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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3560/2023

ATAS/562/2024 du 03.07.2024 ( LPP ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3560/2023 ATAS/562/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 3 juillet 2024

Chambre 4

 

En la cause

A______

représenté par Maître Marie-Josée COSTA

 

 

demandeur

 

contre

LA COLLECTIVE DE PRÉVOYANCE – COPRE

représentée par Maître Anne TROILLET

 

 

défenderesse

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le demandeur), a créé courant 2017 la société B______, dont il est l’administrateur unique et employé.

b. La Collective de Prévoyance COPRE (ci-après : COPRE ou la défenderesse) est une fondation inscrite au registre du commerce du canton de Genève dont le but social est de fournir toutes prestations de prévoyance professionnelle dans le cadre de la LPP et des ordonnances d’application, en faveur du personnel des employeurs et indépendants avec personnel qui lui sont affiliés.

c. Par convention d’affiliation du 28 mars 2018, B______ s’est affiliée à la COPRE avec effet au 1er janvier 2018. La convention était conclue pour une durée initiale de trois ans, soit jusqu’au 31 décembre 2021, renouvelable tacitement d’année en année, sauf dénonciation par l’une des parties six mois avant l’échéance, pour la première fois au 31 décembre 2020.

d. Madame C______, épouse de l’assuré, a rejoint B______ en tant qu’employée et a été affiliée à la COPRE dès le 1er juin 2019.

e. Dès le 19 octobre 2020, elle s’est trouvée en incapacité totale de travailler après s’être vue diagnostiquer un cancer.

f. Elle a déposé une demande de prestations AI le 5 mars 2021.

g. Le 29 juin 2021, elle a procédé à un rachat volontaire de prévoyance à hauteur de CHF 182'954.10 correspondant au montant maximum de rachat possible.

h. Par décision du 4 octobre 2021, l’office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI) lui a octroyé une rente entière d’invalidité avec effet au 1er octobre 2021.

i. L’épouse de l’assuré est décédée le ______ 2022.

j. Le 15 juin 2022, la COPRE a informé l’assuré de ce que, suite au décès de son épouse, il pouvait prétendre, en tant que conjoint survivant, au remboursement du rachat volontaire du 29 juin 2021 (CHF 182'954.-) ainsi qu’au versement d’un capital décès complémentaire correspondant à 300% du salaire assuré (soit CHF 180'000.- pour un salaire assuré de CHF 60'000.-).

Il avait enfin droit à une rente annuelle de conjoint survivant se montant à CHF 18'000.-, alternativement au versement de l’avoir de vieillesse à la date du décès, soit un capital de CHF 37'614.85.

k. Le 21 juin 2022, l’assuré a écrit à la COPRE pour faire part de sa déception quant au montant de CHF 37'614.85 prévu au titre de capital pour conjoint survivant.

Lors de son affiliation auprès de la COPRE, les conditions d’assurance prévoyaient pour ce poste le versement d’un montant correspondant à celui de la rente de veuf capitalisée et non pas du montant de l’avoir de vieillesse. C’était d’ailleurs également ce que prévoyait le règlement de la plupart des institutions de prévoyance, y compris celle auprès de laquelle il avait été affilié jusqu’alors.

Dans la mesure où le changement des conditions d’assurance en sa défaveur ne lui avait jamais été communiqué, le demandeur invitait la COPRE à lui soumettre une proposition conforme au contrat. À défaut, il serait contraint d’opter pour le versement d’une rente de veuf, seule option économiquement intéressante bien qu’initialement non souhaitée par l’intéressé.

l. Le 23 juin 2022, le courtier à l’origine de l’affiliation de B______ auprès de la COPRE a adressé un courriel à l’institution de prévoyance afin de souligner qu’il l’avait recommandée à l’assuré du fait qu’elle offrait des prestations en cas de décès identiques à celles de sa fondation de prévoyance précédente, dont en particulier l’option du versement d’un capital décès correspondant à la valeur capitalisée de la rente de conjoint. Ni lui-même, ni B______ n’avaient été informés de l’importante modification du règlement en 2021 sur ce point. Il demandait dès lors que la situation de son client soit réexaminée.

