traits de personnalité dysfonctionnels. La persistance d’une incompatibilité psychique et sociale à la reprise du travail ne peut ainsi être que confirmée au degré de la vraisemblance prépondérante prévalant dans le domaine des assurances sociales.

6.3 Il suit de tout ce qui précède que l’intimée n’était pas fondée à procéder à une révision du droit à la rente en raison d’une modification de l’état de santé psychique. L’OAIE a d’ailleurs considéré à bon droit, à ce propos et suite à l’expertise rendue par le M______, que les états de fait prévalant aux moments de l’octroi initial de la rente et de la décision sur révision étaient superposables, une évolution positive notable étant ainsi exclue.

7.              

7.1 Dans un second argument, le recourant fait valoir que son état de santé physique et les limitations fonctionnelles qui en découlent sont inchangées. En conséquence, la rente entière devait être maintenue, faute de modification notable de l’état de santé.

7.2 L’absence de modification notable de l’état de santé d’un point de vue somatique n’est pas contestée, à juste titre, par l’intimée. En effet, les limitations fonctionnelles reconnues au terme de l’expertise du M______ sont quasiment identiques à celles retenues par le médecin-conseil de l’intimée en 2000.

7.3 L’état de santé physique ne justifie pas non plus une révision du droit à la rente.

8.             Il suit de tout ce qui précède que l’intimée n’était pas en droit de diminuer la rente d’invalidité servie au recourant. Sa décision, en tant qu’elle limite l’octroi d’une rente d’invalidité fondée sur un taux de 100% au 31 mars 2023, sera annulée.

Le recourant, qui obtient gain de cause et qui est assisté d’un conseil, a droit à des dépens qui seront fixés à CHF 3'000.- (art. 61 let. g LPGA).

La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Dit que le recourant a droit à une rente d’invalidité de 100% au-delà du 31 mars 2023.

4.        Alloue au recourant une indemnité de CHF 3'000.- à charge de l’intimée.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Pascale HUGI

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Laurence PIQUEREZ

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le