m. Le 7 juillet 2022, la COPRE a indiqué que le droit aux prestations se déterminait en fonction du règlement de prévoyance en vigueur lors de la réalisation du cas d’assurance, soit en l’espèce celui en vigueur au 1er janvier 2022. Les prestations mentionnées dans le courrier du 15 juin 2022 ayant été établies conformément audit règlement, il n’y avait pas matière à les revoir.

n. Le 2 août 2022, l’assuré a fait part de son désaccord avec la position de la COPRE, par l’intermédiaire de son conseil. Il a souligné que la modification unilatérale du règlement ne lui avait jamais été communiquée de sorte qu’elle ne pouvait lui être opposée et qu’il avait donc droit aux prestations prévues par le règlement qui était en vigueur lors de son adhésion à la caisse.

o. Par courrier du 29 août 2022, la COPRE a indiqué que son règlement avait déjà été modifié avec effet au 1er janvier 2021, date à partir de laquelle les prestations de conjoint survivant ne pouvaient plus être versées sous la forme d’une prestation en capital unique, correspondant au capital de couverture de la rente de conjoint. Les modifications du règlement avaient par ailleurs été indiquées sur le site internet de la COPRE.

p. Le 9 mars 2023, l’assuré a maintenu que la COPRE avait violé son devoir d’information en ne faisant état de la modification du règlement que sur son site internet, ce qui était insuffisant selon la jurisprudence en la matière. Il devait donc disposer du choix offert par le règlement de prévoyance en vigueur au moment de son adhésion à la caisse.

B. a. Les parties ayant maintenu leurs positions respectives, l’assuré a déposé une demande en paiement auprès de la chambre de céans le 1er novembre 2023, concluant à ce que la COPRE soit condamnée à lui verser le capital décès correspondant à la réserve mathématique de la rente conjoint qu’il remplace, avec suite d’intérêts et de dépens.

Reprenant les arguments soulevés dans ses échanges de courriers avec la défenderesse, le demandeur a souligné que la jurisprudence du Tribunal fédéral avait précisé qu’une violation du devoir d’informer d’une institution de prévoyance avait les mêmes conséquences que celles prévues en cas de renseignements erronés en droit administratif. Ainsi, si les conditions de la protection de la bonne foi étaient réunies, l’assuré pouvait prétendre à une prestation, même si les conditions légales et règlementaires n’étaient, du fait du défaut d’information préalable, pas remplies.

En l’occurrence, si le demandeur avait été informé valablement par la défenderesse de la modification essentielle du règlement, il aurait, au vu de l’état de santé de son épouse, dénoncé la convention et se serait affilié à une des nombreuses autres caisses de pension prévoyant le versement d’un capital correspondant au capital de couverture de la rente conjoint. L’absence de communication conforme de la modification du règlement ne lui ayant pas permis de procéder à un tel changement, le demandeur avait subi un dommage dont la défenderesse devait répondre.

b. La défenderesse a répondu le 30 janvier 2024, concluant au rejet de la demande avec suite de dépens.

Le nouveau règlement comportant la disposition litigieuse était entré en vigueur le 1er janvier 2021 et était depuis lors librement accessible sur le site internet de la COPRE. Ce mode de diffusion satisfaisait pleinement aux obligations légales d’informations au vu de la nature de la disposition litigieuse qui n’introduisait pas un nouveau type de prestations ou encore une exigence nouvelle conditionnant l’octroi de prestations existantes.

Il était en outre précisé que l’attention de l’épouse du demandeur avait été attirée par courrier, lors de son admission au sein de la caisse, sur le fait que les règlements se trouvaient sur le site internet de la COPRE.

Enfin, les différentes versions du règlement de prévoyance, dont celle en vigueur au moment de l’affiliation de B______, prévoyaient toutes que le site internet de la COPRE servait à la diffusion de l’information.

Dans ces circonstances, il y avait lieu de retenir que la défenderesse avait bien respecté son devoir d’information tant à l’égard du demandeur que de son épouse.

À titre subsidiaire, la défenderesse relevait que même si par impossible il convenait de retenir une violation du devoir d’information, sa responsabilité ne pouvait pas être engagée sur le fondement de la bonne foi. En effet, le demandeur ne pouvait se prévaloir d’un dommage fondé sur une violation du principe de la bonne foi, dans la mesure où, même s’il avait été informé de la modification du règlement au 1er janvier 2021, il aurait pu résilier le contrat avant le 31 juin 2021 pour le 31 décembre 2021.

Or, au vu de l’état de santé de l’épouse du demandeur durant cette période et dans la mesure qui plus est où B______ ne comportait que trois employés jusqu’au 30 septembre 2021, il n’était guère vraisemblable que durant ce premier semestre de 2021, une institution de prévoyance aurait soumis une offre d’affiliation à la société sans émettre de réserve de santé ni limiter au minimum légal le droit aux prestations de survivants.

c. Le 28 février 2024, le demandeur a persisté dans les termes et conclusions de sa demande. La violation du devoir d’information était établie et l’avait empêchée de faire des démarches auprès d’autres institutions de prévoyance en 2021 encore. Quant au fait qu’aucune institution de prévoyance n’aurait soumis une offre d’affiliation à B______ ou aurait accepté de l’assurer durant cette période, il s’agissait de pures spéculations.

Il était donc démontré que le défaut d’information avait causé un dommage.

d. Le 19 mars 2024, la défenderesse a persisté dans les termes et conclusions figurant dans sa réponse.

e. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce ou de dissolution du partenariat enregistré, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO - RS 220]; art. 52, 56a, al. 1, et art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 [LPP - RS 831.40] ; ancien art. 142 du Code civil [CC - RS 210]).

1.2 Le for de l’action est au siège ou au domicile suisse du défendeur ou au lieu de l’exploitation dans laquelle l’assuré a été engagé (art. 73 al. 3 LPP). Le demandeur fait valoir des prétentions à l’encontre d’une institution de prévoyance dont le siège se situe à Genève, canton correspondant également au lieu de l’exploitation dans laquelle il a été engagé. La chambre de céans est donc compétente aussi à raison du lieu pour connaître de la présente demande.

1.3 L'ouverture de l'action prévue à l'art. 73 al. 1 LPP n'est soumise, comme telle, à l'observation d'aucun délai (ATAS/929/2017 du 18 octobre 2017 consid. 2 et les références citées).

La demande respecte en outre la forme prévue à l’art. 89B al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10) qui régit la procédure en matière de prévoyance professionnelle à Genève.

Partant, elle est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit du demandeur au versement par la défenderesse, suite au décès de son épouse, d’un capital correspondant à la réserve mathématique de la rente conjoint qu’il remplace, avec suite d’intérêts, ce conformément au règlement prévoyance en vigueur au moment de l’affiliation de sa société auprès de la défenderesse.

3.              

3.1 Les institutions de prévoyance qui participent à l’application du régime obligatoire de la prévoyance professionnelle (art. 48 al. 1 LPP) doivent respecter les exigences minimales fixées aux art. 7 à 47 LPP (art. 6 LPP). Il leur est toutefois loisible de prévoir des prestations supérieures aux exigences minimales fixées dans la loi (art. 49 LPP ; Message du Conseil fédéral du 19 décembre 1975 l’appui d’un projet de loi sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, FF 1976 I 127 ; ATF 136 V 313 consid. 4.2 ; 131 II 593 consid. 4.1). Lorsqu’une institution de prévoyance décide d’étendre la prévoyance au-delà des exigences minimales fixées dans la loi (prévoyance surobligatoire ou plus étendue), on parle alors d’institution de prévoyance "enveloppante". Une telle institution est libre de définir, dans les limites des dispositions expressément réservées à l’art. 49 al. 2 LPP, le régime de prestations, le mode de financement et l’organisation qui lui convient, pour autant qu’elle respecte les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité ainsi que l’interdiction de l’arbitraire (ATF 136 V 313 consid. 4.3 ; 115 V 103 consid. 4b).

La convention dite d'affiliation d'un employeur à une fondation collective ou à une fondation commune est un contrat sui generis fondé sur l'art. 11 LPP (ATF 120 V 299 consid. 4a et les références), pour la conclusion duquel il y a lieu d'appliquer les règles du droit des obligations (ATF 129 III 476 consid. 1.4 et les références).

3.2 Conformément à l’art. 10 al. 1 LPP, l’assurance obligatoire commence en même temps que les rapports de travail. Comme le relève la doctrine, dans le domaine de la prévoyance professionnelle obligatoire, le rapport de prévoyance est une conséquence légale obligatoire de la conclusion d’un contrat de travail et il naît de par la loi si les autres conditions légales sont remplies (salaire minimum de l’art. 7 al. 1 LPP et absence de motif d’exclusion au sens de l’art. 1 j al. 1 OPP2), alors que dans le domaine de la prévoyance professionnelle surobligatoire ou étendue, le rapport entre le destinataire et une institution de prévoyance de droit privé est fondé sur le contrat de prévoyance et il débute en principe en même temps que les rapports de travail, mais seulement à partir du moment où le salarié se soumet expressément ou par actes concluants au règlement de prévoyance (Jürg BRECHBÜHL/Maya GECKELER HUNZIKER, in Jacques-André SCHNEIDER/Thomas GEISER/Thomas GÄCHTER [éd.], LPP et LFLP [Lois fédérales sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité et sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité], 2e éd., 2020, n. 7 et 11 ad art. 10 LPP et les références citées).

Dans la mesure où l’art. 6 LPP prévoit que la deuxième partie de la loi fixe des exigences minimales et où cette deuxième partie ne mentionne pas la possibilité d’émettre des réserves pour raisons de santé, il faut en déduire que de telles réserves peuvent être formulées dans la prévoyance professionnelle surobligatoire ou étendue sur la base de l’art. 331c du code des obligations (CO) qui prévoit que les institutions de prévoyance peuvent faire des réserves pour raisons de santé en relation avec les risques d’invalidité et de décès (phr. 1). La durée de ces réserves est de cinq ans au plus (phr. 2). Cette disposition se réfère aux réserves émises lors de l’entrée de la personne assurée dans l’institution de prévoyance (ATF 130 V 9 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal Fédéral 9C_810/2011 du 4 juin 2012 consid. 4.2.1), en règle générale après qu’elle a rempli un questionnaire de santé, et de telles réserves ne peuvent être formulées que pour les risques d’invalidité et de décès.

La loi fédérale du 17 décembre 1993 sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LFLP - RS 831.42) prévoit également des règles applicables aux réserves de santé. Aux termes de l’art. 14 LFLP, la prévoyance rachetée au moyen de la prestation de sortie apportée ne peut être réduite par une nouvelle réserve pour raisons de santé (al. 1). Le temps de réserve déjà écoulé dans l’ancienne institution de prévoyance doit être imputé à la nouvelle réserve. Les conditions de la nouvelle institution de prévoyance sont applicables si elles sont plus favorables pour l’assuré (al. 2). C’est ainsi que lors d’un changement d’institution de prévoyance, la durée de la réserve déjà écoulée dans l’ancienne institution doit être imputée sur la durée de réserve fixée par la nouvelle institution (Christian BRUCHEZ/Patrick MANGOLD/Jean-Christophe SCHWAAB, Commentaire du contrat de travail selon le code des obligations, 4e éd., 2019, n. 1 ad art. 331c CO et les références citées).

3.3 Selon l’art. 37 al. 1 LPP, les prestations de vieillesse, pour survivants et d'invalidité sont allouées en règle générale sous forme de rente. En plus de quelques cas légaux, ici non pertinents, dans lesquels un versement en capital peut intervenir (art. 37 al. 2 et 3 LPP), l’institution de prévoyance peut prévoir dans son règlement que les ayants droit peuvent choisir une prestation en capital en lieu et place d’une rente de vieillesse, de survivants ou d’invalidité et respectent un délai déterminé pour faire connaître leur volonté de recevoir une prestation en capital (art. 37 al. 4 LPP).

La rente représente la forme de prestations ordinaire, car le versement en capital peut conduire à une prévoyance vieillesse insuffisante, faisant peser le risque de longévité sur l’assuré alors qu’il devrait être assumé plutôt par l’institution de prévoyance. La forme de la rente du 2ème pilier s’harmonise avec le caractère complémentaire de la prévoyance professionnelle par rapport à l’assurance vieillesse, survivants et invalidité fédérale. Les exceptions à la règle générale offrent néanmoins à l’assuré une certaine liberté dans l’utilisation du capital-vieillesse qu’il s’est acquis auprès de l’institution de prévoyance (FF 1976 I 117 ss, 217 ; Bettina KAHIL-WOLFF, in LPP et LFLP, éd. par Jacques-André SCHNEIDER/ Thomas GEISER/ Thomas GÄCHTER, 2010, n. 4 ad art. 37 LPP).

Le droit d’opter pour un versement en capital en lieu et place d’une rente nécessite une disposition statutaire expresse (ATF 115 V 96 consid. 6).

3.4 L’art. 86b al. 1 LPP charge les institutions de prévoyance de renseigner chaque année ses assurés de manière adéquate sur leurs droits aux prestations, le salaire coordonné, le taux de cotisation et l’avoir de vieillesse, l’organisation et le financement, les membres de l’organe paritaire.

Selon le Tribunal fédéral, le sens et le but de l'obligation des institutions de prévoyance d'informer les assurés au sens de l'art. 86b LPP sont notamment de permettre à ces derniers de comprendre en tout temps l'état et l'évolution de leur situation individuelle en matière de prévoyance. L'information doit être fournie spontanément et, selon le texte de la loi, sous une forme appropriée (ATF 136 V 331 consid. 4.2.1).

L'information sur les prestations présuppose que les conditions d'ouverture du droit à celles-ci soient expliquées, notamment en ce qui concerne le droit à une rente de conjoint survivant pour le partenaire non-enregistré. Il ne suffit pas, à cet égard, de renvoyer l'assuré à la lecture d'une loi publiée dans le Recueil Officiel des lois cantonales pour considérer qu'il y a eu une information suffisante. Il en irait différemment lorsque l'assuré a été renvoyé à la lecture de la loi, mais avec l'indication des principales nouveautés en matière de droits aux prestations (ATF 136 V 331 consid. 4.2.3.1).

La remise à l'employeur du rapport annuel de l'institution de prévoyance, qui contient des indications sur la rente de partenaire survivant non enregistré, ne constitue pas une information au salarié. Même si l'employeur devait être tenu légalement ou par voie de règlement à une telle transmission d'informations au salarié, la Haute Cour juge qu'il est douteux qu'une telle obligation légale soit conforme à l'exigence de l'information de l'assuré prévue par l'art. 86b LPP. Le fait d'avoir omis d'informer complètement, dans le certificat d'assurance, sur le droit à la rente de conjoint survivant pour le concubin, constitue un renseignement incomplet de l'institution de prévoyance. Dans une telle situation, la jurisprudence prescrit de déterminer si, sur la base de ce renseignement insuffisant, l'assuré a pris des dispositions sur lesquelles il ne pouvait plus être revenu en raison de la survenance du décès. Si tel est le cas, la protection de la bonne foi de l'assuré devra être protégée (ATF 136 V 331 consid. 4.2.3.1).

Dans un arrêt 9C_339/2013 du 29 janvier 2014, le Tribunal fédéral était amené à connaître d'un cas où la recourante se plaignait d'une violation de l'art. 86b al. 1 let. a LPP. En substance, elle reprochait à l'institution de prévoyance de ne pas avoir informé l'assuré défunt, en l'occurrence son concubin, du durcissement des conditions d'octroi à la rente de partenaire. Le concubin en question avait reçu deux courriers de la part de l'institution de prévoyance, le conviant à l'assemblée ordinaire des assurés. L'ordre du jour mentionnait que les principales adaptations et nouveautés du règlement de prévoyance y seraient discutées, sans toutefois contenir des indications quant aux modifications relatives à la rente de partenaire, à savoir qu'une désignation par écrit du bénéficiaire, par l’assuré, de son vivant, conditionnait désormais le droit aux prestations. Le concubin de la recourante n'avait pas annoncé cette dernière de son vivant à l'institution de prévoyance, si bien que la recourante s'était vue priver d'un droit à une rente de partenaire. Le Tribunal fédéral a retenu que le devoir d'information de l'institution de prévoyance n'était pas rempli dès lors que cette dernière n'avait pas mentionné dans ses courriers les conditions d'octroi de la rente de partenaire ou renvoyé au règlement concernant les conditions de cette prestation. Bien que les assurés aient accès au règlement de prévoyance modifié, la Haute Cour a jugé que les modifications de la rente de partenaire étaient essentielles dès lors que le droit aux prestations était désormais subordonné à une communication écrite à l'institution de prévoyance de l'identité de l'ayant droit. Un tel droit était en revanche nié si la personne assurée n'avait pas procédé à cette communication avant l'âge de la retraite. L'institution de prévoyance n'avait donc pas garanti que ses assurés aient été en mesure d'agir à temps pour préserver un éventuel droit à la rente de partenaire, ce qui constituait une violation de l'art. 86b al. 1 LPP (consid. 5.3 et 5.4).

Dans le même arrêt, le Tribunal fédéral a encore souligné que les droits aux prestations sur lesquels l'institution de prévoyance doit informer l’assuré chaque année conformément à l'art. 86b al. 1 let. a LPP comprennent toutes les prestations légales et réglementaires en cas de sortie de l'institution de prévoyance ainsi qu'en cas de survenance d'un cas d'assurance (vieillesse, invalidité ou décès). Si le règlement de prévoyance ou, dans le cas d'institutions de prévoyance de droit public, la loi ou l'ordonnance correspondante prévoient une rente de partenaire, l'information doit également porter sur ce type de prestation. La loi ne précise pas quelle est la forme d'information appropriée. Le sens et le but de l'obligation des institutions de prévoyance d'informer les assurés selon l'art. 86b LPP est notamment de permettre à ces derniers de comprendre à tout moment l'état et l'évolution de leur situation individuelle en matière de prévoyance (consid. 5.1).

Le Tribunal fédéral a également confirmé que l'introduction de la rente de partenaire était, tant pour les assurés actifs que pour les personnes percevant une rente, une modification incontestablement importante du point de vue de la prévoyance, de sorte qu'elle devait être communiquée sous une forme appropriée (ATF 133 V 314, consid. 5.1).

4.              

4.1 En l’espèce, la défenderesse a fait usage de la possibilité que réserve l’art. 37 al. 4 LPP de permettre à la personne assurée de percevoir une prestation en capital en lieu et place de tout ou partie de la rente de survivant (art. 28 al. 2 des règlements de prévoyance successifs 2017, 2019, 2021 et 2022).

Cela étant, si la prestation en capital était prévue tant au moment de l’affiliation qu’à celui du décès de l’épouse du demandeur, la manière dont le capital est calculé a changé avec l’entrée en vigueur du règlement de 2021.

En effet, au moment de l’affiliation et jusqu’au 31 décembre 2020, les conditions d’assurance prévoyaient qu’en cas de décès, le capital pour conjoint survivant correspondait « à la réserve mathématique de la rente qu'il remplace » (art. 40 al. 2 du règlement 2017 et 2019), autrement dit au montant de la rente de veuf capitalisée.

Dès le 1er janvier 2021 et notamment au moment de la réalisation du cas d’assurance, soit celui du décès de l’épouse du demandeur, cette clause a été modifiée en ce sens que le capital pour conjoint survivant correspond désormais au montant de l’avoir de vieillesse accumulé au décès de l’assuré actif (art. 39 al. 2 du règlement 2021 et art. 39 al. 3 du règlement 2022).

Contrairement à ce qu’allègue la défenderesse, il s’agit objectivement d’une modification qui a une incidence importante sur l'évolution de la situation individuelle en matière de prévoyance de l’assuré. En effet, sans qu’il ne soit possible de calculer précisément la différence in casu (faute notamment des bases et taux techniques qui auraient été pris en compte), il est indéniable que le montant du capital pour conjoint survivant calculé selon le règlement 2017 ou 2019 aurait été largement supérieur à celui prévu sur la base des règlements 2021 et 2022.

Cette modification est tout aussi essentielle que le durcissement des conditions d'octroi à la rente de partenaire dont le Tribunal fédéral a eu à connaître dans l’arrêt 9C_339/2013 précité.

Il découle de ce qui précède que cette modification devait faire l’objet d’une information qualifiée, appropriée à l’ampleur des enjeux. Tel n’a manifestement pas été le cas, dans la mesure où, comme la défenderesse l’admet, elle a uniquement communiqué la modification en mettant les nouveaux règlements (2021 et 2022) en ligne sur son site internet. Elle n’a pas pris la peine d’informer individuellement ses ayants droits - ni même, au demeurant, les employeurs affiliés auprès d’elle - de l’entrée en vigueur d’un nouveau règlement, encore moins des modifications que celui-ci comportait par rapport à l’ancien. Quant à la publication du nouveau règlement sur son site internet, la défenderesse s’est limitée à mettre en ligne le texte brut des règlements successifs, sans aucun commentaire relatif aux nouveautés et changements qu’il impliquait.

Cette information était insuffisante pour permettre aux assurés de comprendre l'état et l'évolution de leur situation individuelle et de l’étendue de leur droit aux prestations de prévoyance (cf. 9c _339/2013, consid. 5.1). Elle ne saurait être considérée comme appropriée au vu de l’importance des modifications concernées.

Le fait que lors de son admission au sein de la défenderesse en juin 2019, la confirmation d’affiliation adressée à l’épouse du demandeur indiquait que le règlement se trouvait sur le site internet de la COPRE n’est pas de nature à modifier ce constat. Il en va de même du fait que les différents règlements successifs stipulaient que le site internet de la défenderesse servait à la diffusion de l’information. Quant à l’affirmation de la défenderesse selon laquelle le demandeur ou son épouse auraient forcément pris connaissance des modifications du règlement quant à la méthode de calcul du capital de conjoint survivant au moment du rachat volontaire de juin 2021, elle ne repose sur aucun élément tangible.

Ainsi, au vu des circonstances, force est d’admettre que la défenderesse a violé son obligation de renseigner, en n’informant pas de manière adéquate ses assurés, soit en l’occurrence le demandeur et son épouse du changement important dans le mode de calcul du capital revenant au conjoint survivant.

4.2 Restent à examiner les conséquences de cette violation.

4.2.1 Selon le Tribunal fédéral, le fait de supprimer une disposition réglementaire prévoyant la possibilité d'une assurance externe n'entraîne pas automatiquement la possibilité pour l'assuré concerné de se fonder sur l'ancienne disposition réglementaire, alors même que le devoir d'information n'aurait pas été respecté. En effet, encore faut-il que l'assuré ait pris des dispositions, respectivement qu'il en aurait pris d'autres, afin de pourvoir s'adapter à cette modification réglementaire (arrêt du Tribunal fédéral 9C_204/2017 consid. 3.1 et 3.2).

Au final, les conséquences d’une omission de renseigner, alors même que la loi impose un devoir de conseil ou qu’un tel devoir s’impose au vu des circonstances, doivent être mises sur un pied d’égalité avec les conséquences résultant d’une omission ou d’un refus de renseigner (ATF 131 V 472, consid. 5).

Sur cette base, la chambre de céans a ainsi rappelé que, pour qu’une violation de son devoir d’information par une institution de prévoyance soit susceptible d’engager sa responsabilité en application du principe de la bonne foi, il faut que l’institution de prévoyance ait agi dans une situation concrète à l’égard d’une personne déterminée, ait été compétente ou devait être considérée comme compétente par la personne renseignée ou qui aurait dû l’être, et ait donné à cette dernière un renseignement inexact ou incomplet ou omis de lui donner un renseignement sans que celle-ci n’ait été en mesure d’en identifier l’inexactitude ou le caractère incomplet ou l’absence d’une information, et il faut encore que, se basant sur le renseignement inexact ou incomplet obtenu ou l’absence d’une information, la personne assurée ait pris des dispositions irréversibles ou sur lesquelles elle ne peut revenir sans subir de dommage, étant ajouté que l’inexactitude ou le caractère incomplet du renseignement obtenu ou l’omission de le donner ne doivent pas tenir à un changement de législation intervenu subséquemment (ATAS/349/2016, consid. 4.b et références citées).

4.2.2 En l’espèce, seule est litigieuse la prise par le demandeur de « dispositions irréversibles sur lesquelles il ne peut revenir sans subir de dommage », du fait de l’absence d’information par la défenderesse.

Le demandeur, administrateur unique de B______, assuré auprès de la défenderesse indique en substance que sa société aurait résilié le contrat la liant à la défenderesse et se serait affiliée auprès d’une autre caisse de prévoyance s’il avait été informé de la modification du règlement quant à la manière dont le capital de conjoint survivant était calculé. Cette affirmation est rendue vraisemblable non seulement par le demandeur lui-même, mais également par son courtier, qui a confirmé avoir recommandée la défenderesse au demandeur du fait qu’elle offrait des prestations en cas de décès identiques à celles de sa fondation de prévoyance précédente, dont en particulier l’option du versement d’un capital décès correspondant à la valeur capitalisée de la rente de conjoint.

Si son intention apparaît ainsi crédible, il n’en demeure pas moins qu’un tel changement n’apparaît guère réaliste. En effet, le nouveau règlement comportant la modification relative au calcul du capital de conjoint survivant a été adopté le 3 décembre 2020 et est entré en vigueur le 1er janvier 2021 (art. 65 du règlement 2021). Le devoir d’informer du changement existait ainsi au plus tôt le 3 décembre 2020.

À cette date, B______ employait uniquement trois personnes, dont le demandeur et son épouse. Celle-ci se trouvait par ailleurs déjà en incapacité totale de travailler depuis le 19 octobre 2020 et s’était vue diagnostiquer un cancer. Le contrat d’affiliation ne pouvait en outre être résilié par le demandeur (en tant qu’administrateur de B______) que pour le 31 décembre 2021, dans la mesure où il se reconduisait automatiquement d’année en année, sauf résiliation donnée six mois auparavant.

Ainsi, vu le faible nombre d’employés de B______, l’incapacité de travail durable de l’épouse du demandeur et son état de santé déclinant (cf. notamment rapport du 25 mars 2021 du médecin traitant à l’attention de l’OAI), il n’est guère vraisemblable qu’entre le 3 décembre 2020 et le 30 juin 2021, le demandeur - en tant qu’administrateur unique de B______ - aurait été en mesure de faire affilier sa société (et donc assurer son épouse) auprès d’une autre caisse proposant, en cas de décès du conjoint, le versement d’un capital correspondant à la valeur capitalisée de la rente de conjoint (soit une prestation de prévoyance étendue) sans aucune réserves quant à la situation de son épouse.

Il sied en effet de souligner que le versement d’un tel capital excédant les prestations minimales prévues par la LPP, de telles réserves sont admissibles et au demeurant usuelles. Comme la défenderesse le relève à juste titre, il apparaît exclu qu’une institution de prévoyance aurait, en décembre 2020, assuré l’épouse du demandeur aux mêmes conditions que celles qui prévalaient lors de l’affiliation de B______ auprès de la COPRE au vu de son état de santé.

La chambre de céans constate ainsi que, même si la défenderesse avait respecté son devoir d’informer en portant la modification de son règlement à la connaissance du demandeur (en tant qu’assuré ou en tant qu’administrateur unique de B______) et de son épouse (en tant qu’assurée) de manière appropriée, dès son adoption le 3 décembre 2020, ceux-ci n’auraient pas été en mesure de s’affilier à une nouvelle caisse de prévoyance ouvrant le droit au versement d’un capital correspondant à la valeur capitalisée de la rente de conjoint.

Le demandeur ne subit donc aucun dommage du fait de la violation par la défenderesse de son devoir d’information aux assurés au sens de l’art. 86b al. 1 let. a LPP.

5.             Au vu de ce qui précède, la demande est rejetée.

La procédure est gratuite (art. 73 al. 2 LPP).

Ce principe exclut l’allocation de dépens à une organisation chargée de tâches de droit public, dont les institutions de prévoyance font partie, sauf en cas de témérité ou de légèreté (Ulrich MEYER / Laurence UTTINGER in Jacques-André SCHNEIDER / Thomas GEISER / Thomas GÄCHTER [édit.], Commentaire LPP et LFLP, 2ème éd. 2020, n. 94 ad art. 73 LPP), hypothèses non réalisées en l’espèce.

Partant, la défenderesse ne peut prétendre à des dépens.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        La rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le